Texte intégral
Madame la Ministre,
Monsieur le Directeur Général,
Mesdames et Messieurs les Membres du Corps Diplomatique,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse de pouvoir m'exprimer aujourd'hui devant vous à l'occasion de mon premier déplacement en Irlande depuis que j'ai pris mes fonctions de ministre déléguée aux Affaires européennes. Le sujet qui nous rassemble aujourd'hui, "la modernisation économique et sociale des pays européens", est à mes yeux l'un des plus importants à l'heure actuelle sur la scène européenne.
Comment l'Europe sera-t-elle capable de concilier davantage de dynamisme économique - nécessaire à la croissance et à l'emploi - avec l'ambition sociale forte qui la caractérise ? On se souvient de la sensibilité particulière de cette question en France lors de la campagne référendaire sur le traité constitutionnel. Mais il est certain que les inquiétudes et attentes qui se sont exprimées dans la société française révèlent un courant de fond qui traverse, à des degrés divers, toutes les sociétés européennes.
Et de fait, beaucoup des débats ces derniers mois gravitent autour de ces thèmes.
C'est vrai de la proposition de directive sur les services, des délocalisations, des perspectives financières, mais aussi de l'élargissement. L'enjeu de la conciliation de l'économique et du social est au coeur de la stratégie de Lisbonne qui vise tout à la fois un objectif de croissance et d'emploi et le renforcement de la cohésion sociale. Le prochain sommet informel des chefs d'Etat ou de gouvernement, que la Présidence britannique organisera en octobre, en est une nouvelle illustration. Ces sujets sont donc durablement inscrits dans le débat politique européen.
Je voudrais vous faire part de plusieurs réflexions dans cette perspective.
Tout d'abord, le débat que nous aurons entre Européens n'est pas de choisir entre l'économique et le social mais au contraire de mieux savoir comment les concilier.
Il est bien sûr erroné d'opposer les questions économiques et les questions sociales, comme si la prise en compte des premières supposait nécessairement de mettre entre parenthèses les secondes.
L'efficacité économique est nécessaire, tout comme l'est la dimension sociale. Et un bon système social est un facteur de richesse et de croissance. Qui peut penser que des programmes performants en matière de formation professionnelle ou une politique exigeante en matière de santé des salariés ne constituent pas des éléments qui font partie intégrante de l'attractivité et donc de la compétitivité d'un pays ?
Je pourrais également prendre l'exemple de la démographie. Nous savons bien, en effet, que le différentiel de croissance entre les Etats-Unis et l'Europe s'explique pour une part par la faible croissance démographique de l'Union. Retrouver un plus grand dynamisme démographique est un défi qu'il nous faudra relever ensemble.
Nous savons tous que nos pays sont différents ou qu'au sein de l'Union européenne chaque Etat a son propre système de sécurité sociale et de droit du travail, en fonction de son histoire et de ses traditions.
Mais, au-delà de ces différences, les Européens partagent un certain nombre de valeurs communes qui les rassemblent et qui sont souvent nées sur notre continent : la lutte contre toute forme de discrimination, et notamment l'égalité de traitement entre les sexes, la protection sociale, la solidarité entre les générations, le rôle des partenaires sociaux, la fourniture d'un certain nombre de services d'intérêt général, etc. Autant de valeurs et de principes communs, que nous avons d'ailleurs inscrits pour la plupart dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union adoptée fin 2000.
Essayons donc plutôt de voir ce qui nous réunit. Réfléchissons ensemble à nos expériences, tirons-en le meilleur. Le choix n'est pas entre immobilisme et dumping social ou fiscal, entre initiative et solidarité, entre protection et audace.
Ne nous laissons donc pas abuser par la pseudo-querelle entre les anciens et les modernes. Nous poursuivons en réalité les mêmes objectifs.
Comment pouvons-nous donc agir pour être plus efficaces tout en restant fidèles aux valeurs qui sont les nôtres ?
- La responsabilité première est celle des Etats ;
- L'Europe constitue le cadre d'action indispensable à l'heure de la mondialisation.
La responsabilité première de la politique économique et sociale est celle des Etats.
Chacun sait la nécessité d'avoir une économie moderne adaptée aux impératifs de la mondialisation, qui est une réalité, qui est un facteur de croissance, mais qui est aussi une compétition. Plusieurs Etats européens enregistrent des résultats remarquables sur le plan économique et social.
Je pense notamment à votre pays, qui a le deuxième PIB par habitant en Europe et qui connaît un taux de chômage inférieur à 5 %. Je pense aussi à nos partenaires nordiques, dont l'exemple montre qu'un haut niveau de protection sociale non seulement n'affaiblit pas la compétitivité économique, mais peut au contraire la renforcer.
Ces expériences qui sont des réussites, nous ne devons pas hésiter à les observer voire à nous en inspirer, comme l'a dit le Premier ministre, Dominique de Villepin, au mois de juin dernier. Je suis convaincue que la diversité des solutions que mettent en place les pays face aux enjeux économiques et sociaux est une chance pour l'Europe et que nous pouvons beaucoup apprendre les uns des autres, sans renoncer à nos spécificités. En effet, face à de tels défis, aucun pays ne détient seul la réponse.
Pour sa part, la France a engagé des réformes importantes pour moderniser son économie tout en préservant le lien social afin de promouvoir ce que le Premier ministre a lui-même récemment appelé la "croissance sociale".
Ces dernières années ces réformes ont d'abord visé à consolider nos régimes sociaux, réformes des retraites et de l'assurance-maladie, destinées à en assurer la pérennité. La France a aussi entrepris une réforme profonde de l'Etat et de ses finances publiques.
Depuis la formation du nouveau gouvernement, la France s'est engagée dans une nouvelle étape. Le Parlement a voté les ordonnances permettant, entre autres, la modernisation de notre marché du travail au service de l'emploi, avec le souci de garantir les droits des salariés tout en favorisant leur accès au marché du travail ou le retour à l'activité.
A ainsi été créé le contrat "nouvelle embauche", destiné à mieux adapter les relations contractuelles aux très petites entreprises, qui constituent un fort gisement d'emploi et doivent être encouragées à embaucher. De même, le gouvernement entend assurer une mobilisation nationale du service public de l'emploi et de ses partenaires pour favoriser le reclassement dans les premiers mois de chômage. Les pays qui ont su faire reculer durablement le chômage sont ceux qui se sont donnés les moyens d'agir pour l'accompagnement et le reclassement des chômeurs. C'est pourquoi depuis le début du mois d'août nous avons mis en place un suivi actif de la recherche d'emploi.
Ces réformes sont en vigueur. De premiers signes apparaissent. Le taux de chômage est repassé très récemment sous la barre des 10 %. Mais il nous faut encore hâter le pas.
Le Premier ministre a ainsi annoncé le 1er septembre dernier une nouvelle phase de l'action du gouvernement. Celle-ci aura pour objet de remettre l'activité au coeur de notre politique sociale, de soutenir l'investissement et le pouvoir d'achat en France, ce qui suppose de moderniser aussi notre système fiscal.
Enfin, la France prépare l'avenir. Sous l'égide du président de la République, elle s'est ainsi engagée dans la voie d'une relance de sa capacité d'innovation et d'une dynamisation de son industrie. Dans ce cadre, la France souhaite favoriser l'émergence de grands projets industriels et de partenariats public-privé. La toute nouvelle Agence de l'innovation industrielle est chargée de promouvoir des programmes de recherche et développement à moyen et long terme. Par ailleurs la France a lancé 67 pôles de compétitivité sur l'ensemble du territoire, qui réuniront en un même lieu des compétences aujourd'hui dispersées.
Ces initiatives seront ouvertes à nos partenaires européens. Le président de la République a également proposé, le 30 août dernier à Reims, la création d'une "Agence européenne de l'innovation", à laquelle la France est prête à apporter son agence et ses financements.
En raison des efforts importants que l'Irlande a déployés pour développer des entreprises dans les domaines de la recherche et développement et des nouvelles technologies, l'Irlande constitue une référence de tout premier plan pour ses partenaires européens.
Vous le voyez, mon pays est déterminé à relever les défis de la mondialisation grâce à une économie ouverte, dynamique et tournée vers l'avenir. Et pour cela il est nécessaire de mobiliser toutes les énergies.
Mais nos actions nationales ne seront pleinement efficaces que si elles s'inscrivent dans le cadre européen.
Seule l'Union européenne a la taille critique pour contribuer à maîtriser la mondialisation, pour protéger nos concitoyens de ses effets négatifs et pour les aider à en tirer tous les bénéfices.
C'est pourquoi l'Europe est un cadre d'action efficace pour concilier davantage de dynamisme économique et la dimension sociale qui est la sienne et à laquelle nous sommes attachés. Son action doit venir renforcer celle des Etats membres.
En premier lieu, l'Union européenne doit prendre toute sa place dans la politique de dynamisation de la croissance et de l'emploi au service de la cohésion sociale.
C'est le coeur de la stratégie de Lisbonne, qui constitue notre cadre commun d'action. Nous sommes encore loin de l'objectif visant à faire de l'Union l'économie la plus compétitive au monde à l'horizon 2010, bien que des progrès aient été faits depuis cinq ans. C'est pourquoi nous devons davantage promouvoir l'économie européenne en utilisant les outils que nous avons su mettre en place.
Avec l'euro, nous avons réussi à nous doter d'une monnaie mondiale et stable, qui nous protège des chocs extérieurs et des dévaluations compétitives. Il nous faut à présent développer une meilleure coordination des politiques économiques, pour agir dans le même sens et être plus efficaces. Le renforcement de la gouvernance économique, et donc celui de l'Eurogroupe, est une nécessité, de même que l'amélioration du dialogue avec la banque centrale européenne, dans le respect de son indépendance. L'harmonisation fiscale est un autre chantier important qu'il faudra poursuivre.
La conquête des emplois de demain passe également par une action plus volontariste en matière de politique industrielle, de recherche, d'innovation et de grands réseaux. Utilisons les moyens à notre disposition, avec les grands projets tels ITER et Galileo, avec l'approfondissement du marché intérieur, pour faire émerger les grands champions européens de demain.
Pour la Recherche et le Développement, il faut développer le budget européen, en complément des budgets nationaux qui doivent eux-mêmes être accrus, comme on le fait en France. Je rappellerai à ce sujet que la proposition de budget pour 2007-2013 faite par le Luxembourg et acceptée par nos deux pays comme par la grande majorité des Etats membres, permettait de faire un premier pas en prévoyant 33% de plus pour la recherche et l'innovation.
Par ailleurs, je pense qu'il nous faut réfléchir à la possibilité de trouver des ressources complémentaires destinées à la recherche et à l'innovation, par exemple par le moyen d'un emprunt de la Banque européenne d'investissement. La présidence le proposait, à hauteur de 10 milliards d'euros. Nous pourrions faire bien davantage.
En deuxième lieu, dans le contexte de la mondialisation, l'Europe doit continuer d'affirmer une ambition sociale forte. Y renoncer serait renoncer à l'idée même d'Europe politique.
Affirmer cette ambition sociale requiert d'abord d'être vigilants dans l'élaboration des normes nouvelles que nous nous donnons entre Européens.
Le projet européen repose sur une exigence d'harmonisation car l'Europe, ce n'est pas la course au moins-disant fiscal ou social.
C'est pourquoi la France accorde, par exemple, une importance toute particulière aux négociations relatives à la proposition de directive sur le temps de travail et à la proposition de directive sur les services.
Le premier de ces textes doit permettre de fixer des règles minimales pour mieux protéger les salariés des pays qui ne disposent pas aujourd'hui d'une telle législation. Le second doit permettre de libéraliser les services en Europe, qui sont un moteur important de la croissance et une source de création d'emplois, sans pour autant impliquer un alignement vers le bas sur le droit le moins protecteur, que nous ne pourrions accepter.
La politique de cohésion doit aussi jouer pleinement son rôle pour favoriser la convergence économique entre anciens et nouveaux Etats membres et permettre ainsi à ces derniers de connaître un développement dont toute l'Union bénéficiera. Les Irlandais sont un exemple de réussite exceptionnelle en la matière. Le cur du projet européen, c'est aussi une exigence de solidarité entre les Etats membres. Mais pour cela, il faut une aide financière. C'est pourquoi nous avons regretté l'échec des négociations sur le budget européen et souhaitons un accord le plus rapidement possible, sur la base des propositions de la Présidence luxembourgeoise. Ces propositions permettaient de mettre en place un budget de modernisation, répondant aux besoins de l'Union élargie, et c'est pourquoi la France, comme l'Irlande, l'avait accepté.
Mais cette ambition sociale forte, nous devons aussi la porter au-delà de nos frontières. Etudions dans ce cadre les idées qui ont été mises sur la table pour que l'Europe reste fidèle à ses valeurs sociales dans la mondialisation. Je pense par exemple à la promotion des normes sociales - comme des normes environnementales - dans les relations commerciales extérieures de l'Union. Sur ces questions, l'Europe doit être en initiative et faire entendre sa voix.
Mesdames et Messieurs,
Voilà quelques pistes de réflexion que je souhaitais vous soumettre aujourd'hui. Vous aurez compris mon message principal : c'est ensemble, de manière unie, que nous pourrons relever les défis de la mondialisation, en sachant apprendre les uns des autres, nous inspirer des exemples qui marchent, et surtout en faisant de l'Europe un ensemble résolument tourné vers l'avenir, qui crée des emplois, qui aide nos sociétés à s'adapter et permette à chacun d'épanouir ses talents sans jamais pour autant renoncer aux valeurs européennes qui sont les nôtres et qui nous rassemblent.
C'est en apportant des réponses concrètes à ces enjeux que nous contribuerons à surmonter les difficultés que connaît aujourd'hui l'Europe.
C'est également de cette façon que nous saurons montrer à nos concitoyens que notre projet est celui d'une Europe politique, ambitieuse et solidaire.
Avançons donc dans cette direction. Et saisissons l'occasion que nous donne le sommet informel des chefs d'Etat ou de gouvernement prévu fin octobre pour rechercher ensemble un consensus sur ces questions cruciales pour l'avenir de nos pays et de l'Europe. La France se rendra à ce sommet dans un esprit constructif, pragmatique et avec des propositions. C'est tous ensemble que nous pourrons trouver les réponses.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 septembre 2005)
Monsieur le Directeur Général,
Mesdames et Messieurs les Membres du Corps Diplomatique,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse de pouvoir m'exprimer aujourd'hui devant vous à l'occasion de mon premier déplacement en Irlande depuis que j'ai pris mes fonctions de ministre déléguée aux Affaires européennes. Le sujet qui nous rassemble aujourd'hui, "la modernisation économique et sociale des pays européens", est à mes yeux l'un des plus importants à l'heure actuelle sur la scène européenne.
Comment l'Europe sera-t-elle capable de concilier davantage de dynamisme économique - nécessaire à la croissance et à l'emploi - avec l'ambition sociale forte qui la caractérise ? On se souvient de la sensibilité particulière de cette question en France lors de la campagne référendaire sur le traité constitutionnel. Mais il est certain que les inquiétudes et attentes qui se sont exprimées dans la société française révèlent un courant de fond qui traverse, à des degrés divers, toutes les sociétés européennes.
Et de fait, beaucoup des débats ces derniers mois gravitent autour de ces thèmes.
C'est vrai de la proposition de directive sur les services, des délocalisations, des perspectives financières, mais aussi de l'élargissement. L'enjeu de la conciliation de l'économique et du social est au coeur de la stratégie de Lisbonne qui vise tout à la fois un objectif de croissance et d'emploi et le renforcement de la cohésion sociale. Le prochain sommet informel des chefs d'Etat ou de gouvernement, que la Présidence britannique organisera en octobre, en est une nouvelle illustration. Ces sujets sont donc durablement inscrits dans le débat politique européen.
Je voudrais vous faire part de plusieurs réflexions dans cette perspective.
Tout d'abord, le débat que nous aurons entre Européens n'est pas de choisir entre l'économique et le social mais au contraire de mieux savoir comment les concilier.
Il est bien sûr erroné d'opposer les questions économiques et les questions sociales, comme si la prise en compte des premières supposait nécessairement de mettre entre parenthèses les secondes.
L'efficacité économique est nécessaire, tout comme l'est la dimension sociale. Et un bon système social est un facteur de richesse et de croissance. Qui peut penser que des programmes performants en matière de formation professionnelle ou une politique exigeante en matière de santé des salariés ne constituent pas des éléments qui font partie intégrante de l'attractivité et donc de la compétitivité d'un pays ?
Je pourrais également prendre l'exemple de la démographie. Nous savons bien, en effet, que le différentiel de croissance entre les Etats-Unis et l'Europe s'explique pour une part par la faible croissance démographique de l'Union. Retrouver un plus grand dynamisme démographique est un défi qu'il nous faudra relever ensemble.
Nous savons tous que nos pays sont différents ou qu'au sein de l'Union européenne chaque Etat a son propre système de sécurité sociale et de droit du travail, en fonction de son histoire et de ses traditions.
Mais, au-delà de ces différences, les Européens partagent un certain nombre de valeurs communes qui les rassemblent et qui sont souvent nées sur notre continent : la lutte contre toute forme de discrimination, et notamment l'égalité de traitement entre les sexes, la protection sociale, la solidarité entre les générations, le rôle des partenaires sociaux, la fourniture d'un certain nombre de services d'intérêt général, etc. Autant de valeurs et de principes communs, que nous avons d'ailleurs inscrits pour la plupart dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union adoptée fin 2000.
Essayons donc plutôt de voir ce qui nous réunit. Réfléchissons ensemble à nos expériences, tirons-en le meilleur. Le choix n'est pas entre immobilisme et dumping social ou fiscal, entre initiative et solidarité, entre protection et audace.
Ne nous laissons donc pas abuser par la pseudo-querelle entre les anciens et les modernes. Nous poursuivons en réalité les mêmes objectifs.
Comment pouvons-nous donc agir pour être plus efficaces tout en restant fidèles aux valeurs qui sont les nôtres ?
- La responsabilité première est celle des Etats ;
- L'Europe constitue le cadre d'action indispensable à l'heure de la mondialisation.
La responsabilité première de la politique économique et sociale est celle des Etats.
Chacun sait la nécessité d'avoir une économie moderne adaptée aux impératifs de la mondialisation, qui est une réalité, qui est un facteur de croissance, mais qui est aussi une compétition. Plusieurs Etats européens enregistrent des résultats remarquables sur le plan économique et social.
Je pense notamment à votre pays, qui a le deuxième PIB par habitant en Europe et qui connaît un taux de chômage inférieur à 5 %. Je pense aussi à nos partenaires nordiques, dont l'exemple montre qu'un haut niveau de protection sociale non seulement n'affaiblit pas la compétitivité économique, mais peut au contraire la renforcer.
Ces expériences qui sont des réussites, nous ne devons pas hésiter à les observer voire à nous en inspirer, comme l'a dit le Premier ministre, Dominique de Villepin, au mois de juin dernier. Je suis convaincue que la diversité des solutions que mettent en place les pays face aux enjeux économiques et sociaux est une chance pour l'Europe et que nous pouvons beaucoup apprendre les uns des autres, sans renoncer à nos spécificités. En effet, face à de tels défis, aucun pays ne détient seul la réponse.
Pour sa part, la France a engagé des réformes importantes pour moderniser son économie tout en préservant le lien social afin de promouvoir ce que le Premier ministre a lui-même récemment appelé la "croissance sociale".
Ces dernières années ces réformes ont d'abord visé à consolider nos régimes sociaux, réformes des retraites et de l'assurance-maladie, destinées à en assurer la pérennité. La France a aussi entrepris une réforme profonde de l'Etat et de ses finances publiques.
Depuis la formation du nouveau gouvernement, la France s'est engagée dans une nouvelle étape. Le Parlement a voté les ordonnances permettant, entre autres, la modernisation de notre marché du travail au service de l'emploi, avec le souci de garantir les droits des salariés tout en favorisant leur accès au marché du travail ou le retour à l'activité.
A ainsi été créé le contrat "nouvelle embauche", destiné à mieux adapter les relations contractuelles aux très petites entreprises, qui constituent un fort gisement d'emploi et doivent être encouragées à embaucher. De même, le gouvernement entend assurer une mobilisation nationale du service public de l'emploi et de ses partenaires pour favoriser le reclassement dans les premiers mois de chômage. Les pays qui ont su faire reculer durablement le chômage sont ceux qui se sont donnés les moyens d'agir pour l'accompagnement et le reclassement des chômeurs. C'est pourquoi depuis le début du mois d'août nous avons mis en place un suivi actif de la recherche d'emploi.
Ces réformes sont en vigueur. De premiers signes apparaissent. Le taux de chômage est repassé très récemment sous la barre des 10 %. Mais il nous faut encore hâter le pas.
Le Premier ministre a ainsi annoncé le 1er septembre dernier une nouvelle phase de l'action du gouvernement. Celle-ci aura pour objet de remettre l'activité au coeur de notre politique sociale, de soutenir l'investissement et le pouvoir d'achat en France, ce qui suppose de moderniser aussi notre système fiscal.
Enfin, la France prépare l'avenir. Sous l'égide du président de la République, elle s'est ainsi engagée dans la voie d'une relance de sa capacité d'innovation et d'une dynamisation de son industrie. Dans ce cadre, la France souhaite favoriser l'émergence de grands projets industriels et de partenariats public-privé. La toute nouvelle Agence de l'innovation industrielle est chargée de promouvoir des programmes de recherche et développement à moyen et long terme. Par ailleurs la France a lancé 67 pôles de compétitivité sur l'ensemble du territoire, qui réuniront en un même lieu des compétences aujourd'hui dispersées.
Ces initiatives seront ouvertes à nos partenaires européens. Le président de la République a également proposé, le 30 août dernier à Reims, la création d'une "Agence européenne de l'innovation", à laquelle la France est prête à apporter son agence et ses financements.
En raison des efforts importants que l'Irlande a déployés pour développer des entreprises dans les domaines de la recherche et développement et des nouvelles technologies, l'Irlande constitue une référence de tout premier plan pour ses partenaires européens.
Vous le voyez, mon pays est déterminé à relever les défis de la mondialisation grâce à une économie ouverte, dynamique et tournée vers l'avenir. Et pour cela il est nécessaire de mobiliser toutes les énergies.
Mais nos actions nationales ne seront pleinement efficaces que si elles s'inscrivent dans le cadre européen.
Seule l'Union européenne a la taille critique pour contribuer à maîtriser la mondialisation, pour protéger nos concitoyens de ses effets négatifs et pour les aider à en tirer tous les bénéfices.
C'est pourquoi l'Europe est un cadre d'action efficace pour concilier davantage de dynamisme économique et la dimension sociale qui est la sienne et à laquelle nous sommes attachés. Son action doit venir renforcer celle des Etats membres.
En premier lieu, l'Union européenne doit prendre toute sa place dans la politique de dynamisation de la croissance et de l'emploi au service de la cohésion sociale.
C'est le coeur de la stratégie de Lisbonne, qui constitue notre cadre commun d'action. Nous sommes encore loin de l'objectif visant à faire de l'Union l'économie la plus compétitive au monde à l'horizon 2010, bien que des progrès aient été faits depuis cinq ans. C'est pourquoi nous devons davantage promouvoir l'économie européenne en utilisant les outils que nous avons su mettre en place.
Avec l'euro, nous avons réussi à nous doter d'une monnaie mondiale et stable, qui nous protège des chocs extérieurs et des dévaluations compétitives. Il nous faut à présent développer une meilleure coordination des politiques économiques, pour agir dans le même sens et être plus efficaces. Le renforcement de la gouvernance économique, et donc celui de l'Eurogroupe, est une nécessité, de même que l'amélioration du dialogue avec la banque centrale européenne, dans le respect de son indépendance. L'harmonisation fiscale est un autre chantier important qu'il faudra poursuivre.
La conquête des emplois de demain passe également par une action plus volontariste en matière de politique industrielle, de recherche, d'innovation et de grands réseaux. Utilisons les moyens à notre disposition, avec les grands projets tels ITER et Galileo, avec l'approfondissement du marché intérieur, pour faire émerger les grands champions européens de demain.
Pour la Recherche et le Développement, il faut développer le budget européen, en complément des budgets nationaux qui doivent eux-mêmes être accrus, comme on le fait en France. Je rappellerai à ce sujet que la proposition de budget pour 2007-2013 faite par le Luxembourg et acceptée par nos deux pays comme par la grande majorité des Etats membres, permettait de faire un premier pas en prévoyant 33% de plus pour la recherche et l'innovation.
Par ailleurs, je pense qu'il nous faut réfléchir à la possibilité de trouver des ressources complémentaires destinées à la recherche et à l'innovation, par exemple par le moyen d'un emprunt de la Banque européenne d'investissement. La présidence le proposait, à hauteur de 10 milliards d'euros. Nous pourrions faire bien davantage.
En deuxième lieu, dans le contexte de la mondialisation, l'Europe doit continuer d'affirmer une ambition sociale forte. Y renoncer serait renoncer à l'idée même d'Europe politique.
Affirmer cette ambition sociale requiert d'abord d'être vigilants dans l'élaboration des normes nouvelles que nous nous donnons entre Européens.
Le projet européen repose sur une exigence d'harmonisation car l'Europe, ce n'est pas la course au moins-disant fiscal ou social.
C'est pourquoi la France accorde, par exemple, une importance toute particulière aux négociations relatives à la proposition de directive sur le temps de travail et à la proposition de directive sur les services.
Le premier de ces textes doit permettre de fixer des règles minimales pour mieux protéger les salariés des pays qui ne disposent pas aujourd'hui d'une telle législation. Le second doit permettre de libéraliser les services en Europe, qui sont un moteur important de la croissance et une source de création d'emplois, sans pour autant impliquer un alignement vers le bas sur le droit le moins protecteur, que nous ne pourrions accepter.
La politique de cohésion doit aussi jouer pleinement son rôle pour favoriser la convergence économique entre anciens et nouveaux Etats membres et permettre ainsi à ces derniers de connaître un développement dont toute l'Union bénéficiera. Les Irlandais sont un exemple de réussite exceptionnelle en la matière. Le cur du projet européen, c'est aussi une exigence de solidarité entre les Etats membres. Mais pour cela, il faut une aide financière. C'est pourquoi nous avons regretté l'échec des négociations sur le budget européen et souhaitons un accord le plus rapidement possible, sur la base des propositions de la Présidence luxembourgeoise. Ces propositions permettaient de mettre en place un budget de modernisation, répondant aux besoins de l'Union élargie, et c'est pourquoi la France, comme l'Irlande, l'avait accepté.
Mais cette ambition sociale forte, nous devons aussi la porter au-delà de nos frontières. Etudions dans ce cadre les idées qui ont été mises sur la table pour que l'Europe reste fidèle à ses valeurs sociales dans la mondialisation. Je pense par exemple à la promotion des normes sociales - comme des normes environnementales - dans les relations commerciales extérieures de l'Union. Sur ces questions, l'Europe doit être en initiative et faire entendre sa voix.
Mesdames et Messieurs,
Voilà quelques pistes de réflexion que je souhaitais vous soumettre aujourd'hui. Vous aurez compris mon message principal : c'est ensemble, de manière unie, que nous pourrons relever les défis de la mondialisation, en sachant apprendre les uns des autres, nous inspirer des exemples qui marchent, et surtout en faisant de l'Europe un ensemble résolument tourné vers l'avenir, qui crée des emplois, qui aide nos sociétés à s'adapter et permette à chacun d'épanouir ses talents sans jamais pour autant renoncer aux valeurs européennes qui sont les nôtres et qui nous rassemblent.
C'est en apportant des réponses concrètes à ces enjeux que nous contribuerons à surmonter les difficultés que connaît aujourd'hui l'Europe.
C'est également de cette façon que nous saurons montrer à nos concitoyens que notre projet est celui d'une Europe politique, ambitieuse et solidaire.
Avançons donc dans cette direction. Et saisissons l'occasion que nous donne le sommet informel des chefs d'Etat ou de gouvernement prévu fin octobre pour rechercher ensemble un consensus sur ces questions cruciales pour l'avenir de nos pays et de l'Europe. La France se rendra à ce sommet dans un esprit constructif, pragmatique et avec des propositions. C'est tous ensemble que nous pourrons trouver les réponses.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 septembre 2005)