Texte intégral
Mesdames,
Messieurs,
Chers amis,
Vous me permettrez de commencer par une bonne nouvelle : c'est la décision des salariés de la SNCM de reprendre le travail ce matin. C'est une bonne nouvelle pour la société bien sûr, c'est une bonne nouvelle pour Marseille, l'ensemble de la région, et c'est une bonne nouvelle aussi pour la Corse. Comme je le souhaitais, chacun a pris ses responsabilités. Le gouvernement a fait une bonne proposition, garantissant l'emploi et le service public. Les salariés apportent aujourd'hui leur engagement au service du redressement de la société et cela illustre pour moi la nécessité face aux difficultés - et nous savons tous qu'il y en a - de se rassembler pour surmonter les très nombreux défis d'aujourd'hui. Je tiens tout particulièrement à remercier et à saluer l'action remarquable qui a été menée par Thierry BRETON et Dominique PERBEN tout au long de cette crise. Merci de me donner l'occasion de dialoguer avec vous. Vous représentez les entreprises les plus dynamiques de notre pays. Vous êtes les porteurs de l'esprit d'initiative dont la France a besoin dans la compétition économique internationale. Je sais que vous avez de l'enthousiasme à faire partager et je porte le mien aussi, et je sais que vous avez confiance dans la capacité de notre pays à retrouver un taux de croissance de 3 % par an. C'est ce qu'indique votre rapport en 2005, publié sous la direction de Michel DIDIER. J'ai confiance également dans les atouts, les grands atouts, de notre pays et je suis venu vous dire ici comment je compte les valoriser grâce à l'action de mon gouvernement.
Le cap du gouvernement, vous le savez, c'est la croissance sociale. Priorité à l'emploi, objectif : la croissance sociale. Je voudrais, en commençant, vous faire part de trois convictions.
La première, c'est que les Français ne veulent pas renoncer à notre modèle, qui conjugue à la fois la croissance et la justice sociale, qui repose sur l'égalité des chances et la qualité des services publics.
La deuxième conviction, c'est que nous pouvons relever le défi de la modernisation sans que cela s'accompagne pour autant d'une augmentation de la précarité pour nos compatriotes. D'autres pays en Europe, notamment ceux d'Europe du Nord, sont parvenus à concilier ouverture au monde et haut niveau de protection sociale.
La troisième conviction, c'est que le modèle social français doit rapidement trouver une assise plus solide. La protection sociale doit combiner l'exigence de protection et la volonté d'un accompagnement plus personnalisé. Elle doit être au service d'une véritable croissance sociale. C'est pourquoi notre modèle social doit s'appuyer sur une meilleure valorisation de l'effort accompli et la possibilité pour chacun de choisir de travailler davantage s'il le souhaite. Il doit également reposer sur davantage de responsabilité, si nous voulons en préserver l'efficacité et j'ai la conviction que les réformes économiques doivent s'incarner pleinement dans une vision globale de la société. C'est une évidence, l'économie ne peut faire abstraction de l'environnement politique, social ou culturel.
Rechercher la seule optimisation économique peut être source de blocages, de frustrations, et, finalement, de déséquilibres globaux. Ce n'est peut-être pas un hasard si, en Europe, nous l'avons vu tout au long des dernières décennies, les modèles de pays performants tendent à se suivre, mais ce sont rarement les mêmes plus de dix ans. La recherche d'une croissance plus dynamique doit s'insérer dans une vision d'ensemble de la société, prenant pleinement en compte l'exigence de justice sociale et de dialogue. Comme confiance et croissance vont nécessairement de paire, la clarté des choix, le rythme de l'action, constituent les ingrédients indispensables du succès.
Pour concilier croissance et justice sociale, nous avons fait des choix clairs. Vous posez un double diagnostic sur l'économie française. Je rappelle rapidement ce diagnostic. La croissance mondiale n'entraîne pas suffisamment la croissance française et la croissance crée trop peu d'emplois en France. Nous avons donc fait le choix de l'emploi pour " dégripper " le fonctionnement de notre économie et la rendre plus dynamique. Car si la croissance tire l'emploi, il est tout aussi vrai que la création d'emplois tire la croissance. Chacun peut mesurer le chemin parcouru depuis 4 mois sur le front de l'emploi. Un nouveau contrat de travail à durée indéterminée est en train de trouver sa place dans le paysage français : le contrat " nouvelle embauche ".
Les premières indications montrent qu'il répond aux attentes des très petites entreprises. 30000 contrats ont été signés dès le mois d'août. Avec l'augmentation du nombre de ces contrats depuis la rentrée, nous pouvons estimer aujourd'hui que le cap des 100000 contrats est franchi. La mobilisation du service public de l'emploi pour mieux accompagner les chômeurs est sans précédent et c'est un travail indispensable.
Nous passons d'une approche globale des demandeurs d'emplois à une approche personnalisée où l'objectif c'est bien de recevoir chaque demandeur d'emploi tous les mois. Les rencontrer une fois par an, c'est sympathique, mais cela permet rarement de déboucher concrètement sur un emploi ou sur un parcours de formation débouchant sur un emploi. Nous avons mis en place une politique d'activation des minima sociaux et d'augmentation de la prime pour l'emploi, pour valoriser le travail par rapport à l'assistance.
C'est aussi une nécessité : remettre l'activité au cur de notre modèle social et économique et récompenser ceux qui travaillent. Enfin, pour renforcer l'efficacité de notre politique de l'emploi, nous avons décidé deux réformes fiscales majeures, celle de l'impôt sur le revenu et de la taxe professionnelle. Elles sont guidées par deux principes.
Le premier, c'est l'efficacité économique. Notre système fiscal doit être plus compétitif. Les taux d'imposition nominaux désormais affichés nous placent en bonne position au niveau international. La cotisation de taxe professionnelle calculée sur le taux de l'année courante sera plafonnée à 3,5 % de la valeur ajoutée : 200000 entreprises, en particulier des entreprises industrielles, seront bénéficiaires de ce plafonnement. Les charges sont diminuées au niveau du SMIC, conformément aux engagements pris : cela représente un effort supplémentaire de près de 2 milliards d'euros en 2006.
Le deuxième principe, c'est celui de la justice sociale. La réforme fiscale doit permettre de mieux récompenser le travail. La prime pour l'emploi sera augmentée de 1 milliard d'euros sur deux ans, principalement au niveau du SMIC pour les temps plein et les temps partiels. Une personne rémunérée au SMIC verra sa prime pour l'emploi passer de 538 euros par an à 714 euros en 2006 et à 809 euros en 2007. Par ailleurs les impôts directs ne pourront pas dépasser 60 % du revenu. Sur les 93000 personnes concernées par le plafonnement, 87 % gagnent moins de 7400 euros par an. En contrepartie, les avantages fiscaux seront plafonnés. Au total 80 % de l'effort de l'État sera destiné à ceux dont les revenus sont compris entre 1000 et 3500 euros par mois.
Le deuxième choix que nous avons fait, c'est celui du volontarisme en matière de politique industrielle et de recherche. C'est ce volontarisme qui nous permettra de mieux tirer parti de la croissance mondiale.
Contrairement à d'autres pays, la France a en effet choisi de maintenir une industrie moderne et performante. D'autres pays n'ont pas fait ce choix. J'ai la conviction que dans la durée, le choix d'une économie équilibrée avec une véritable force agricole, une industrie puissante et des services qui se développent, c'est dans la durée un choix stratégique tout à fait important pour notre pays.
Il faut, pour maintenir cette industrie moderne et performante, d'abord une relance massive de l'investissement public pour développer les infrastructures et préparer l'après-pétrole. 10 milliards d'euros supplémentaires seront donc injectés dans notre économie pour soutenir la croissance et préparer l'avenir. Cet effort ne sera pas financé par une augmentation du déficit.
Le gouvernement respectera ses objectifs de redressement budgétaire : nous stabilisons les dépenses - nous stabilisons la dette - et nous mobilisons les recettes de privatisations. C'est une politique à la fois dynamique et responsable. La préparation de l'avenir passe par une relance de l'effort d'innovation et de recherche.
Le pacte pour la recherche et le projet de loi de programme déposé la semaine dernière au Conseil économique et social, fixent cinq grands objectifs : mieux orienter et mieux évaluer la politique scientifique et les opérateurs de recherche ; accroître la compétitivité des laboratoires ; favoriser les coopérations pour être plus efficaces et donner à la recherche française une meilleure visibilité, via les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, via également les campus de recherche ; renforcer l'attractivité des carrières scientifiques et intensifier la dynamique d'innovation et l'investissement en recherche des acteurs privés. Pour atteindre l'objectif de 3 % du produit intérieur brut investis dans la recherche, nous devons aussi encourager la mobilisation des acteurs privés et pour cela, nous agirons dans trois directions.
Nous augmentons sensiblement le crédit impôt recherche : la part des dépenses prises en charge passera de 5 à 10 %, ce qui est considérable. Nous encourageons le développement des interfaces entre recherche publique et recherche privée. Les établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche et les organismes de recherche verront leurs revenus tirés des activités de valorisation exonérés d'impôt sur les sociétés. Une part importante des crédits de l'Agence nationale de la recherche sera consacrée aux projets de recherche conduits en partenariat.
Nous inciterons également les entreprises privées à recruter des jeunes chercheurs à travers trois mesures. L'amplification du dispositif des Conventions industrielles de formation par la recherche en entreprise, qui sont des contrats de thèse en entreprise, dont nous augmenterons le nombre de 10 % par an. La création des " contrats d'insertion des post-doctorants pour la recherche en entreprise ", et pour faciliter le recrutement dans les entreprises, le salaire et les coûts de recherche d'un jeune chercheur seront comptés pour le double de leur valeur dans l'assiette du crédit d'impôt recherche.
Pour défendre ces choix, je veux appliquer une méthode claire, une méthode fondée sur une double exigence. La première, c'est celle du dialogue bien sûr. C'est essentiel sur l'emploi : si nous voulons réussir nous devons mobiliser toutes les énergies.
J'ai installé la semaine dernière le conseil d'orientation pour l'emploi qui rassemble l'ensemble des acteurs concernés et j'ai invité les partenaires sociaux à aborder des sujets essentiels comme la formation ou l'emploi des seniors. Nous le savons : la France a l'un des taux d'activité des seniors les plus bas d'Europe. Cette situation n'est évidemment pas acceptable. Nous ne pouvons pas continuer à nous priver d'une expérience et d'un savoir-faire précieux pour les entreprises et la croissance de notre pays. Je me réjouis que les partenaires sociaux aient trouvé les voies d'un accord qui marque une véritable rupture avec les logiques du passé. J'y vois le signe de la vitalité du dialogue social, auquel je suis particulièrement attaché.
Comme je m'y étais engagé dans ma déclaration de politique générale, j'entends maintenant bâtir, à partir de cet accord, un plan stratégique ambitieux en faveur de l'emploi des seniors. J'ai demandé à Gérard LARCHER de le préparer, en association avec les partenaires sociaux.
Ce plan d'action permettra de mobiliser l'ensemble des énergies autour de trois priorités sur lesquelles ont travaillé les partenaires sociaux. Favoriser le maintien dans l'emploi, notamment avec une meilleure organisation des parcours professionnels et une mise à jour des compétences régulières tout au long de la vie professionnelle. Faciliter le retour rapide à l'emploi des demandeurs d'emploi en seconde partie de carrière. Le contrat senior institué par les partenaires sociaux constitue à cet égard une initiative très utile. Mieux aménager, enfin, les transitions entre emploi et retraite, avec des aménagements de fin de carrière. Sur cette question, c'est d'un profond changement culturel dont nous avons besoin. Celui-ci est en train de s'opérer : nous mettrons en uvre toutes les actions d'information et de sensibilisation nécessaires.
La deuxième exigence du gouvernement c'est de créer les conditions d'un véritable patriotisme économique. Dans un monde de plus en plus concurrentiel, nos entreprises, les salariés, l'État, les partenaires sociaux, les collectivités locales ont un intérêt commun à défendre. Ils ont aussi une responsabilité partagée pour transformer la croissance mondiale en croissance française et en emploi. Le patriotisme économique, ce n'est certainement pas le refus de l'ouverture au monde, cela ne consiste pas à vouloir dresser des " lignes Maginot ". Le patriotisme économique, c'est le rassemblement de nos forces, trop souvent dispersées, parfois complexées, pour affronter la concurrence mondiale. Dans cette perspective, le patriotisme économique repose sur deux actions stratégiques.
La première action, c'est le développement de l'intéressement, de la participation et de l'actionnariat français pour renforcer le capital de nos entreprises. C'est dans cet esprit que le gouvernement prépare de nouvelles initiatives destinées à renforcer l'actionnariat salarié.
La deuxième action, c'est le développement de la capacité d'entraînement de nos grands groupes, qui sont très souvent les leaders mondiaux dans leur secteur, sur l'ensemble de nos PME et de notre tissu économique. C'est la logique des pôles de compétitivité, des pôles d'enseignement supérieur et de recherche et des campus de recherche. Je souhaite que nos gros groupes, que nos grands groupes s'engagent pleinement dans ces initiatives. Je souhaite également qu'ils continuent à développer les partenariats et le portage à l'exportation des PME.
Vous le voyez, nous avons fait le choix d'une politique économique ambitieuse. Aujourd'hui, toutes les informations disponibles nous montrent que les choses bougent, que la conjoncture actuellement s'améliore. La consommation en produits manufacturés a augmenté de 5,7 % sur les 12 derniers mois. Dans un domaine qui préoccupe particulièrement nos compatriotes, 131000 nouveaux logements ont été lancés sur les 3 mois, les trois derniers mois. La production industrielle est repartie à la hausse en août : +0,7 %.
Les résultats de l'enquête mensuelle de la Banque de France, qui viennent d'être publiés ce matin, montrent une amélioration très nette de la conjoncture industrielle, ce qui est de bon augure pour les mois à venir. Avec 82000 demandeurs d'emploi en moins en trois mois, nous sommes repassés sous la barre des 10 % de taux de chômage pour atteindre 9,9 %. Cette baisse est d'autant plus significative qu'elle résulte, comme le mois dernier, d'une hausse des sorties du chômage pour reprise d'emploi déclarée - + 8,1 % en août après 13,3 % en juillet. Le secteur privé a recommencé à recréer des emplois, ce qui est le signe d'une économie plus vigoureuse.
Le Gouvernement a fait des choix difficiles. Ces premiers résultats constituent pour moi un encouragement à poursuivre et à amplifier l'action engagée et celle-ci, continuera à se déployer sur la base de 3 principes. Le premier, c'est celui de l'équilibre. Je l'ai dit : croissance sociale. Cela veut dire à la fois se préoccuper du dynamisme économique mais aussi de la justice sociale.
Le deuxième principe, c'est le choix d'un juste rythme. Il y a toujours un débat dans notre pays sur ceux qui voudraient aller plus vite et ceux qui considèrent au contraire que le pays étant trop fragile, ce serait risqué. Il faut trouver à la fois le rythme qui nous permette de satisfaire à cette exigence d'équilibre - c'est toute l'histoire de notre pays - et en même temps qui puisse nous permettre de satisfaire à l'impératif de mouvement dans une économie mondialisée où, bien sûr, l'exigence de modernisation et d'adaptation est indispensable.
Nous le savons tous : à quoi servirait d'aller si vite que nous risquerions de briser ici et là telle et telle partie de notre économie, telle et telle situation sociale. Le dernier principe, c'est la continuité de l'action engagée. Oui, nous sommes déterminés dans les 18 prochains mois à mener à bien cette étape de modernisation de notre pays. Trop souvent, des changements de cap ont conduit à décrédibiliser l'action politique. Nous serons persévérants, déterminés, dans le cap que nous nous sommes fixés. Certes, l'économie pourrait se penser comme une science exacte et isolée.
Il faut compter aussi avec la situation sociale, la situation culturelle, l'identité d'un pays, l'état d'esprit d'un pays. Personne ne peut ignorer ces réalités-là et donc la percée économique ne serait rien si elle ne s'accompagnait pas d'une percée sociale, d'un accomplissement et d'un accompagnement culturel.
Vous voyez donc qu'il faut en permanence avancer sur l'ensemble de ces terrains en marquant des points, en donnant à nos compatriotes le sentiment bien évidemment que ce que nous faisons, que l'effort collectif, permet d'avoir des résultats mais aussi en préservant cet équilibre et cette exigence générale. C'est bien cette conscience qui est aujourd'hui le premier devoir du politique et je peux vous dire que je compte sur vous mais que vous pouvez aussi compter sur moi.
Merci.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 19 octobre 2005)
Messieurs,
Chers amis,
Vous me permettrez de commencer par une bonne nouvelle : c'est la décision des salariés de la SNCM de reprendre le travail ce matin. C'est une bonne nouvelle pour la société bien sûr, c'est une bonne nouvelle pour Marseille, l'ensemble de la région, et c'est une bonne nouvelle aussi pour la Corse. Comme je le souhaitais, chacun a pris ses responsabilités. Le gouvernement a fait une bonne proposition, garantissant l'emploi et le service public. Les salariés apportent aujourd'hui leur engagement au service du redressement de la société et cela illustre pour moi la nécessité face aux difficultés - et nous savons tous qu'il y en a - de se rassembler pour surmonter les très nombreux défis d'aujourd'hui. Je tiens tout particulièrement à remercier et à saluer l'action remarquable qui a été menée par Thierry BRETON et Dominique PERBEN tout au long de cette crise. Merci de me donner l'occasion de dialoguer avec vous. Vous représentez les entreprises les plus dynamiques de notre pays. Vous êtes les porteurs de l'esprit d'initiative dont la France a besoin dans la compétition économique internationale. Je sais que vous avez de l'enthousiasme à faire partager et je porte le mien aussi, et je sais que vous avez confiance dans la capacité de notre pays à retrouver un taux de croissance de 3 % par an. C'est ce qu'indique votre rapport en 2005, publié sous la direction de Michel DIDIER. J'ai confiance également dans les atouts, les grands atouts, de notre pays et je suis venu vous dire ici comment je compte les valoriser grâce à l'action de mon gouvernement.
Le cap du gouvernement, vous le savez, c'est la croissance sociale. Priorité à l'emploi, objectif : la croissance sociale. Je voudrais, en commençant, vous faire part de trois convictions.
La première, c'est que les Français ne veulent pas renoncer à notre modèle, qui conjugue à la fois la croissance et la justice sociale, qui repose sur l'égalité des chances et la qualité des services publics.
La deuxième conviction, c'est que nous pouvons relever le défi de la modernisation sans que cela s'accompagne pour autant d'une augmentation de la précarité pour nos compatriotes. D'autres pays en Europe, notamment ceux d'Europe du Nord, sont parvenus à concilier ouverture au monde et haut niveau de protection sociale.
La troisième conviction, c'est que le modèle social français doit rapidement trouver une assise plus solide. La protection sociale doit combiner l'exigence de protection et la volonté d'un accompagnement plus personnalisé. Elle doit être au service d'une véritable croissance sociale. C'est pourquoi notre modèle social doit s'appuyer sur une meilleure valorisation de l'effort accompli et la possibilité pour chacun de choisir de travailler davantage s'il le souhaite. Il doit également reposer sur davantage de responsabilité, si nous voulons en préserver l'efficacité et j'ai la conviction que les réformes économiques doivent s'incarner pleinement dans une vision globale de la société. C'est une évidence, l'économie ne peut faire abstraction de l'environnement politique, social ou culturel.
Rechercher la seule optimisation économique peut être source de blocages, de frustrations, et, finalement, de déséquilibres globaux. Ce n'est peut-être pas un hasard si, en Europe, nous l'avons vu tout au long des dernières décennies, les modèles de pays performants tendent à se suivre, mais ce sont rarement les mêmes plus de dix ans. La recherche d'une croissance plus dynamique doit s'insérer dans une vision d'ensemble de la société, prenant pleinement en compte l'exigence de justice sociale et de dialogue. Comme confiance et croissance vont nécessairement de paire, la clarté des choix, le rythme de l'action, constituent les ingrédients indispensables du succès.
Pour concilier croissance et justice sociale, nous avons fait des choix clairs. Vous posez un double diagnostic sur l'économie française. Je rappelle rapidement ce diagnostic. La croissance mondiale n'entraîne pas suffisamment la croissance française et la croissance crée trop peu d'emplois en France. Nous avons donc fait le choix de l'emploi pour " dégripper " le fonctionnement de notre économie et la rendre plus dynamique. Car si la croissance tire l'emploi, il est tout aussi vrai que la création d'emplois tire la croissance. Chacun peut mesurer le chemin parcouru depuis 4 mois sur le front de l'emploi. Un nouveau contrat de travail à durée indéterminée est en train de trouver sa place dans le paysage français : le contrat " nouvelle embauche ".
Les premières indications montrent qu'il répond aux attentes des très petites entreprises. 30000 contrats ont été signés dès le mois d'août. Avec l'augmentation du nombre de ces contrats depuis la rentrée, nous pouvons estimer aujourd'hui que le cap des 100000 contrats est franchi. La mobilisation du service public de l'emploi pour mieux accompagner les chômeurs est sans précédent et c'est un travail indispensable.
Nous passons d'une approche globale des demandeurs d'emplois à une approche personnalisée où l'objectif c'est bien de recevoir chaque demandeur d'emploi tous les mois. Les rencontrer une fois par an, c'est sympathique, mais cela permet rarement de déboucher concrètement sur un emploi ou sur un parcours de formation débouchant sur un emploi. Nous avons mis en place une politique d'activation des minima sociaux et d'augmentation de la prime pour l'emploi, pour valoriser le travail par rapport à l'assistance.
C'est aussi une nécessité : remettre l'activité au cur de notre modèle social et économique et récompenser ceux qui travaillent. Enfin, pour renforcer l'efficacité de notre politique de l'emploi, nous avons décidé deux réformes fiscales majeures, celle de l'impôt sur le revenu et de la taxe professionnelle. Elles sont guidées par deux principes.
Le premier, c'est l'efficacité économique. Notre système fiscal doit être plus compétitif. Les taux d'imposition nominaux désormais affichés nous placent en bonne position au niveau international. La cotisation de taxe professionnelle calculée sur le taux de l'année courante sera plafonnée à 3,5 % de la valeur ajoutée : 200000 entreprises, en particulier des entreprises industrielles, seront bénéficiaires de ce plafonnement. Les charges sont diminuées au niveau du SMIC, conformément aux engagements pris : cela représente un effort supplémentaire de près de 2 milliards d'euros en 2006.
Le deuxième principe, c'est celui de la justice sociale. La réforme fiscale doit permettre de mieux récompenser le travail. La prime pour l'emploi sera augmentée de 1 milliard d'euros sur deux ans, principalement au niveau du SMIC pour les temps plein et les temps partiels. Une personne rémunérée au SMIC verra sa prime pour l'emploi passer de 538 euros par an à 714 euros en 2006 et à 809 euros en 2007. Par ailleurs les impôts directs ne pourront pas dépasser 60 % du revenu. Sur les 93000 personnes concernées par le plafonnement, 87 % gagnent moins de 7400 euros par an. En contrepartie, les avantages fiscaux seront plafonnés. Au total 80 % de l'effort de l'État sera destiné à ceux dont les revenus sont compris entre 1000 et 3500 euros par mois.
Le deuxième choix que nous avons fait, c'est celui du volontarisme en matière de politique industrielle et de recherche. C'est ce volontarisme qui nous permettra de mieux tirer parti de la croissance mondiale.
Contrairement à d'autres pays, la France a en effet choisi de maintenir une industrie moderne et performante. D'autres pays n'ont pas fait ce choix. J'ai la conviction que dans la durée, le choix d'une économie équilibrée avec une véritable force agricole, une industrie puissante et des services qui se développent, c'est dans la durée un choix stratégique tout à fait important pour notre pays.
Il faut, pour maintenir cette industrie moderne et performante, d'abord une relance massive de l'investissement public pour développer les infrastructures et préparer l'après-pétrole. 10 milliards d'euros supplémentaires seront donc injectés dans notre économie pour soutenir la croissance et préparer l'avenir. Cet effort ne sera pas financé par une augmentation du déficit.
Le gouvernement respectera ses objectifs de redressement budgétaire : nous stabilisons les dépenses - nous stabilisons la dette - et nous mobilisons les recettes de privatisations. C'est une politique à la fois dynamique et responsable. La préparation de l'avenir passe par une relance de l'effort d'innovation et de recherche.
Le pacte pour la recherche et le projet de loi de programme déposé la semaine dernière au Conseil économique et social, fixent cinq grands objectifs : mieux orienter et mieux évaluer la politique scientifique et les opérateurs de recherche ; accroître la compétitivité des laboratoires ; favoriser les coopérations pour être plus efficaces et donner à la recherche française une meilleure visibilité, via les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, via également les campus de recherche ; renforcer l'attractivité des carrières scientifiques et intensifier la dynamique d'innovation et l'investissement en recherche des acteurs privés. Pour atteindre l'objectif de 3 % du produit intérieur brut investis dans la recherche, nous devons aussi encourager la mobilisation des acteurs privés et pour cela, nous agirons dans trois directions.
Nous augmentons sensiblement le crédit impôt recherche : la part des dépenses prises en charge passera de 5 à 10 %, ce qui est considérable. Nous encourageons le développement des interfaces entre recherche publique et recherche privée. Les établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche et les organismes de recherche verront leurs revenus tirés des activités de valorisation exonérés d'impôt sur les sociétés. Une part importante des crédits de l'Agence nationale de la recherche sera consacrée aux projets de recherche conduits en partenariat.
Nous inciterons également les entreprises privées à recruter des jeunes chercheurs à travers trois mesures. L'amplification du dispositif des Conventions industrielles de formation par la recherche en entreprise, qui sont des contrats de thèse en entreprise, dont nous augmenterons le nombre de 10 % par an. La création des " contrats d'insertion des post-doctorants pour la recherche en entreprise ", et pour faciliter le recrutement dans les entreprises, le salaire et les coûts de recherche d'un jeune chercheur seront comptés pour le double de leur valeur dans l'assiette du crédit d'impôt recherche.
Pour défendre ces choix, je veux appliquer une méthode claire, une méthode fondée sur une double exigence. La première, c'est celle du dialogue bien sûr. C'est essentiel sur l'emploi : si nous voulons réussir nous devons mobiliser toutes les énergies.
J'ai installé la semaine dernière le conseil d'orientation pour l'emploi qui rassemble l'ensemble des acteurs concernés et j'ai invité les partenaires sociaux à aborder des sujets essentiels comme la formation ou l'emploi des seniors. Nous le savons : la France a l'un des taux d'activité des seniors les plus bas d'Europe. Cette situation n'est évidemment pas acceptable. Nous ne pouvons pas continuer à nous priver d'une expérience et d'un savoir-faire précieux pour les entreprises et la croissance de notre pays. Je me réjouis que les partenaires sociaux aient trouvé les voies d'un accord qui marque une véritable rupture avec les logiques du passé. J'y vois le signe de la vitalité du dialogue social, auquel je suis particulièrement attaché.
Comme je m'y étais engagé dans ma déclaration de politique générale, j'entends maintenant bâtir, à partir de cet accord, un plan stratégique ambitieux en faveur de l'emploi des seniors. J'ai demandé à Gérard LARCHER de le préparer, en association avec les partenaires sociaux.
Ce plan d'action permettra de mobiliser l'ensemble des énergies autour de trois priorités sur lesquelles ont travaillé les partenaires sociaux. Favoriser le maintien dans l'emploi, notamment avec une meilleure organisation des parcours professionnels et une mise à jour des compétences régulières tout au long de la vie professionnelle. Faciliter le retour rapide à l'emploi des demandeurs d'emploi en seconde partie de carrière. Le contrat senior institué par les partenaires sociaux constitue à cet égard une initiative très utile. Mieux aménager, enfin, les transitions entre emploi et retraite, avec des aménagements de fin de carrière. Sur cette question, c'est d'un profond changement culturel dont nous avons besoin. Celui-ci est en train de s'opérer : nous mettrons en uvre toutes les actions d'information et de sensibilisation nécessaires.
La deuxième exigence du gouvernement c'est de créer les conditions d'un véritable patriotisme économique. Dans un monde de plus en plus concurrentiel, nos entreprises, les salariés, l'État, les partenaires sociaux, les collectivités locales ont un intérêt commun à défendre. Ils ont aussi une responsabilité partagée pour transformer la croissance mondiale en croissance française et en emploi. Le patriotisme économique, ce n'est certainement pas le refus de l'ouverture au monde, cela ne consiste pas à vouloir dresser des " lignes Maginot ". Le patriotisme économique, c'est le rassemblement de nos forces, trop souvent dispersées, parfois complexées, pour affronter la concurrence mondiale. Dans cette perspective, le patriotisme économique repose sur deux actions stratégiques.
La première action, c'est le développement de l'intéressement, de la participation et de l'actionnariat français pour renforcer le capital de nos entreprises. C'est dans cet esprit que le gouvernement prépare de nouvelles initiatives destinées à renforcer l'actionnariat salarié.
La deuxième action, c'est le développement de la capacité d'entraînement de nos grands groupes, qui sont très souvent les leaders mondiaux dans leur secteur, sur l'ensemble de nos PME et de notre tissu économique. C'est la logique des pôles de compétitivité, des pôles d'enseignement supérieur et de recherche et des campus de recherche. Je souhaite que nos gros groupes, que nos grands groupes s'engagent pleinement dans ces initiatives. Je souhaite également qu'ils continuent à développer les partenariats et le portage à l'exportation des PME.
Vous le voyez, nous avons fait le choix d'une politique économique ambitieuse. Aujourd'hui, toutes les informations disponibles nous montrent que les choses bougent, que la conjoncture actuellement s'améliore. La consommation en produits manufacturés a augmenté de 5,7 % sur les 12 derniers mois. Dans un domaine qui préoccupe particulièrement nos compatriotes, 131000 nouveaux logements ont été lancés sur les 3 mois, les trois derniers mois. La production industrielle est repartie à la hausse en août : +0,7 %.
Les résultats de l'enquête mensuelle de la Banque de France, qui viennent d'être publiés ce matin, montrent une amélioration très nette de la conjoncture industrielle, ce qui est de bon augure pour les mois à venir. Avec 82000 demandeurs d'emploi en moins en trois mois, nous sommes repassés sous la barre des 10 % de taux de chômage pour atteindre 9,9 %. Cette baisse est d'autant plus significative qu'elle résulte, comme le mois dernier, d'une hausse des sorties du chômage pour reprise d'emploi déclarée - + 8,1 % en août après 13,3 % en juillet. Le secteur privé a recommencé à recréer des emplois, ce qui est le signe d'une économie plus vigoureuse.
Le Gouvernement a fait des choix difficiles. Ces premiers résultats constituent pour moi un encouragement à poursuivre et à amplifier l'action engagée et celle-ci, continuera à se déployer sur la base de 3 principes. Le premier, c'est celui de l'équilibre. Je l'ai dit : croissance sociale. Cela veut dire à la fois se préoccuper du dynamisme économique mais aussi de la justice sociale.
Le deuxième principe, c'est le choix d'un juste rythme. Il y a toujours un débat dans notre pays sur ceux qui voudraient aller plus vite et ceux qui considèrent au contraire que le pays étant trop fragile, ce serait risqué. Il faut trouver à la fois le rythme qui nous permette de satisfaire à cette exigence d'équilibre - c'est toute l'histoire de notre pays - et en même temps qui puisse nous permettre de satisfaire à l'impératif de mouvement dans une économie mondialisée où, bien sûr, l'exigence de modernisation et d'adaptation est indispensable.
Nous le savons tous : à quoi servirait d'aller si vite que nous risquerions de briser ici et là telle et telle partie de notre économie, telle et telle situation sociale. Le dernier principe, c'est la continuité de l'action engagée. Oui, nous sommes déterminés dans les 18 prochains mois à mener à bien cette étape de modernisation de notre pays. Trop souvent, des changements de cap ont conduit à décrédibiliser l'action politique. Nous serons persévérants, déterminés, dans le cap que nous nous sommes fixés. Certes, l'économie pourrait se penser comme une science exacte et isolée.
Il faut compter aussi avec la situation sociale, la situation culturelle, l'identité d'un pays, l'état d'esprit d'un pays. Personne ne peut ignorer ces réalités-là et donc la percée économique ne serait rien si elle ne s'accompagnait pas d'une percée sociale, d'un accomplissement et d'un accompagnement culturel.
Vous voyez donc qu'il faut en permanence avancer sur l'ensemble de ces terrains en marquant des points, en donnant à nos compatriotes le sentiment bien évidemment que ce que nous faisons, que l'effort collectif, permet d'avoir des résultats mais aussi en préservant cet équilibre et cette exigence générale. C'est bien cette conscience qui est aujourd'hui le premier devoir du politique et je peux vous dire que je compte sur vous mais que vous pouvez aussi compter sur moi.
Merci.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 19 octobre 2005)