Déclaration de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur les activités du CEHD (Centre d'Etudes d'Histoire de la Défense), Château de Vincennes le 9 octobre 2000.

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Circonstance : Remise du prix d'histoire militaire au Château de Vincennes le 9 octobre 2000

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de venir cette année encore au Château de Vincennes pour remettre le prix d'histoire militaire. Je suis toujours avec attention les initiatives de l'équipe du CEHD, et c'est avec beaucoup de plaisir que je lui exprime mon soutien chaque fois que je le peux. J'en ai eu l'occasion en décembre dernier, en ouvrant le colloque organisé sur la coopération militaire entre la France et l'Europe centrale et orientale entre les deux guerres.
La cérémonie d'aujourd'hui est pour moi l'occasion de faire le point sur l'activité du centre et sur ses projets, et je suis une nouvelle fois frappé par le dynamisme de votre équipe et la qualité des résultats auxquels elle est parvenue. Le centre ne compte que cinq années d'existence, mais il a très vite gagné une place reconnue au sein du monde de la défense, place qui a été confortée lors de la récente réforme du secrétariat général pour l'administration.
Vous avez d'abord su vous mettre au service des chercheurs. Le prix d'histoire militaire que je remettrai tout à l'heure est un exemple du soutien que vous leur apportez, mais il y en a bien d'autres.
Cet après-midi même, vous organisez, comme chaque année, une séance d'information pour présenter aux chercheurs les fonds d'archives conservés sur le site de Vincennes. Je me réjouis de voir que cette journée est organisée en étroite collaboration avec les services historiques présents au château, et avec la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives. Vous avez la chance d'être situés au cur d'un pôle d'archives d'une richesse extraordinaire, et c'est notre intérêt à tous d'approfondir cette coopération entre tous les services concernés pour faciliter l'accès des chercheurs à ces richesses.
Le Centre poursuit également le perfectionnement de cet outil sans équivalent qu'est le recueil MINERVE, qui recense tous les travaux effectués sur l'histoire de la défense depuis 1985. Il sera d'ailleurs bientôt disponible sur Internet. Le Centre sait ainsi marier l'histoire la plus érudite avec les technologies les plus modernes, pour le plus grand bénéfice des chercheurs.
Vous aidez tous les passionnés d'histoire militaire à travailler, mais aussi à se rencontrer, et c'est là un aspect fondamental de votre activité.
Le CEHD a ainsi mis en place des commissions spécialisées, qui réunissent des universitaires, des militaires, des chercheurs et des étudiants, français ou étrangers, autour de thèmes relevant de l'histoire de la défense. Plus de 200 séances ont déjà eu lieu, et le public peut prendre connaissance des résultats de ses travaux grâce aux cahiers d'histoire du CEHD.
Le centre s'est beaucoup investi dans l'organisation de colloques et de journées d'études. Une trentaine de ces rencontres a déjà eu lieu, permettant des échanges riches et stimulants.
Le CEHD organise enfin des cycles de conférences, réunissant tout au long de l'année des spécialistes autour d'un thème précis touchant à l'histoire de la Défense, devant un auditoire de plus en plus vaste.
Je terminerai ce tour d'horizon rapide des activités du CEHD en évoquant bien sûr ses nombreuses publications. 45 ouvrages ont déjà été publiés, c'est un travail considérable et un très beau résultat. Le développement de votre présence sur Internet permettra de toucher un public plus large encore.
Ce dynamisme du centre lui vaut une très large reconnaissance, au sein du monde la défense comme au sein de l'Université. Cette reconnaissance est aussi internationale. Vous travaillez en effet avec passion à dépasser les clivages de frontière, à organiser des dialogues inédits entre des points de vue ou des traditions différentes. Je tiens à vous féliciter pour cette démarche qui s'est révélée particulièrement fructueuse.
Je pense bien sûr au colloque de décembre dernier, que j'ai déjà mentionné. Le dialogue avec " l'autre Europe ", trop longtemps impossible, est un facteur de renouveau pour notre continent.
Je pense également au colloque qui s'est tenu en mai dernier à Montpellier, traitant des aspects militaires de la Guerre d'Algérie : les historiens français et algériens ont pu travailler ensemble sur cette question brûlante. Ils l'ont fait sereinement, en dehors de passions, grâce au recul et à la liberté que les historiens sont capables de se donner. Ils ont ainsi contribué à la nécessaire réconciliation des mondes combattants, en Algérie et en France. C'est donc une initiative heureuse et importante, que je salue.
Vous vous êtes également penchés sur la période de la seconde guerre mondiale, en recherchant là encore à renouveler notre approche grâce à des regards étrangers. Vous avez publié cette année les actes d'un colloque organisé avec l'Institut historique allemand de Paris, consacré aux années 1942-1944. Enfin, l'ouvrage consacré à la défaite de mai-juin 1940, donnant la parole aux historiens étrangers, illustre votre rôle de diffusion des résultats de la recherche britannique, américaine et allemande auprès des historiens et du public français.
Cette ouverture internationale illustre parfaitement le rôle que doit jouer plus que jamais le CEHD : un rôle moteur et fédérateur, une interface permettant de décloisonner des domaines trop souvent séparés.
Vous menez ainsi un très important travail interarmées et interservices, qui est l'un de vos apports, et qui mérite d'être poursuivi activement.
Surtout, la vocation primordiale du centre est d'être une interface entre le monde militaire et le monde universitaire. L'estime dans laquelle les universitaires comme les officiers tiennent le centre et son directeur, le professeur VAÏSSE, est une preuve évidente de sa réussite. Il doit aujourd'hui poursuivre cet effort pour rapprocher encore deux mondes qui se connaissaient mal ; c'est un enjeu d'intérêt public pour notre démocratie que les universitaires et les militaires nouent des liens de confiance.
Une étape importante vient d'être franchie dans l'institutionnalisation des liens entre le CEHD et les institutions universitaires et de recherche, puisque quatre membres du Conseil scientifique sont désormais nommés par le Ministère de la recherche, co-signataire de l'arrêté d'organisation du Centre. Je me réjouis de cette évolution, car elle permettra de renforcer encore les synergies qui existent entre le CEHD et le monde de la recherche.
Cette coopération doit également permettre de renforcer le lien entre la recherche et l'enseignement proposé dans les écoles militaires et l'enseignement supérieur militaire. La place de l'histoire est fondamentale dans la formation des officiers, pour éclairer leur action et leur rôle dans la société. Le CEHD, par la qualité et la profusion de ses travaux, a vocation à alimenter cette formation, à en fournir les bases.
En développant ce dialogue entre chercheurs et officiers, le CEHD est donc appelé à jouer un rôle essentiel dans le renouvellement des liens entre l'Armée et la Nation, à l'heure où la professionnalisation provoque dans ce domaine des mutations importantes. L'histoire de la Défense, dans toutes ses dimensions, contribue fortement à la vitalité de notre culture de défense.
C'est l'un des enseignements de la Journée d'appel de préparation à la défense, que plus d'un million de jeunes hommes et de jeunes filles ont suivi depuis maintenant deux ans. L'accueil réservé par les jeunes au film projeté lors de cette journée, sur le devoir de mémoire, fortifie l'idée que la place particulière que nous réservons à l'histoire dans ce contact avec l'instruction militaire est un élément que nous devons à tout prix conserver.
C'est une place elle aussi particulière qui est donc celle du CEHD au sein de ce Ministère. Je suis très heureux de cette occasion qui m'est donnée de vous féliciter pour la tâche accomplie, et de vous assurer à nouveau de toute ma confiance.
Je veux également, en remettant ce prix, témoigner de toute l'estime que je porte aux chercheurs et de l'importance que j'attache à leurs travaux.
J'ai peu de choses à ajouter à ce qu'a dit le professeur VAÏSSE sur les travaux primés aujourd'hui et leurs auteurs, d'autant que je n'ai pas encore lu ces travaux. Mais j'ai pris connaissance de leurs principaux thèmes, parce qu'ils m'ont beaucoup intéressé.
J'ai déjà parlé, lors de mes précédentes visites, du rôle de l'historien pour éclairer les situations d'aujourd'hui et les choix politiques qu'elles appellent. Votre maîtrise, Monsieur HOUTE, en est une parfaite illustration. Vous étudiez la manière dont les Gendarmes du département du Nord ont fait face à l'essor économique et démographique de cette région dans la première moitié du XIXe siècle, avec toutes les difficultés que cela a entraîné. Je ne peux pas m'empêcher de penser à la Gendarmerie d'aujourd'hui, qui doit relever ce que j'appelle le " défi péri-urbain " : la forte progression de la population et l'évolution parfois préoccupante de la criminalité dans certaines des zones dont elle a la responsabilité. Il faut bien sûr se garder des comparaisons superficielles, mais il est très important de replacer certaines difficultés dans une perspective historique plus large. Votre travail, Monsieur HOUTE, nous y aidera.
J'ai également pris connaissance avec intérêt des résultats de la thèse de Monsieur POTTIER, sur le stationnement des troupes américaines en France, du début des années 1950 à 1967. Je me joins au professeur VAÏSSE pour vous féliciter d'avoir su prendre vos distances avec les idées reçues, et d'avoir fait un travail aussi complet et novateur. J'ai une réelle admiration pour les hommes et les femmes capables d'un tel investissement personnel, pour faire reculer l'ignorance et l'oubli. A travers vous, c'est donc à l'ensemble des chercheurs qui se consacrent à l'histoire de la défense que je souhaite rendre hommage.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 20 novembre 2000)