Texte intégral
Faut-il dire non aux jeunes ?
Monsieur le Président,
Mesdames,
Messieurs,
Tout d'abord merci de me donner l'occasion de m'exprimer sur un sujet qui me tient à cur.
En effet, quoi de plus important aujourd'hui, comme vous venez de le rappeler, Monsieur le Président, d'apprendre à nos enfants et à nos jeunes à devenir autonomes, libres et responsables dans le monde que nous leur construisons, toujours en évolution !
Dès que vous m'avez sollicitée, après le bonheur de revenir au cur d'une assemblée de professionnels que je connais bien, immédiatement m'est revenu à l'esprit ce proverbe chinois :
Si vous pensez en saisons, semez des céréales,
Si vous pensez en années, plantez des arbres,
Mais si vous pensez à l'avenir, éduquez vos enfants.
Et l'on pourrait rajouter " Eduquez et respectez vos enfants ".
En effet, savoir dire Non à un jeune, c'est l'éduquer, c'est le protéger, c'est l'aider à grandir, c'est aussi le respecter et accepter d'être adulte en face de lui.
C'est lui permettre, comme nombre d'entre vous l'ont rappelé, de se structurer.
C'est l'aider à comprendre que les adultes sont là et le considèrent, mais aussi que les institutions sont des cadres avec des codes et des repères, qui ne sont pas seulement là pour interdire, pour réprimer, mais pour l'élever, l'éduquer, lui ouvrir le chemin qui le conduira vers l'âge adulte.
Aussi, si je pense qu'il faut dire NON aux jeunes, encore faut-il que cela ne soit pas un NON REPRESSIF, de simple empêchement, un Non de défiance, un Non de mésestime ou d'intolérance... Il faut que ce soit un Non motivé, que le jeune peut comprendre faute de l'admettre.
Car le NON doit être là pour améliorer sa capacité à réussir, à grandir et à acquérir des compétences propres, surtout, et peut-être encore plus, lorsqu'il vit dans des conditions de vie défavorables, mais pas seulement.
Aussi OUI, il faut savoir dire NON aux jeunes !
C'est le NON qui stimulera sa volonté de conquête de ses droits, peut-être même sa rébellion, et lui permettra de comprendre que l'autre existe, que les interdits existent et identifient.
C'est le non, et les interdits qu'il balise, qui libère les énergies, les aptitudes et le potentiel de celui qui doit grandir pour conquérir sa maturité adulte.
Et c'est ce NON qui va permettre d'engager une véritable démarche d'éducation et de prévention.
Ce NON attentif, éducatif, ce NON préventif s'inscrit dans une démarche positive, humanisante qui vise, dès son plus jeune âge, à l'autonomie de la personne en renforçant ses compétences psycho-sociales, pour reprendre la terminologie de l'Organisation mondiale de la santé, lui permettant de s'inscrire dans son environnement mais aussi de dire lorsque cela va mal et de comprendre pourquoi, surtout en période de crise.
L'expression de ce Non trouve sa place dans tous les domaines de la vie.
Il permet la socialisation dans le sens où il va engager le respect des autres mais aussi de soi, le refus de l'injustice, de l'intolérance, de la violence, mais aussi de la paresse et de la facilité, du laisser-aller et du déni de soi-même.
Il va permettre à l'enfant d'acquérir les codes du groupe, de la société dans laquelle il vit, d'être " bien élevé " comme l'on dit, s'intégrant ainsi plus facilement, comprenant les enjeux du débat et de la controverse en lieu et place de l'agressivité et de la violence brutale.
Mais le non participe aussi pleinement à sa protection : ne pas permettre, ne pas laisser faire ce qui est dangereux, hors de sa portée, au vu de son âge, de sa force physique, de sa taille.. c'est dire non lorsque l'enfant veut jouer avec le feu, se pencher à la fenêtre, rester trop longtemps la tête sous l'eau
Ce non vise aussi à apprendre à l'enfant ce qui est interdit par la loi : conduire sans permis, insulter les agents, crier la nuit dans la rue et à enseigner ce qui est illégal comme le vol, la violence, la consommation de produit.
Mais c'est aussi prévenir ce qui est mauvais pour sa santé : dormir trop peu, mal se nourrir, se mettre en danger, ne pas prendre soin de soi, fréquenter des lieux à risques
De manière générale, c'est éviter les comportements à risque, anticiper et contrôler les conduites d'essai qui peuvent se révéler dangereuses : conduire trop vite, ne pas utiliser de préservatif mais aussi les comportements nocifs voire toxiques : boire de l'alcool, fumer, prendre des médicaments, se droguer
Dire non à toutes ces conduites, c'est considérer le jeune, lui montrer qu'il est important, que sa vie est importante, qu'elle est précieuse, qu'il doit donc en prendre soin. Et que tant qu'il ne sait pas tout seul, l'adulte le fait pour lui, parce qu'il le respecte, le protège, l'aime, en a la responsabilité.
Il nous faut développer la prévention positive, l'éducation pour la santé.
Vous savez que Martine Aubry et moi-même sommes très attachées à développer ces secteurs. Dans le cadre de la préparation de la loi de modernisation du système de santé, la réflexion en cours aboutira à des propositions au Parlement. Il s'agit d'organiser efficacement en France les conditions d'un développement harmonieux de qualité du champ de la prévention et de l'éducation pour la santé.
Désormais sous ma responsabilité, l'éducation pour la santé est en effet un formidable vecteur d'inclusion sociale, de développement de la responsabilité, de bien être et de qualité vie. Son objectif est de " rendre les personnes et les groupes aptes à adopter des modes de vie les plus favorables possibles à leur santé et à celles des autres ". Pour continuer à citer le Pr Jean Pierre Deschamps, l'éducation pour la santé " s'adresse à chaque personne, à chaque groupe, pour lui permettre d'accroître sa liberté de choix de mode de vie et de maîtrise de son environnement dans un sens favorable à sa santé et à celle de son entourage ". Ainsi, conçue et de développée dans ce sens, l'éducation pour la santé sera à même de respecter les libertés et les spécificités de chacun, comprises par tous.
Car le paradoxe est que pour se construire et pour se comprendre, les adolescents ont besoin de s'évader parfois dans un autre monde, forcément différent de celui des adultes. Ils vont même jusqu'à détourner en positif des messages de danger, de prévention du risque qui leur sont adressés, sans doute maladroitement sur un mode qui valorise l'interdit plutôt que son objectif et son fondement.
Mais attention, l'éducation pour la santé ne se limite pas à la délivrance d'information, de messages, de connaissances. L'éducation pour la santé est basée, comme toute éducation, sur une démarche pédagogique, sur une démarche d'accompagnement où le NON doit exister. Là aussi, ce n'est pas " NON. Un point c'est tout " C'est un NON accompagné prenant en compte la capacité de l'enfant, du jeune, à s'approprier la raison fondamentale du non.
Mais, et je souhaite insister là dessus, il ne s'agit pas, en éducation pour la santé, quel que soit le milieu où elle est mise en uvre, de tenter d'harmoniser les réponses, d'harmoniser les conduites, de poser un cadre référent de bonnes pratiques. Le jeune doit savoir que certains adultes diront oui, d'autres non.
Puisque telle est ma responsabilité maintenant, je réinvestis mon expérience, mes contacts et mes réflexions antérieures pour affirmer que l'éducation pour la santé n'a pas pour objectif d'harmoniser le discours social. Elle doit justement apprendre au jeune que plusieurs discours co-existent et que c'est à lui à faire un choix en fonction des objectifs qu'il poursuit : dire oui ou dire non à certains rendez-vous de son développement reste de sa capacité même si les adultes, les référents, l'encadrement doivent s'efforcer d'avoir en tout lieu, toute circonstance la même attitude.
Elle doit mettre le jeune en capacité de savoir gérer les informations contradictoires qu'il perçoit du corps social auquel il est confronté.
En ce sens, il faut donc lui apprendre que le NON est une réponse à sa portée aussi.
Afin qu'il soit en capacité de dire NON à l'adulte,
Il faut donc qu'il sache dire NON et sache pourquoi.
Voilà pourquoi, là encore, il faut savoir dire NON aux jeunes ! Et leur expliquer le pourquoi de cet interdit.
Les Etats généraux de la santé ont bien montré que les jeunes, qui ont participé en grand nombre, souhaitent avoir plus d'information mais aussi plus de soutien. Un sondage récent révèle que nos jeunes attendent, avant tout, de leurs parents, des adultes qui les entourent, d'abord du temps, le temps de discuter avec eux, de partager des moments de vie, de l'amour, des marques d'amour et d'attention. Ils seront capables de grandir en comprenant, en identifiant leurs propres problèmes, et ceux des autres, et en sachant se faire entendre, se faire aider en cas de période d'incertitude, de difficultés, de problèmes, si les adultes qui les entourent sont attentifs et accessibles.
Dans ce sens, il faut que les pouvoirs publics veillent à ce que les parents soient en capacité d'exercer leurs obligations envers leurs enfants et, le cas échéant, les aident, voire les suppléent dans les cas les plus graves.
A ce titre, on peut rappeler les grandes politiques de l'Etat menées en faveur des jeunes :
- la loi contre les exclusions avec le renforcement des actions pour l'insertion des jeunes (TRACE, FAJ) et l'accent mis sur l'amélioration de la formation des travailleurs sociaux, dont le travail s'est considérablement modifié avec la multiplicité des problèmes et des publics à prendre en charge,
- les mesures adoptées dans le cadre du Conseil de sécurité intérieure, qui vise à maintenir l'équilibre entre l'aspect éducatif et l'aspect répressif, notamment en matière de drogue,
- l'adoption d'un plan de lutte contre la violence à l'école et les recherches partenariales dans ce domaine,
- le soutien aux écoles de parents et aux innovations institutionnelles.
- le soutien des acteurs par l'intermédiaire des contrats locaux de sécurité.
Je rappellerai les actions plus spécifiques menées sur le thème de votre colloque :
- la recherche de bonnes pratiques dans le domaine éducatif,
- la prévention des situations de mal-être, de conflit et de délinquance. La création, depuis quelques années, de points d'accueil et d'écoute, permet d'offrir des espaces dans lesquels les jeunes peuvent exprimer leurs difficultés hors de tout contexte normatif,
- et le lancement, il y a tout juste un an, sous l'impulsion du Délégué interministériel à la Famille, des réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents.
La Charte de ces réseaux précisait clairement l'objectif : " Valoriser les rôles et compétences des parents : responsabilité et autorité, confiance en soi, transmission de l'histoire familiale, élaboration des repères, protection et développement de l'enfant ".
Il s'agit de donner aux parents la possibilité d'être écoutés, de partager leurs difficultés avec d'autres parents, de prendre conscience qu'ils ne sont pas seuls, que d'autres peuvent aussi avoir des difficultés, se poser des questions et qu'ils savent des choses. La démarche s'appuie sur une ouverture à toutes les familles, mise en relation et entraide mutuelle sont les principes d'action de ces réseaux.
L'UNASEA est membre du comité d'animation qu'au niveau national fait vivre cette dynamique d'échange et de renforcement des actions d'appui des parents.
Dans chaque département les réseaux se développent grâce à la participation et aux financements croissants de l'Etat, de la CNAF, des collectivités locales.
En 1999, 1 500 projets nouveaux sont venus s'ajouter aux actions déjà en cours. Je connais la place des sauvegardes dans l'élaboration de certaines d'entre eux.
Ce développement va être complété en 2000 par un travail technique de réflexion sur les pratiques à l'uvre de soutien à la fonction parentale.
Mais nous savons aussi que la fonction parentale est une fonction difficile aujourd'hui et difficile pour tous. Dans un monde plus ouvert, plus mobile, les repères sont plus mouvants, la société est moins structurée par des organisations intermédiaires, l'autorité va moins de soi ; elle a besoin d'être légitimée.
Loin d'avoir renoncé, les parents demandent donc à être aidés dans leur tâche.
Ce dispositif vous concerne sur deux points essentiels :
- l'accompagnement technique nécessaire, car l'animation d'un groupe de parents ne s'improvise pas,
- les enseignements à tirer de ces nouvelles pratiques, susceptibles de révéler des savoir-faire et des ressources parentales jusqu'alors négligées.
Il s'agit aussi d'améliorer la reconnaissance de la fonction parentale dans les services publics qui accueillent les enfants. Des réflexions sont en cours sur les contenus de la formation initiale (des enseignants, des travailleurs sociaux). J'ai rappelé devant le Conseil Supérieur de Travail Social l'importance que j'attache à une réflexion et des propositions sur cette question. La mobilisation des employeurs sur les missions confiées et sur les pratiques professionnelles à l'uvre vis à vis des familles est nécessaire.
L'UNASEA participe de cet enjeu, quand elle n'en est pas à l'origine, et à l'évolution commune. Des travaux d'analyse vont débuter avec la Délégation Interministérielle à la Famille. C'est sur les pratiques au quotidien qu'il nous faut donc maintenir la vigilance de tous.
Une prise en compte des parents dans une visée plus mobilisatrice ne relève pas d'un renforcement de la réglementation, déjà très explicite dans ce domaine.
C'est au niveau de la conception que les choses se jouent et au niveau de la définition des références éducatives communes.
C'est pourquoi l'implication de tous les acteurs dans les réseaux est essentielle pour permettre la diffusion de ces préoccupations et initier ces pratiques pour les généraliser.
Je vous suis donc, Monsieur le Président, en parfait accord avec vous, sur cette nécessité de poursuivre la concertation fondamentale et multipartite sur l'éducation comme responsabilité globale et partagée. En effet, l'éducation doit être partagée entre les différents professionnels avec les parents en leur apportant le soutien dès que cela est nécessaire, sans stigmatisation, ni condamnation sociale. Tout le monde peut avoir des problèmes un jour avec l'un de ses enfants !
C'est par une réflexion et des actions collectives que nous pourrons ensemble y arriver et forger ainsi le cadre éducatif des jeunes qui nous sont confiés sans mettre en péril ni leur avenir et leur sécurité affective, ni celui des institutions.
Je tenais donc à vous rendre hommage, à vous tous travailleurs sociaux et éducatifs, qui vous investissez quotidiennement dans ce travail difficile mais essentiel, avec le souci, le questionnement du sens de votre engagement et de votre responsabilité dans les équilibres de notre société de demain.
En guise de conclusion si effectivement, il faut savoir dire NON aux jeunes, je voudrai dire aussi
Il faut leur dire OUI
OUI, je t'écoute,
OUI, je t'aime,
OUI je suis avec toi,
OUI, je te fais confiance,
OUI, c'est bien ce que tu fais,
et OUI, je serai toujours présent même quand toi,
tu me diras NON
car je ne faiblirai jamais devant mes responsabilités.
Je vous remercie
(source http://www.sante.gouv.fr, le 20 mars 2000)
Monsieur le Président,
Mesdames,
Messieurs,
Tout d'abord merci de me donner l'occasion de m'exprimer sur un sujet qui me tient à cur.
En effet, quoi de plus important aujourd'hui, comme vous venez de le rappeler, Monsieur le Président, d'apprendre à nos enfants et à nos jeunes à devenir autonomes, libres et responsables dans le monde que nous leur construisons, toujours en évolution !
Dès que vous m'avez sollicitée, après le bonheur de revenir au cur d'une assemblée de professionnels que je connais bien, immédiatement m'est revenu à l'esprit ce proverbe chinois :
Si vous pensez en saisons, semez des céréales,
Si vous pensez en années, plantez des arbres,
Mais si vous pensez à l'avenir, éduquez vos enfants.
Et l'on pourrait rajouter " Eduquez et respectez vos enfants ".
En effet, savoir dire Non à un jeune, c'est l'éduquer, c'est le protéger, c'est l'aider à grandir, c'est aussi le respecter et accepter d'être adulte en face de lui.
C'est lui permettre, comme nombre d'entre vous l'ont rappelé, de se structurer.
C'est l'aider à comprendre que les adultes sont là et le considèrent, mais aussi que les institutions sont des cadres avec des codes et des repères, qui ne sont pas seulement là pour interdire, pour réprimer, mais pour l'élever, l'éduquer, lui ouvrir le chemin qui le conduira vers l'âge adulte.
Aussi, si je pense qu'il faut dire NON aux jeunes, encore faut-il que cela ne soit pas un NON REPRESSIF, de simple empêchement, un Non de défiance, un Non de mésestime ou d'intolérance... Il faut que ce soit un Non motivé, que le jeune peut comprendre faute de l'admettre.
Car le NON doit être là pour améliorer sa capacité à réussir, à grandir et à acquérir des compétences propres, surtout, et peut-être encore plus, lorsqu'il vit dans des conditions de vie défavorables, mais pas seulement.
Aussi OUI, il faut savoir dire NON aux jeunes !
C'est le NON qui stimulera sa volonté de conquête de ses droits, peut-être même sa rébellion, et lui permettra de comprendre que l'autre existe, que les interdits existent et identifient.
C'est le non, et les interdits qu'il balise, qui libère les énergies, les aptitudes et le potentiel de celui qui doit grandir pour conquérir sa maturité adulte.
Et c'est ce NON qui va permettre d'engager une véritable démarche d'éducation et de prévention.
Ce NON attentif, éducatif, ce NON préventif s'inscrit dans une démarche positive, humanisante qui vise, dès son plus jeune âge, à l'autonomie de la personne en renforçant ses compétences psycho-sociales, pour reprendre la terminologie de l'Organisation mondiale de la santé, lui permettant de s'inscrire dans son environnement mais aussi de dire lorsque cela va mal et de comprendre pourquoi, surtout en période de crise.
L'expression de ce Non trouve sa place dans tous les domaines de la vie.
Il permet la socialisation dans le sens où il va engager le respect des autres mais aussi de soi, le refus de l'injustice, de l'intolérance, de la violence, mais aussi de la paresse et de la facilité, du laisser-aller et du déni de soi-même.
Il va permettre à l'enfant d'acquérir les codes du groupe, de la société dans laquelle il vit, d'être " bien élevé " comme l'on dit, s'intégrant ainsi plus facilement, comprenant les enjeux du débat et de la controverse en lieu et place de l'agressivité et de la violence brutale.
Mais le non participe aussi pleinement à sa protection : ne pas permettre, ne pas laisser faire ce qui est dangereux, hors de sa portée, au vu de son âge, de sa force physique, de sa taille.. c'est dire non lorsque l'enfant veut jouer avec le feu, se pencher à la fenêtre, rester trop longtemps la tête sous l'eau
Ce non vise aussi à apprendre à l'enfant ce qui est interdit par la loi : conduire sans permis, insulter les agents, crier la nuit dans la rue et à enseigner ce qui est illégal comme le vol, la violence, la consommation de produit.
Mais c'est aussi prévenir ce qui est mauvais pour sa santé : dormir trop peu, mal se nourrir, se mettre en danger, ne pas prendre soin de soi, fréquenter des lieux à risques
De manière générale, c'est éviter les comportements à risque, anticiper et contrôler les conduites d'essai qui peuvent se révéler dangereuses : conduire trop vite, ne pas utiliser de préservatif mais aussi les comportements nocifs voire toxiques : boire de l'alcool, fumer, prendre des médicaments, se droguer
Dire non à toutes ces conduites, c'est considérer le jeune, lui montrer qu'il est important, que sa vie est importante, qu'elle est précieuse, qu'il doit donc en prendre soin. Et que tant qu'il ne sait pas tout seul, l'adulte le fait pour lui, parce qu'il le respecte, le protège, l'aime, en a la responsabilité.
Il nous faut développer la prévention positive, l'éducation pour la santé.
Vous savez que Martine Aubry et moi-même sommes très attachées à développer ces secteurs. Dans le cadre de la préparation de la loi de modernisation du système de santé, la réflexion en cours aboutira à des propositions au Parlement. Il s'agit d'organiser efficacement en France les conditions d'un développement harmonieux de qualité du champ de la prévention et de l'éducation pour la santé.
Désormais sous ma responsabilité, l'éducation pour la santé est en effet un formidable vecteur d'inclusion sociale, de développement de la responsabilité, de bien être et de qualité vie. Son objectif est de " rendre les personnes et les groupes aptes à adopter des modes de vie les plus favorables possibles à leur santé et à celles des autres ". Pour continuer à citer le Pr Jean Pierre Deschamps, l'éducation pour la santé " s'adresse à chaque personne, à chaque groupe, pour lui permettre d'accroître sa liberté de choix de mode de vie et de maîtrise de son environnement dans un sens favorable à sa santé et à celle de son entourage ". Ainsi, conçue et de développée dans ce sens, l'éducation pour la santé sera à même de respecter les libertés et les spécificités de chacun, comprises par tous.
Car le paradoxe est que pour se construire et pour se comprendre, les adolescents ont besoin de s'évader parfois dans un autre monde, forcément différent de celui des adultes. Ils vont même jusqu'à détourner en positif des messages de danger, de prévention du risque qui leur sont adressés, sans doute maladroitement sur un mode qui valorise l'interdit plutôt que son objectif et son fondement.
Mais attention, l'éducation pour la santé ne se limite pas à la délivrance d'information, de messages, de connaissances. L'éducation pour la santé est basée, comme toute éducation, sur une démarche pédagogique, sur une démarche d'accompagnement où le NON doit exister. Là aussi, ce n'est pas " NON. Un point c'est tout " C'est un NON accompagné prenant en compte la capacité de l'enfant, du jeune, à s'approprier la raison fondamentale du non.
Mais, et je souhaite insister là dessus, il ne s'agit pas, en éducation pour la santé, quel que soit le milieu où elle est mise en uvre, de tenter d'harmoniser les réponses, d'harmoniser les conduites, de poser un cadre référent de bonnes pratiques. Le jeune doit savoir que certains adultes diront oui, d'autres non.
Puisque telle est ma responsabilité maintenant, je réinvestis mon expérience, mes contacts et mes réflexions antérieures pour affirmer que l'éducation pour la santé n'a pas pour objectif d'harmoniser le discours social. Elle doit justement apprendre au jeune que plusieurs discours co-existent et que c'est à lui à faire un choix en fonction des objectifs qu'il poursuit : dire oui ou dire non à certains rendez-vous de son développement reste de sa capacité même si les adultes, les référents, l'encadrement doivent s'efforcer d'avoir en tout lieu, toute circonstance la même attitude.
Elle doit mettre le jeune en capacité de savoir gérer les informations contradictoires qu'il perçoit du corps social auquel il est confronté.
En ce sens, il faut donc lui apprendre que le NON est une réponse à sa portée aussi.
Afin qu'il soit en capacité de dire NON à l'adulte,
Il faut donc qu'il sache dire NON et sache pourquoi.
Voilà pourquoi, là encore, il faut savoir dire NON aux jeunes ! Et leur expliquer le pourquoi de cet interdit.
Les Etats généraux de la santé ont bien montré que les jeunes, qui ont participé en grand nombre, souhaitent avoir plus d'information mais aussi plus de soutien. Un sondage récent révèle que nos jeunes attendent, avant tout, de leurs parents, des adultes qui les entourent, d'abord du temps, le temps de discuter avec eux, de partager des moments de vie, de l'amour, des marques d'amour et d'attention. Ils seront capables de grandir en comprenant, en identifiant leurs propres problèmes, et ceux des autres, et en sachant se faire entendre, se faire aider en cas de période d'incertitude, de difficultés, de problèmes, si les adultes qui les entourent sont attentifs et accessibles.
Dans ce sens, il faut que les pouvoirs publics veillent à ce que les parents soient en capacité d'exercer leurs obligations envers leurs enfants et, le cas échéant, les aident, voire les suppléent dans les cas les plus graves.
A ce titre, on peut rappeler les grandes politiques de l'Etat menées en faveur des jeunes :
- la loi contre les exclusions avec le renforcement des actions pour l'insertion des jeunes (TRACE, FAJ) et l'accent mis sur l'amélioration de la formation des travailleurs sociaux, dont le travail s'est considérablement modifié avec la multiplicité des problèmes et des publics à prendre en charge,
- les mesures adoptées dans le cadre du Conseil de sécurité intérieure, qui vise à maintenir l'équilibre entre l'aspect éducatif et l'aspect répressif, notamment en matière de drogue,
- l'adoption d'un plan de lutte contre la violence à l'école et les recherches partenariales dans ce domaine,
- le soutien aux écoles de parents et aux innovations institutionnelles.
- le soutien des acteurs par l'intermédiaire des contrats locaux de sécurité.
Je rappellerai les actions plus spécifiques menées sur le thème de votre colloque :
- la recherche de bonnes pratiques dans le domaine éducatif,
- la prévention des situations de mal-être, de conflit et de délinquance. La création, depuis quelques années, de points d'accueil et d'écoute, permet d'offrir des espaces dans lesquels les jeunes peuvent exprimer leurs difficultés hors de tout contexte normatif,
- et le lancement, il y a tout juste un an, sous l'impulsion du Délégué interministériel à la Famille, des réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents.
La Charte de ces réseaux précisait clairement l'objectif : " Valoriser les rôles et compétences des parents : responsabilité et autorité, confiance en soi, transmission de l'histoire familiale, élaboration des repères, protection et développement de l'enfant ".
Il s'agit de donner aux parents la possibilité d'être écoutés, de partager leurs difficultés avec d'autres parents, de prendre conscience qu'ils ne sont pas seuls, que d'autres peuvent aussi avoir des difficultés, se poser des questions et qu'ils savent des choses. La démarche s'appuie sur une ouverture à toutes les familles, mise en relation et entraide mutuelle sont les principes d'action de ces réseaux.
L'UNASEA est membre du comité d'animation qu'au niveau national fait vivre cette dynamique d'échange et de renforcement des actions d'appui des parents.
Dans chaque département les réseaux se développent grâce à la participation et aux financements croissants de l'Etat, de la CNAF, des collectivités locales.
En 1999, 1 500 projets nouveaux sont venus s'ajouter aux actions déjà en cours. Je connais la place des sauvegardes dans l'élaboration de certaines d'entre eux.
Ce développement va être complété en 2000 par un travail technique de réflexion sur les pratiques à l'uvre de soutien à la fonction parentale.
Mais nous savons aussi que la fonction parentale est une fonction difficile aujourd'hui et difficile pour tous. Dans un monde plus ouvert, plus mobile, les repères sont plus mouvants, la société est moins structurée par des organisations intermédiaires, l'autorité va moins de soi ; elle a besoin d'être légitimée.
Loin d'avoir renoncé, les parents demandent donc à être aidés dans leur tâche.
Ce dispositif vous concerne sur deux points essentiels :
- l'accompagnement technique nécessaire, car l'animation d'un groupe de parents ne s'improvise pas,
- les enseignements à tirer de ces nouvelles pratiques, susceptibles de révéler des savoir-faire et des ressources parentales jusqu'alors négligées.
Il s'agit aussi d'améliorer la reconnaissance de la fonction parentale dans les services publics qui accueillent les enfants. Des réflexions sont en cours sur les contenus de la formation initiale (des enseignants, des travailleurs sociaux). J'ai rappelé devant le Conseil Supérieur de Travail Social l'importance que j'attache à une réflexion et des propositions sur cette question. La mobilisation des employeurs sur les missions confiées et sur les pratiques professionnelles à l'uvre vis à vis des familles est nécessaire.
L'UNASEA participe de cet enjeu, quand elle n'en est pas à l'origine, et à l'évolution commune. Des travaux d'analyse vont débuter avec la Délégation Interministérielle à la Famille. C'est sur les pratiques au quotidien qu'il nous faut donc maintenir la vigilance de tous.
Une prise en compte des parents dans une visée plus mobilisatrice ne relève pas d'un renforcement de la réglementation, déjà très explicite dans ce domaine.
C'est au niveau de la conception que les choses se jouent et au niveau de la définition des références éducatives communes.
C'est pourquoi l'implication de tous les acteurs dans les réseaux est essentielle pour permettre la diffusion de ces préoccupations et initier ces pratiques pour les généraliser.
Je vous suis donc, Monsieur le Président, en parfait accord avec vous, sur cette nécessité de poursuivre la concertation fondamentale et multipartite sur l'éducation comme responsabilité globale et partagée. En effet, l'éducation doit être partagée entre les différents professionnels avec les parents en leur apportant le soutien dès que cela est nécessaire, sans stigmatisation, ni condamnation sociale. Tout le monde peut avoir des problèmes un jour avec l'un de ses enfants !
C'est par une réflexion et des actions collectives que nous pourrons ensemble y arriver et forger ainsi le cadre éducatif des jeunes qui nous sont confiés sans mettre en péril ni leur avenir et leur sécurité affective, ni celui des institutions.
Je tenais donc à vous rendre hommage, à vous tous travailleurs sociaux et éducatifs, qui vous investissez quotidiennement dans ce travail difficile mais essentiel, avec le souci, le questionnement du sens de votre engagement et de votre responsabilité dans les équilibres de notre société de demain.
En guise de conclusion si effectivement, il faut savoir dire NON aux jeunes, je voudrai dire aussi
Il faut leur dire OUI
OUI, je t'écoute,
OUI, je t'aime,
OUI je suis avec toi,
OUI, je te fais confiance,
OUI, c'est bien ce que tu fais,
et OUI, je serai toujours présent même quand toi,
tu me diras NON
car je ne faiblirai jamais devant mes responsabilités.
Je vous remercie
(source http://www.sante.gouv.fr, le 20 mars 2000)