Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du gouvernement, à "BFM" le 2 septembre 2005, sur le financement du plan gouvernemental pour l'emploi et sur la réforme fiscale.

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Média : BFM

Texte intégral

S. Soumier - Vous allez bien ?
R - Très bien, merci.
Q - Non, parce que vous avez 15 milliards d'euros à trouver à peu près ! Ce sont les estimations que font un peu partout les experts, ce matin, sur le financement du plan Villepin : 15 milliards d'euros au moins. Est-ce que ce sont aussi vos estimations ?
R - Non, je crois que là, on a mélangé un petit peu les choux et les carottes. Dans ces moments-là, il vaut mieux essayer de regarder les choses en tenant compte de ce qu'on appelle l'année budgétaire, de ce que l'on a à payer chaque année en fonction des mesures que l'on annonce. Et dans affaire-là, il faut voir aussi ce qu'est la dépense publique, parce que vous avez des dépenses publiques qui ont une efficacité immédiate et d'autres qui, en revanche, ont une efficacité beaucoup plus faible.
Q - Parlons de celles qui ont une efficacité immédiate, justement...
R - Oui, l'intérêt des mesures qui sont proposées dans le plan Villepin - et c'est le ministre du Budget qui vous parle -, c'est qu'à chaque fois on est dans la dépense publique efficace. Je vais vous prendre un exemple : la prime pour l'emploi est une mesure très ambitieuse que celle qui consiste à enfin, arrêter cette situation complètement grotesque que l'on connaît en France, très souvent, dans lequel aujourd'hui, une personne qui est au RMI est susceptible de perdre de l'argent si jamais elle reprend un emploi à temps partiel ou au niveau du Smic à temps plein. Pourquoi ? Eh bien tout simplement parce que quand vous êtes au RMI, vous êtes exonéré de redevance, vous bénéficiez de la CMU et de la CMUC, vous n'avez pas d'impôts locaux, vous n'êtes pas poursuivi pour dette fiscale, il y a la prime de Noël, enfin, toute une série d'éléments qui font que si vous reprenez un emploi à temps partiel, vous perdez de l'argent. Donc l'idée est que la prime pour l'emploi, qui est versée à celui qui reprend un emploi, va être très musclée, puisqu'elle va être doublée pour le temps partiel et augmentée de 50 % au niveau du Smic à temps plein. C'est évidemment un élément majeur d'incitation à la reprise d'emploi...
Q - C'est très bien pour reprendre l'emploi, mais les chefs d'entreprise se demandent si pour la croissance, il ne valait pas mieux s'attaquer directement au coût du travail pour les entreprises...
R - Mais il faut dire aux chefs d'entreprise que le coût du travail, c'est aussi quand même très largement pris en charge et qu'ils le savent très bien. Les exonérations de charges sociales au niveau des bas salaires sont très importantes, puisqu'en réalité, jusqu'à 1,5 Smic, il y a des exonérations de charges qui sont très fortes. Ce que chacun doit comprendre, c'est que la baisse des charges sociales est un élément de la politique de l'emploi, mais que cela ne suffit pas. A cela, il faut ajouter tous les mécanismes qui permettent d'accompagner les demandeurs d'emploi ou les personnes qui sont aux minima sociaux vers la reprise d'emploi. Et cet accompagnement doit être personnalisé, avec des droits et des devoirs. Les droits, c'est d'être reçu, c'est d'être coaché, accompagné par les responsables de l'ANPE, une ANPE d'ailleurs qui est profondément modernisée en ce moment. Et puis les devoirs, c'est que si on ne va pas aux rendez-vous qui sont fixés, on peut avoir à ce moment-là des sanctions, comme d'ailleurs on aura des sanctions si on travaille au noir. Mais tout cela fait partie d'un tout, comme d'ailleurs fait partie d'un tout le contrat "nouvelles embauches" qui a été mis en place depuis un mois et demi et qui est un CDI très incitatif pour l'employeur à embaucher.
Q - Sur la réforme fiscale maintenant, ce n'est pas sur cette année budgétaire bien sûr, mais vous chiffrez le "cadeau fait aux Français" - ce sont les termes employés par D. de Villepin - à 3,5 milliards d'euros. Etes-vous sûr de les récupérer en relançant la croissance ?
R - 3,5 milliards d'euros, lorsque c'est injecté dans la baisse de l'impôt sur le revenu - puisqu'il s'agit là d'une réforme en profondeur de l'impôt sur le revenu, puisqu'on va réduire le nombre de tranches, donc en plus, on simplifie cet impôt -, l'objectif qui est derrière est de rendre du pouvoir d'achat aux Français. Quand vous réinjectez des baisses d'impôts dans l'économie, cela incite les Français à consommer, à investir, à embaucher. C'est évidemment un élément majeur, mais cela procède d'un tout. Ce qu'il faut que chacun comprenne, c'est que ce n'est pas une mesure par-ci ou par-là : c'est un plan global très ambitieux, qui cherche à la fois à inciter à la reprise d'activité et à l'emploi, avec la prime pour l'emploi et la réforme que j'ai dite sur les minima sociaux, le pouvoir d'achat avec la réforme de l'impôt sur le revenu, l'investissement public et privé, parce qu'il faut que ça tourne dans l'économie et ce, pour des montants importants - quand vous investissez dans les routes, dans la recherche, ce sont évidemment des investissements d'avenir - et puis aussi, la compétitivité de notre pays, l'attractivité du territoire. Voilà pourquoi j'introduis une réforme très importante de la taxe professionnelle, dans ce même budget que nous allons discuter à l'automne, et même chose en ce qui concerne la réflexion que nous avons sur le plafond qu'on détermine comme étant un plafond maximal par rapport aux revenus, en terme d'impôt à la personne. C'est un élément très important.
Q - Oui, c'est effectivement très important parce que, ceux qui payent l'ISF ont l'impression d'avoir été totalement oubliés. Vous nous dites ce matin qu'ils ne l'ont pas été, que vous allez plafonner l'impôt sur le revenu ?
R - L'idée - et c'est ce que le Premier ministre nous a demandé -, c'est de déterminer un niveau au-delà duquel on est dans la logique de l'impôt confiscatoire, qui fait qu'il y a un certain nombre de gens qui quittent la France, parce qu'ils en ont la possibilité et qui ne vont plus payer d'euros d'impôts en France et qui vont les payer ailleurs. L'idée est de déterminer, un peu dans l'esprit de la moyenne européenne...
Q - 66 % ?
R - C'est en tout cas un plafond qui a été évoqué mais sur lequel il faut qu'on travaille... L'idée est de dire que quand vous cumulez tous les impôts que vous payez, il ne faut pas que ça aille au-delà d'un certain seuil par rapport aux revenus. Sinon, qu'est-ce qui se passe ? Vous avez des grandes fortunes mais aussi des entrepreneurs, qui quittent la France. Or, quand on a un phénomène aussi important, qui est d'ailleurs dénoncé à gauche comme à droite - il en faut pas se raconter de blague, monsieur Migaud, quand il était dans la majorité, il le faisait de manière très vive... Donc je crois qu'il faut regarder ça de manière lucide, parce que ce n'est pas bon pour l'économie. Voilà un peu les éléments sur lesquels on travaille et je crois que cela fait un projet d'ensemble qui est très cohérent, parce que dans le même temps, on va plafonner ce qu'on appelle les niches fiscales, qui sont des outils utilisés, par certains qui en ont les moyens, pour tourner dans tous les sens. Donc je crois que là aussi, il faut essayer d'être en cohérence....
Q - Mais pour quand est-ce ? Parce que même si vous y mettez les formes politiquement, et on le comprend, cela va être une forme de plafonnement de l'ISF. Est-ce pour la prochaine loi budgétaire ?
R - L'idée que nous avons, c'est de présenter toutes ces mesures à l'automne dans le PLF.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 6 septembre 2005)