Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, sur les modalités de restructuration des conventions collectives du secteur du spectacle, notamment l'articulation autour de six grandes conventions et la définition du contenu des conventions collectives, Paris le 29 septembre 2005.

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Circonstance : Rencontre entre MM. Larcher et Donnedieu de Vabres et les confédérations syndicales, en présence de M. Guillot, chargé d'une mission de consultation sur les problématiques de l'emploi dans le secteur du spectacle à Paris le 29 septembre 2005

Texte intégral

Monsieur le ministre,
Mesdames et Messieurs les représentants des partenaires sociaux,
Mesdames et Messieurs,
Jean-Paul Guillot, au travers de son exposé très fouillé - et je voudrais le remercier pour ses travaux qui me paraissent de nature à nous éclairer utilement - vient de nous présenter, en posant des éléments de diagnostic, les enjeux qui sont les nôtres dans notre chantier de modernisation de l'emploi culturel.
Je voudrais d'abord insister ici à mon tour sur un point que je considère comme prioritaire : celui des conventions collectives.
L'Etat a engagé, et nous en avons longuement discuté le 16 juin dernier, une profonde rénovation de la politique de l'emploi culturel.
Mais la mise en place d'une politique cohérente de l'emploi culturel nécessite aussi une implication forte des partenaires sociaux du secteur du spectacle. Car c'est d'abord aux partenaires sociaux qu'il revient de définir les conditions de travail et d'emploi et leur mode de régulation, au travers d'un effort dans la structuration des champs des conventions collectives.
Or, et l'exposé de Jean-Paul Guillot l'a bien montré, la situation actuelle n'est pas satisfaisante.
En effet, à ce jour, la couverture conventionnelle des secteurs du spectacle vivant et du spectacle enregistré est encore très imparfaite.
J'en veux pour preuve le très grand nombre de conventions collectives et d'accords professionnels actuellement applicables : on compte ainsi pas moins de 20 conventions et 47 accords professionnels en vigueur.
J'en veux aussi pour preuve la multiplication des nouveaux champs conventionnels, concernant parfois un nombre très limité de salariés et d'entreprises.
Or cet éclatement des conventions collectives n'a pas permis une couverture optimale, loin s'en faut. En témoignent l'existence de multiples chevauchements conventionnels, mais aussi les lacunes dans la couverture des branches.
De surcroît, et hormis quelques sous-secteurs professionnels, ces conventions et accords professionnels ne contiennent que très peu de dispositions substantielles sur les domaines pourtant incontournables de la négociation collective (salaires, classification, temps de travail, prévoyance, formation professionnelle...) et ne sont pas souvent utilisées comme vecteur pour rationaliser le périmètre des cas de recours au CDD d'usage.
Voilà pourquoi, en décembre dernier, avec Renaud Donnedieu de Vabres, nous avons invité les partenaires sociaux du secteur à avancer afin de garantir au plus vite une couverture conventionnelle permettant de jouer pleinement son rôle de régulation des conditions de travail et de l'emploi dans le secteur.
Depuis près d'un an, de nombreux efforts ont été déployés par les organisations représentants les employeurs et les salariés pour restructurer le champ et enrichir le contenu des conventions collectives des secteurs du spectacle vivant et du spectacle enregistré en vue d'améliorer les conditions de travail et d'emploi des salariés techniciens et des artistes.
J'ai naturellement souhaité, compte tenu des responsabilités qui sont les miennes comme ministre en charge du travail, accompagner les partenaires sociaux dans leur démarche, favoriser le bon déroulement des négociations et fournir l'appui technique, notamment dans le cadre des commissions mixtes paritaires, sous la conduite d'un représentant de l'Etat.
Lors de notre réunion du 16 juin dernier, j'ai pu saluer l'ampleur des progrès accomplis pour mieux délimiter le périmètre des conventions collectives. Je songe notamment à l'accord inter-branches du spectacle vivant qui a précisé les champs d'application des CCN des secteurs privé et public.
Mais j'ai aussi pu constater les difficultés rencontrées par les partenaires sociaux pour atteindre rapidement les objectifs visés.
Aussi, face à ces difficultés et en lien avec Renaud Donnedieu de Vabres, je considère que nous devons aujourd'hui franchir un nouveau cap dans ce chantier de restructuration des conventions collectives.
Pour cela, en étroite collaboration avec le ministère de la culture et après discussion avec Jean-Paul Guillot, j'ai demandé au Directeur des relations du travail de réunir les représentants des employeurs et des salariés du secteur afin de trouver avec eux les solutions pour accélérer le processus amorcé ces derniers mois.
A l'issue de ces réunions organisées la semaine dernière, il nous semble possible de retenir un nouveau schéma pour dépasser les difficultés rencontrées actuellement et faire des conventions collectives des instruments efficaces au service de l'emploi et des relations du travail dans le secteur.
Ce schéma repose sur une double exigence :
- garantir une couverture à la fois claire et complète du secteur, en prenant en compte ses spécificités
- donner un réel contenu aux conventions collectives
1) Sur la restructuration des champs conventionnels du secteur
Je l'ai dit, il ne semble plus possible de s'appuyer sur une couverture conventionnelle morcelée et incomplète. Je crois préférable de chercher à couvrir l'ensemble du secteur avec un nombre beaucoup plus restreint de conventions collectives ou d'accords professionnels.
Après discussion avec les partenaires sociaux du secteur, l'architecture qui me semble devoir être privilégiée repose sur une nouvelle couverture du secteur s'articulant autour de 6 grandes conventions :
- une convention collective nationale (CCN) pour le spectacle vivant ;
- une CCN pour la production audiovisuelle et cinématographique ;
- une CCN pour l'édition phonographique ;
- une CCN pour les entreprises de prestations techniques ;
- un accord professionnel spécifique pour les personnels non permanents des radios ;
- un accord professionnel spécifique pour les personnels non permanents de la télédiffusion car cette restructuration des champs conventionnels n'a aucunement vocation à remettre en cause l'existence des textes couvrants actuellement l'audiovisuel public.
Cette restructuration des champs conventionnels s'inscrit dans la continuité des efforts déployés par la Direction des relations du travail pour limiter les chevauchements entre conventions et accords, pour couvrir l'intégralité d'un secteur et pour éviter la prolifération des textes ne couvrant que très peu de salariés.
Toutefois, compte tenu des spécificités de ces secteurs et de l'ampleur des négociations à conduire pour parvenir à ce résultat dans des délais raisonnables, il serait envisageable dans un premier temps de ne pas regrouper les conventions applicables :
- aux secteurs du spectacle vivant subventionné et privé ;
- aux secteurs de la production audiovisuelle et cinématographique.
2) Sur le contenu des conventions collectives
Mais ces conventions et accords collectifs ne doivent pas être des " coquilles vides ". Elles doivent contenir un certain nombre de stipulations incontournables pour pouvoir jouer pleinement leur rôle de régulation de l'emploi.
Et, vous l'aurez compris, ces éléments prioritaires sont en premier chef :
- les conditions de recours au CDD d'usage ;
- les modes de transformation des CDD d'usage en CDI ;
- les salaires minima et les conditions de rémunération, afin de favoriser l'allongement de la durée moyenne des contrats de travail ;
- le temps de travail, afin de mieux prendre en compte le temps de travail effectif des salariés et les spécificités du secteur en la matière.
Très concrètement, il importera en priorité aux partenaires sociaux de traiter la question fondamentale du champ du CDD d'usage. Son périmètre devra être défini de façon précise et maîtrisée. La liste des cas de recours devra être réduite par rapport à la situation actuelle et se limiter aux emplois pour lesquels le recours à ce type de contrat est réellement justifié. Je le répète, c'est un point fondamental et soyez sûrs que nous y serons extrêmement vigilants.
A moyen terme, ces conventions pourront également traiter du financement du paritarisme afin de donner aux branches professionnelles les moyens de répondre à leurs missions.
3) Sur le calendrier et la méthode de travail envisageables
Je ne méconnais l'ampleur du travail qui reste à accomplir.
Mais je considère que nous devons mener à bien cette opération avant la fin de l'année 2006. Cela nous permettrait d'offrir aux salariés et aux entreprises du secteur une couverture conventionnelle renouvelée dans des délais à la fois raisonnables et réalistes.
Aussi, je m'engage à fournir aux partenaires sociaux du secteur tout l'appui nécessaire pour mener à bien ces négociations. C'est pourquoi celles-ci se dérouleront exclusivement dans le cadre de commissions mixtes paritaires. Mes services sont d'ores et déjà pleinement mobilisés. Et, ce matin même, le directeur des relations du travail vient de désigner les présidents des commissions mixtes qui seront en charge de veiller au bon déroulement des négociations. Je tiens ici à les assurer de ma pleine confiance.
Cet appui technique me paraît de nature à garantir l'effectivité de la relance de la négociation collective dans le secteur.
Voilà pourquoi l'échéance de fin 2006 me semble tout à la fois nécessaire et crédible. D'ailleurs, à cette date, j'envisage de sortir du champ du champ du décret permettant le recours au CDD d'usage les secteurs du spectacle, de l'audiovisuel, de la production cinématographique et de l'édition phonographique. La règle du jeu est claire : seules des conventions collectives étendues permettront au-delà de cette date de recourir à de tels contrats. Car c'est avant tout aux partenaires sociaux qu'incombe la responsabilité d'en définir le périmètre.
Je souhaite conclure en évoquant - très brièvement - la perspective de la négociation qui va s'ouvrir sur la convention d'assurance chômage.
Lors de notre dernière réunion, tous les participants ont souligné leur volonté de préserver la spécificité de l'assurance chômage des artistes et techniciens, dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle. Il s'agit là, à mes yeux, d'un acquis tout à fait essentiel qui permet de donner un cadre clair aux négociations qui vont s'ouvrir.
Vous, partenaires sociaux, allez engager cette négociation sur les meilleures bases possibles compte tenu du travail d'analyse très approfondi et très documenté réalisé par Jean-Paul Guillot. Je tiens à nouveau à l'en remercier.
Ce régime est particulier parce qu'il concerne une population spécifique, à savoir les artistes et techniciens, c'est-à-dire des professionnels dont les conditions d'emploi et d'activité sont beaucoup plus variables que celles des autres salariés. La prise en compte de cette particularité sera naturellement au cur du nouvel équilibre qu'il vous appartiendra de définir au cours de la négociation à venir.
Dans cette perspective, je tiens ici à vous exprimer à la fois toute ma confiance et tout mon soutien.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 7 octobre 2005)