Déclaration de M. Xavier Bertrand, Ministre de la santé et des solidarités, sur le rôle du pharmacien au sein du dispositif de maîtrise médicalisée des dépenses de santé, Paris le 8 juin 2005.

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Circonstance : 20ème anniversaire du "Quotidien du pharmacien"

Texte intégral

Monsieur le Président, cher Gérard Kouchner,
Mesdames et messieurs,
Je suis très honoré d'être parmi vous pour fêter un quotidien qui fait désormais partie du paysage de la presse médicale et pour célébrer cet " autre Quotidien " qui a su trouver sa place et sa spécificité. Depuis 1985, vos centres d'intérêt et vos articles concernent autant le métier de pharmacien que la filière du médicament ou les questions de prévention. Ils contribuent à informer, mais aussi à former : c'est sans doute là l'une des qualités premières de la presse spécialisée en matière de santé.
Ce quotidien appartient à un groupe de presse médicale particulièrement présent dans la vie quotidienne des praticiens qui sait faire preuve à la fois d'indépendance, de proximité et d'exhaustivité dans l'information de ses lecteurs.
Cette richesse éditoriale est à l'image de la diversité des tâches et du rôle du pharmacien aujourd'hui. Plus que jamais il est un acteur essentiel du parcours de soins. Du conseil en automédication à l'organisation de la sortie de la réserve hospitalière, en passant par la mise en uvre du maintien à domicile des patients, vos tâches sont aujourd'hui nombreuses et exigeantes, à la hauteur de votre rôle d'acteur de santé publique.
C'est pourquoi je voudrais évoquer ce soir les chantiers qui concernent votre profession dans les prochains mois :
1. Acteurs de santé publique, les pharmaciens le sont avant tout par leur proximité des patients.
L'officine est un lieu ouvert à tous public, où l'on se rend sans rendez-vous, où l'on entre avec facilité. Le pharmacien est toujours disponible pour des conseils personnalisés qui peuvent aller de l'automédication à la contraception d'urgence, en passant par la dispensation des médicaments de substitution pour les toxicomanes, procédure que nous travaillons à simplifier.
Plus de 4 millions de personnes fréquentent tous les jours vos officines, viennent demander vos conseils sur des produits de santé et surtout sur leur utilisation. Dans une enquête du magazine Que choisir, 91,7% des personnes interrogées témoignent de la confiance à leur pharmacien d'officine et 37% d'entre elles reconnaissent son importance dans le système de santé, notamment sur l'information qu'il peut délivrer sur les médicaments prescrits et sur la prise en charge de certaines maladies courantes. Avec 23000 officines dans notre pays aujourd'hui, il n'y a pas de " désert " pharmaceutique.
Cet équilibre est aujourd'hui garanti par la Loi de répartition. Elle donne aujourd'hui satisfaction à votre profession. Je veillerai, avec vos instances représentatives et ordinales, à la préserver afin d'assurer une juste répartition des officines sur l'ensemble du territoire. Le sujet des regroupements d'officine a fait l'objet d'un groupe de travail spécifique où l'ensemble de la profession a pu s'exprimer. Il s'agissait d'une demande de la profession, le Ministère de la santé a su l'accompagner et continuera à le faire en déposant ces prochains jours un amendement gouvernemental sur la loi pour le développement des PME prochainement en discussion parlementaire.
2. Je veux aussi souligner votre mobilisation en faveur du médicament générique
Cet engagement, je le fais mien. Comme vous le savez, Philippe Douste-Blazy et moi-même nous sommes engagés dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie sur 2,3 milliards d'euros d'économie sur les dépenses de produits de santé, dont un milliard, à l'horizon 2007, grâce au développement des médicaments génériques. Ce milliard est un objectif clair, établi à partir d'hypothèses établies en commun.
Ces économies reposent sur votre mobilisation et sur celle des autres professionnels de santé concernés, des fabricants de médicaments génériques et des médecins. Nous avons engagé des réformes législatives et réglementaires afin d'élargir le périmètre du médicament générique :
La définition du générique a été élargi par la loi de réforme de l'assurance maladie et par un décret publié le 23 février dernier. Seront maintenant qualifiés de génériques, les nouveaux dosages ainsi que les sels, esthers et isomères. les transferts de prescription vers des produits de contournement.
Une politique de prix spécifique accompagne la mise sur le marché de ces " molécules de contournement ", arrivées sur le marché avant ces dispositions. Ce dispositif permet à l'assurance maladie de ne pas être perdante, en fixant un prix égal à celui du générique deux ans après sa mise sur le marché, alors que ces produits arrivent un à deux ans avant la générication des produits.
Enfin, les ministres ont sollicité de nouveau avec l'aide de l'UNCAM, la mobilisation des médecins sur la prescription de médicaments génériques dans le cadre de la nouvelle convention. La haute autorité de santé s'est engagé à certifier des logiciels d'aide à la prescription. Ils faciliteront la prescription en Dénomination Commune et dans le répertoire des médicaments génériques, tout en les protégeant des risques d'interactions médicamenteuses.
Sur ces bases, nous avons conjointement défini un objectif commun à atteindre, un milliard d'euros d'économies pour le médicament générique en 2007.
Aujourd'hui, le rythme annuel de croissance des dépenses de médicaments traduit une inflexion. Nous sommes passés de 7% l'année dernière à 4% cette année. Cette inflexion n'est pas suffisante, c'est pour cela qu'il nous faut poursuivre notre effort pour modérer davantage encore cette croissance. Vous êtes associés à ces objectifs, dans la mesure où ils dépendent aussi de votre mobilisation et de votre engagement dans la substitution. Dans ce but, tous les acteurs de la filière du médicament ont été associés au sein d'un comité de suivi du générique, placé auprès du comité économique des produits de santé (CEPS).
Dans ce cadre, onze molécules sont remboursées à un tarif forfaitaire de responsabilité (TFR) depuis le 1er juin. Ces tarifs sont appliqués pour les molécules où le générique ne se développe pas suffisamment. Cela correspond à une solution de dernier recours, qui nous permettra d'atteindre l'objectif que nous nous sommes fixés pour 2007 et sur lequel nous nous sommes engagés.
J'attire aussi votre attention que les groupes qui n'ont pas été soumis au TFR doivent absolument voir la part de marché des médicaments génériques poursuivre sa progression, sans quoi les économies attendues pour 2007 ne seraient pas au rendez-vous.
Je vous félicite pour la mobilisation des officinaux sur le générique et de organisations représentatives en particulier qui ont su l'accompagner par des messages ciblés sur la substitution prioritaire de certaines molécules.
Je souhaite également évoquer le niveau des contrats de coopération commerciales appelés aussi "marges arrières". Nous savons tous qu'elles ont constitué un aiguillon supplémentaire dans le développement du générique. Mais vous le savez, si elles atteignent un niveau trop élevé, cela deviendra un formidable ennemi pour votre action et pour ces traitements ! C'est pourquoi il est urgent de mettre en place un mécanisme qui en redéfinira les contours. C'est mon rôle et mon devoir de mettre en place un mécanisme crédible, seul capable d'assurer un développement pérenne du générique d'utilisation encore récente pour nos concitoyens.
Le rôle du pharmacien en santé publique est en effet primordial. C'est un moteur du changement de comportement de nos concitoyens.
3. Le rôle d'information des pharmaciens.
Votre rôle dans l'information des patients a été renforcé au cours des dernières années. Si la santé n'a pas de prix, il est nécessaire de savoir qu'elle a un coût. Il est tout aussi indispensable à mes yeux de connaître celui de son traitement. Cela parle souvent davantage qu'une série de chiffres alignés sur un relevé noyé dans la masse du courrier ou bien que l'égrenage des déficits des comptes sociaux. Pour préserver les contours de notre système d'assurance maladie, il convient de responsabiliser l'ensemble des acteurs. L'impression d'une facturette au dos de l'ordonnance participe à mes yeux cette pédagogie en acte. Les représentants de votre profession l'ont généralisée avec l'aide de vos éditeurs de logiciels. Comme vous le savez, nous nous efforçons de la rendre plus lisible. Elle a un rôle essentiel dans les changements de comportement des patients face à la consommation de médicaments.
Appelé à être généralisé en 2007, le DMP est également au cur du dispositif de maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Il doit être sûr et simple. Son rôle premier, vous le savez, est d'éviter les interactions médicamenteuses et les examens redondants, estimés à 15% du total des examens par la CNAMTS. Si l'on décide d'avoir une action résolue dans la lutte contre la iatrogénie - responsable de 128 000 hospitalisations par an et entre 9000 et 11000 décès - on ne peut imaginer que les pharmaciens soient exclus de la partie traitement.
Votre excellent niveau d'informatisation fera de vous des acteurs-clefs du développement du DMP. Dans ce cadre, vous nous avez fréquemment indiqué qu'il importe aux pharmaciens d'avoir accès à une information exhaustive sur les prescriptions, et pas seulement sur celles délivrées dans leur officine. Aussi j'ai souhaité qu'il existe dans le DMP un volet partagé sur les traitements. Ce volet pourra être consulté pour tous les pharmaciens pour vous permettre de mieux lutter encore contre la iatrogénie, les erreurs de dosage et les prescriptions redondantes.
Dans la montée en charge du dispositif, une seule idée doit nous guider : le DMP doit présenter toutes les garanties en matière de sécurité, de confidentialité et d'éthique afin de protéger le patient. C'est un chantier prioritaire, un chantier qui s'inscrit dans le souci d'une amélioration de la qualité des soins dans notre pays.
4. Les conditionnements
Dans le domaine du médicament, je souhaite également adapter les conditionnements à la pathologie. Cette décision relève à la fois d'un souci de bon usage du médicament et d'un objectif de santé publique. Nous n'avons pas souhaité pour une médication à l'unité. Ce système, vous le savez, présente de nombreux inconvénients. En revanche, il est nécessaire d'améliorer la taille des conditionnements, et cela dans les deux sens. Autrement dit avoir des boites plus grandes pour les traitements chroniques - afin d'éviter les renouvellements d'ordonnances - et des boites plus petites pour éviter les gaspillages. Certes, les conditionnements non adaptés ne sont pas les seuls fautifs. La mauvaise observance des traitements est également responsable de ces phénomènes.
Les grands conditionnements peuvent participer à l'amélioration de l'observance. En cela, les boîtes de trois mois pour les pathologies chroniques participent à l'amélioration des traitements, une fois le choix de la molécule stabilisé. Des industriels se sont mobilisés pour être les premiers à arriver sur le marché. Je saluerai cette arrivée de façon particulière.
Parce que vous bénéficiez de la confiance des patients, parce que vous avez une prise directe sur les changements de comportement, parce que vous avez un rôle d'explication et de pédagogie, vous êtes au cur de la maîtrise médicalisée et vous êtes de puissants vecteurs de réussite. L'enjeu de cette réforme, que je souhaite conduire jusqu'au bout, n'est pas de dépenser moins mais de dépenser mieux. Or, du fait de votre proximité et de votre rôle de conseil auprès des patients, vous êtes en situation pour faire connaître les outils de la réforme et favoriser les évolutions.
Je voudrais finir en évoquant avec vous les trois chantiers qui concernent notre système de santé à l'horizon de vingt ans, dans une société où la présence massive des plus âgés exigera de modifier non seulement l'organisation de noter système de santé mais aussi les mentalités de ses acteurs. Dans ce contexte, le pharmacien devra être une des têtes de pont du maintien à domicile, de l'organisation et de la qualité des soins, mais aussi un acteur de la prévention.
Je souhaite avancer sur tous les sujets qui permettront une meilleure valorisation de tous les métiers de l'officine et un renforcement des réseaux ville-hôpital. Cela passera bien sûr par l'amélioration de la formation pharmaceutique continue (FMC), cela passera aussi par l'amélioration des conditions d'entrée des jeunes dans les métiers de l'officine, cela passera enfin aussi par l'évolution du réseau afin de permettre des regroupements dans les grands centres urbains en particulier, où des officines surnuméraires existent. Je sais que c'est une de vos attentes, je m'engage à y répondre.
Tous ces chantiers, ils ne se feront ni sans vous ni contre vous. Ils se feront au service de l'évolution des comportements, de la santé publique et de la reconnaissance des pharmaciens comme des professionnels de santé à part entière, véritables maillons dans le parcours de soins, acteurs de premier ordre de la prévention. J'ai engagé un dialogue fructueux et de qualité avec votre profession. A l'occasion de la multilatérale organisée le 26 mai dernier, nous nous sommes vus et nous avons échangé de manière approfondie en présence de trois organisations représentatives de votre profession (FSPF, UNPF, USPO). Je souhaite poursuivre ce travail de manière approfondie, à échéance régulière, en abordant tous les sujets et en écartant aucun dossier.
Paul Nizan affirma en 1920 qu'avoir vingt ans était le " plus bel âge de la vie ". Je fais mienne sa pensée, en souhaitant au Quotidien du Pharmacien de poursuivre sur la voie de l'information, de la formation et de la qualité.

(Source http://www.sante.gouv.fr, le 15 juin 2005)