Allocution de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur les orientations et les priorités de la politique étrangère de la France à l'égard de l'Afrique, Paris le 14 juin 2005.

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Circonstance : Réunion ministérielle de suivi du XXIIè sommet Afrique-France à Paris le 14 juin 2005

Texte intégral

Messieurs les Ministres,
Messieurs les Secrétaires généraux,
Madame et Messieurs les Délégués de l'Union africaine, de l'Union européenne et des Nations unies,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de vous accueillir ici pour cette réunion ministérielle, et je suis très heureux de vous y accueillir avec Brigitte Girardin, qui est ministre de la Coopération de ce gouvernement de M. Dominique de Villepin, pour cette réunion de suivi du XXIIe sommet des chefs d'Etat et de gouvernement d'Afrique et de France qui s'était tenue à Paris il y a un peu plus d'un an, en février 2003. Je voudrais vous remercier tous de votre présence, malgré un agenda que je sais chargé, en particulier avec la tenue, en ce moment même à Doha, du grand sommet des pays du Sud.
Au moment où je prends mes fonctions, je me trouve placé, d'emblée, au cur de la priorité africaine de l'action diplomatique de la France. Et je veux vous confirmer, mais vous n'en doutiez pas, que l'Afrique est une priorité de notre action extérieure, et qu'elle le sera pour moi comme ministre des Affaires étrangères. Dès son premier discours de politique générale, le Premier ministre a d'ailleurs tenu à mentionner lui-même cette priorité.
Au-delà de la fidélité, de l'amitié, de la solidarité, qui jamais ne se démentiront, la France entend conforter sa relation avec ce continent majeur du XXIe siècle. Plus que quiconque, et surtout depuis fort longtemps, nous savons l'importance de votre continent, dont plus des deux tiers de la population a moins de 30 ans, qui réalise pour la huitième année consécutive une croissance économique supérieure à 5 % par an, en moyenne, et qui, depuis le début de ce siècle, connaît de plus en plus d'alternances politiques réussies, d'élections paisibles et de sorties de conflits que tous croyaient durablement enlisés.
La politique de la France à l'égard de l'Afrique est aujourd'hui fondée sur une logique très simple, une logique de partenariat, qui passe par un soutien résolu aux initiatives africaines, et par la mobilisation à cet effet de nos partenaires de la communauté internationale, au premier rang desquels l'Europe, dans le cadre d'une action cohérente et concertée.
Dans ce cadre, la France estime indispensable de renforcer simultanément notre action dans une double direction : la résolution des conflits d'une part et l'intégration des pays africains dans les grands circuits économiques mondiaux d'autre part.
Le développement du continent africain ne saurait dépendre uniquement de l'aide publique. Il n'y aura pas de développement durable sur le continent africain, ni d'aide au développement efficace, ni de démocratie enracinée, sans une implication résolue et prioritaire au service du règlement et de la prévention des conflits. Il n'est pas normal non plus qu'en vingt ans, la part de l'Afrique dans le commerce mondial soit tombée de 10 à 2 %. L'aide publique et les annulations de dettes sont certes essentielles au développement, mais ce n'est pas suffisant. Il faut faire plus, et plus vite, pour rompre ce paradoxe inacceptable qui fait qu'aujourd'hui encore l'Afrique est riche et les Africains sont pauvres.
L'intitulé du sommet de 2003, souvenez-vous, "L'Afrique et la France, ensemble, vers le nouveau partenariat", préfigurait bien ce qui a marqué le paysage africain au cours de ces deux dernières années et qui le modifie désormais en profondeur. En moins de deux ans après sa création, l'Union africaine a mis en place ses principales institutions, en particulier la Commission que dirige le président Alpha Oumar Konaré, et le Conseil Paix et Sécurité, ainsi que le Parlement et la Cour africaine des Droits de l'Homme. L'Union africaine s'est investie avec détermination sur le terrain de la gestion des crises, au Darfour, ainsi que dans des médiations politiques délicates, comme celle surtout du président Mbeki en Côte d'Ivoire, mais aussi au Togo et au Soudan. En moins de cinq ans, le Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique, le NEPAD, s'est affirmé comme le programme d'action pour le développement du continent, avec la mise en place effective du mécanisme de revue par les pairs, et l'identification de grands projets d'infrastructures.
Ce partenariat, qui était le thème du sommet de 2003, se fonde désormais sur votre décision politique collective, définie dans le cadre des instances régionales, qui font preuve d'une dynamique inédite. Face à cette évolution, vos partenaires ne sont pas restés inactifs. L'Union européenne a mis en place un mécanisme financier essentiel, celui de la facilité de paix, qui permet de soutenir les opérations africaines de maintien de la paix, comme au Darfour ou en Centrafrique. Dans le cadre de la Politique européenne de sécurité et de défense, l'Union européenne est également intervenue sur le terrain, avec l'opération Artémis dans l'Est de la République démocratique du Congo à l'été 2003. Elle s'est mobilisée en outre dès l'origine pour répondre concrètement aux besoins de l'opération de l'Union africaine au Darfour. Plus largement, elle examine aujourd'hui, vous le savez, sous l'impulsion de notre ami, le commissaire Louis Michel, la mise en place d'une stratégie européenne pour le développement, complémentaire de la stratégie européenne de sécurité. Voilà ce que je voulais vous dire en introduction.
Quant au G8, depuis le Sommet de Kananaskis, il a confirmé à Evian, puis à Sea Island, et bientôt à Gleneagles, que l'Afrique et le développement constituent sa première priorité.
De fait, c'est à partir de cette "feuille de route" du Sommet Afrique-France de 2003 que la France a contribué au débat, a défendu dans les différentes instances internationales des propositions qui concernent très directement le continent africain. Sur le plan politique, nous plaidons en faveur d'une meilleure représentation de l'Afrique au Conseil de sécurité, parce que votre continent est au cur des débats sur la paix et la sécurité internationale. Dans le domaine du développement, le président de la République, Jacques Chirac, a proposé que soient étudiés des modes innovants de financement, seul moyen de réaliser effectivement les Objectifs du Millénaire. Depuis trois ans, la France s'est engagée avec détermination, dans les enceintes internationales comme sur le terrain, pour contribuer activement à la résolution des conflits.
Une réunion comme celle d'aujourd'hui est donc essentielle pour continuer de nourrir les débats qui se tiennent au sein de l'Union européenne, du G8 ou de l'OMC, comme d'ailleurs au sein des institutions financières internationales. Les échéances s'accélèrent. Mes chers collègues, dans quinze jours, le Sommet du G8 à Gleneagles ; à l'automne, à New York, le Sommet de revue des Objectifs du Millénaire pour le Développement ; à la fin de l'année, la Réunion de l'OMC à Hong Kong. Le calendrier est chargé.
A la fin de cette réunion, nous passerons le flambeau au Mali, qui présidera le prochain sommet de décembre et à qui il reviendra d'en présenter le thème. Pour ma part, je me réjouis à l'avance de poursuivre avec chacun d'entre vous, au-delà de cette réunion, au-delà de cette seule journée, un dialogue que j'espère nourri, confiant, constructif, fondé sur le respect mutuel et sur des engagements que je sais réciproques.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 juin 2005)