Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Je suis très heureux de vous retrouver, au cur de cette rencontre insolite et nécessaire, entre le mécénat et le management, en ce lieu doublement emblématique. Car nous sommes dans le plus grand musée du monde, le plus visité, le lieu par excellence du rayonnement de notre culture, de notre patrimoine, où le mécénat joue un grand rôle pour contribuer à enrichir sans cesse les collections de nouveaux chefs d'uvre et rénover les salles d'exposition. Il y a quelques semaines, j'ai ainsi salué l'entrée au Louvre de la vierge de Simon Vouet et de la vestale de Houdon, grâce au mécénat de deux entreprises différentes. Nous sommes aussi dans une grande école, relevant du ministère de la culture et de la communication, et je me réjouis de la participation d'étudiants et de professeurs de l'école du Louvre, mais aussi d'autres grandes écoles prestigieuses, à cette journée de réflexion et de débat, nourrie par les travaux de recherche en management sur le mécénat, envisagé à juste titre comme un système de relations, entre l'entreprise et son environnement, entre la création artistique et l'entreprise, mais aussi sans doute, au sein même de l'entreprise. Et j'ajouterais, entre notre société dans son ensemble et la culture, l'art, les créateurs, l'alliance féconde du patrimoine et de la création qui fonde son rayonnement et son identité, mais aussi sa capacité de dynamisme et de progrès.
Et le temps est bien révolu du " père nourricier des Muses ", " le plus excellent pâtissier de Paris ", " le plus méchant poète de l'univers ", " le plus méchant comédien du monde " qu'était l'illustre Ragueneau selon Dassoucy, poète et musicien, contemporain du vrai Cyrano ressuscité par Rostand, et qui décrit ainsi, dans ses Aventures burlesques, " ce pauvre innocent " : " c'était le meilleur homme du monde, il faisait crédit à tout le Parnasse ; et quand on n'avait point d'argent, il était trop payé, trop satisfait, et trop content quand seulement d'un petit clin d'il on daignait applaudir à ses ouvrages. Je me souviens que, pour avoir eu la patience d'écouter l'une de ses Odes pindariques, il me fit crédit plus de trois mois sans me demander jamais un sol. "
Oui, cette répartition des rôles a bien changé. Et le métissage des parcours et des fonctions des personnes rassemblées ici aujourd'hui n'est pas anodin. Il est porteur de sens.
Car la culture est l'affaire de tous. C'est tous ensemble : pouvoirs publics, élus locaux et responsables des collectivités territoriales, responsables des institutions culturelles et des entreprises, acteurs des organisations professionnelles, étudiants, enseignants, chercheurs, que nous devons travailler pour sauvegarder et mettre en valeur notre patrimoine culturel, encourager la création artistique contemporaine, et permettre à de nouveaux projets, à de nouvelles rencontres, à de nouveaux engagements, de voir le jour.
Votre propre engagement est vraiment significatif d'une évolution des mentalités, et je tiens à vous remercier d'être tous présents, aussi nombreux, ici aujourd'hui. Je sais que nous avons dû refuser de nombreuses inscriptions, en dépit de la grande capacité de ce grand amphithéâtre de l'école du Louvre.
Bien loin d'un désengagement de l'Etat, la voie du mécénat est un appel au partenariat et à la complémentarité pour permettre à de nouveaux projets de se développer. Nous sommes passés, dans ce domaine, d'une culture de réticence, voire parfois de soupçon, à une culture de confiance et de reconnaissance.
Les entreprises comprennent peu à peu le rôle clé qu'elles peuvent jouer pour soutenir et promouvoir cette diversité culturelle dont nous sommes légitimement fiers et qui peut, en termes économiques, s'analyser comme un " avantage comparatif " dans la compétition internationale. Elles prennent conscience qu'au-delà de la dimension, par nature désintéressée, du don, le mécénat est porteur de nombreux avantages pour leur image, leur culture d'entreprise, voire leur stratégie de développement, parce qu'il est facteur de compétitivité et d'excellence.
De nombreux grands groupes ont déjà fait le choix d'un engagement actif de mécène. Je pense à des opérations exemplaires comme les acquisitions de Trésors nationaux, que j'ai évoquées, à la restauration de la galerie des glaces à Versailles ou de la Galerie d'Apollon au Louvre. Il s'agit aussi de développer davantage le mécénat de proximité des quelque deux millions de petites et moyennes entreprises réparties sur l'ensemble de notre territoire.
De nombreux partenariats de proximité ont été facilités par les Chambres de Commerce et d'Industrie, avec lesquelles une dizaine de conventions ont été conclues depuis que nous avons signé au ministère de la culture et de la communication la Charte pour le développement du mécénat culturel avec l'Assemblée française des Chambres de commerce et d'industrie. Je pense par exemple au club d'entrepreneurs du Limousin, qui soutient l'ensemble baroque de Limoges, à la soixantaine d'entreprises régionales associée chaque année aux Eurockéennes de Belfort, ou encore à l'action de mécénat local lancée pour restaurer statues du parc du château de Versailles. Je pense au foisonnement des initiatives des centaines de PME qui soutiennent le spectacle vivant et des festivals locaux, dans toute la France. Elles ont pris des risques, elles ont repéré, elles ont soutenu des talents émergents. J'adresse ici un vibrant merci à ces "mécènes découvreurs" et je souhaite que l'intérêt médiatique justifié que suscitent les grandes opérations n'éclipse en rien les autres formes de mécénat.
Une étude réalisée par le ministère sur un panel de 2 000 entreprises et institutions culturelles montre une nette progression du mécénat d'entreprise en faveur de la culture, d'environ 20 % entre 2003 et fin 2004.
Ce résultat encourageant s'explique tout d'abord par l'application de la loi du 1er août 2003, relative au mécénat, aux associations et aux fondations, qui accorde, comme vous le savez, 60% de réduction d'impôts aux entreprises donatrices, qui sont ainsi incitées à s'engager davantage. Ces dispositions législatives se placent parmi les plus attractives des pays industrialisés comparables.
Mais j'ai toujours pensé qu'au-delà d'une disposition fiscale particulièrement motivante, c'est l'évolution des entreprises elles-mêmes qui est déterminante pour la progression du mécénat. Aujourd'hui, l'initiative des entreprises se trouve libérée. Elle forge un nouveau climat - celui de la confiance en la société civile pour concourir aux actions d'intérêt général. J'en veux pour preuve, alors même que le dispositif fiscal a apporté, certes, de substantielles améliorations, que le rythme de création des fondations d'entreprises a triplé depuis un an, comme je l'ai rappelé à l'Assemblée nationale la semaine dernière.
C'est ensuite un investissement de plus en plus significatif des acteurs du mécénat dans les structures culturelles. Je le répète, je ne suis pas le ministre du désengagement de l'Etat ! Les financements par voie de mécénat apportent un " plus " bien appréciable, si l'on en juge par les besoins et la créativité permanente qu'ils permettent de satisfaire.
C'est aussi, certainement, dû à la popularité grandissante du mécénat. Je me réjouis que les médias, dans leur ensemble, abordent le sujet avec moins de suspicion. La presse en particulier paraît s'y intéresser de plus en plus.
Et - comment ne pas le souligner ici, ce matin ? - c'est aussi l'intérêt que portent les écoles de management, leurs professeurs et leurs étudiants, et un nombre croissant d'acteurs culturels, à l'économie de la culture.
C'est enfin la politique du ministère qui commence à porter ses fruits. J'ai évoqué le maillage du réseau du ministère de la culture et de celui des chambres de commerce, que j'ai lancé au printemps dernier. Il facilite peu à peu les rencontres entre le milieu culturel et les chefs d'entreprises, qui suscitent de nombreux projets nouveaux. Mais aussi l'éclosion du mécénat de proximité, celui des PME-PMI. L'étude que j'ai citée nous montre que près de 30 % du mécénat culturel provient d'entreprises de moins de 100 salariés. Le chiffre était de 15 % il y a deux ans, toutes causes de philanthropie confondues. Aujourd'hui, nous pouvons affirmer que le mécénat n'est plus réservé aux grands groupes. Ceux-ci ont su montrer l'exemple et savent s'engager dans le soutien de grandes causes, je tiens à les en remercier.
Il est significatif que vos réflexions aient porté, non seulement sur l'éclosion du mécénat, mais aussi sur la diversité culturelle, sur cette grande cause que nous défendons notamment à l'Unesco.
Je me réjouis de ce qui vous a été dit ce matin : l'impact du mécénat ne se mesurera pas seulement à l'aulne de ses retombées directes ou immédiates, mais à celle de son impact global, tant dans l'entreprise qu'à l'extérieur, et ce dans une perspective stratégique de croissance.
Notre culture associative, celle du bénévolat, influence le mécénat français qui reçoit de larges contributions en compétence ou en nature. J'encourage ces nouveaux mécénats parce qu'ils impliquent de nouveaux partenaires. Ils apportent un sang nouveau au management de nos structures culturelles, et leur imprégnation est tellement réciproque que les acteurs culturels conquièrent aussi, de cette façon, de nouveaux publics.
Je relève avec satisfaction, toujours aux termes de l'enquête qui vous a été présentée, que le monde culturel lève peu à peu ses réticences à l'égard de l'univers de l'entreprise. Je sais qu'Eric Tanguy, que je salue, vous a fait part de sa liberté de création en résidence et du respect de ses choix artistiques par les mécènes. Je suis heureux que vous l'ayez entendu de sa bouche, et je veux vous dire combien j'apprécie ce témoignage. Aujourd'hui, les artistes ne disent plus : " taisez-vous " , mais " levez-vous, mécène que vous êtes ! ".
S'il faut se réjouir des progrès accomplis collectivement, l'autosatisfaction n'est pas dans ma nature. Il nous reste assurément beaucoup à faire.
Dans l'exercice des responsabilités qui sont les miennes, je voudrais mettre en exergue le mécénat créateur d'emplois, source de formations nouvelles.
C'est pourquoi j'encourage la rencontre entre les filières de formations, dont notre réunion d'aujourd'hui est une belle illustration. La culture, son économie, sa gestion est un thème développé de longue date. La spécialité " management des arts et de la culture " d'HEC que vous avez créée, Monsieur le Professeur Evrard, aura bientôt vingt ans, m'a-t-on dit. Mais les métiers du mécénat, qui se professionnalisent de plus en plus, sont encore des métiers émergents. L'étude que j'ai évoquée démontre que 70 % des entreprises de plus de 500 salariés interrogées ont un " responsable de mécénat ", ce qui constitue à l'évidence un signe très fort de l'intérêt des entreprises. Il est également intéressant de noter que même les PME déclarent avoir recours à un consultant, ce qui est une tendance prometteuse. J'en tire la conséquence que le mécénat représente sans doute un gisement d'emplois. Vous entendrez tout à l'heure celles et ceux qui l'exercent déjà dans des entreprises et des institutions culturelles emblématiques.
Il nous faut donc réfléchir au développement de ces emplois, ainsi qu'à celui des formations, initiales et continues, qui y préparent. Je souhaite que des séminaires de formations ouverts aux acteurs culturels et économiques se déroulent dans toutes les régions. En octobre prochain, une réunion nationale aura lieu entre les correspondants des chambres de commerce et d'industrie et ceux des DRAC afin de fixer ces orientations.
J'encourage aussi les rencontres entre le ministère de la culture et de la communication et les institutions professionnelles. Ainsi, je souhaite que les chartes signées avec les chambres de commerce s'étendent notamment aux experts comptables, aux commissaires aux comptes et aux notaires. Les ordres professionnels y sont disposés. Les excellentes relations que nous entretenons avec ces professions, qui ont un rôle essentiel à jouer en faveur du développement du mécénat, sont très encourageantes.
Les échanges d'expériences entre les responsables d'institutions culturelles françaises et les spécialistes étrangers me paraissent aussi indispensables pour accroître notre ouverture européenne et internationale. Les 4,5 et 6 février 2006, le séminaire international, intitulé " approches comparées du mécénat culturel ", qui réunira une centaine de responsables d'institutions culturelles françaises avec des spécialistes européens, américains et asiatiques du mécénat à l'Abbaye de Royaumont, sera un temps fort de cette ouverture.
Car c'est bien du rayonnement international de notre patrimoine, de nos créations, de notre pays, qu'il s'agit. En ce sens, si le mécénat est définitivement entré dans les murs, c'est bien parce qu'il est devenu un facteur de diversité culturelle, mais aussi de cohésion sociale et de dynamisme économique.
Je vous remercie.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 27 juin 2005)
Chers amis,
Je suis très heureux de vous retrouver, au cur de cette rencontre insolite et nécessaire, entre le mécénat et le management, en ce lieu doublement emblématique. Car nous sommes dans le plus grand musée du monde, le plus visité, le lieu par excellence du rayonnement de notre culture, de notre patrimoine, où le mécénat joue un grand rôle pour contribuer à enrichir sans cesse les collections de nouveaux chefs d'uvre et rénover les salles d'exposition. Il y a quelques semaines, j'ai ainsi salué l'entrée au Louvre de la vierge de Simon Vouet et de la vestale de Houdon, grâce au mécénat de deux entreprises différentes. Nous sommes aussi dans une grande école, relevant du ministère de la culture et de la communication, et je me réjouis de la participation d'étudiants et de professeurs de l'école du Louvre, mais aussi d'autres grandes écoles prestigieuses, à cette journée de réflexion et de débat, nourrie par les travaux de recherche en management sur le mécénat, envisagé à juste titre comme un système de relations, entre l'entreprise et son environnement, entre la création artistique et l'entreprise, mais aussi sans doute, au sein même de l'entreprise. Et j'ajouterais, entre notre société dans son ensemble et la culture, l'art, les créateurs, l'alliance féconde du patrimoine et de la création qui fonde son rayonnement et son identité, mais aussi sa capacité de dynamisme et de progrès.
Et le temps est bien révolu du " père nourricier des Muses ", " le plus excellent pâtissier de Paris ", " le plus méchant poète de l'univers ", " le plus méchant comédien du monde " qu'était l'illustre Ragueneau selon Dassoucy, poète et musicien, contemporain du vrai Cyrano ressuscité par Rostand, et qui décrit ainsi, dans ses Aventures burlesques, " ce pauvre innocent " : " c'était le meilleur homme du monde, il faisait crédit à tout le Parnasse ; et quand on n'avait point d'argent, il était trop payé, trop satisfait, et trop content quand seulement d'un petit clin d'il on daignait applaudir à ses ouvrages. Je me souviens que, pour avoir eu la patience d'écouter l'une de ses Odes pindariques, il me fit crédit plus de trois mois sans me demander jamais un sol. "
Oui, cette répartition des rôles a bien changé. Et le métissage des parcours et des fonctions des personnes rassemblées ici aujourd'hui n'est pas anodin. Il est porteur de sens.
Car la culture est l'affaire de tous. C'est tous ensemble : pouvoirs publics, élus locaux et responsables des collectivités territoriales, responsables des institutions culturelles et des entreprises, acteurs des organisations professionnelles, étudiants, enseignants, chercheurs, que nous devons travailler pour sauvegarder et mettre en valeur notre patrimoine culturel, encourager la création artistique contemporaine, et permettre à de nouveaux projets, à de nouvelles rencontres, à de nouveaux engagements, de voir le jour.
Votre propre engagement est vraiment significatif d'une évolution des mentalités, et je tiens à vous remercier d'être tous présents, aussi nombreux, ici aujourd'hui. Je sais que nous avons dû refuser de nombreuses inscriptions, en dépit de la grande capacité de ce grand amphithéâtre de l'école du Louvre.
Bien loin d'un désengagement de l'Etat, la voie du mécénat est un appel au partenariat et à la complémentarité pour permettre à de nouveaux projets de se développer. Nous sommes passés, dans ce domaine, d'une culture de réticence, voire parfois de soupçon, à une culture de confiance et de reconnaissance.
Les entreprises comprennent peu à peu le rôle clé qu'elles peuvent jouer pour soutenir et promouvoir cette diversité culturelle dont nous sommes légitimement fiers et qui peut, en termes économiques, s'analyser comme un " avantage comparatif " dans la compétition internationale. Elles prennent conscience qu'au-delà de la dimension, par nature désintéressée, du don, le mécénat est porteur de nombreux avantages pour leur image, leur culture d'entreprise, voire leur stratégie de développement, parce qu'il est facteur de compétitivité et d'excellence.
De nombreux grands groupes ont déjà fait le choix d'un engagement actif de mécène. Je pense à des opérations exemplaires comme les acquisitions de Trésors nationaux, que j'ai évoquées, à la restauration de la galerie des glaces à Versailles ou de la Galerie d'Apollon au Louvre. Il s'agit aussi de développer davantage le mécénat de proximité des quelque deux millions de petites et moyennes entreprises réparties sur l'ensemble de notre territoire.
De nombreux partenariats de proximité ont été facilités par les Chambres de Commerce et d'Industrie, avec lesquelles une dizaine de conventions ont été conclues depuis que nous avons signé au ministère de la culture et de la communication la Charte pour le développement du mécénat culturel avec l'Assemblée française des Chambres de commerce et d'industrie. Je pense par exemple au club d'entrepreneurs du Limousin, qui soutient l'ensemble baroque de Limoges, à la soixantaine d'entreprises régionales associée chaque année aux Eurockéennes de Belfort, ou encore à l'action de mécénat local lancée pour restaurer statues du parc du château de Versailles. Je pense au foisonnement des initiatives des centaines de PME qui soutiennent le spectacle vivant et des festivals locaux, dans toute la France. Elles ont pris des risques, elles ont repéré, elles ont soutenu des talents émergents. J'adresse ici un vibrant merci à ces "mécènes découvreurs" et je souhaite que l'intérêt médiatique justifié que suscitent les grandes opérations n'éclipse en rien les autres formes de mécénat.
Une étude réalisée par le ministère sur un panel de 2 000 entreprises et institutions culturelles montre une nette progression du mécénat d'entreprise en faveur de la culture, d'environ 20 % entre 2003 et fin 2004.
Ce résultat encourageant s'explique tout d'abord par l'application de la loi du 1er août 2003, relative au mécénat, aux associations et aux fondations, qui accorde, comme vous le savez, 60% de réduction d'impôts aux entreprises donatrices, qui sont ainsi incitées à s'engager davantage. Ces dispositions législatives se placent parmi les plus attractives des pays industrialisés comparables.
Mais j'ai toujours pensé qu'au-delà d'une disposition fiscale particulièrement motivante, c'est l'évolution des entreprises elles-mêmes qui est déterminante pour la progression du mécénat. Aujourd'hui, l'initiative des entreprises se trouve libérée. Elle forge un nouveau climat - celui de la confiance en la société civile pour concourir aux actions d'intérêt général. J'en veux pour preuve, alors même que le dispositif fiscal a apporté, certes, de substantielles améliorations, que le rythme de création des fondations d'entreprises a triplé depuis un an, comme je l'ai rappelé à l'Assemblée nationale la semaine dernière.
C'est ensuite un investissement de plus en plus significatif des acteurs du mécénat dans les structures culturelles. Je le répète, je ne suis pas le ministre du désengagement de l'Etat ! Les financements par voie de mécénat apportent un " plus " bien appréciable, si l'on en juge par les besoins et la créativité permanente qu'ils permettent de satisfaire.
C'est aussi, certainement, dû à la popularité grandissante du mécénat. Je me réjouis que les médias, dans leur ensemble, abordent le sujet avec moins de suspicion. La presse en particulier paraît s'y intéresser de plus en plus.
Et - comment ne pas le souligner ici, ce matin ? - c'est aussi l'intérêt que portent les écoles de management, leurs professeurs et leurs étudiants, et un nombre croissant d'acteurs culturels, à l'économie de la culture.
C'est enfin la politique du ministère qui commence à porter ses fruits. J'ai évoqué le maillage du réseau du ministère de la culture et de celui des chambres de commerce, que j'ai lancé au printemps dernier. Il facilite peu à peu les rencontres entre le milieu culturel et les chefs d'entreprises, qui suscitent de nombreux projets nouveaux. Mais aussi l'éclosion du mécénat de proximité, celui des PME-PMI. L'étude que j'ai citée nous montre que près de 30 % du mécénat culturel provient d'entreprises de moins de 100 salariés. Le chiffre était de 15 % il y a deux ans, toutes causes de philanthropie confondues. Aujourd'hui, nous pouvons affirmer que le mécénat n'est plus réservé aux grands groupes. Ceux-ci ont su montrer l'exemple et savent s'engager dans le soutien de grandes causes, je tiens à les en remercier.
Il est significatif que vos réflexions aient porté, non seulement sur l'éclosion du mécénat, mais aussi sur la diversité culturelle, sur cette grande cause que nous défendons notamment à l'Unesco.
Je me réjouis de ce qui vous a été dit ce matin : l'impact du mécénat ne se mesurera pas seulement à l'aulne de ses retombées directes ou immédiates, mais à celle de son impact global, tant dans l'entreprise qu'à l'extérieur, et ce dans une perspective stratégique de croissance.
Notre culture associative, celle du bénévolat, influence le mécénat français qui reçoit de larges contributions en compétence ou en nature. J'encourage ces nouveaux mécénats parce qu'ils impliquent de nouveaux partenaires. Ils apportent un sang nouveau au management de nos structures culturelles, et leur imprégnation est tellement réciproque que les acteurs culturels conquièrent aussi, de cette façon, de nouveaux publics.
Je relève avec satisfaction, toujours aux termes de l'enquête qui vous a été présentée, que le monde culturel lève peu à peu ses réticences à l'égard de l'univers de l'entreprise. Je sais qu'Eric Tanguy, que je salue, vous a fait part de sa liberté de création en résidence et du respect de ses choix artistiques par les mécènes. Je suis heureux que vous l'ayez entendu de sa bouche, et je veux vous dire combien j'apprécie ce témoignage. Aujourd'hui, les artistes ne disent plus : " taisez-vous " , mais " levez-vous, mécène que vous êtes ! ".
S'il faut se réjouir des progrès accomplis collectivement, l'autosatisfaction n'est pas dans ma nature. Il nous reste assurément beaucoup à faire.
Dans l'exercice des responsabilités qui sont les miennes, je voudrais mettre en exergue le mécénat créateur d'emplois, source de formations nouvelles.
C'est pourquoi j'encourage la rencontre entre les filières de formations, dont notre réunion d'aujourd'hui est une belle illustration. La culture, son économie, sa gestion est un thème développé de longue date. La spécialité " management des arts et de la culture " d'HEC que vous avez créée, Monsieur le Professeur Evrard, aura bientôt vingt ans, m'a-t-on dit. Mais les métiers du mécénat, qui se professionnalisent de plus en plus, sont encore des métiers émergents. L'étude que j'ai évoquée démontre que 70 % des entreprises de plus de 500 salariés interrogées ont un " responsable de mécénat ", ce qui constitue à l'évidence un signe très fort de l'intérêt des entreprises. Il est également intéressant de noter que même les PME déclarent avoir recours à un consultant, ce qui est une tendance prometteuse. J'en tire la conséquence que le mécénat représente sans doute un gisement d'emplois. Vous entendrez tout à l'heure celles et ceux qui l'exercent déjà dans des entreprises et des institutions culturelles emblématiques.
Il nous faut donc réfléchir au développement de ces emplois, ainsi qu'à celui des formations, initiales et continues, qui y préparent. Je souhaite que des séminaires de formations ouverts aux acteurs culturels et économiques se déroulent dans toutes les régions. En octobre prochain, une réunion nationale aura lieu entre les correspondants des chambres de commerce et d'industrie et ceux des DRAC afin de fixer ces orientations.
J'encourage aussi les rencontres entre le ministère de la culture et de la communication et les institutions professionnelles. Ainsi, je souhaite que les chartes signées avec les chambres de commerce s'étendent notamment aux experts comptables, aux commissaires aux comptes et aux notaires. Les ordres professionnels y sont disposés. Les excellentes relations que nous entretenons avec ces professions, qui ont un rôle essentiel à jouer en faveur du développement du mécénat, sont très encourageantes.
Les échanges d'expériences entre les responsables d'institutions culturelles françaises et les spécialistes étrangers me paraissent aussi indispensables pour accroître notre ouverture européenne et internationale. Les 4,5 et 6 février 2006, le séminaire international, intitulé " approches comparées du mécénat culturel ", qui réunira une centaine de responsables d'institutions culturelles françaises avec des spécialistes européens, américains et asiatiques du mécénat à l'Abbaye de Royaumont, sera un temps fort de cette ouverture.
Car c'est bien du rayonnement international de notre patrimoine, de nos créations, de notre pays, qu'il s'agit. En ce sens, si le mécénat est définitivement entré dans les murs, c'est bien parce qu'il est devenu un facteur de diversité culturelle, mais aussi de cohésion sociale et de dynamisme économique.
Je vous remercie.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 27 juin 2005)