Interviews de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, à la première chaine de télévision et à la radio d'Etat du Danemark le 31 octobre 2000, sur la position danoise sur la réforme de la Commission européenne et sur la place du Danemark dans l'Union européenne.

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Média : Première chaine - Radio d'Etat - Télévision

Texte intégral

Q - Avez-vous parlé de la composition de la Commission ?
R - Oui, parce que pour certains Etats membres, il se pose un problème de légitimité. Nous devons mettre au point une solution. Mais une chose est claire, rien ne sera imposé. Nous voulons trouver un compromis. Nous pourrions peut-être aussi avoir un commissaire par Etat pour le moment, un pour chacun, et chercher une solution pour plus tard, avec l'élargissement. Le problème est encore ouvert. Nous devons trouver des compromis. C'est le rôle de la Présidence.
Q - Et est-ce qu'un compromis vous paraît un peu plus proche maintenant que vous avez rencontré le Premier ministre danois ?
R - J'ai eu un entretien très intéressant avec M. Rasmussen. Je l'ai trouvé très ferme sur la position danoise, défendant l'intérêt national du Danemark, ce qui est le rôle d'un Premier ministre, mais très disposé aussi à aider la Présidence française à aboutir, très ouvert. Je pense donc que cette réunion a été très positive et très importante, et c'est ce que je vais pouvoir dire au président Jacques Chirac et au Premier ministre Lionel Jospin.
Q - Il semble à présent que la position danoise pourrait être que nous serions à même d'accepter un commissaire sans portefeuille. Cela nous rapprocherait-il d'un compromis ?
R - Nous pourrions aussi dire qu'il s'agit d'un autre problème, à savoir la façon d'organiser la Commission. Parce qu'il est clair que la Commission est un collège, une sorte de gouvernement. C'est de cette façon qu'elle doit être organisée. Nous pourrions donc penser à renforcer les pouvoirs du président de la Commission ou à accroître le nombre de vice-présidents, mais chacun doit conserver son vote à la Commission et les membres doivent être placés sur un pied d'égalité, même si certains peuvent avoir des fonctions plus importantes dans certaines circonstances.
Q - Le fait d'accepter un commissaire sans portefeuille serait-il d'un certain secours ?
R - Ce qui est clair, c'est que nous ne pouvons pas avoir une Commission plus large sans un surcroît d'organisation. Donc, si nous acceptons une Commission plus large, le minimum indispensable est qu'elle soit mieux organisée qu'elle ne l'est actuellement, de sorte que le pouvoir d'organisation, de gestion de la Commission soit amélioré.
Q - Mais des commissaires sans portefeuille, est-ce hors de question ?
R - Eh bien, voyez-vous, ce n'est pas exactement la proposition que j'ai mentionnée. Mais ce qui importe, c'est que la Commission soit mieux organisée./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 09 novembre 2000).
Q - J'ai noté sur votre site Internet que vous aviez déclaré que la France est "au coeur de l'Europe". Où se situe le Danemark ?
R - Le Danemark est aussi au coeur de l'Europe. Nous n'avons pas pour projet d'édifier une Europe à deux vitesses. Ce n'est pas notre intention. Nous essayons d'édifier une Europe peut-être plus flexible lorsqu'elle sera élargie, parce que certains d'entre nous seront capables d'aller plus vite, d'autres pourront vouloir aller plus vite, d'autres encore ne voudront pas être dans le premier train. C'est pourquoi nous avons besoin de flexibilité, mais flexibilité ne veut pas dire deux vitesses. Je suis convaincu que le Danemark, qui est pour nous un partenaire très important, peut se trouver à chaque fois, à chaque fois qu'il le désire, dans la première classe de l'Europe. Il est donc évident que le Danemark est au coeur de l'Europe. Ce ne sont pas les six pays fondateurs, ou les cinq plus grands pays qui constituent le coeur de l'Europe, cette notion n'est pas pertinente. Nous ne sommes pas dans une Europe constituée de grands et de petits pays. Il y a certains pays qui sont un peu plus peuplés que d'autres mais politiquement, historiquement, économiquement et du point de vue de nos systèmes sociaux, nous sommes tous égaux.
Q - Mais notre Premier ministre et notre ministre des Affaires étrangères nous ont avoué que depuis le référendum sur l'euro, ils avaient nettement l'impression d'être moins entendus lors des réunions de l'UE. Qu'en pensez-vous ?
R - Non, la voix du Danemark est toujours respectée lors des réunions européennes. Mais il est clair que nous apprécions beaucoup qu'après ce choc, ce choc politique, le Premier ministre et le gouvernement aient maintenu pour le Danemark un engagement net pour l'Europe. C'est très important, c'est pourquoi nous sommes si attentifs aux questions évoquées par le gouvernement danois, aux préoccupations du gouvernement danois. Mais j'ai l'impression qu'il est très net que le gouvernement danois veut nous aider à trouver une bonne solution à Nice et nous apprécions beaucoup cela.
Q - Mais vous comprenez le scepticisme dont font preuve les Danois actuellement, est-ce que vous comprenez pourquoi un petit pays comme le Danemark peut être sceptique vis-à-vis de ce qui se passe avec l'intégration et des conceptions de la France et de l'Allemagne ?
R - Une fois de plus, je ne pense pas que cela soit dû au fait que le Danemark est un petit pays, mais ce scepticisme a des composantes nationales et je ne veux pas interférer dans le débat national. Mais vous ne devez pas croire que, si un pays est "grand", doté d'une population importante, on y est favorable à l'Europe et que si la population d'un pays est restreinte, on y est sceptique. Cela n'a rien à voir. Certains petits pays peuvent être aussi bien sceptiques qu'optimistes et certains grands pays peuvent aussi bien être sceptiques qu'optimistes. Je pense donc que le message des Danois n'est pas spécifique au Danemark.
Q - Mais vous avez aussi des sceptiques dans votre propre pays. Et je pense que le Premier ministre britannique a aussi parlé du problème que représente le fait de "faire embarquer" les gens ; est-ce une question à laquelle vous devez faire face ?
R - Cela prouve que l'euroscepticisme n'est pas seulement l'apanage des petits pays mais aussi celui de pays plus peuplés. Mais il est vrai que nous devons faire une Europe pour les citoyens, une Europe pour la vie de tous les jours, une Europe qui puisse être efficace. C'est l'objectif de la réforme institutionnelle à laquelle nous essayons de parvenir tous ensemble à Nice./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 09 novembre 2000).