Déclaration de M. Bernard Layre, président de Jeunes Agriculteurs, sur la politique agricole, la PAC et les perspectives financières 2007-2013 avec l'entrée dans la PAC de la Roumanie et la Bulgarie, Bourg en Bresse le 14 juin 2005.

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Circonstance : 39ème congrès de Jeunes Agriculteurs à Bourg en Bresse du 14 au 16 juin 2005

Texte intégral

Monsieur le Maire,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Madame la Déléguée à l'agriculture du Conseil Régional
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
Mes chers amis,
Je suis heureux d'ouvrir officiellement ce 39ème congrès de Jeunes Agriculteurs en votre présence, Monsieur Jean-Michel Bertrand, vous qui êtes député-maire de Bourg-en-Bresse et qui nous accueillez dans cette ville dynamique, riche d'histoire et de traditions, dans un département et une région qui ne le sont pas moins.
Je salue d'ailleurs Monsieur Charles de la Verpillière, Président du Conseil Général de l'Ain, et Madame Eliane Giraud, Déléguée à l'agriculture du Conseil régional de Rhône Alpes, qui nous font l'honneur d'être parmi nous aujourd'hui. Monsieur Jean-Jack Queyranne, Président du Conseil régional, qui est retenu par des engagements, nous rejoindra demain en fin de matinée.
En premier lieu, je souhaite vous remercier sincèrement de nous recevoir dans d'aussi bonnes conditions, en apportant votre soutien au congrès, tant sur le plan technique que financier. Un grand merci également à l'ensemble des partenaires qui ont fait confiance aux Jeunes Agriculteurs de l'Ain en soutenant leur projet.
Cette année encore, quand je vois le travail réalisé par l'équipe des JA de l'Ain, je suis fier d'appartenir à notre mouvement, qui est finalement bien plus qu'un syndicat. Le réseau JA forme depuis plus de 40 ans des femmes et des hommes à la responsabilité, et c'est sans doute une de ses plus belles missions.
Bienvenue à tous, délégués et accompagnateurs venus de toute la France métropolitaine et d'outre-mer. Le congrès est un formidable moment pour notre organisation, pour nous retrouver, tous ensemble, pour débattre et décider des orientations pour l'avenir de notre agriculture. Merci aux Jeunes Agriculteurs de l'Ain qui nous accueillent pour ces trois journées de travail, mais aussi de grande convivialité. Merci à leur Président, Stéphane Viallon, et au Président du Comité d'organisation, David Lafont, qui avec toute son équipe a préparé avec sérieux et professionnalisme ce congrès. Un grand merci également à tous les bénévoles.
Je crois qu'ils méritent tous, nos applaudissements.
Mais la meilleure façon de récompenser tout ce travail, c'est de le respecter, en facilitant le bon déroulement du congrès, notamment dans ses horaires. Je compte vraiment sur vous.
Notre structure, Jeunes Agriculteurs, je devrais dire notre mouvement, a connu un drame à la fin de l'année dernière. Antoine Croutes, notre vice-président, a choisi de quitter ce monde. Je voudrais dire, au nom de tous les JA, que tu nous manques Antoine, comme tu manques à tes parents, à tes proches, et à tout le monde agricole. Ce geste, nous le respectons, même si cela est toujours difficile à accepter. Pour moi, Antoine, tu fais toujours partie de JA et de notre équipe. Avec tes valeurs, ton engagement, ton intelligence et ta gentillesse, tu resteras pour nous un exemple. Réunis aujourd'hui en congrès, nous allons, tous ensemble, te rendre hommage et avoir une pensée pour toi.
En la mémoire d'Antoine, je vous demande de respecter une minute de silence.
[.]
Merci.
Ce qui marque, dans le département de l'Ain, c'est la grande diversité des productions agricoles, des paysages et même des climats. Je sais que vous êtes fiers de cette diversité. Et bien ce que je peux vous dire, c'est que tous les jeunes agriculteurs en sont fiers, car la diversité, c'est une valeur forte de notre agriculture. Et si nous y sommes tellement attachés, c'est bien parce nous savons que c'est en valorisant nos terroirs et nos savoir-faire que nous créerons le plus de valeur ajoutée.
Bravo, donc, pour vos démarches de valorisation des productions locales, je pense en particulier aux volailles de Bresse et au Bleu de Bresse, mais aussi à toutes les autres productions du département pour lesquelles vous ne cessez d'innover. Cette véritable culture de la qualité est un atout majeur pour l'avenir de votre agriculture.
Terr'Ain d'Action, la signature que vous avez choisie pour ce congrès, exprime bien le sentiment que nous avons en découvrant votre région, cette idée que rien n'est acquis d'avance et que c'est en agissant, en se battant au quotidien, que l'on bâtit l'avenir.
Comme chaque année, le congrès va être l'occasion de débattre et de prendre position sur des sujets de fond, de faire le point sur nos activités et notre fonctionnement, mais aussi de nous retrouver en tant que réseau, en tant que famille syndicale.
Le huis clos, qui se déroule en deux temps, est un moment essentiel de la vie de notre structure. Il permet de mettre à plat tous les sujets qui nous tiennent à cur, de faire le bilan de l'année écoulée, et surtout de lever certaines incompréhensions ou malentendus, tout en préservant notre capacité d'écoute et de dialogue. Et puisque nous sommes à la mi-mandat, il est important de s'assurer que l'on poursuit bien les objectifs que l'on s'était assignés.
Durant ce congrès, nous avons choisi de consacrer une large place aux débats sur les grands enjeux agricoles qui nous concernent tous, que ce soit au travers du rapport d'activité, des débats sur le rapport d'orientation ou dans notre échange avec le Ministre de l'agriculture, que nous accueillerons jeudi.
Ce congrès, c'est aussi celui de la réflexion sur l'engagement des jeunes dans notre syndicalisme, avec un travail important qui a été réalisé par l'équipe syndicale dans le cadre de la préparation du rapport moral.
Dans un monde en pleine mutation et qui se cherche, comment imaginer que ce qu'attendent les jeunes d'un syndicat aujourd'hui n'est pas différent de ce qu'ils en attendaient hier ? Quel sens donner à l'engagement dans un mouvement de jeunesse comme le nôtre aujourd'hui ? Quels sont les motivations et les freins à s'engager dans l'action syndicale ? Quelles sont les attentes concrètes des adhérents et des non adhérents ? Quelle place aujourd'hui pour l'action collective ? Quelles méthodes nouvelles pour relancer l'adhésion ?
Ce sont autant de questions essentielles auxquelles nous devons essayer de répondre si nous voulons que demain, le syndicalisme jeune soit toujours une force d'action et de proposition, capable de peser sur les décisions et de promouvoir une agriculture porteuse d'avenir.
C'est ce dont nous débattrons demain matin, dans la seconde partie de notre huis clos, qui sera consacrée à l'examen du rapport moral.
S'agissant des sujets de politique agricole, l'ordre du jour de notre congrès est particulièrement bien rempli.
A la lecture du rapport d'activité, vous avez pu constater que l'année syndicale écoulée a été particulièrement dense. Quant aux échéances qui nous attendent, elles ne laissent pas augurer d'une seconde partie de mandat beaucoup plus calme.
A commencer par la mise en uvre d'une réforme de la PAC qui n'est pas la nôtre, et que nous n'avons pas cautionnée. Mais elle est là, et notre devoir, c'est de faire en sorte qu'elle pénalise le moins possible l'installation et les jeunes agriculteurs. C'est pourquoi nous nous battons pour que les jeunes qui s'installent soient les premiers prioritaires de la réserve de DPU qui va être mise en place, car ce sera le seul moyen d'apporter des réponses en cas d'impossibilité de signer une clause ou de dérive spéculative.
Mais ne perdons pas non plus de vue qu'une réforme du deuxième pilier est en cours, et qu'il a fallu batailler pour relever le plafond de la DJA, maintenir le cofinancement des prêts bonifiés, que la Commission européenne avait proposé de supprimer. Même si la négociation n'est pas encore terminée, je pense que le plus dur est derrière nous et que ces deux dispositifs, qui sont essentiels pour l'installation des jeunes, vont continuer à être opérationnels.
J'espère aussi que la gestion future des prêts bonifiés, et notamment les contrôles, sera moins tumultueuse que ce que nous avons connu cette année. Là encore, je tiens à souligner que c'est grâce à votre mobilisation que nous avons fait entendre raison à l'administration, qui a fini par admettre que les anomalies mineures ne devaient pas être sanctionnées.
Autre sujet sur lequel nous devons rester vigilants, c'est la négociation budgétaire européenne sur les perspectives financières 2007-2013. Or, les bases actuelles de la négociation me font craindre un affaiblissement du budget du 2ème pilier de la PAC. Quant au budget du 1er pilier, il ne sera préservé que si les Chefs d'Etat et de Gouvernement, qui se réunissent en fin de semaine à Bruxelles, ne remettent pas en cause l'actuel accord budgétaire et décident d'un budget supplémentaire pour financer l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie.
Sur les négociations de l'OMC aussi, nous avons fait entendre notre voix, l'été dernier à Genève, pour rappeler que les orientations actuelles conduisent les agricultures du monde droit dans un mur. Même si depuis le lancement du cycle de Doha, l'avenir des aides à l'exportation est compromis, je n'arrive pas à comprendre pourquoi le commissaire Lamy a livré sur un plateau, sans contreparties, les restitutions européennes.
Dans la perspective de la Conférence de Hong-Kong, les discussions vont s'intensifier pour tenter d'obtenir des avancées sur les volets " accès aux marchés " et " soutien interne ". Traduction en langage commun : la préférence communautaire et les aides de la PAC. Plus que jamais, il faudra se mobiliser, puisque c'est sur les fondements même de notre politique agricole que les négociations vont maintenant porter.
Mais revenons en France, avec le projet de loi d'orientation agricole, qui a fait l'objet d'un large débat sur le terrain et qui a été présenté il y a un mois en Conseil des ministres. Même si nous sommes déçus sur le volet économique et sur celui de la baisse des charges, je crois qu'il est de notre responsabilité de contribuer à améliorer le projet, en faisant des propositions d'amendements lors du débat parlementaire. Là encore, c'est un travail qui demande une forte implication du réseau, pour sensibiliser les parlementaires sur nos principales revendications.
En évoquant la baisse des charges, comment ne pas revenir sur nos actions de blocage des dépôts pétroliers, qui ont permis d'obtenir le remboursement de la TIPP sur deux semestres et de faire avancer le dossier des biocarburants de manière vraiment décisive. Le signe fort que nous devons maintenant obtenir, c'est bien sûr la pérennisation de ces remboursements de TIPP et une montée en puissance rapide du plan pour les biocarburants.
Viticulture, fruits et légumes, céréales, lait, volaille, je ne vais pas revenir ici sur toutes les crises qui frappent nos productions, mais je voudrais simplement vous dire à quel point il est urgent que nos responsables politiques prennent conscience que le meilleur système pour gérer les crises, c'est d'éviter qu'elles se produisent !
On peut me dire tout ce que l'on veut, mais je suis intimement convaincu qu'il est plus pertinent d'organiser les marchés plutôt de jouer les pompiers avec des enveloppes budgétaires de misère.
C'est peut-être aussi cela le message que les agriculteurs ont voulu adresser le 29 mai dernier, un message paradoxale certes, puisque l'essentiel du soutien à l'agriculture provient du budget européen, mais un message pour dire qu'ils veulent vivre dignement de leur travail et du prix de leurs produits.
Parce que notre métier n'a d'avenir que si des jeunes s'installent, notre chantier prioritaire doit demeurer le renouvellement des générations en agriculture.
5Nous avons pratiquement achevé la rénovation du parcours à l'installation, et le travail sur la transmission est bien engagé. Nous poursuivons aussi nos démarches pour renforcer les partenariats locaux, et développons nos actions pour assurer la promotion du métier.
Mais nous devons absolument approfondir notre réflexion sur la question des conditions de vie et de travail sur les exploitations, pour être en mesure de proposer rapidement des axes de travail concrets. Je suis convaincu que l'attractivité du métier est une composante essentielle de notre projet.
En début de mandat, nous avions pris l'engagement de mettre le paquet sur l'appui au réseau. Autour de Philippe, toute l'équipe syndicale s'est mobilisée et a mis en place, en s'appuyant sur vos contributions, une vraie stratégie d'appui syndical, avec des outils méthodologiques et de nombreux déplacements sur le terrain. Je sais que vos attentes sont importantes, notamment du point de vue des financements. Sachez que nous resterons fortement mobilisés sur tous ces enjeux, pour être en mesure d'aborder dans les meilleures conditions possibles la campagne des élections aux Chambres d'Agriculture.
Le temps fort de notre congrès, c'est bien sûr le débat et l'adoption du rapport d'orientation, qui cette année s'intitule " Pas de paysans sans prix, pas de valeur sans organisation ".
Ce rapport, c'est un projet global pour notre agriculture, une vision cohérente porteuse d'espoir pour nos productions et nos filières. Soyons clairs, le renouvellement des générations en agriculture n'a de sens que dans la perspective d'un revenu décent pour les jeunes qui s'installent. C'est pourquoi, après avoir rappelé l'absolue nécessité de conserver un socle de préférence communautaire solide, nous plaidons pour la mise en place de stratégies professionnelles, dont l'objectif est d'organiser la concurrence pour mieux conquérir la valeur ajoutée. Que ce soit en renforçant l'organisation économique des producteurs, en consolidant les interprofessions, ou encore en développant les stratégies d'alliance pour nos coopératives, la clé n'arrivera à tourner dans la serrure que si le droit de la concurrence évolue, pour être plus pragmatique et moins dogmatique.
Demain, une fois amendé et adopté, ce rapport sera le vôtre. Faites-en le meilleur usage possible. C'est une ligne tracée pour l'avenir, un chemin jalonné par des points de repère qui pourront guider votre propre réflexion.
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Vous le voyez, le congrès qui débute aujourd'hui va nous permettre d'échanger sur de nombreux sujets, qui correspondent aux grands défis que nous devrons relever, tous ensemble, avec une détermination sans faille.
Je vous rappelle que nous accueillerons jeudi le Ministre de l'agriculture, Dominique Bussereau, pour son premier congrès devant les Jeunes agriculteurs. Sa présence parmi nous sera l'occasion d'échanger sur nos préoccupations et les difficultés que nous rencontrons, sans perdre de vue que JA, c'est aussi, et surtout, une force de proposition.
Très bon congrès à tous. Sans plus attendre, je cède la parole à Monsieur Jean-Michel Bertrand, député-maire de Bourg-en-Bresse. Monsieur le maire, c'est à vous.
(Source http://www.cnja.com, le 21 juin 2005)