Texte intégral
Je tiens à commencer par un immense merci. Un immense merci aux organisateurs de ce congrès. Je veux parler bien sûr des JA de l'Ain qui sont mobilisés depuis des mois pour mener à bien ce formidable projet.
Bravo à l'imagination et à l'esprit d'initiative de ceux qui nous ont accueillis.
Bravo à toi, Stéphane, ainsi qu'à toute ton équipe. Bravo aussi à toi, David, qui a présidé le comité d'organisation et coordonné l'ensemble des opérations. Soyez fiers de ce que vous avez fait pour ce congrès. C'est un succès collectif.
Votre convivialité, la qualité de l'accueil réservé aux délégués et aux invités, ont contribué à l'instauration d'une excellente ambiance durant tout le congrès.
Un grand merci également à tous les bénévoles, et à l'équipe administrative de JA.
Vous méritez tous nos applaudissements.
Je tiens également à remercier chaleureusement tous les partenaires qui vous ont soutenus. Je pense en particulier aux partenaires de la profession agricole, mais également à la Ville de Bourg-en-Bresse, au Conseil général de l'Ain et au Conseil régional de Rhône-Alpes, qui vous ont fait confiance.
Merci, enfin, à l'ensemble de nos invités pour leur présence à notre congrès.
Monsieur le Ministre,
Vous nous avez rejoint en fin de matinée, et c'est avec plaisir que je vous accueille à cette tribune, pour la clôture du 39ème congrès des Jeunes Agriculteurs. Votre présence parmi nous aujourd'hui est importante, à un moment où les agriculteurs, et notamment les jeunes, ont besoin d'y voir plus clair sur l'avenir de leur métier, et surtout d'y voir plus clair sur l'avenir des politiques agricoles dont vous avez la charge.
Ce congrès, pour notre équipe, correspond à la mi-mandat. C'est l'occasion de faire le bilan de l'année écoulée et de conforter nos orientations pour les mois et les années à venir. Même si nos mandats sont courts, et nous y tenons, notre action s'inscrit nécessairement dans la durée, puisque les jeunes ont le métier devant eux.
Ces mandats courts, c'est aussi une bonne formule pour avoir des responsables toujours plein d'énergie, et vous en savez quelque chose. Jeunes agriculteurs, c'est un syndicat, bien sûr, mais c'est aussi une formidable école de formation à la responsabilité.
Depuis votre arrivée au ministère de l'agriculture, Monsieur le ministre, vous avez fait preuve d'écoute et traité avec pragmatisme un certain nombre de sujets difficiles. Nous vous en sommes reconnaissants, mais bon nombre de difficultés demeurent.
Sur le terrain, dans les campagnes, on ne peut pas dire que le moral soit au beau fixe. Les crises touchent tour à tour nos productions, les perspectives économiques sont incertaines, et il s'établit un sentiment de malaise dans le monde agricole.
Ce sentiment qu'après avoir connu la politique des prix, puis la politique des aides, et enfin la politique des aides et des contrôles, la prochaine étape pourrait être la politique des seuls contrôles. Et bien cela, Monsieur le ministre, nous n'en voulons pas !
La politique de baisse des prix et de dérégulation des marchés, engagée depuis une quinzaine d'années, nous emmène droit dans un mur. L'agriculture ne veut pas finir comme le textile ou la chaussure ! Jamais nous n'accepterons une telle perspective !
Et ne dites pas que c'est une crainte injustifiée, car ce serait acter que l'agriculture française n'a d'avenir que sur une faible partie de notre territoire, et encore.
Le Gouvernement doit entendre le message des agriculteurs exprimé lors du référendum, qui est un appel criant pour un changement d'orientation de la politique agricole, en France et en Europe.
Je crois que le moment est venu de regarder les choses en face. Ce que veulent les agriculteurs, c'est vivre dignement de leur métier et du prix de leurs produits. Vivre dans une Europe qui se construit autour d'un vrai modèle de société, une Europe qui assume le principe de la préférence communautaire.
Dans cette salle, Monsieur le ministre, la plupart des jeunes qui nous écoutent ont entre 25 et 35 ans. Ils sont nés européens, et je suis persuadé qu'ils veulent continuer à vivre dans cet espace de paix et de stabilité que leurs aînés n'ont pas toujours connu.
Avec le formidable développement agricole que la France a connu depuis 40 ans, je suis intimement convaincu que l'immense majorité des paysans sait ce que l'agriculture doit à l'Europe. Mais un signal d'alarme a été tiré, et je fais partie de ceux qui pensent que le train ne doit pas repartir sur les mêmes rails !
Monsieur le Ministre,
Les jeunes agriculteurs ont le choix entre renoncer ou se battre, et ils ont choisi de se battre, se battre pour que le métier d'agriculteur, qui est vital pour l'avenir de notre pays, continue à attirer des jeunes.
Comme chaque année, notre congrès est l'occasion d'un large débat autour d'un rapport d'orientation, que nous amendons et adoptons au terme d'un processus auquel participent l'ensemble de nos structures départementales et régionales.
Ce rapport, que nous avons adopté hier soir, s'intitule " Pas de paysans sans prix, pas de valeur sans organisation ".
Vous aurez compris notre postulat de départ : la première politique d'installation est une politique de revenu, une politique de revenu par les prix. C'est grâce à elle que nous parviendrons à renouveler les générations en agriculture pour que les paysans demeurent nombreux sur tous les territoires.
Le rapport d'orientation cru 2005 porte donc sur le revenu des agriculteurs, l'organisation des filières, le droit de la concurrence, nos relations avec la distribution, et l'engagement de l'Etat dans la politique agricole.
Comme vous le voyez, il y a du travail pour tout le monde : pouvoirs publics, acteurs économiques, privés et coopératifs, organisations professionnelles, sans oublier bien sûr les consommateurs.
Ce projet, c'est une construction économique à plusieurs niveaux, avec un socle de politiques publiques, sur lequel on peut bâtir des disciplines professionnelles, elles mêmes indissociables des stratégies des entreprises. L'objectif est clairement affiché : accroître le niveau de valeur ajoutée pour les producteurs.
Comme je l'évoquais à l'instant, pour nous, le socle, c'est la préférence communautaire, et c'est du ressort de l'Europe, du ressort des politiques.
Pour construire un édifice solide, il faut en effet des fondations. Sinon, c'est l'instabilité, puis l'effondrement.
Cette préférence européenne que nous appelons de nos vux, ce n'est pas se protéger pour le plaisir de se protéger, c'est un choix politique. C'est le choix d'avoir une Europe forte qui favorise un approvisionnement de proximité plutôt que des importations massives à bas prix qui déstabilisent son économie.
C'est aussi faire le choix de préserver un modèle de développement économique et social harmonieux, au bénéfice de toute la société.
Et ce combat, Monsieur le ministre, c'est aux politiques de le mener, en particulier dans le cadre de l'Organisation Mondiale du Commerce.
Ce socle, nous pourrions aussi le conforter en imaginant un basculement des charges qui pèsent sur le travail vers une taxation à la consommation. Le nouveau dispositif, sorte de TVA-emploi, aurait le double avantage de favoriser l'emploi et de corriger le différentiel social sur les produits que nous importons.
Quand j'entends le discours du Premier Ministre sur l'emploi et la préférence européenne, je pense que ce serait un bon investissement que d'explorer cette voie, par exemple dans le cadre d'une mission d'étude. Je suis sûr qu'en 100 jours, c'est un exercice réalisable. Je compte sur vous, Monsieur le ministre, pour appuyer notre demande.
Dans ce domaine, nous ne manquons pas d'idées, puisque nous pensons qu'il serait même possible d'inventer la " préférence du consommateur ", en menant une politique dynamique d'animation du territoire basée sur nos produits.
Nos territoires ne sont ni délocalisables, ni substituables. Sachons les mettre en valeur pour créer un lien entre les agriculteurs et les consommateurs, grâce à l'image de nos produits.
Deuxième niveau, ce que j'ai appelé les disciplines professionnelles. Comme leur nom l'indique, les propositions que nous faisons dans ce domaine doivent avant tout être portées et mises en uvre par la profession agricole, les pouvoirs publics étant responsables du cadre juridique.
C'est en ce sens que nous plaidons pour un vrai renforcement de l'organisation économique des producteurs, pour une consolidation des interprofessions avec extension de leurs missions, et plus largement pour le développement de la contractualisation et des démarches de filière.
Enfin, le troisième niveau porte sur les stratégies d'entreprise, avec des propositions qui concernent surtout les coopératives. Face à la très forte concentration de la distribution, et à l'évolution des marchés, je ne vois pas comment les coopératives peuvent échapper à une réflexion sur le développement de stratégies d'alliance.
En fait, je vois bien une alternative, ou plutôt un mauvais réflexe, qui est de faire porter l'effort de restructuration sur la production, en s'engageant dans une spirale infernale de baisse des prix.
Mais cette logique d'ajustement sur le dos des producteurs ne peut plus durer ! Nous la dénonçons avec vigueur, car elle est suicidaire, pour les paysans et pour les coopératives !
Aujourd'hui, il existe des exemples réussis de rapprochements, d'alliances stratégiques ou commerciales entre coopératives. Il est de notre responsabilité de reprendre le pouvoir dans nos coopératives, et nous le ferons, pour les inciter à s'engager dans cette voie.
Monsieur le ministre,
Vous voyez que nous sommes déterminés à faire avancer ces stratégies professionnelles, mais je dois vous dire que ces démarches, pourtant créatrices de valeur ajoutée, sont largement entravées par les règles actuelles du droit de la concurrence.
En Europe, et même en France, les autorités de la concurrence ont une approche beaucoup trop dogmatique et pas suffisamment pragmatique.
Avec les règles actuelles, nous ne pouvons pas mettre en place de véritables outils professionnels de régulation des marchés ou de gestion de l'offre, sans être accusés d'entente.
C'est pourtant bien ce que font des pays comme le Canada ou l'Australie, qui ne se gênent pas pour nous donner des leçons de libéralisme dans les négociations internationales !
Un gouvernement pragmatique, éventuellement confronté à quelque difficulté budgétaire, devrait applaudir des deux mains nos propositions et procéder aux ajustements nécessaires du droit de la concurrence.
Car pour nous, le meilleur outil de gestion des crises, c'est bien d'organiser les marchés, pour éviter qu'elles se produisent !
Monsieur le ministre,
J'ai l'impression que nos propositions vous intéressent. Nous avons conscience que c'est un travail de longue haleine, exigeant, mais qu'il est de notre responsabilité de bâtir une nouvelle politique agricole.
Pour avoir une chance de relever ce défi, encore faut-il corriger les dérives actuelles et ne pas aller plus loin dans la mauvaise direction. Ce n'est pas quand l'agriculture française sera dans le même état que l'industrie du textile qu'il faudra réagir, parce qu'il sera trop tard.
En disant cela, je pense bien sûr aux négociations de l'OMC, qui entrent maintenant dans une phase cruciale, dans la perspective de la conférence ministérielle de Hong Kong en fin d'année.
L'été dernier, à Genève, le commissaire Lamy a bradé les restitutions européennes sans contrepartie, laissant du coup le champ libre aux détracteurs de la PAC, qui ont immédiatement crié victoire et annoncé que ce n'était qu'une première étape.
Cette concession est d'autant plus scandaleuse que seules les restitutions européennes feront réellement les frais de cet accord, les autres dispositifs, en particulier américains, ayant de beaux jours devant eux.
Maintenant, à l'OMC, ce qui est en ligne de mire, c'est l'accès à nos marchés, et donc la préférence communautaire, c'est aussi le soutien interne, et donc les aides de la PAC.
Sachez, Monsieur le ministre, que nous n'accepterons aucune concession supplémentaire sur ces deux volets de la négociation. Si vous cédiez, vous auriez à votre acquis d'avoir scellé le sort de l'agriculture française. Alors ne commettez pas l'irréparable !
Ce soir s'ouvre à Bruxelles un Sommet européen capital pour l'avenir de l'Europe, avec à l'ordre du jour le projet de traité constitutionnel et les perspectives financières 2007-2013, c'est à dire le budget de l'Union européenne.
La France a obtenu, en 2002, le maintien du budget pour le 1er pilier de la PAC jusqu'en 2013, ce qui constitue un acquis important.
Mais depuis, la France a aussi pris position avec cinq autres pays pour limiter le budget total de l'Union à 1% du revenu national des Etats membres. Même si l'on voit bien que les discussions pourraient aboutir à un point d'équilibre légèrement supérieur, nous n'en demeurons pas moins inquiets pour le financement du 2ème pilier de la PAC, qui est pris dans un étau.
N'oublions pas que c'est le 2ème pilier qui finance la politique d'installation, la politique de la montagne et des zones défavorisées, mais aussi les mesures agro-environnementales et les aides à l'investissement.
Il est donc vital pour notre agriculture de préserver le budget qui lui est alloué pour assurer le développement, la modernisation, et donc la pérennisation de nos exploitations.
Plus largement, je pense aussi que l'Europe doit être dotée d'un budget qui correspond aux ambitions, mais aussi aux engagements, des 25 pays qui la composent.
Je veux dire par là que si le choix politique des Etats membres, c'est de permettre à la Roumanie et à la Bulgarie d'adhérer dès 2007, alors il faut l'assumer du point de vue budgétaire. Si les besoins agricoles s'élèvent à 8 milliards d'euros, alors il faut augmenter le budget de la PAC de 8 milliards d'euros, et pas de 1 ou 2 milliards comme cela est proposé !
Monsieur le ministre, c'est un choix politique d'avoir orienté la PAC vers une politique de soutien par les aides. C'est aussi un choix politique d'élargir l'Europe à de nouveaux pays. C'est donc une responsabilité politique de l'assumer financièrement, sans que cela ne se traduise par une diminution du revenu des paysans !
Et quand Monsieur Blair se plaint du faible retour de la PAC pour le Royaume-Uni, il faudrait peut-être lui rappeler que c'est la conséquence du sacrifice de son agriculture depuis plus d'un siècle.
Quand il se plaint d'une PAC dont le budget représente 40% des dépenses de l'Union européenne, lui rappeler que c'est la seule politique véritablement européenne, et donc dotée d'un budget européen ! Mais je peux comprendre que ça ne corresponde pas à l'idée qu'il se fait de l'Europe.
Sur cette question du budget agricole européen, la France doit tenir bon, ne pas lâcher 1 euro, que ce soit sur le 1er ou le 2ème pilier de la PAC.
La PAC, Monsieur le ministre, ce sont aussi des négociations moins exposées, mais que nous suivons de très près, au niveau européen mais aussi national lorsqu'il s'agit de sa mise en uvre.
Dans quelques jours à Bruxelles, les Ministres européens de l'agriculture vont tenter de se mettre d'accord sur la réforme du 2ème pilier de la PAC, en tout cas sur son contenu.
Aujourd'hui, il semble acquis que le plafond des aides à l'installation sera porté à 55.000 et que le cofinancement des prêts bonifiés JA, que la Commission voulait supprimer, sera maintenu.
Ce sont deux éléments essentiels de notre politique d'installation, et je voulais vous remercier, Monsieur le ministre, pour votre engagement sur ce sujet.
Je sais que vous vous battez aussi pour obtenir que le délai de mise au norme pour un jeune agriculteur qui s'installe soit de 5 ans et non de 3 ans comme le propose la Commission. Il en va de la viabilité économique de nos projets. Nous comptons sur votre détermination.
Quant à l'idée de la Commission de revoir la délimitation des zones défavorisées, avec bien sûr l'intention de les réduire, nous n'en voulons pas !
Une autre réforme est dans les tuyaux à Bruxelles, celle du sucre. Vous devez rester extrêmement vigilant pour que la Commission ne lâche pas de lest avant la conférence de l'OMC de Hong Kong en décembre. Nous y veillerons également.
N'oubliez pas non plus que le sucre en France provient de la betterave, mais aussi de la canne. Il est donc indispensable de préserver les spécificités de la production cannière des DOM.
Monsieur le ministre,
J'en viens maintenant à la mise en uvre de la réforme de la PAC décidée à Luxembourg en 2003. Une réforme qui, je vous le rappelle, n'est pas la nôtre et que nous ne cautionnons pas.
Aujourd'hui, notre objectif est de faire en sorte que ses modalités d'application pénalisent le moins possible l'installation et les jeunes agriculteurs, notamment au niveau de la gestion des droits à paiement, les fameux DPU.
C'est pourquoi nous plaidons pour la mise en place d'une réserve de droits à paiement pour les jeunes agriculteurs qui s'installent, seul moyen pour apporter une réponse en cas d'impossibilité de signer une clause, en cas de comportement spéculatif, ou encore pour compléter des droits insuffisants cédés par clause.
Si nous demandons cette réserve pérenne, c'est à dire avec une base juridique bien précise, l'article 42-3, et avec un critère d'âge, c'est pour la limiter aux stricts besoins de notre politique d'installation, et donc éviter les dérives.
Monsieur le ministre, ce point est une demande forte des Jeunes agriculteurs. De votre réponse dépendra l'installation réussie de tous ces jeunes qui ont un vrai projet économique, mais qui n'auront pas été en mesure de signer une clause dans des conditions acceptables.
Sur ce point Monsieur le ministre, j'attends de vous une réponse précise.
Quant aux prélèvements lors des transferts de droits, pour lesquels nous nous étions battus il y a un an, votre prédécesseur s'en souvient, nous avons accepté, pour la période transitoire, de simplifier le système en se limitant à deux taux de prélèvement : 0% pour les transferts avec foncier et 50% sans foncier.
Mais pour la période de croisière, nous sommes fermement attachés aux taux différenciés qui ont été actés par le Conseil Supérieur d'Orientation du 18 mai 2004, présidé par le Ministre de l'agriculture. C'est votre propre ministère qui en a rédigé le compte rendu, mais je me permets quand même de vous rappeler les taux qui ont été retenus : 0% pour l'installation d'un jeune agriculteur, 3% pour le cas général, 10% en cas d'agrandissement au-delà du schéma des structures, et 50% pour les transferts sans foncier.
Monsieur le ministre, pour les DPU, le quinté gagnant, c'est 42-3 ; 0 ; 3 ; 10 et 50 . C'est le tuyau que vous donnent, amicalement, les Jeunes agriculteurs pour aborder avec sérénité la délicate mise en uvre de la réforme de la PAC.
Je ne peux, Monsieur le ministre, passer sous silence toutes les crises qui frappent nos productions. Les jeunes, vous le savez, sont d'ailleurs souvent les premiers touchés.
Je commence par la viticulture.
Ce secteur, Monsieur le ministre, connaît sans doute une des plus graves crises de son histoire. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'elle est d'ordre structurel, et qu'il faudra y apporter des réponses structurelles, et j'y reviendrai.
Mais je n'accepte pas, je dénonce même, la gestion actuelle qui en est faite. En janvier, vous avez annoncé un plan d'urgence avec des aides de trésorerie pour venir en aide aux viticulteurs les plus en difficultés, avec une priorité pour les jeunes.
Comment pouvez vous m'expliquer qu'à l'heure où je vous parle, c'est à dire 5 mois après les annonces, il n'y ait pas le moindre euro de versé sur les comptes bancaires !
Et si c'est un problème d'effectifs dans vos DDA ou à l'Onivins, je vous promets que nos jeunes ne vont pas tarder à aller vous donner un coup main !
Aujourd'hui, dans certaines régions, la question n'est plus d'installer des jeunes viticulteurs, elle est de savoir comment ceux qui sont en place vont pouvoir passer le cap de la prochaine campagne !
Les cuves sont pleines, Monsieur le ministre, le vin ne se vend pas, ou alors à des prix de misère.
Quant à la priorité affichée pour les jeunes agriculteurs dans votre plan, elle n'est tout simplement pas respectée par votre administration sur le terrain. Là encore, nous saurons tirer les enseignements de ces annonces en trompe l'il !
Même chose pour les mesures d'allègement des charges fiscales et sociales, qui en sont au point mort. Des promesses, toujours des promesses.
Si votre choix, Monsieur le ministre, c'est de gérer la crise par la disparition des Hommes, en viticulture comme ailleurs vous trouverez les jeunes agriculteurs sur votre chemin !
Sur le volet structurel, nous avions pris nos responsabilités en juillet dernier, sous l'égide de votre prédécesseur, en proposant des orientations de fond pour l'avenir de la viticulture : segmentation de l'offre, organisation de la production par bassin, conditions d'utilisation des moûts concentrés, politique de promotion de nos vins à l'exportation, etc.
De son côté, votre ministère s'était engagé à soutenir cette démarche. Mais le constat aujourd'hui, c'est que ces sujets n'ont pas avancé et que les pouvoirs publics n'ont même pas jouer leur rôle de facilitateur.
Aujourd'hui, la situation est grave et tendue. Aussi je pense, Monsieur le ministre, que la nomination d'un " Monsieur Vin ", qui serait chargé de rencontrer tous les professionnels, pourrait contribuer à relancer l'indispensable travail sur le volet structurel.
Dans le secteur des fruits et légumes, la campagne est incertaine. Il existe déjà des signaux d'inquiétude. J'attends donc de vous un engagement pour utiliser, si nécessaire, toute la palette de dispositifs anti-crise qui existe aujourd'hui dans notre législation, notamment le coefficient multiplicateur et le prix minimum.
Et puisque j'évoque ces productions, qui sont particulièrement exposées dans les relations avec la grande distribution, j'en profite pour vous rappeler notre position sur la réforme de la loi Galland, qui vient d'être relancée par le Premier Ministre. Elle est plutôt claire : pas de modification du seuil de revente à perte, et publication systématique des sanctions prononcées.
Enfin, pour les productions végétales, je veux vous parler des céréales. Les prix n'ont jamais été aussi bas, les stocks sont importants, et la prochaine récolte, là aussi, s'annonce abondante. Comment comprendre, dans ces conditions, la gestion désastreuse du marché par la Commission européenne, qui est demeurée sourde aux cris d'alarme lancés par les professionnels. Je vous ai écrit, Monsieur le ministre, pour relayer la détresse et l'incompréhension des jeunes céréaliers. Aujourd'hui, j'attends de vous une réponse concrète.
S'agissant du secteur animal, comment ne pas évoquer la situation des producteurs de lait, qui ont l'impression d'être la variable d'ajustement des industriels qui se mènent une guerre sans merci sur le lait de grande consommation ou qui n'ont pas suffisamment anticipé certaines évolutions du marché.
Les producteurs ont déjà fait d'énormes efforts. Maintenant, les jeunes vont peser de tout leur poids dans leurs coopératives pour définir un vrai projet d'avenir pour la filière.
De votre côté, Monsieur le ministre, la plan 2005 d'aide à la cessation de l'activité laitière a été géré de manière plutôt efficace. Ce que nous vous demandons, c'est que les 20% de la réserve nationale, qui seront mutualisés au niveau régional, aillent en priorité aux jeunes qui s'installent. Nous vous demandons également de revaloriser les enveloppes d'aides à la collecte du lait en zone de montagne.
Avec les forts déficits hydriques qui persistent, ce que vous demandent les éleveurs, c'est aussi d'étendre à toute la France l'autorisation de pâturer les jachères, pour faire face au manque de fourrage.
Je ne peux conclure sans évoquer l'aviculture, qui est un exemple concret et dramatique de ce que devient une production lorsque la préférence communautaire n'existe plus. Prenez garde, dans les négociations commerciales internationales, de ne pas commettre les mêmes erreurs pour des productions comme la viande bovine ou même le porc.
Dans ce contexte plutôt morose, les jeunes agriculteurs veulent croire au développement des productions non alimentaires, comme par exemple les énergies vertes ou les bio-matériaux. Parce que nous voulons être de véritables acteurs de ce développement, la prochaine édition de Terre Attitude, qui aura lieu dans le Pas-de-Calais près d'Arras du 16 au 18 septembre, aura pour thème les énergies vertes.
Nous soutenons donc le plan biocarburants annoncé par le Gouvernement, qui doit se mettre en uvre rapidement pour atteindre les taux d'incorporation prévus par la réglementation européenne.
Pour les biocarburants, nous sommes favorables au développement de filières durables, mais nous demandons aussi la possibilité d'utiliser les huiles végétales brutes comme carburant, en autoconsommation sur nos exploitations.
Pour les Jeunes agriculteurs, les énergies vertes représentent une lueur d'espoir, une manière aussi de contribuer au développement durable de notre économie.
L'agriculture, comme toute activité humaine, a évidemment un impact sur l'environnement. Je fais partie de ceux qui pensent que l'agriculture contribue positivement au respect de notre environnement. Nous sommes engagés depuis des années dans des démarches visant à optimiser nos pratiques d'élevage et nos pratiques culturales.
Alors de votre côté, faites en sorte que l'Etat tienne ses engagements, notamment sur le financement des CAD et du PMPOA.
Ce qu'il faut comprendre, Monsieur le ministre, c'est que l'agriculteur avancera toujours plus vite avec une carotte qu'avec un bâton. Il convient donc de privilégier au maximum les dispositifs incitatifs.
Les Jeunes agriculteurs revendiquent également l'application du principe de présomption d'innocence dans le cadre des contrôles sur la conditionnalité, ainsi que la possibilité de faire appel à une commission de recours. En aucun cas nous ne pouvons accepter que la première étape, le premier réflexe, ce soit le blocage des aides.
En revanche, pour d'autres sujets, je pense en particulier aux grands prédateurs, il faut maintenant utiliser la manière forte. Les bergers n'en peuvent plus de voir leurs troupeaux décimés par les attaques de loups. Nous avons toujours dit que le pastoralisme était incompatible avec la présence du loup. Alors il y a deux options : c'est le loup, ou c'est l'Homme. Pour nous, Monsieur le ministre, c'est l'Homme, c'est le berger qui doit rester.
Monsieur le ministre,
Les Jeunes agriculteurs font du renouvellement des générations en agriculture leur chantier prioritaire. Nous le déclinons suivant plusieurs axes de travail que sont : la rénovation du parcours à l'installation, la transmission des exploitations, le développement des partenariats locaux, et la promotion du métier d'agriculteur.
Nous avons également engagé une réflexion sur les conditions de vie et de travail dans les exploitations, considérant que l'attractivité du métier est une composante essentielle de la politique d'installation.
Globalement, sur ces sujets, j'estime que vous faites preuve d'une bonne écoute, et que votre équipe a su gérer avec efficacité et pragmatisme plusieurs dossiers difficiles.
Je tiens à souligner le bon travail réalisé pour sortir par le haut de l'épineux problème des contrôles des prêts bonifiés. Il persiste néanmoins des situations locales difficiles, que je vous demande de regarder de près. Faites en sorte que les DDAF utilisent vraiment toutes les possibilités offertes par les nouvelles dispositions.
Par ailleurs, dans le cadre du nouveau dispositif des aides à l'installation, dont la circulaire d'application vient de sortir, vous avez accepté de tenir compte de nos principales demandes. Je pense en particulier à la possibilité de déroger, dans des circonstances particulières, au sous-plafond foncier pour les prêts JA. L'arrêté doit maintenant sortir le plus rapidement possible.
Je ne reviens pas sur les négociations en cours à Bruxelles sur le développement rural, qui je l'espère déboucheront sur des décisions favorables pour le volet installation.
Voilà pour ce qui avance et va dans la bonne direction. Ce n'est pas rien, je vous le concède, mais en y regardant d'un peu plus près, on constate qu'il s'agît pour une bonne part de consolidations d'acquis.
Aujourd'hui, la politique d'installation, c'est 10.000 créations ou reprises d'entreprises chaque année, avec un taux de réussite au bout de 10 ans de 95%, ce qui est tout à fait exceptionnel. C'est aussi un nombre considérable d'emplois induits : 1 actif agricole génère en moyenne 4 emplois.
Ce que nous voulons, c'est une vraie reconnaissance de la politique d'installation comme vecteur de création d'emploi, c'est une volonté politique forte pour soutenir les jeunes qui investissent en agriculture et qui veulent réussir dans ce métier, une volonté politique forte pour accompagner ces démarches.
Avec la DJA, les prêts bonifiés constituent un outil essentiel d'aide à l'investissement pour les jeunes qui s'installent. Ils ont aussi l'avantage de leur faire penser leur projet dans la durée, ce qui est un gage de viabilité économique.
Depuis plusieurs années, le différentiel entre les taux du marché et les taux des prêts bonifiés JA ne cesse de se réduire, ce qui leur ôte progressivement ce caractère incitatif, qui est si important quand on parle d'investissement.
Le geste fort que nous attendons, Monsieur le ministre, c'est une baisse rapide et significative des taux des prêts bonifiés JA. Nous sommes prêts à étudier les modalités d'une telle baisse, mais nous voulons un engagement concret, aujourd'hui.
La politique d'installation se joue également au plus près du terrain, tant du point de vue de l'accompagnement que du soutien accordé aux cédants et aux jeunes candidats.
Aujourd'hui, nous sommes à un tournant de la politique agricole qui exige que l'on consacre plus de moyens et d'énergie sur ce type d'actions. Là aussi, nous attendons un signe politique fort, avec une revalorisation de l'enveloppe du FICIA d'au moins 2 millions d'euros.
Monsieur le ministre,
Vous avez présenté au Conseil des ministres du 18 mai dernier un projet de loi d'orientation agricole. Nous avons été déçus par son volet économique, qui ne répond pas pour l'instant aux attentes des jeunes agriculteurs.
Je m'en explique.
Je vous ai dit, d'emblée, que la première politique d'installation était une politique de revenu, une politique de revenu par les prix.
Notre responsabilité, commune, c'est de faire en sorte que les jeunes qui s'installent puissent vivre dignement du métier d'agriculteur, en dégageant un revenu décent.
Or aujourd'hui, on constate que l'équation économique de l'exploitation agricole est de plus en plus difficile à résoudre : les prix sont tendanciellement orientés à la baisse, les charges et les contraintes augmentent, tandis que la dépendance aux soutiens publics s'accroît.
Nous pensons donc que le cur du problème agricole, c'est bien de revenir à un meilleur équilibre entre les recettes et les charges sur nos exploitations.
Commençons par les recettes.
Comme nous l'avons largement développé dans notre rapport d'orientation, le renforcement de l'organisation économique des producteurs est une voie essentielle pour conquérir la valeur ajoutée et donc améliorer notre revenu.
Pour qu'une organisation de producteurs puisse jouer un vrai rôle sur le marché, il est nécessaire de prévoir un transfert de propriété des produits. Or, le projet de loi est beaucoup trop souple dans ce domaine, au point qu'il n'aura aucun impact sur la situation actuelle.
Nous pensons également qu'il faudrait établir une priorité sur l'octroi de certaines aides en faveur des producteurs organisés.
Dans le même état d'esprit, il serait plutôt pertinent que la DPI puisse aussi être une mesure d'incitation à la contractualisation, et la DPA une incitation à l'assurance récolte.
Puisque j'évoque l'assurance récolte, je réitère ici notre demande de voir s'engager rapidement, sous l'égide de votre ministère, une réflexion pour le secteur de l'élevage et donc des fourrages. Je vous demande également d'abonder la ligne budgétaire pour couvrir les besoins du dispositif mis en place en 2005
Parlons maintenant des charges.
La suppression progressive annoncée de la TFNB est une mesure qui va bénéficier aux propriétaires exploitants, les agriculteurs en fermage n'ayant aucune chance d'obtenir une diminution de leur loyer.
Si l'on ajoute que les jeunes agriculteurs sont très majoritairement des locataires, et qu'il existe déjà pour les autres une exonération de TNFB sur 5 ans, je vous laisse mesurer l'impact, objectivement très limité, de cette mesure pour les JA.
En matière de baisse des charges, nous demandons là encore un signe politique clair, prenant la forme d'une exonération pérenne de TIPP sur le carburant à usage agricole.
Par ailleurs, nous pensons que le moment est venu de sortir la DJA de l'assiette fiscale, car je ne vois pas l'intérêt de donner d'une main pour reprendre de l'autre.
Sur le volet transmission, je pense que le plan crédit transmission est une mesure intéressante, mais qu'il faut la rendre plus incitative en prévoyant une exonération totale d'impôt pour les intérêts perçus par le cédant.
Le fonds agricole devrait aussi permettre de favoriser la transmission, avec une meilleure reconnaissance de la valeur économique des exploitations.
Mais son corollaire, qui est la cessibilité du bail, ne doit en aucun cas conduire à une précarisation des conditions d'installation des jeunes. C'est pourquoi nous nous battrons pour obtenir une clause de réinitialisation de la durée du bail lors de chaque cession.
Le projet prévoit également un assouplissement du contrôle des structures. Autant nous pouvons admettre de simplifier la procédure, par exemple en ciblant l'examen individuel sur les dossiers pour lesquels il existe une concurrence, autant nous rejetons l'idée d'un abandon pur et simple du contrôle.
Nous avons été entendus sur plusieurs points, mais nous continuons à demander le maintien des autorisations d'exploiter pour les sociétés et pour les opérations des SAFER.
Quant au rôle de la CDOA en matière de contrôle des structures, j'aimerais que vous m'expliquiez, Monsieur le ministre, quelle est votre idée lorsque vous proposez de supprimer, dans le Code rural, les mots : " après avis de la CDOA ".
Enfin je souhaite, Monsieur le ministre, que la LOA prenne mieux en compte les spécificités des départements d'outre-mer, notamment les problématiques foncières, sociales et d'organisation des filières.
J'attends également que vous nous éclairiez sur le calendrier de passage du projet de loi devant le Parlement.
Monsieur le ministre,
Si j'ai tenu à faire un tour d'horizon le plus complet possible des préoccupations des jeunes agriculteurs, des crises qui frappent nos productions, des difficultés que nous rencontrons au quotidien sur nos exploitations, c'est pour que vous preniez toute la mesure du malaise qui s'est installé dans nos campagnes.
Les agriculteurs, et tout particulièrement les jeunes, manquent cruellement de lisibilité.
A peine une réforme de la PAC est-elle adoptée, et même pas encore mise en uvre, que l'on entend des voix qui réclament la baisse du budget agricole, et donc nécessairement de nouveaux ajustements. Ce n'est pas tenable !
Comment voulez-vous travailler sereinement sur une loi d'orientation agricole en France, censée poser les bases de l'agriculture pour les quinze ans à venir, si entre temps à Bruxelles ou à Genève, on nous impose plusieurs réformes.
Et le pire, c'est que ce sont ces réformes, qui font de la baisse des prix et de la dérégulation des marchés un véritable dogme, qui sont la véritable cause du débat budgétaire actuel sur l'agriculture.
Monsieur le ministre, faudra-t-il aller jusqu'au bout de cette logique infernale de baisse des prix, qui ne profite qu'aux multinationales de l'agro-alimentaire et à la grande distribution, et bien sûr absolument pas aux consommateurs, pour se rendre compte qu'elle est absurde ?
Le débat budgétaire actuel nous conforte même dans l'idée que ce combat pour une politique de prix rémunérateurs, pour une politique de reconquête de la valeur ajoutée, nous allons le gagner.
Plus que jamais, nous devons faire entendre notre voix, celle d'un syndicat agricole qui veut bâtir, qui veut construire, qui croit en l'avenir du métier d'agriculteur.
Le métier d'agriculteur doit continuer à attirer des jeunes, parce qu'il est tout simplement vital pour notre pays, vital pour l'avenir de l'humanité.
Raymond Lacombe disait : " il n'y aura pas de pays sans paysans ".
Soyez fiers, mes amis, de mener le même combat.
Monsieur le ministre, vous avez la parole.
(Source http://www.cnja.com, le 21 juin 2005)
Bravo à l'imagination et à l'esprit d'initiative de ceux qui nous ont accueillis.
Bravo à toi, Stéphane, ainsi qu'à toute ton équipe. Bravo aussi à toi, David, qui a présidé le comité d'organisation et coordonné l'ensemble des opérations. Soyez fiers de ce que vous avez fait pour ce congrès. C'est un succès collectif.
Votre convivialité, la qualité de l'accueil réservé aux délégués et aux invités, ont contribué à l'instauration d'une excellente ambiance durant tout le congrès.
Un grand merci également à tous les bénévoles, et à l'équipe administrative de JA.
Vous méritez tous nos applaudissements.
Je tiens également à remercier chaleureusement tous les partenaires qui vous ont soutenus. Je pense en particulier aux partenaires de la profession agricole, mais également à la Ville de Bourg-en-Bresse, au Conseil général de l'Ain et au Conseil régional de Rhône-Alpes, qui vous ont fait confiance.
Merci, enfin, à l'ensemble de nos invités pour leur présence à notre congrès.
Monsieur le Ministre,
Vous nous avez rejoint en fin de matinée, et c'est avec plaisir que je vous accueille à cette tribune, pour la clôture du 39ème congrès des Jeunes Agriculteurs. Votre présence parmi nous aujourd'hui est importante, à un moment où les agriculteurs, et notamment les jeunes, ont besoin d'y voir plus clair sur l'avenir de leur métier, et surtout d'y voir plus clair sur l'avenir des politiques agricoles dont vous avez la charge.
Ce congrès, pour notre équipe, correspond à la mi-mandat. C'est l'occasion de faire le bilan de l'année écoulée et de conforter nos orientations pour les mois et les années à venir. Même si nos mandats sont courts, et nous y tenons, notre action s'inscrit nécessairement dans la durée, puisque les jeunes ont le métier devant eux.
Ces mandats courts, c'est aussi une bonne formule pour avoir des responsables toujours plein d'énergie, et vous en savez quelque chose. Jeunes agriculteurs, c'est un syndicat, bien sûr, mais c'est aussi une formidable école de formation à la responsabilité.
Depuis votre arrivée au ministère de l'agriculture, Monsieur le ministre, vous avez fait preuve d'écoute et traité avec pragmatisme un certain nombre de sujets difficiles. Nous vous en sommes reconnaissants, mais bon nombre de difficultés demeurent.
Sur le terrain, dans les campagnes, on ne peut pas dire que le moral soit au beau fixe. Les crises touchent tour à tour nos productions, les perspectives économiques sont incertaines, et il s'établit un sentiment de malaise dans le monde agricole.
Ce sentiment qu'après avoir connu la politique des prix, puis la politique des aides, et enfin la politique des aides et des contrôles, la prochaine étape pourrait être la politique des seuls contrôles. Et bien cela, Monsieur le ministre, nous n'en voulons pas !
La politique de baisse des prix et de dérégulation des marchés, engagée depuis une quinzaine d'années, nous emmène droit dans un mur. L'agriculture ne veut pas finir comme le textile ou la chaussure ! Jamais nous n'accepterons une telle perspective !
Et ne dites pas que c'est une crainte injustifiée, car ce serait acter que l'agriculture française n'a d'avenir que sur une faible partie de notre territoire, et encore.
Le Gouvernement doit entendre le message des agriculteurs exprimé lors du référendum, qui est un appel criant pour un changement d'orientation de la politique agricole, en France et en Europe.
Je crois que le moment est venu de regarder les choses en face. Ce que veulent les agriculteurs, c'est vivre dignement de leur métier et du prix de leurs produits. Vivre dans une Europe qui se construit autour d'un vrai modèle de société, une Europe qui assume le principe de la préférence communautaire.
Dans cette salle, Monsieur le ministre, la plupart des jeunes qui nous écoutent ont entre 25 et 35 ans. Ils sont nés européens, et je suis persuadé qu'ils veulent continuer à vivre dans cet espace de paix et de stabilité que leurs aînés n'ont pas toujours connu.
Avec le formidable développement agricole que la France a connu depuis 40 ans, je suis intimement convaincu que l'immense majorité des paysans sait ce que l'agriculture doit à l'Europe. Mais un signal d'alarme a été tiré, et je fais partie de ceux qui pensent que le train ne doit pas repartir sur les mêmes rails !
Monsieur le Ministre,
Les jeunes agriculteurs ont le choix entre renoncer ou se battre, et ils ont choisi de se battre, se battre pour que le métier d'agriculteur, qui est vital pour l'avenir de notre pays, continue à attirer des jeunes.
Comme chaque année, notre congrès est l'occasion d'un large débat autour d'un rapport d'orientation, que nous amendons et adoptons au terme d'un processus auquel participent l'ensemble de nos structures départementales et régionales.
Ce rapport, que nous avons adopté hier soir, s'intitule " Pas de paysans sans prix, pas de valeur sans organisation ".
Vous aurez compris notre postulat de départ : la première politique d'installation est une politique de revenu, une politique de revenu par les prix. C'est grâce à elle que nous parviendrons à renouveler les générations en agriculture pour que les paysans demeurent nombreux sur tous les territoires.
Le rapport d'orientation cru 2005 porte donc sur le revenu des agriculteurs, l'organisation des filières, le droit de la concurrence, nos relations avec la distribution, et l'engagement de l'Etat dans la politique agricole.
Comme vous le voyez, il y a du travail pour tout le monde : pouvoirs publics, acteurs économiques, privés et coopératifs, organisations professionnelles, sans oublier bien sûr les consommateurs.
Ce projet, c'est une construction économique à plusieurs niveaux, avec un socle de politiques publiques, sur lequel on peut bâtir des disciplines professionnelles, elles mêmes indissociables des stratégies des entreprises. L'objectif est clairement affiché : accroître le niveau de valeur ajoutée pour les producteurs.
Comme je l'évoquais à l'instant, pour nous, le socle, c'est la préférence communautaire, et c'est du ressort de l'Europe, du ressort des politiques.
Pour construire un édifice solide, il faut en effet des fondations. Sinon, c'est l'instabilité, puis l'effondrement.
Cette préférence européenne que nous appelons de nos vux, ce n'est pas se protéger pour le plaisir de se protéger, c'est un choix politique. C'est le choix d'avoir une Europe forte qui favorise un approvisionnement de proximité plutôt que des importations massives à bas prix qui déstabilisent son économie.
C'est aussi faire le choix de préserver un modèle de développement économique et social harmonieux, au bénéfice de toute la société.
Et ce combat, Monsieur le ministre, c'est aux politiques de le mener, en particulier dans le cadre de l'Organisation Mondiale du Commerce.
Ce socle, nous pourrions aussi le conforter en imaginant un basculement des charges qui pèsent sur le travail vers une taxation à la consommation. Le nouveau dispositif, sorte de TVA-emploi, aurait le double avantage de favoriser l'emploi et de corriger le différentiel social sur les produits que nous importons.
Quand j'entends le discours du Premier Ministre sur l'emploi et la préférence européenne, je pense que ce serait un bon investissement que d'explorer cette voie, par exemple dans le cadre d'une mission d'étude. Je suis sûr qu'en 100 jours, c'est un exercice réalisable. Je compte sur vous, Monsieur le ministre, pour appuyer notre demande.
Dans ce domaine, nous ne manquons pas d'idées, puisque nous pensons qu'il serait même possible d'inventer la " préférence du consommateur ", en menant une politique dynamique d'animation du territoire basée sur nos produits.
Nos territoires ne sont ni délocalisables, ni substituables. Sachons les mettre en valeur pour créer un lien entre les agriculteurs et les consommateurs, grâce à l'image de nos produits.
Deuxième niveau, ce que j'ai appelé les disciplines professionnelles. Comme leur nom l'indique, les propositions que nous faisons dans ce domaine doivent avant tout être portées et mises en uvre par la profession agricole, les pouvoirs publics étant responsables du cadre juridique.
C'est en ce sens que nous plaidons pour un vrai renforcement de l'organisation économique des producteurs, pour une consolidation des interprofessions avec extension de leurs missions, et plus largement pour le développement de la contractualisation et des démarches de filière.
Enfin, le troisième niveau porte sur les stratégies d'entreprise, avec des propositions qui concernent surtout les coopératives. Face à la très forte concentration de la distribution, et à l'évolution des marchés, je ne vois pas comment les coopératives peuvent échapper à une réflexion sur le développement de stratégies d'alliance.
En fait, je vois bien une alternative, ou plutôt un mauvais réflexe, qui est de faire porter l'effort de restructuration sur la production, en s'engageant dans une spirale infernale de baisse des prix.
Mais cette logique d'ajustement sur le dos des producteurs ne peut plus durer ! Nous la dénonçons avec vigueur, car elle est suicidaire, pour les paysans et pour les coopératives !
Aujourd'hui, il existe des exemples réussis de rapprochements, d'alliances stratégiques ou commerciales entre coopératives. Il est de notre responsabilité de reprendre le pouvoir dans nos coopératives, et nous le ferons, pour les inciter à s'engager dans cette voie.
Monsieur le ministre,
Vous voyez que nous sommes déterminés à faire avancer ces stratégies professionnelles, mais je dois vous dire que ces démarches, pourtant créatrices de valeur ajoutée, sont largement entravées par les règles actuelles du droit de la concurrence.
En Europe, et même en France, les autorités de la concurrence ont une approche beaucoup trop dogmatique et pas suffisamment pragmatique.
Avec les règles actuelles, nous ne pouvons pas mettre en place de véritables outils professionnels de régulation des marchés ou de gestion de l'offre, sans être accusés d'entente.
C'est pourtant bien ce que font des pays comme le Canada ou l'Australie, qui ne se gênent pas pour nous donner des leçons de libéralisme dans les négociations internationales !
Un gouvernement pragmatique, éventuellement confronté à quelque difficulté budgétaire, devrait applaudir des deux mains nos propositions et procéder aux ajustements nécessaires du droit de la concurrence.
Car pour nous, le meilleur outil de gestion des crises, c'est bien d'organiser les marchés, pour éviter qu'elles se produisent !
Monsieur le ministre,
J'ai l'impression que nos propositions vous intéressent. Nous avons conscience que c'est un travail de longue haleine, exigeant, mais qu'il est de notre responsabilité de bâtir une nouvelle politique agricole.
Pour avoir une chance de relever ce défi, encore faut-il corriger les dérives actuelles et ne pas aller plus loin dans la mauvaise direction. Ce n'est pas quand l'agriculture française sera dans le même état que l'industrie du textile qu'il faudra réagir, parce qu'il sera trop tard.
En disant cela, je pense bien sûr aux négociations de l'OMC, qui entrent maintenant dans une phase cruciale, dans la perspective de la conférence ministérielle de Hong Kong en fin d'année.
L'été dernier, à Genève, le commissaire Lamy a bradé les restitutions européennes sans contrepartie, laissant du coup le champ libre aux détracteurs de la PAC, qui ont immédiatement crié victoire et annoncé que ce n'était qu'une première étape.
Cette concession est d'autant plus scandaleuse que seules les restitutions européennes feront réellement les frais de cet accord, les autres dispositifs, en particulier américains, ayant de beaux jours devant eux.
Maintenant, à l'OMC, ce qui est en ligne de mire, c'est l'accès à nos marchés, et donc la préférence communautaire, c'est aussi le soutien interne, et donc les aides de la PAC.
Sachez, Monsieur le ministre, que nous n'accepterons aucune concession supplémentaire sur ces deux volets de la négociation. Si vous cédiez, vous auriez à votre acquis d'avoir scellé le sort de l'agriculture française. Alors ne commettez pas l'irréparable !
Ce soir s'ouvre à Bruxelles un Sommet européen capital pour l'avenir de l'Europe, avec à l'ordre du jour le projet de traité constitutionnel et les perspectives financières 2007-2013, c'est à dire le budget de l'Union européenne.
La France a obtenu, en 2002, le maintien du budget pour le 1er pilier de la PAC jusqu'en 2013, ce qui constitue un acquis important.
Mais depuis, la France a aussi pris position avec cinq autres pays pour limiter le budget total de l'Union à 1% du revenu national des Etats membres. Même si l'on voit bien que les discussions pourraient aboutir à un point d'équilibre légèrement supérieur, nous n'en demeurons pas moins inquiets pour le financement du 2ème pilier de la PAC, qui est pris dans un étau.
N'oublions pas que c'est le 2ème pilier qui finance la politique d'installation, la politique de la montagne et des zones défavorisées, mais aussi les mesures agro-environnementales et les aides à l'investissement.
Il est donc vital pour notre agriculture de préserver le budget qui lui est alloué pour assurer le développement, la modernisation, et donc la pérennisation de nos exploitations.
Plus largement, je pense aussi que l'Europe doit être dotée d'un budget qui correspond aux ambitions, mais aussi aux engagements, des 25 pays qui la composent.
Je veux dire par là que si le choix politique des Etats membres, c'est de permettre à la Roumanie et à la Bulgarie d'adhérer dès 2007, alors il faut l'assumer du point de vue budgétaire. Si les besoins agricoles s'élèvent à 8 milliards d'euros, alors il faut augmenter le budget de la PAC de 8 milliards d'euros, et pas de 1 ou 2 milliards comme cela est proposé !
Monsieur le ministre, c'est un choix politique d'avoir orienté la PAC vers une politique de soutien par les aides. C'est aussi un choix politique d'élargir l'Europe à de nouveaux pays. C'est donc une responsabilité politique de l'assumer financièrement, sans que cela ne se traduise par une diminution du revenu des paysans !
Et quand Monsieur Blair se plaint du faible retour de la PAC pour le Royaume-Uni, il faudrait peut-être lui rappeler que c'est la conséquence du sacrifice de son agriculture depuis plus d'un siècle.
Quand il se plaint d'une PAC dont le budget représente 40% des dépenses de l'Union européenne, lui rappeler que c'est la seule politique véritablement européenne, et donc dotée d'un budget européen ! Mais je peux comprendre que ça ne corresponde pas à l'idée qu'il se fait de l'Europe.
Sur cette question du budget agricole européen, la France doit tenir bon, ne pas lâcher 1 euro, que ce soit sur le 1er ou le 2ème pilier de la PAC.
La PAC, Monsieur le ministre, ce sont aussi des négociations moins exposées, mais que nous suivons de très près, au niveau européen mais aussi national lorsqu'il s'agit de sa mise en uvre.
Dans quelques jours à Bruxelles, les Ministres européens de l'agriculture vont tenter de se mettre d'accord sur la réforme du 2ème pilier de la PAC, en tout cas sur son contenu.
Aujourd'hui, il semble acquis que le plafond des aides à l'installation sera porté à 55.000 et que le cofinancement des prêts bonifiés JA, que la Commission voulait supprimer, sera maintenu.
Ce sont deux éléments essentiels de notre politique d'installation, et je voulais vous remercier, Monsieur le ministre, pour votre engagement sur ce sujet.
Je sais que vous vous battez aussi pour obtenir que le délai de mise au norme pour un jeune agriculteur qui s'installe soit de 5 ans et non de 3 ans comme le propose la Commission. Il en va de la viabilité économique de nos projets. Nous comptons sur votre détermination.
Quant à l'idée de la Commission de revoir la délimitation des zones défavorisées, avec bien sûr l'intention de les réduire, nous n'en voulons pas !
Une autre réforme est dans les tuyaux à Bruxelles, celle du sucre. Vous devez rester extrêmement vigilant pour que la Commission ne lâche pas de lest avant la conférence de l'OMC de Hong Kong en décembre. Nous y veillerons également.
N'oubliez pas non plus que le sucre en France provient de la betterave, mais aussi de la canne. Il est donc indispensable de préserver les spécificités de la production cannière des DOM.
Monsieur le ministre,
J'en viens maintenant à la mise en uvre de la réforme de la PAC décidée à Luxembourg en 2003. Une réforme qui, je vous le rappelle, n'est pas la nôtre et que nous ne cautionnons pas.
Aujourd'hui, notre objectif est de faire en sorte que ses modalités d'application pénalisent le moins possible l'installation et les jeunes agriculteurs, notamment au niveau de la gestion des droits à paiement, les fameux DPU.
C'est pourquoi nous plaidons pour la mise en place d'une réserve de droits à paiement pour les jeunes agriculteurs qui s'installent, seul moyen pour apporter une réponse en cas d'impossibilité de signer une clause, en cas de comportement spéculatif, ou encore pour compléter des droits insuffisants cédés par clause.
Si nous demandons cette réserve pérenne, c'est à dire avec une base juridique bien précise, l'article 42-3, et avec un critère d'âge, c'est pour la limiter aux stricts besoins de notre politique d'installation, et donc éviter les dérives.
Monsieur le ministre, ce point est une demande forte des Jeunes agriculteurs. De votre réponse dépendra l'installation réussie de tous ces jeunes qui ont un vrai projet économique, mais qui n'auront pas été en mesure de signer une clause dans des conditions acceptables.
Sur ce point Monsieur le ministre, j'attends de vous une réponse précise.
Quant aux prélèvements lors des transferts de droits, pour lesquels nous nous étions battus il y a un an, votre prédécesseur s'en souvient, nous avons accepté, pour la période transitoire, de simplifier le système en se limitant à deux taux de prélèvement : 0% pour les transferts avec foncier et 50% sans foncier.
Mais pour la période de croisière, nous sommes fermement attachés aux taux différenciés qui ont été actés par le Conseil Supérieur d'Orientation du 18 mai 2004, présidé par le Ministre de l'agriculture. C'est votre propre ministère qui en a rédigé le compte rendu, mais je me permets quand même de vous rappeler les taux qui ont été retenus : 0% pour l'installation d'un jeune agriculteur, 3% pour le cas général, 10% en cas d'agrandissement au-delà du schéma des structures, et 50% pour les transferts sans foncier.
Monsieur le ministre, pour les DPU, le quinté gagnant, c'est 42-3 ; 0 ; 3 ; 10 et 50 . C'est le tuyau que vous donnent, amicalement, les Jeunes agriculteurs pour aborder avec sérénité la délicate mise en uvre de la réforme de la PAC.
Je ne peux, Monsieur le ministre, passer sous silence toutes les crises qui frappent nos productions. Les jeunes, vous le savez, sont d'ailleurs souvent les premiers touchés.
Je commence par la viticulture.
Ce secteur, Monsieur le ministre, connaît sans doute une des plus graves crises de son histoire. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'elle est d'ordre structurel, et qu'il faudra y apporter des réponses structurelles, et j'y reviendrai.
Mais je n'accepte pas, je dénonce même, la gestion actuelle qui en est faite. En janvier, vous avez annoncé un plan d'urgence avec des aides de trésorerie pour venir en aide aux viticulteurs les plus en difficultés, avec une priorité pour les jeunes.
Comment pouvez vous m'expliquer qu'à l'heure où je vous parle, c'est à dire 5 mois après les annonces, il n'y ait pas le moindre euro de versé sur les comptes bancaires !
Et si c'est un problème d'effectifs dans vos DDA ou à l'Onivins, je vous promets que nos jeunes ne vont pas tarder à aller vous donner un coup main !
Aujourd'hui, dans certaines régions, la question n'est plus d'installer des jeunes viticulteurs, elle est de savoir comment ceux qui sont en place vont pouvoir passer le cap de la prochaine campagne !
Les cuves sont pleines, Monsieur le ministre, le vin ne se vend pas, ou alors à des prix de misère.
Quant à la priorité affichée pour les jeunes agriculteurs dans votre plan, elle n'est tout simplement pas respectée par votre administration sur le terrain. Là encore, nous saurons tirer les enseignements de ces annonces en trompe l'il !
Même chose pour les mesures d'allègement des charges fiscales et sociales, qui en sont au point mort. Des promesses, toujours des promesses.
Si votre choix, Monsieur le ministre, c'est de gérer la crise par la disparition des Hommes, en viticulture comme ailleurs vous trouverez les jeunes agriculteurs sur votre chemin !
Sur le volet structurel, nous avions pris nos responsabilités en juillet dernier, sous l'égide de votre prédécesseur, en proposant des orientations de fond pour l'avenir de la viticulture : segmentation de l'offre, organisation de la production par bassin, conditions d'utilisation des moûts concentrés, politique de promotion de nos vins à l'exportation, etc.
De son côté, votre ministère s'était engagé à soutenir cette démarche. Mais le constat aujourd'hui, c'est que ces sujets n'ont pas avancé et que les pouvoirs publics n'ont même pas jouer leur rôle de facilitateur.
Aujourd'hui, la situation est grave et tendue. Aussi je pense, Monsieur le ministre, que la nomination d'un " Monsieur Vin ", qui serait chargé de rencontrer tous les professionnels, pourrait contribuer à relancer l'indispensable travail sur le volet structurel.
Dans le secteur des fruits et légumes, la campagne est incertaine. Il existe déjà des signaux d'inquiétude. J'attends donc de vous un engagement pour utiliser, si nécessaire, toute la palette de dispositifs anti-crise qui existe aujourd'hui dans notre législation, notamment le coefficient multiplicateur et le prix minimum.
Et puisque j'évoque ces productions, qui sont particulièrement exposées dans les relations avec la grande distribution, j'en profite pour vous rappeler notre position sur la réforme de la loi Galland, qui vient d'être relancée par le Premier Ministre. Elle est plutôt claire : pas de modification du seuil de revente à perte, et publication systématique des sanctions prononcées.
Enfin, pour les productions végétales, je veux vous parler des céréales. Les prix n'ont jamais été aussi bas, les stocks sont importants, et la prochaine récolte, là aussi, s'annonce abondante. Comment comprendre, dans ces conditions, la gestion désastreuse du marché par la Commission européenne, qui est demeurée sourde aux cris d'alarme lancés par les professionnels. Je vous ai écrit, Monsieur le ministre, pour relayer la détresse et l'incompréhension des jeunes céréaliers. Aujourd'hui, j'attends de vous une réponse concrète.
S'agissant du secteur animal, comment ne pas évoquer la situation des producteurs de lait, qui ont l'impression d'être la variable d'ajustement des industriels qui se mènent une guerre sans merci sur le lait de grande consommation ou qui n'ont pas suffisamment anticipé certaines évolutions du marché.
Les producteurs ont déjà fait d'énormes efforts. Maintenant, les jeunes vont peser de tout leur poids dans leurs coopératives pour définir un vrai projet d'avenir pour la filière.
De votre côté, Monsieur le ministre, la plan 2005 d'aide à la cessation de l'activité laitière a été géré de manière plutôt efficace. Ce que nous vous demandons, c'est que les 20% de la réserve nationale, qui seront mutualisés au niveau régional, aillent en priorité aux jeunes qui s'installent. Nous vous demandons également de revaloriser les enveloppes d'aides à la collecte du lait en zone de montagne.
Avec les forts déficits hydriques qui persistent, ce que vous demandent les éleveurs, c'est aussi d'étendre à toute la France l'autorisation de pâturer les jachères, pour faire face au manque de fourrage.
Je ne peux conclure sans évoquer l'aviculture, qui est un exemple concret et dramatique de ce que devient une production lorsque la préférence communautaire n'existe plus. Prenez garde, dans les négociations commerciales internationales, de ne pas commettre les mêmes erreurs pour des productions comme la viande bovine ou même le porc.
Dans ce contexte plutôt morose, les jeunes agriculteurs veulent croire au développement des productions non alimentaires, comme par exemple les énergies vertes ou les bio-matériaux. Parce que nous voulons être de véritables acteurs de ce développement, la prochaine édition de Terre Attitude, qui aura lieu dans le Pas-de-Calais près d'Arras du 16 au 18 septembre, aura pour thème les énergies vertes.
Nous soutenons donc le plan biocarburants annoncé par le Gouvernement, qui doit se mettre en uvre rapidement pour atteindre les taux d'incorporation prévus par la réglementation européenne.
Pour les biocarburants, nous sommes favorables au développement de filières durables, mais nous demandons aussi la possibilité d'utiliser les huiles végétales brutes comme carburant, en autoconsommation sur nos exploitations.
Pour les Jeunes agriculteurs, les énergies vertes représentent une lueur d'espoir, une manière aussi de contribuer au développement durable de notre économie.
L'agriculture, comme toute activité humaine, a évidemment un impact sur l'environnement. Je fais partie de ceux qui pensent que l'agriculture contribue positivement au respect de notre environnement. Nous sommes engagés depuis des années dans des démarches visant à optimiser nos pratiques d'élevage et nos pratiques culturales.
Alors de votre côté, faites en sorte que l'Etat tienne ses engagements, notamment sur le financement des CAD et du PMPOA.
Ce qu'il faut comprendre, Monsieur le ministre, c'est que l'agriculteur avancera toujours plus vite avec une carotte qu'avec un bâton. Il convient donc de privilégier au maximum les dispositifs incitatifs.
Les Jeunes agriculteurs revendiquent également l'application du principe de présomption d'innocence dans le cadre des contrôles sur la conditionnalité, ainsi que la possibilité de faire appel à une commission de recours. En aucun cas nous ne pouvons accepter que la première étape, le premier réflexe, ce soit le blocage des aides.
En revanche, pour d'autres sujets, je pense en particulier aux grands prédateurs, il faut maintenant utiliser la manière forte. Les bergers n'en peuvent plus de voir leurs troupeaux décimés par les attaques de loups. Nous avons toujours dit que le pastoralisme était incompatible avec la présence du loup. Alors il y a deux options : c'est le loup, ou c'est l'Homme. Pour nous, Monsieur le ministre, c'est l'Homme, c'est le berger qui doit rester.
Monsieur le ministre,
Les Jeunes agriculteurs font du renouvellement des générations en agriculture leur chantier prioritaire. Nous le déclinons suivant plusieurs axes de travail que sont : la rénovation du parcours à l'installation, la transmission des exploitations, le développement des partenariats locaux, et la promotion du métier d'agriculteur.
Nous avons également engagé une réflexion sur les conditions de vie et de travail dans les exploitations, considérant que l'attractivité du métier est une composante essentielle de la politique d'installation.
Globalement, sur ces sujets, j'estime que vous faites preuve d'une bonne écoute, et que votre équipe a su gérer avec efficacité et pragmatisme plusieurs dossiers difficiles.
Je tiens à souligner le bon travail réalisé pour sortir par le haut de l'épineux problème des contrôles des prêts bonifiés. Il persiste néanmoins des situations locales difficiles, que je vous demande de regarder de près. Faites en sorte que les DDAF utilisent vraiment toutes les possibilités offertes par les nouvelles dispositions.
Par ailleurs, dans le cadre du nouveau dispositif des aides à l'installation, dont la circulaire d'application vient de sortir, vous avez accepté de tenir compte de nos principales demandes. Je pense en particulier à la possibilité de déroger, dans des circonstances particulières, au sous-plafond foncier pour les prêts JA. L'arrêté doit maintenant sortir le plus rapidement possible.
Je ne reviens pas sur les négociations en cours à Bruxelles sur le développement rural, qui je l'espère déboucheront sur des décisions favorables pour le volet installation.
Voilà pour ce qui avance et va dans la bonne direction. Ce n'est pas rien, je vous le concède, mais en y regardant d'un peu plus près, on constate qu'il s'agît pour une bonne part de consolidations d'acquis.
Aujourd'hui, la politique d'installation, c'est 10.000 créations ou reprises d'entreprises chaque année, avec un taux de réussite au bout de 10 ans de 95%, ce qui est tout à fait exceptionnel. C'est aussi un nombre considérable d'emplois induits : 1 actif agricole génère en moyenne 4 emplois.
Ce que nous voulons, c'est une vraie reconnaissance de la politique d'installation comme vecteur de création d'emploi, c'est une volonté politique forte pour soutenir les jeunes qui investissent en agriculture et qui veulent réussir dans ce métier, une volonté politique forte pour accompagner ces démarches.
Avec la DJA, les prêts bonifiés constituent un outil essentiel d'aide à l'investissement pour les jeunes qui s'installent. Ils ont aussi l'avantage de leur faire penser leur projet dans la durée, ce qui est un gage de viabilité économique.
Depuis plusieurs années, le différentiel entre les taux du marché et les taux des prêts bonifiés JA ne cesse de se réduire, ce qui leur ôte progressivement ce caractère incitatif, qui est si important quand on parle d'investissement.
Le geste fort que nous attendons, Monsieur le ministre, c'est une baisse rapide et significative des taux des prêts bonifiés JA. Nous sommes prêts à étudier les modalités d'une telle baisse, mais nous voulons un engagement concret, aujourd'hui.
La politique d'installation se joue également au plus près du terrain, tant du point de vue de l'accompagnement que du soutien accordé aux cédants et aux jeunes candidats.
Aujourd'hui, nous sommes à un tournant de la politique agricole qui exige que l'on consacre plus de moyens et d'énergie sur ce type d'actions. Là aussi, nous attendons un signe politique fort, avec une revalorisation de l'enveloppe du FICIA d'au moins 2 millions d'euros.
Monsieur le ministre,
Vous avez présenté au Conseil des ministres du 18 mai dernier un projet de loi d'orientation agricole. Nous avons été déçus par son volet économique, qui ne répond pas pour l'instant aux attentes des jeunes agriculteurs.
Je m'en explique.
Je vous ai dit, d'emblée, que la première politique d'installation était une politique de revenu, une politique de revenu par les prix.
Notre responsabilité, commune, c'est de faire en sorte que les jeunes qui s'installent puissent vivre dignement du métier d'agriculteur, en dégageant un revenu décent.
Or aujourd'hui, on constate que l'équation économique de l'exploitation agricole est de plus en plus difficile à résoudre : les prix sont tendanciellement orientés à la baisse, les charges et les contraintes augmentent, tandis que la dépendance aux soutiens publics s'accroît.
Nous pensons donc que le cur du problème agricole, c'est bien de revenir à un meilleur équilibre entre les recettes et les charges sur nos exploitations.
Commençons par les recettes.
Comme nous l'avons largement développé dans notre rapport d'orientation, le renforcement de l'organisation économique des producteurs est une voie essentielle pour conquérir la valeur ajoutée et donc améliorer notre revenu.
Pour qu'une organisation de producteurs puisse jouer un vrai rôle sur le marché, il est nécessaire de prévoir un transfert de propriété des produits. Or, le projet de loi est beaucoup trop souple dans ce domaine, au point qu'il n'aura aucun impact sur la situation actuelle.
Nous pensons également qu'il faudrait établir une priorité sur l'octroi de certaines aides en faveur des producteurs organisés.
Dans le même état d'esprit, il serait plutôt pertinent que la DPI puisse aussi être une mesure d'incitation à la contractualisation, et la DPA une incitation à l'assurance récolte.
Puisque j'évoque l'assurance récolte, je réitère ici notre demande de voir s'engager rapidement, sous l'égide de votre ministère, une réflexion pour le secteur de l'élevage et donc des fourrages. Je vous demande également d'abonder la ligne budgétaire pour couvrir les besoins du dispositif mis en place en 2005
Parlons maintenant des charges.
La suppression progressive annoncée de la TFNB est une mesure qui va bénéficier aux propriétaires exploitants, les agriculteurs en fermage n'ayant aucune chance d'obtenir une diminution de leur loyer.
Si l'on ajoute que les jeunes agriculteurs sont très majoritairement des locataires, et qu'il existe déjà pour les autres une exonération de TNFB sur 5 ans, je vous laisse mesurer l'impact, objectivement très limité, de cette mesure pour les JA.
En matière de baisse des charges, nous demandons là encore un signe politique clair, prenant la forme d'une exonération pérenne de TIPP sur le carburant à usage agricole.
Par ailleurs, nous pensons que le moment est venu de sortir la DJA de l'assiette fiscale, car je ne vois pas l'intérêt de donner d'une main pour reprendre de l'autre.
Sur le volet transmission, je pense que le plan crédit transmission est une mesure intéressante, mais qu'il faut la rendre plus incitative en prévoyant une exonération totale d'impôt pour les intérêts perçus par le cédant.
Le fonds agricole devrait aussi permettre de favoriser la transmission, avec une meilleure reconnaissance de la valeur économique des exploitations.
Mais son corollaire, qui est la cessibilité du bail, ne doit en aucun cas conduire à une précarisation des conditions d'installation des jeunes. C'est pourquoi nous nous battrons pour obtenir une clause de réinitialisation de la durée du bail lors de chaque cession.
Le projet prévoit également un assouplissement du contrôle des structures. Autant nous pouvons admettre de simplifier la procédure, par exemple en ciblant l'examen individuel sur les dossiers pour lesquels il existe une concurrence, autant nous rejetons l'idée d'un abandon pur et simple du contrôle.
Nous avons été entendus sur plusieurs points, mais nous continuons à demander le maintien des autorisations d'exploiter pour les sociétés et pour les opérations des SAFER.
Quant au rôle de la CDOA en matière de contrôle des structures, j'aimerais que vous m'expliquiez, Monsieur le ministre, quelle est votre idée lorsque vous proposez de supprimer, dans le Code rural, les mots : " après avis de la CDOA ".
Enfin je souhaite, Monsieur le ministre, que la LOA prenne mieux en compte les spécificités des départements d'outre-mer, notamment les problématiques foncières, sociales et d'organisation des filières.
J'attends également que vous nous éclairiez sur le calendrier de passage du projet de loi devant le Parlement.
Monsieur le ministre,
Si j'ai tenu à faire un tour d'horizon le plus complet possible des préoccupations des jeunes agriculteurs, des crises qui frappent nos productions, des difficultés que nous rencontrons au quotidien sur nos exploitations, c'est pour que vous preniez toute la mesure du malaise qui s'est installé dans nos campagnes.
Les agriculteurs, et tout particulièrement les jeunes, manquent cruellement de lisibilité.
A peine une réforme de la PAC est-elle adoptée, et même pas encore mise en uvre, que l'on entend des voix qui réclament la baisse du budget agricole, et donc nécessairement de nouveaux ajustements. Ce n'est pas tenable !
Comment voulez-vous travailler sereinement sur une loi d'orientation agricole en France, censée poser les bases de l'agriculture pour les quinze ans à venir, si entre temps à Bruxelles ou à Genève, on nous impose plusieurs réformes.
Et le pire, c'est que ce sont ces réformes, qui font de la baisse des prix et de la dérégulation des marchés un véritable dogme, qui sont la véritable cause du débat budgétaire actuel sur l'agriculture.
Monsieur le ministre, faudra-t-il aller jusqu'au bout de cette logique infernale de baisse des prix, qui ne profite qu'aux multinationales de l'agro-alimentaire et à la grande distribution, et bien sûr absolument pas aux consommateurs, pour se rendre compte qu'elle est absurde ?
Le débat budgétaire actuel nous conforte même dans l'idée que ce combat pour une politique de prix rémunérateurs, pour une politique de reconquête de la valeur ajoutée, nous allons le gagner.
Plus que jamais, nous devons faire entendre notre voix, celle d'un syndicat agricole qui veut bâtir, qui veut construire, qui croit en l'avenir du métier d'agriculteur.
Le métier d'agriculteur doit continuer à attirer des jeunes, parce qu'il est tout simplement vital pour notre pays, vital pour l'avenir de l'humanité.
Raymond Lacombe disait : " il n'y aura pas de pays sans paysans ".
Soyez fiers, mes amis, de mener le même combat.
Monsieur le ministre, vous avez la parole.
(Source http://www.cnja.com, le 21 juin 2005)