Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
J'inaugure aujourd'hui avec plaisir le 4ème salon Tech'Ovin de Bellac. Je souhaite féliciter les organisateurs pour cette manifestation dédiée au mouton ; avec une fréquentation en hausse, probablement 18 000 visiteurs soit trois fois plus qu'en 1999, et un nombre croissant d'exposants (330 attendus environ), elle a trouvé son public. Ici, à Bellac, nous sommes au cur d'un " bassin " qui compte près de 20 % des élevages ovins de France.
Lors de l'Assemblée générale de la Fédération Nationale Ovine le 14 avril dernier, j'ai rappelé que, face à une baisse des effectifs du cheptel français depuis les années 1980, vous n'avez jamais baissé les bras. Cette persévérance se traduit d'ailleurs par un ralentissement marqué de la diminution du cheptel en 2004. En moyenne, malgré le trou d'air de début d'année, les prix de la viande ovine sont restés assez élevés en 2005, notamment pendant la période estivale toujours plus délicate à gérer.
Ces évolutions positives, nous les devons aux éleveurs qui ont su adhérer à la charte de relance de l'élevage ovin. Cette dynamique collective traduit un engagement pour la filière qui explique aussi le succès de votre salon spécialisé et je m'en réjouis.
C'est donc d'abord en me tournant vers l'avenir que j'articulerai mon propos autour :
- des défis internationaux : les négociations à l'OMC et la nouvelle Politique agricole commune ;
- des éléments de compétitivité pour l'avenir de votre métier : l'installation, l'investissement et l'innovation ;
- des enjeux immédiats pour la filière, qui ne sont pas sous-estimés pour autant.
I - Les défis internationaux : être vigilants à l'OMC et s'adapter à un environnement communautaire en cours de stabilisation
I - 1 Des négociations à l'OMC qui requièrent notre vigilance
Soyons très prudents car des pays comme la Nouvelle-Zélande ou l'Australie sont en mesure de satisfaire un marché européen solvable et déficitaire. Vous participez d'ailleurs aux travaux conduits à l'OFIVAL et à l'Institut de l'Elevage pour examiner de près les conséquences que pourraient avoir telle ou telle décision au niveau international sur nos productions.
Dans les négociations commerciales internationales de l'OMC, rien ne doit fragiliser la production ovine qui contribue, d'une part, à la fourniture de produits de qualité et, d'autre part, à la mise en valeur de nombreuses régions de France.
Je souhaite, par conséquent, décliner quelques messages simples :
- l'agriculture européenne a accompli d'immenses efforts ; ils doivent être pris en compte à Hong Kong et l'agriculture ne saurait être la variable d'ajustement ;
- les négociations doivent progresser au même rythme entre les grands volets de négociation que sont les biens industriels, les services et l'agriculture ;
- au sein de la négociation agricole, l'équilibre doit être respecté et nos partenaires doivent faire leur part du chemin, l'Europe ayant déjà montré sa bonne volonté.
En effet, il est essentiel pour l'Europe de bien négocier :
- d'une part, la liste des produits que nous considérons comme sensibles et qui pourront bénéficier d'un traitement particulier prévu par l'accord de 2004 ;
- d'autre part, les modalités d'élimination de subventions à l'exportation. Sur ce point, je rappelle que notre engagement d'éliminer ces subventions, à une échéance encore à définir et la plus éloignée possible, est conditionné à des efforts similaires de nos partenaires, notamment les Etats-Unis.
Enfin, nous maintenons nos priorités offensives sur le dossier des indications géographiques, dossier sur lequel il faudra un résultat tangible, au risque qu'il n'y ait pas d'accord global. C'est en effet par une reconnaissance des identités géographiques et des appellations d'origine au sein de l'Europe que peut concrètement s'exprimer le choix du consommateur européen sur les produits agricoles.
Dans cette perspective, nous devons réaffirmer notre position auprès de la Commission européenne et lui rappeler le but du mandat, confié par les pays de l'Union européenne dans cette négociation mondiale.
I - 2 La réforme de la PAC : un environnement en cours de stabilisation
La réforme en cours de la Politique Agricole Commune est profonde. Elle est la "contrepartie" d'un engagement sur le financement de la PAC jusqu'en 2013. Même légitime, elle doit être mise en uvre de manière progressive, avec pédagogie et discernement. Car, je le reconnais, cette réforme est complexe et nous devons réussir ensemble son application.
Cette méthode, reposant sur le pragmatisme et la simplicité, anime d'abord la mise en uvre de la conditionnalité.
J'ai procédé, dès mon arrivée à des assouplissements pour 2005. Je souhaite que les modalités de contrôles liées à la nouvelle réglementation sur l'identification des ovins répondent également à ces exigences. Un groupe de travail associant les professionnels, plus particulièrement la Fédération nationale ovine (FNO), a été installé au printemps. La grille pour 2005 est bâtie et aucune sanction financière ne sera prise en cas d'absence de registre pour 2005. La grille 2006 est en cours de construction.
L'application de la conditionnalité change votre métier et mérite un accompagnement. C'est pourquoi un cahier des charges de formation-action est en cours d'élaboration. Cette formation, que les organismes volontaires pourraient dispenser aux agriculteurs volontaires, permettrait de réaliser un diagnostic de l'exploitation au regard des exigences de la conditionnalité et de définir un plan d'action pour les satisfaire, si besoin. Cet exercice, qui se traduira par une attestation, apaisera les contrôles, et redonnera toute sa place à l'autonomie et à la responsabilité de l'éleveur.
Au niveau européen, une évaluation sera menée en fin d'année ; je souhaite saisir la Commission sur la possibilité de laisser un délai aux agriculteurs leur permettant de remédier aux anomalies avant d'être sanctionnés. En contrepartie, il pourrait être demandé à l'agriculteur de suivre la formation-action.
Enfin, le volet " hygiène " de la conditionnalité sera mis en uvre dans le même esprit en 2006, en concertation avec les organisations professionnelles. Un groupe de travail sur le " paquet hygiène " est installé. Si nécessaire, des propositions d'évolution du dispositif lié à la conditionnalité seront décidées, tout en garantissant un système performant de sécurité des aliments.
S'agissant des Droits à paiement unique, le dispositif met l'accent sur la responsabilisation des exploitants et la simplicité : il est fondé sur les références historiques 2000-2002 et la clause contractuelle entre les cédants et les repreneurs.
Concernant la gestion de la réserve, le système retenu en limite le recours aux priorités définies en concertation avec le monde agricole : installation des jeunes agriculteurs, investissements significatifs intervenus avant le 15 mai 2004 et corrections des situations avérées de distorsion de concurrence.
Le calendrier est le suivant :
- Le ministère a mis en ligne sur son site internet, depuis le 1er septembre des modèles adaptés aux différentes situations possibles et rédigés avec la Chancellerie. Une large campagne de communication, d'information et de formation est lancée conjointement avec les organisations professionnelles. Des réunions locales seront programmées pendant les mois de septembre et d'octobre dans chaque département.
- Les agriculteurs recevront leurs références historiques le 15 octobre 2005.
A partir de cette date, tous les agriculteurs pourront adresser à leur DDAF la liste des événements intervenus (transferts de foncier, clauses, modifications liées aux fusions, cessions) sur leur exploitation depuis le 1er janvier 2000 et susceptibles d'entraîner une évolution dans l'attribution des droits.
- Le 15 avril 2006 au plus tard, ils recevront une situation provisoire de leurs droits qui leur permettra d'introduire leur demande de participation au régime de paiement unique au plus tard le 15 mai.
- Le paiement des aides interviendra à partir du 1er décembre 2006.
Nous avons tenu compte des efforts fournis pour relancer la production ovine. Afin de ne pas pénaliser les éleveurs qui ont investi depuis l'année 2000, les "investissements" en cheptel pourront être pris en compte, y compris pour les éleveurs qui n'avaient pas de brebis initialement.
I - 3 Je veille également à maintenir comme une priorité le développement rural.
Je suis déterminé à préserver les indemnités compensatoires de handicaps naturels, en zone de montagne et en zone défavorisées, dans le cadre de la prochaine programmation du développement rural pour la période 2007-2013.
A mon initiative, le Conseil européen des Ministres de l'Agriculture a décidé en juin dernier de ne pas modifier la liste des zones défavorisées. L'élevage ovin français devrait ainsi bénéficier des mesures de développement rural qui seront préservées dans les zones défavorisées.
II - Préparons l'avenir ensemble : le premier engagement doit être en faveur des éleveurs et du renouvellement des générations ; la compétition économique nécessité un effort en direction de l'investissement et de l'innovation par des dispositifs appropriés.
II - 1 L'installation : nous devons aider les jeunes qui se lancent avec esprit d'entreprise
Vous avez proposé un dispositif dit " SOFI-OVINS " inspiré de SOFIPECHE. Je tiens à vous féliciter de cette initiative particulièrement intéressante. Ce dispositif est en cours d'analyse au sein des ministères de l'agriculture et des finances.
II - 2 Je soutiens résolument l'investissement et la modernisation à travers l'ambitieux " plan bâtiments d'élevage "
Doté cette année de 80M, ce plan trouve manifestement un écho extrêmement favorable sur le terrain : plus de 5 000 dossiers ont été déposés, dont plus de 330 concernent spécifiquement des investissements ovins.
Par ailleurs, l'accès aux aides " petits investissements " de l'OFIVAL est maintenu parallèlement au plan bâtiment et les éleveurs disposent ainsi, en fonction de leur stratégie d'investissements, de deux outils d'intervention.
II - 3 L'innovation, décisive pour l'avenir de l'agriculture, occupe une place importante dans la loi d'orientation agricole
Le projet de loi d'orientation agricole habilitera le Gouvernement à adapter par ordonnance l'organisation du dispositif génétique français. Les éleveurs ont été associés aux travaux relatifs à la révision de la loi sur l'élevage de 1966. Il s'agit d'une grande ambition, car cette réforme doit simplifier et adapter le dispositif au droit communautaire, tout en préservant la diversité des ressources génétiques des animaux. Nous devons à présent la finaliser, afin que l'ordonnance soit publiée dans les jours qui suivront la parution de la loi.
III - Des enjeux immédiats pour la filière : la sécheresse, l'identification ovine
III - 1 Je sais combien la sécheresse préoccupe votre profession
Quoique aujourd'hui dépassée, la première étape, préventive, a permis :
- un suivi précis de la situation donnant lieu à des mesures de restriction très tôt en fonction des nécessités locales ;
- l'autorisation de la Commissaire européenne à l'Agriculture d'utiliser les parcelles mises en jachère en 2005 pour l'alimentation animale dans 77 départements. Cette mesure a permis d'augmenter les ressources fourragères et d'éviter un déficit important des fourrages pour l'alimentation animale en France.
Désormais, nous devons dresser un bilan au niveau local ou sectoriel de la situation. Cette nouvelle étape permettra à la commission nationale des calamités agricoles, dont j'ai avancé la réunion au 8 septembre, d'examiner les premières demandes de reconnaissance de zone sinistrée par la sécheresse. J'attache une attention particulière à la réduction des délais retardant les indemnisations des agriculteurs et des éleveurs concernés.
Des mesures seront prises pour les agriculteurs touchés gravement par la sécheresse durant ces trois années depuis 2002 :
- revalorisation du taux d'indemnisation au titre des calamités agricoles ;
- examen du report de la date de paiement des cotisations MSA ;
- exonération du paiement de la taxe sur le foncier non bâti.
III - 2 Sensible aux contraintes pesant sur les éleveurs, j'ai souhaité que le nouveau dispositif d'identification ovine et caprine soit simple et pragmatique, tout en répondant aux exigences sanitaires et aux besoins de tous.
J'ai décidé d'appliquer la dérogation offerte par la réglementation communautaire aux animaux destinés à être abattus en France avant l'âge de 9 mois. Ces animaux peuvent être identifiés au moyen d'un seul repère.
Ces mesures ne remettent pas en cause l'impératif de traçabilité des animaux. En effet, celle-ci conditionne la gestion efficiente d'éventuelles crises sanitaires et permet d'apporter aux consommateurs toutes les garanties de salubrité des denrées animales. Enfin, elle offre la possibilité de valorisation des animaux français dans un contexte économique très concurrentiel.
Sur le terrain, un effort de communication est mené se traduisant par l'envoi de documents pédagogiques à l'ensemble des acteurs de la filière. Par ailleurs, j'ai installé, au mois de mai, un comité de suivi de ce nouveau dispositif, réunissant l'ensemble de la filière ; il tiendra sa prochaine réunion à la fin du mois de septembre.
Concernant l'identification électronique des ovins, qui devrait entrer en vigueur dans l'Union européenne à compter du 1er janvier 2008, une expérimentation a été confiée : 100 000 boucles sur les 170 000 prévues ont d'ores et déjà été posées. Les premières conclusions de cette expérimentation sont attendues pour la fin de l'année. Je souhaite que cette démarche puisse être poursuivie en 2006 afin que la France apporte sa contribution à la Commission européenne à la fin de l'année 2006 sur cette technique d'identification.
Je suis persuadé de l'impact important de cette réforme de l'identification des ovins et des caprins dans le travail au quotidien des éleveurs. Je sais pouvoir compter sur la motivation et la mobilisation de chacun des acteurs dans cette mise en uvre.
III - 3 Le traitement des EST chez les ovins
Depuis le 15 février dernier, un dépistage exhaustif des animaux de réforme collectés à l'équarrissage et à l'abattoir a été mis en place dans la filière caprine française. Ce dépistage a été étendu à la filière ovine, pour une période de 6 mois, à la lumière de l'avis de l'AFSSA du 19 avril 2005.
Conscient des sérieuses difficultés créées par un dépistage généralisé à l'abattoir, pour l'ensemble de la filière ovine, j'ai demandé une révision de la décision prise le 20 mai. L'Agence européenne de sécurité des aliments considère en effet comme approprié et proportionné de limiter, pour l'instant, l'évaluation du risque représenté par l'ESB à l'espèce caprine.
Soyez assurés que je reste particulièrement vigilant sur ce dossier qui vous préoccupe.
CONCLUSION
Nous avons, Mesdames et Messieurs, de nombreux défis à relever ensemble et partageons la même volonté d'avancer.
La discussion au Parlement du projet de loi d'orientation agricole sera un moment privilégié pour notre agriculture. Car, c'est bien une démarche de conquête que je vous propose d'adopter pour valoriser les atouts de notre production agricole, de notre agro-alimentaire et de nos terroirs.
Vous pouvez compter sur mon engagement à vos côtés pour conforter la filière ovine française. Je rappellerai juste le slogan de votre filière pour le faire mien : " L'agneau, on y croit ". Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 7 septembre 2005)