Texte intégral
Q- Vous êtes député PS du Val d'Oise, ancien ministre de l'Economie et des Finances, et candidat à la présidence de la République...
R- Non, on n'en est pas là !
Q- Je croyais, j'avais lu cela partout...
R- Il y aura un candidat socialiste et, pour le moment, je dis simplement que je vais être candidat devant mes camarades, à être leur candidat, on verra ensuite...
Q- Mais pourquoi avez-vous envie d'être président de la République ?
R- Je n'ai pas envie d'être président de la République, j'ai envie que, dans notre pays, il y ait une autre politique qui soit conduite. La question n'est pas "qui va être président ?", la question c'est "pour quoi faire ?". Pour moi, le fond du problème, c'est qu'aujourd'hui, notre pays vit une phase difficile, une forme de dépression nerveuse... Les gens sont malheureux, ils sont angoissés sur l'avenir. Il faut proposer un chemin pour cet avenir, il faut proposer une voie. Les Français, sur la mondialisation, se disent qu'il y a les délocalisations, qu'il y a les problèmes liés à l'immigration, il y a des problèmes liés au terrorisme... Je trouve que notre pays, aujourd'hui, n'est pas heureux. Il faut donc proposer un chemin pour montrer que nous avons toutes les raisons, ici, en France d'être heureux, même s'il y a encore de très graves inégalités. C'est à cela que je veux travailler. Et puis on verra bien qui est la personne qui porte ce message vis-à-vis des Français.
Q- 78 % des Français pensent que les élus ignorent leurs problèmes ; c'est un sondage publié par CSA ce matin. Est-ce vrai ?
R- Non, je ne crois pas que cela soit vrai. D'ailleurs, quand on interroge les mêmes Français...
Q- En tous les cas, les élus de terrain, eux, n'ignorent pas leurs problèmes...
R- Exactement, c'est ce que j'allais dire.
Q- Les maires, notamment, qui sont réveillés à 11 heures ou minuit.
R- Vous avez tout dit. Quand on interroge les mêmes Français pour leur demander s'ils trouvent que leur maire connaît le boulot, connaît le terrain et connaît leurs problèmes, les Français répondent "oui". Or, les maires et les députés, ce sont les mêmes, parce qu'il n'y a pratiquement pas de député qui ne soit pas responsable d'une mairie, d'une collectivité territoriale. Donc, vous voyez bien l'ambiguïté. Quand on leur demande : "Avez-vous l'impression, au niveau national, que la politique qui est conduite correspond aux problèmes qui sont les vôtres", ils répondent "non", ils répondent qu'ils n'ont pas confiance - c'est ce qu'ils disent là. Mais quand on leur dit - ce sont les mêmes hommes, les mêmes femmes - : "Avez-vous l'impression que ceux qui s'occupent de vos mairies connaissent vos problèmes ?", ils répondent "oui". Qu'est-ce que cela montre ? Cela montre que quand ils sont sur le terrain, les élus font leur travail aussi bien que possible - il y en a des bons et des moins bons, c'est normal, mais à l'arrivée - ils font plutôt bien leur travail. Comme vous le disiez, quand ils se lèvent à minuit, parce qu'il y a un gymnase qui est squatté, très bien, ils font ce qu'il faut faire. Mais les Français, à l'inverse, ont l'impression que quand ils votent aux élections nationales - ils l'ont fait en 2004 aux régionales aux cantonales, et puis ils l'ont encore fait d'ailleurs pour le référendum -, le Gouvernement n'écoute pas ce qu'ils disent. Et donc, ils ont cette idée que, ma foi, cela ne sert à rien, puisque quoi que l'on vote, la politique est la même.
Q- Comment voulez-vous que l'on aime la politique, quand on voit, par exemple, ce qui se passe au PS, avec ses rivalités de personnes, avec ses candidats multiples à la présidence de la République...
R- Je vais vous répondre : d'abord, ce qui se passe au PS, c'est quoi ? C'est une discussion de plus de 100.000 militants, sur des textes pour savoir où l'on veut aller. Je ne connais pas d'autre exemple de parti politique en France en tout cas, où il y ait ce genre de démocratie. Je trouve que c'est plutôt bien. Je n'aimerais pas être dans un parti où il y a un chef ou deux qui disent "c'est comme cela et pas autrement". C'est, me semble-t-il, la situation dans les autres partis politiques.
Q- A l'UMP, notamment ?
R- A l'UMP, au PC, au FN, ce que vous voulez ! Avoir un parti dans lequel il y a des mois de débats dans les sections locales, dans les villes, où parfois on se réunit à quinze/vingt, pas plus pour discuter de plusieurs textes, [...], le débat sur les idées, honnêtement, je ne vois pas ce qu'il y a critiquer là-dedans. Vous dites qu'il y a multiplication de candidatures, etc., et alors !? En quoi la compétition, ce n'est pas bien ? Dans le sport, on trouve très bien qu'il y ait plusieurs candidats pour être champion de France et pour courir la course ! En quoi est-ce mal, que lorsque la compétition est ouverte, que l'on cherche le meilleur, en les confrontant ? Ensuite, ce qu'il faut, c'est que tout le monde soit d'abord pour que celui ou celle qui l'emporte, qu'on le suive et que l'on fasse avancer le pays ; d'accord. Mais que dans la phase préparatoire, on cherche qui est le plus apte à le faire plutôt que de dire, là aussi, "ce sera Untel parce que c'est la fille du chef", ou ce sera Untel parce que c'est le copain de l'ancien chef". Cela ne va pas du tout. Je trouve très bien qu'il y ait cette forme de multiplication de candidatures et de compétition.
Q- Pourquoi seriez-vous le mieux placé, selon vous ?
R- Ah ben, ça c'est au PS...
Q- Selon vous, pourquoi ?
R- C'est très difficile de parler de soi. Je crois que j'ai certaines qualités pour faire ça, d'autres ont d'autres qualités ; on les comparera à moi. Je pense que j'ai un peu d'expérience de la chose publique, que le passage assez long que j'ai fait au ministère des Finances a apporté des choses au pays, que la compétence que j'ai acquise localement, à Sarcelles, dont j'ai été le maire - maintenant, je préside une réunion de ville autour de Sarcelles - est quelque chose qui forme l'expérience politique aussi. Et donc, j'ai le sentiment qu'en France, comme à l'étranger, j'ai acquis, par ma carrière politique, un certain nombre de compétences mais d'autres ont d'autres compétences. C'est pour cela qu'il faut mettre en comparaison. C'est aux militants socialistes et aux Français de juger. Personne n'est pas capable de dire lui-même - ce serait absurde et prétentieux - qu'il est obligatoirement le plus qualifié pour une fonction. Simplement, pour que cela puisse se faire démocratiquement, cela doit se faire au grand jour. C'est pour cela que je ne prends pas comme une critique le fait qu'il y ait beaucoup de candidats potentiels au PS, mais au contraire, comme une preuve de vitalité.
[...]
Q- On va parler de la SNCM, puisque c'est l'actualité. Vous avez une
question à poser aux auditeurs de RMC.
R- Oui, pour moi, l'évolution du dossier, que je trouve très mal géré par le Gouvernement, me donne deux remarques : la première, c'est que l'on n'a pas assez négocié assez tôt. Maintenant, on est dans la crise, on aurait pu négocier plus tôt. La seconde, c'est qu'il est vrai qu'il faut que la SNCM soit bien gérée, mais la question qui est posée, qui a été au cur du débat et qui semble changer ce matin, c'est pour cela qu'elle m'intéresse, c'est faut-il ou pas, pour remplir la mission de service public, qui doit être remplie, le capital de la SNCM soit public à 51 % ? J'aimerais bien avoir l'opinion des auditeurs là-dessus.
Q- Ce dossier de la SNCM, vous l'avez eu tous entre les mains, les gouvernements successifs. Avez-vous tous manqué de courage ?
R- On a tous manqué de clairvoyance. C'est-à-dire que cela fait longtemps que la SNCM ne fonctionne pas bien, c'est vrai.
Q- Mais tout le monde le savait !
R- Cela ne fait pas longtemps que cela s'est aggravé à ce point-là, honnêtement. Une chose est vraie, il est honnête de dire que ce n'est pas un problème tout neuf, d'accord ; autre chose est de remarquer que c'était un petit problème et que c'est devenu un gros problème. Des petits problèmes, il y en a plein dans la vie gouvernementale, et évidemment, on n'arrive pas à les traiter tous, ne serait-ce que parce qu'on ne peut pas consacrer son temps à tous les petits problèmes. Et la SNCM, moi je m'en souviens, quand j'étais au Gouvernement, était un sujet, c'est vrai, mais ça fait longtemps que cette entreprise n'est pas gérée comme il faut. Mais là, vraiment, je trouve que c'est mal géré.
Q- Que feriez-vous si vous étiez Premier ministre ?
R- Aujourd'hui ou il y a deux mois ? Parce qu'aujourd'hui, il y a la marmite qui bout !
Q- Qu'auriez-vous fait il y a deux mois ?
R- Il y a deux mois, je pense qu'il fallait redéfinir la mission de service public. Le vrai problème, c'est : la Corse est une île, jusque-là, tout le monde est d'accord. Il y a donc des problèmes de continuité territoriale. Ou bien on est un libéral pur et on dit qu'on s'en moque, que chacun se débrouille, les gens payent l'avion, le bateau au prix du marché, c'est comme ça. Ce n'est pas ma conception. Dans la République, il doit y avoir une continuité territoriale et ce n'est pas parce que l'on habite dans un endroit reculé, dans les montagnes, dans une île, que l'on ne doit pas pouvoir rentrer chez soi ou joindre le continent ou la grande ville la plus proche de façon pratique comme tout le monde au même coût. Donc, il faut un service public, il faut assurer la continuité territoriale. A partir de là, il faut définir des missions qui sont celles de l'entreprise, qui remplissent cette fonction de continuité territoriale. Et, évidemment par définition, elle n'est pas rentable, parce que si elle était rentable il n'y aurait pas de problèmes. Il faut dont voir combien l'on accepte de payer - la Nation accepte de payer - pour assurer cette continuité territoriale, et après simplement, en aval de tout cela, se pose la question de savoir si l'opérateur sera public ou sera privé. Or, dans cette affaire, il y a deux, trois mois, le Gouvernement n'a jamais redéfini la mission de service public qui est celle de la SNCM. Maintenant, aujourd'hui, cela brûle, alors il faut trouver une solution, il faut négocier, négocier, négocier. Je pense que la situation est très dangereuse. Je mets en garde le Gouvernement contre tout passage en force. La situation est dangereuse, elle peut être dangereuse pour les vies humaines, la tension est extrême un peu partout autour de ce dossier. C'est pour cela que je trouve qu'il n'a pas été bien géré. Et il faut absolument trouver la voie de la négociation pour faire retomber la pression.
Q- Ensuite ?
R- Ensuite, il faut reprendre le vrai chemin, celui que j'ai invoqué tout à l'heure : quelle est la mission que l'on veut donner à cette entreprise ?
Q- Etes-vous favorable, oui ou non, à la solution du Gouvernement : privatisation partielle sans licenciements secs ?
R- Non, mais "sans licenciements secs", c'est le problème de gestion.
Evidemment que l'on y est favorable.
Q- Vous êtes donc favorable à une privatisation partielle ?
R- Attendez ! J'ai parlé des licenciements. Sur la privatisation, que des capitaux publics se voient associés à des capitaux privés, très bien. La vraie question n'est pas celle-là. La CGT jusqu'à maintenant disait : majorité publique. Elle ne disait pas : il ne faut pas d'entrée du capital privé...
Q- C'est la question que vous posez ?
R- ...Et ce matin, la CGT a l'air de dire : même une majorité privée, ça pourrait aller. Cela montre bien que la CGT a compris le problème, que le problème, c'est la mission de service public, ce n'est pas la structure du capital. Et que si l'on définit correctement la mission de service public, avec des contraintes et des sanctions si elle n'est pas remplie, à la limite, à ce moment-là, le problème de la majorité publique ne se pose plus, c'est ce que vient de dire la CGT ce matin. Et donc là, il y a une voie de sagesse de la part des syndicalistes ; on ne peut pas dire que dans cette histoire, le syndicat a toujours été bien sage ; là, il y a une voie de sagesse des syndicalistes et il faut la suivre.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 octobre 2005
R- Non, on n'en est pas là !
Q- Je croyais, j'avais lu cela partout...
R- Il y aura un candidat socialiste et, pour le moment, je dis simplement que je vais être candidat devant mes camarades, à être leur candidat, on verra ensuite...
Q- Mais pourquoi avez-vous envie d'être président de la République ?
R- Je n'ai pas envie d'être président de la République, j'ai envie que, dans notre pays, il y ait une autre politique qui soit conduite. La question n'est pas "qui va être président ?", la question c'est "pour quoi faire ?". Pour moi, le fond du problème, c'est qu'aujourd'hui, notre pays vit une phase difficile, une forme de dépression nerveuse... Les gens sont malheureux, ils sont angoissés sur l'avenir. Il faut proposer un chemin pour cet avenir, il faut proposer une voie. Les Français, sur la mondialisation, se disent qu'il y a les délocalisations, qu'il y a les problèmes liés à l'immigration, il y a des problèmes liés au terrorisme... Je trouve que notre pays, aujourd'hui, n'est pas heureux. Il faut donc proposer un chemin pour montrer que nous avons toutes les raisons, ici, en France d'être heureux, même s'il y a encore de très graves inégalités. C'est à cela que je veux travailler. Et puis on verra bien qui est la personne qui porte ce message vis-à-vis des Français.
Q- 78 % des Français pensent que les élus ignorent leurs problèmes ; c'est un sondage publié par CSA ce matin. Est-ce vrai ?
R- Non, je ne crois pas que cela soit vrai. D'ailleurs, quand on interroge les mêmes Français...
Q- En tous les cas, les élus de terrain, eux, n'ignorent pas leurs problèmes...
R- Exactement, c'est ce que j'allais dire.
Q- Les maires, notamment, qui sont réveillés à 11 heures ou minuit.
R- Vous avez tout dit. Quand on interroge les mêmes Français pour leur demander s'ils trouvent que leur maire connaît le boulot, connaît le terrain et connaît leurs problèmes, les Français répondent "oui". Or, les maires et les députés, ce sont les mêmes, parce qu'il n'y a pratiquement pas de député qui ne soit pas responsable d'une mairie, d'une collectivité territoriale. Donc, vous voyez bien l'ambiguïté. Quand on leur demande : "Avez-vous l'impression, au niveau national, que la politique qui est conduite correspond aux problèmes qui sont les vôtres", ils répondent "non", ils répondent qu'ils n'ont pas confiance - c'est ce qu'ils disent là. Mais quand on leur dit - ce sont les mêmes hommes, les mêmes femmes - : "Avez-vous l'impression que ceux qui s'occupent de vos mairies connaissent vos problèmes ?", ils répondent "oui". Qu'est-ce que cela montre ? Cela montre que quand ils sont sur le terrain, les élus font leur travail aussi bien que possible - il y en a des bons et des moins bons, c'est normal, mais à l'arrivée - ils font plutôt bien leur travail. Comme vous le disiez, quand ils se lèvent à minuit, parce qu'il y a un gymnase qui est squatté, très bien, ils font ce qu'il faut faire. Mais les Français, à l'inverse, ont l'impression que quand ils votent aux élections nationales - ils l'ont fait en 2004 aux régionales aux cantonales, et puis ils l'ont encore fait d'ailleurs pour le référendum -, le Gouvernement n'écoute pas ce qu'ils disent. Et donc, ils ont cette idée que, ma foi, cela ne sert à rien, puisque quoi que l'on vote, la politique est la même.
Q- Comment voulez-vous que l'on aime la politique, quand on voit, par exemple, ce qui se passe au PS, avec ses rivalités de personnes, avec ses candidats multiples à la présidence de la République...
R- Je vais vous répondre : d'abord, ce qui se passe au PS, c'est quoi ? C'est une discussion de plus de 100.000 militants, sur des textes pour savoir où l'on veut aller. Je ne connais pas d'autre exemple de parti politique en France en tout cas, où il y ait ce genre de démocratie. Je trouve que c'est plutôt bien. Je n'aimerais pas être dans un parti où il y a un chef ou deux qui disent "c'est comme cela et pas autrement". C'est, me semble-t-il, la situation dans les autres partis politiques.
Q- A l'UMP, notamment ?
R- A l'UMP, au PC, au FN, ce que vous voulez ! Avoir un parti dans lequel il y a des mois de débats dans les sections locales, dans les villes, où parfois on se réunit à quinze/vingt, pas plus pour discuter de plusieurs textes, [...], le débat sur les idées, honnêtement, je ne vois pas ce qu'il y a critiquer là-dedans. Vous dites qu'il y a multiplication de candidatures, etc., et alors !? En quoi la compétition, ce n'est pas bien ? Dans le sport, on trouve très bien qu'il y ait plusieurs candidats pour être champion de France et pour courir la course ! En quoi est-ce mal, que lorsque la compétition est ouverte, que l'on cherche le meilleur, en les confrontant ? Ensuite, ce qu'il faut, c'est que tout le monde soit d'abord pour que celui ou celle qui l'emporte, qu'on le suive et que l'on fasse avancer le pays ; d'accord. Mais que dans la phase préparatoire, on cherche qui est le plus apte à le faire plutôt que de dire, là aussi, "ce sera Untel parce que c'est la fille du chef", ou ce sera Untel parce que c'est le copain de l'ancien chef". Cela ne va pas du tout. Je trouve très bien qu'il y ait cette forme de multiplication de candidatures et de compétition.
Q- Pourquoi seriez-vous le mieux placé, selon vous ?
R- Ah ben, ça c'est au PS...
Q- Selon vous, pourquoi ?
R- C'est très difficile de parler de soi. Je crois que j'ai certaines qualités pour faire ça, d'autres ont d'autres qualités ; on les comparera à moi. Je pense que j'ai un peu d'expérience de la chose publique, que le passage assez long que j'ai fait au ministère des Finances a apporté des choses au pays, que la compétence que j'ai acquise localement, à Sarcelles, dont j'ai été le maire - maintenant, je préside une réunion de ville autour de Sarcelles - est quelque chose qui forme l'expérience politique aussi. Et donc, j'ai le sentiment qu'en France, comme à l'étranger, j'ai acquis, par ma carrière politique, un certain nombre de compétences mais d'autres ont d'autres compétences. C'est pour cela qu'il faut mettre en comparaison. C'est aux militants socialistes et aux Français de juger. Personne n'est pas capable de dire lui-même - ce serait absurde et prétentieux - qu'il est obligatoirement le plus qualifié pour une fonction. Simplement, pour que cela puisse se faire démocratiquement, cela doit se faire au grand jour. C'est pour cela que je ne prends pas comme une critique le fait qu'il y ait beaucoup de candidats potentiels au PS, mais au contraire, comme une preuve de vitalité.
[...]
Q- On va parler de la SNCM, puisque c'est l'actualité. Vous avez une
question à poser aux auditeurs de RMC.
R- Oui, pour moi, l'évolution du dossier, que je trouve très mal géré par le Gouvernement, me donne deux remarques : la première, c'est que l'on n'a pas assez négocié assez tôt. Maintenant, on est dans la crise, on aurait pu négocier plus tôt. La seconde, c'est qu'il est vrai qu'il faut que la SNCM soit bien gérée, mais la question qui est posée, qui a été au cur du débat et qui semble changer ce matin, c'est pour cela qu'elle m'intéresse, c'est faut-il ou pas, pour remplir la mission de service public, qui doit être remplie, le capital de la SNCM soit public à 51 % ? J'aimerais bien avoir l'opinion des auditeurs là-dessus.
Q- Ce dossier de la SNCM, vous l'avez eu tous entre les mains, les gouvernements successifs. Avez-vous tous manqué de courage ?
R- On a tous manqué de clairvoyance. C'est-à-dire que cela fait longtemps que la SNCM ne fonctionne pas bien, c'est vrai.
Q- Mais tout le monde le savait !
R- Cela ne fait pas longtemps que cela s'est aggravé à ce point-là, honnêtement. Une chose est vraie, il est honnête de dire que ce n'est pas un problème tout neuf, d'accord ; autre chose est de remarquer que c'était un petit problème et que c'est devenu un gros problème. Des petits problèmes, il y en a plein dans la vie gouvernementale, et évidemment, on n'arrive pas à les traiter tous, ne serait-ce que parce qu'on ne peut pas consacrer son temps à tous les petits problèmes. Et la SNCM, moi je m'en souviens, quand j'étais au Gouvernement, était un sujet, c'est vrai, mais ça fait longtemps que cette entreprise n'est pas gérée comme il faut. Mais là, vraiment, je trouve que c'est mal géré.
Q- Que feriez-vous si vous étiez Premier ministre ?
R- Aujourd'hui ou il y a deux mois ? Parce qu'aujourd'hui, il y a la marmite qui bout !
Q- Qu'auriez-vous fait il y a deux mois ?
R- Il y a deux mois, je pense qu'il fallait redéfinir la mission de service public. Le vrai problème, c'est : la Corse est une île, jusque-là, tout le monde est d'accord. Il y a donc des problèmes de continuité territoriale. Ou bien on est un libéral pur et on dit qu'on s'en moque, que chacun se débrouille, les gens payent l'avion, le bateau au prix du marché, c'est comme ça. Ce n'est pas ma conception. Dans la République, il doit y avoir une continuité territoriale et ce n'est pas parce que l'on habite dans un endroit reculé, dans les montagnes, dans une île, que l'on ne doit pas pouvoir rentrer chez soi ou joindre le continent ou la grande ville la plus proche de façon pratique comme tout le monde au même coût. Donc, il faut un service public, il faut assurer la continuité territoriale. A partir de là, il faut définir des missions qui sont celles de l'entreprise, qui remplissent cette fonction de continuité territoriale. Et, évidemment par définition, elle n'est pas rentable, parce que si elle était rentable il n'y aurait pas de problèmes. Il faut dont voir combien l'on accepte de payer - la Nation accepte de payer - pour assurer cette continuité territoriale, et après simplement, en aval de tout cela, se pose la question de savoir si l'opérateur sera public ou sera privé. Or, dans cette affaire, il y a deux, trois mois, le Gouvernement n'a jamais redéfini la mission de service public qui est celle de la SNCM. Maintenant, aujourd'hui, cela brûle, alors il faut trouver une solution, il faut négocier, négocier, négocier. Je pense que la situation est très dangereuse. Je mets en garde le Gouvernement contre tout passage en force. La situation est dangereuse, elle peut être dangereuse pour les vies humaines, la tension est extrême un peu partout autour de ce dossier. C'est pour cela que je trouve qu'il n'a pas été bien géré. Et il faut absolument trouver la voie de la négociation pour faire retomber la pression.
Q- Ensuite ?
R- Ensuite, il faut reprendre le vrai chemin, celui que j'ai invoqué tout à l'heure : quelle est la mission que l'on veut donner à cette entreprise ?
Q- Etes-vous favorable, oui ou non, à la solution du Gouvernement : privatisation partielle sans licenciements secs ?
R- Non, mais "sans licenciements secs", c'est le problème de gestion.
Evidemment que l'on y est favorable.
Q- Vous êtes donc favorable à une privatisation partielle ?
R- Attendez ! J'ai parlé des licenciements. Sur la privatisation, que des capitaux publics se voient associés à des capitaux privés, très bien. La vraie question n'est pas celle-là. La CGT jusqu'à maintenant disait : majorité publique. Elle ne disait pas : il ne faut pas d'entrée du capital privé...
Q- C'est la question que vous posez ?
R- ...Et ce matin, la CGT a l'air de dire : même une majorité privée, ça pourrait aller. Cela montre bien que la CGT a compris le problème, que le problème, c'est la mission de service public, ce n'est pas la structure du capital. Et que si l'on définit correctement la mission de service public, avec des contraintes et des sanctions si elle n'est pas remplie, à la limite, à ce moment-là, le problème de la majorité publique ne se pose plus, c'est ce que vient de dire la CGT ce matin. Et donc là, il y a une voie de sagesse de la part des syndicalistes ; on ne peut pas dire que dans cette histoire, le syndicat a toujours été bien sage ; là, il y a une voie de sagesse des syndicalistes et il faut la suivre.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 octobre 2005