Texte intégral
Q- Hier, vous étiez dans votre circonscription, en Seine-Maritime, et vous avez vous avez manifesté à Rouen. Pourquoi ce choix ?
R- Je le fais souvent, parce que c'est normal d'être aux côtés de ses électeurs et des salariés. Il y avait beaucoup de monde, plus de 10.000 personnes à Rouen, ce qui est beaucoup, dans une atmosphère bon enfant, avec, ce qui a été noté, à la fois du public, du privé, des femmes avec des poussettes, des jeunes. C'est vraiment une mobilisation sociale très forte, plus forte qu'en mars. Et j'ai dit d'ailleurs dit que c'est "une motion de censure sociale", c'est-à-dire que les gens disent au Gouvernement qu'ils en ont assez, qu'ils en ont marre, que ce qu'il fait, c'est n'importe quoi, c'est injuste et qu'il faut changer !
Q- Précisément, hier, c'était aussi la rentrée parlementaire. Vous avez choisi de vous exprimer plutôt dans la rue qu'à l'Assemblée nationale ?
R- Je serai, cet après-midi, à l'Assemblée nationale. Mais hier, il fallait être aux côtés des salariés.
Q- Cette formule de "motion de censure sociale", le Gouvernement peut-il l'entendre ?
R- Il n'entend rien, il n'entend rien !
Q- Il y a déjà eu une manifestation le 10 mars, qui était à peu près dans les mêmes eaux, et il ne s'est pas passé des choses extravagantes...
R- Il y a une constante, depuis trois ans et demi : c'est que le Gouvernement n'entend absolument rien. Il n'écoute rien pour ce qui concerne le pouvoir d'achat, il n'a rien écouté pour ce qui concerne l'Europe, il n'écoute rien sur la Turquie, il n'écoute rien ! J'imagine donc, que l'on va nous faire des bonnes paroles, mais il faut continuer la pression, au le plan social bien sûr - les syndicats le font et le font bien - et puis, prendre le relais, s'il le faut, au le plan politique.
Q- Vous dites que "le Gouvernement est en train de démolir la Sécurité sociale, le Code du travail, le système de retraites par répartition, l'impôt sur le revenu des personnes physiques, les services publics..."
R- Oui, chaque année, il y a une démolition, parfois deux. La première année, c'était la Sécurité sociale. La deuxième année, les retraites. Là, le Code du travail, avec l'affaire du contrat "nouvelles embauches", qui installe la précarité partout. Maintenant, il remet en cause l'impôt progressif sur le revenu. C'est donc un Gouvernement de démolition, alors que l'on a besoin de bâtisseurs.
Q- Mais cela veut-il dire qu'il ne faut toucher à rien ? On n'est tout de même pas dans une situation telle, que l'on ne touche à rien et que l'on trouve que c'est formidable !
R- Bien sûr qu'il y a des réformes à faire. Mais cela ne veut pas dire installer partout la précarité et les inégalités, ce qu'est en train de faire le Gouvernement. Et là, à l'issue de ce mouvement massif, il faut que le Gouvernement réponde. Les syndicats ont formulé des demandes, à la fois, pour le retrait du contrat "nouvelles embauches"...
Q- Mais ce contrat "nouvelles embauches" est une tentative, on voit que cela marche...
R- Non, pas du tout ! Cela veut dire que, là où il y avait des contrats à durée indéterminée, c'est-à-dire longs, maintenant, on recrute les gens pour deux ans uniquement. Et cela veut dire que, non seulement vous êtes dans une situation précaire, mais que si par exemple, vous voulez vous loger, on vous dit : "vous avez un contrat "nouvelles embauches", ce n'est pas assez sûr, on ne vous logera pas". C'est donc la précarité installée, les inégalités. La santé part à vau-l'eau : vous voyez le nouveau forfait de 18 euros, quand on est vraiment malade...
Q- Mais en même temps, le déficit de la Sécurité sociale augmente, on ne peut pas financer les déficits sans fin, en empruntant sur la tête de nos enfants !
R- Oui, mais dans le même temps, le Gouvernement fait des largesses. Alors, on ne peut pas dire que le Gouvernement n'a plus de sous, alors qu'il va donner 3,5 milliards d'euros à des gens qui sont au sommet de l'échelle financière. Il faut donc qu'il revienne sur ces dispositions. On ne peut pas avoir un Gouvernement sourd, aveugle et, de plus, méprisant.
Q- Vous dites qu'il faut augmenter le Smic et le passer à 1.500 euros.
R- Dans la prochaine législature... Aujourd'hui, le Smic est à 1.200 euros. Quand je parle du Smic, bien sûr qu'il faut des augmentations, mais là, je me situe pour la prochaine législature. Il faut évidemment jouer sur les petits salaires - comment voulez-vous que les gens s'en sortent ? -, mais aussi sur l'ensemble de l'échelle des salaires. Et le Smic, traditionnellement, permet d'augmenter l'ensemble des salaires. Mais pour cela, il faudrait que le Gouvernement appelle à une négociation, à la fois dans la fonction publique, et - c'est une demande des syndicats qui est tout à fait légitime - qu'il n'y ait pas de minimum conventionnel en dessous du Smic. Il faut du pouvoir d'achat, cela permettra de relancer la consommation qui, elle-même, relance la croissance.
Q- Un mot sur la SNCM. On voit qu'en l'état, le dossier n'avance pas vraiment. Le Gouvernement propose aux salariés d'obtenir de 5 à 8 %, qui seraient une sorte de minorité de blocage. Pensez-vous que c'est en effet cela qu'il faut faire, donner un peu plus de parts aux salariés ?
R- Là aussi, le Gouvernement a tout faux. Il décide, un beau jour, de privatiser la compagnie. Il n'a même pas le courage de le dire, donc il envoie un préfet le dire. Il dit que c'est la privatisation à 100 %. Trois jours après, c'est autre chose. Donc, il n'y a à la fois ni dialogue ni autorité. L'Europe ne nous enjoint pas de passer en dessous des 50 %, ce n'est pas vrai.
Q- C'est-à-dire que, quand T. Breton dit cela, a-t-il tort, ment-il ?
R- L'Europe dit qu'il faut évidemment que cette compagnie soit réformée et qu'elle fonctionne correctement. Mais cela ne veut pas dire du tout que l'Etat doit se retirer !
Q- Non, ce que dit l'Europe, c'est que la France ne peut pas continuer à payer à une société...
R- Qu'il faut arrêter les subventions publiques... Très bien, mais cela ne signifie pas qu'il faille tout privatiser. De plus, on menace de privatiser en donnant cela à un fonds de pension, qui n'a absolument aucune compétence dans ce domaine, et qui va acheter cette compagnie pour 30 millions d'euros...
Q- Et on injecte 113 millions d'euros...
R- Et les actifs sont de plusieurs centaines de millions d'euros. Vraiment, c'est marcher sur la tête !
Q- Un mot sur un dossier européen qui vous intéresse forcément, celui de la Turquie : on a vu hier, que l'on avait tout de même, finalement, décidé de commencer les négociations. Cela veut-il dire qu'au fond, on n'a pas du tout tenu compte du référendum et du "non" Français, qui n'était pas sur la Turquie certes...
R- Le "non" français avait plusieurs causes. Mais si on prend le dossier turc en tant que tel, on se moque du monde ! L'Europe a des problèmes énormes, elle n'a pas de moyens, elle n'a pas de projet. Et quelle est la première chose que M. Chirac décide de faire ?...
Q- Ce n'est pas M. Chirac, ce sont les Britanniques qui ont mis cela sur la table...
R- ...-Mais M. Chirac a dit "oui" et, en plus, il s'en vante -... c'est d'augmenter le nombre. la Turquie, la Croatie, derrière il va y avoir la Bosnie-Herzégovine, la Serbie etc.
Q- On a pour l'instant signé pour la Turquie et la Croatie, ce qui est déjà beaucoup...
R- Cela n'a pas de sens. Quand vous avez une difficulté - et il y a une énorme difficulté en Europe -, la première chose à faire, ce n'est pas d'augmenter la masse des difficultés. Donc là encore, c'est un mépris. Il y a, d'un côté, des manifestants par centaines de milliers et de l'autre, un Gouvernement et un président de la République qui méprisent le sentiment populaire.
Q- Avez-vous le sentiment qu'il y aura d'autres manifestations, comme le disent les syndicats, ou que c'est le côté un peu éruptif des Français : tout le monde dans la rue une journée, et puis après, on retourne au travail ?
R- Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a un mécontentement extrêmement profond. Les gens ne s'en sortent pas. Dans ma mairie, alors que jusqu'ici, les gens disaient qu'ils avaient du mal le 20 du mois, maintenant, les gens arrivent le 10 du mois, en disant qu'ils ne s'en sortent pas, pas seulement les gens les plus pauvres, mais aussi les couches un petit peu au dessus, les couches moyennes. Cela ne va pas du tout. Il faut donc que le Gouvernement change de politique. Et puis, le moment venu, il faudra changer le Gouvernement.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 octobre 2005)
R- Je le fais souvent, parce que c'est normal d'être aux côtés de ses électeurs et des salariés. Il y avait beaucoup de monde, plus de 10.000 personnes à Rouen, ce qui est beaucoup, dans une atmosphère bon enfant, avec, ce qui a été noté, à la fois du public, du privé, des femmes avec des poussettes, des jeunes. C'est vraiment une mobilisation sociale très forte, plus forte qu'en mars. Et j'ai dit d'ailleurs dit que c'est "une motion de censure sociale", c'est-à-dire que les gens disent au Gouvernement qu'ils en ont assez, qu'ils en ont marre, que ce qu'il fait, c'est n'importe quoi, c'est injuste et qu'il faut changer !
Q- Précisément, hier, c'était aussi la rentrée parlementaire. Vous avez choisi de vous exprimer plutôt dans la rue qu'à l'Assemblée nationale ?
R- Je serai, cet après-midi, à l'Assemblée nationale. Mais hier, il fallait être aux côtés des salariés.
Q- Cette formule de "motion de censure sociale", le Gouvernement peut-il l'entendre ?
R- Il n'entend rien, il n'entend rien !
Q- Il y a déjà eu une manifestation le 10 mars, qui était à peu près dans les mêmes eaux, et il ne s'est pas passé des choses extravagantes...
R- Il y a une constante, depuis trois ans et demi : c'est que le Gouvernement n'entend absolument rien. Il n'écoute rien pour ce qui concerne le pouvoir d'achat, il n'a rien écouté pour ce qui concerne l'Europe, il n'écoute rien sur la Turquie, il n'écoute rien ! J'imagine donc, que l'on va nous faire des bonnes paroles, mais il faut continuer la pression, au le plan social bien sûr - les syndicats le font et le font bien - et puis, prendre le relais, s'il le faut, au le plan politique.
Q- Vous dites que "le Gouvernement est en train de démolir la Sécurité sociale, le Code du travail, le système de retraites par répartition, l'impôt sur le revenu des personnes physiques, les services publics..."
R- Oui, chaque année, il y a une démolition, parfois deux. La première année, c'était la Sécurité sociale. La deuxième année, les retraites. Là, le Code du travail, avec l'affaire du contrat "nouvelles embauches", qui installe la précarité partout. Maintenant, il remet en cause l'impôt progressif sur le revenu. C'est donc un Gouvernement de démolition, alors que l'on a besoin de bâtisseurs.
Q- Mais cela veut-il dire qu'il ne faut toucher à rien ? On n'est tout de même pas dans une situation telle, que l'on ne touche à rien et que l'on trouve que c'est formidable !
R- Bien sûr qu'il y a des réformes à faire. Mais cela ne veut pas dire installer partout la précarité et les inégalités, ce qu'est en train de faire le Gouvernement. Et là, à l'issue de ce mouvement massif, il faut que le Gouvernement réponde. Les syndicats ont formulé des demandes, à la fois, pour le retrait du contrat "nouvelles embauches"...
Q- Mais ce contrat "nouvelles embauches" est une tentative, on voit que cela marche...
R- Non, pas du tout ! Cela veut dire que, là où il y avait des contrats à durée indéterminée, c'est-à-dire longs, maintenant, on recrute les gens pour deux ans uniquement. Et cela veut dire que, non seulement vous êtes dans une situation précaire, mais que si par exemple, vous voulez vous loger, on vous dit : "vous avez un contrat "nouvelles embauches", ce n'est pas assez sûr, on ne vous logera pas". C'est donc la précarité installée, les inégalités. La santé part à vau-l'eau : vous voyez le nouveau forfait de 18 euros, quand on est vraiment malade...
Q- Mais en même temps, le déficit de la Sécurité sociale augmente, on ne peut pas financer les déficits sans fin, en empruntant sur la tête de nos enfants !
R- Oui, mais dans le même temps, le Gouvernement fait des largesses. Alors, on ne peut pas dire que le Gouvernement n'a plus de sous, alors qu'il va donner 3,5 milliards d'euros à des gens qui sont au sommet de l'échelle financière. Il faut donc qu'il revienne sur ces dispositions. On ne peut pas avoir un Gouvernement sourd, aveugle et, de plus, méprisant.
Q- Vous dites qu'il faut augmenter le Smic et le passer à 1.500 euros.
R- Dans la prochaine législature... Aujourd'hui, le Smic est à 1.200 euros. Quand je parle du Smic, bien sûr qu'il faut des augmentations, mais là, je me situe pour la prochaine législature. Il faut évidemment jouer sur les petits salaires - comment voulez-vous que les gens s'en sortent ? -, mais aussi sur l'ensemble de l'échelle des salaires. Et le Smic, traditionnellement, permet d'augmenter l'ensemble des salaires. Mais pour cela, il faudrait que le Gouvernement appelle à une négociation, à la fois dans la fonction publique, et - c'est une demande des syndicats qui est tout à fait légitime - qu'il n'y ait pas de minimum conventionnel en dessous du Smic. Il faut du pouvoir d'achat, cela permettra de relancer la consommation qui, elle-même, relance la croissance.
Q- Un mot sur la SNCM. On voit qu'en l'état, le dossier n'avance pas vraiment. Le Gouvernement propose aux salariés d'obtenir de 5 à 8 %, qui seraient une sorte de minorité de blocage. Pensez-vous que c'est en effet cela qu'il faut faire, donner un peu plus de parts aux salariés ?
R- Là aussi, le Gouvernement a tout faux. Il décide, un beau jour, de privatiser la compagnie. Il n'a même pas le courage de le dire, donc il envoie un préfet le dire. Il dit que c'est la privatisation à 100 %. Trois jours après, c'est autre chose. Donc, il n'y a à la fois ni dialogue ni autorité. L'Europe ne nous enjoint pas de passer en dessous des 50 %, ce n'est pas vrai.
Q- C'est-à-dire que, quand T. Breton dit cela, a-t-il tort, ment-il ?
R- L'Europe dit qu'il faut évidemment que cette compagnie soit réformée et qu'elle fonctionne correctement. Mais cela ne veut pas dire du tout que l'Etat doit se retirer !
Q- Non, ce que dit l'Europe, c'est que la France ne peut pas continuer à payer à une société...
R- Qu'il faut arrêter les subventions publiques... Très bien, mais cela ne signifie pas qu'il faille tout privatiser. De plus, on menace de privatiser en donnant cela à un fonds de pension, qui n'a absolument aucune compétence dans ce domaine, et qui va acheter cette compagnie pour 30 millions d'euros...
Q- Et on injecte 113 millions d'euros...
R- Et les actifs sont de plusieurs centaines de millions d'euros. Vraiment, c'est marcher sur la tête !
Q- Un mot sur un dossier européen qui vous intéresse forcément, celui de la Turquie : on a vu hier, que l'on avait tout de même, finalement, décidé de commencer les négociations. Cela veut-il dire qu'au fond, on n'a pas du tout tenu compte du référendum et du "non" Français, qui n'était pas sur la Turquie certes...
R- Le "non" français avait plusieurs causes. Mais si on prend le dossier turc en tant que tel, on se moque du monde ! L'Europe a des problèmes énormes, elle n'a pas de moyens, elle n'a pas de projet. Et quelle est la première chose que M. Chirac décide de faire ?...
Q- Ce n'est pas M. Chirac, ce sont les Britanniques qui ont mis cela sur la table...
R- ...-Mais M. Chirac a dit "oui" et, en plus, il s'en vante -... c'est d'augmenter le nombre. la Turquie, la Croatie, derrière il va y avoir la Bosnie-Herzégovine, la Serbie etc.
Q- On a pour l'instant signé pour la Turquie et la Croatie, ce qui est déjà beaucoup...
R- Cela n'a pas de sens. Quand vous avez une difficulté - et il y a une énorme difficulté en Europe -, la première chose à faire, ce n'est pas d'augmenter la masse des difficultés. Donc là encore, c'est un mépris. Il y a, d'un côté, des manifestants par centaines de milliers et de l'autre, un Gouvernement et un président de la République qui méprisent le sentiment populaire.
Q- Avez-vous le sentiment qu'il y aura d'autres manifestations, comme le disent les syndicats, ou que c'est le côté un peu éruptif des Français : tout le monde dans la rue une journée, et puis après, on retourne au travail ?
R- Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a un mécontentement extrêmement profond. Les gens ne s'en sortent pas. Dans ma mairie, alors que jusqu'ici, les gens disaient qu'ils avaient du mal le 20 du mois, maintenant, les gens arrivent le 10 du mois, en disant qu'ils ne s'en sortent pas, pas seulement les gens les plus pauvres, mais aussi les couches un petit peu au dessus, les couches moyennes. Cela ne va pas du tout. Il faut donc que le Gouvernement change de politique. Et puis, le moment venu, il faudra changer le Gouvernement.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 octobre 2005)