Déclaration de M. Bernard Accoyer, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, et interview à France-Info le 5 juillet 2005, sur la motion de censure déposée par le PS à propos de la décision du gouvernement de recourir aux ordonnances pour légiférer sur la politique de l'emploi.

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Circonstance : Débat sur la motion de censure déposée par le PS à propos du choix du gouvernement de recourir aux ordonnances pour légiférer sur les mesures pour l'emploi, Paris, Assemblée nationale, 5 juillet 2005

Média : France Info

Texte intégral

Discours de Bernard ACCOYER,
Président du Groupe UMP à l'Assemblée Nationale
Mardi 5 juillet 2005
Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, Mesdames les ministre, Messieurs les Ministres, Mes chers collègues
En écoutant le Président du groupe socialiste, je me posais la question : pourquoi cette motion de censure fourre-tout, alors que le gouvernement prend à bras le corps les problèmes et, en particulier, la question de l'emploi, première préoccupation des Français.
Rien dans ce texte au ton outrancier et caricatural, ne répond concrètement aux attentes de nos compatriotes, alors qu'ils réclament de leurs responsables politiques : écoute, pragmatisme et efficacité.
Il faut donc en déduire que cette motion de censure, en réalité, n'est qu'un leurre, une motion de censure à usage interne, qui cherche à masquer, derrière des déclarations dogmatiques et péremptoires, les profonds déchirements qui secouent le Parti Socialiste à la veille de son congrès.
Pour autant, vouloir se refaire une santé politique n'est pas une raison pour dire n'importe quoi.
La violence et l'excès du texte sont à la hauteur de la profonde crise identitaire dans laquelle s'est enfermée le Parti Socialiste.
S'il y a une crise, comme le dit la motion de censure, c'est bien de celle-là dont il s'agit.
La crise d'un Parti Socialiste divisé, déchiré, écartelé entre les " réformistes " et les " gauchistes " tel que les classe le dernier vade mecum de la rue de Solférino.
Qui aujourd'hui incarne la ligne du Parti Socialiste ? Quelle est celle-ci ?
Personne ne peut répondre à ces deux questions.
Est-ce le Premier secrétaire, désavoué dans les urnes, ou son ancien numéro 2, remercié à contre-temps au lendemain du 29 mai ?
Quant à la ligne : est-ce la ligne social-démocrate ? Est-ce la ligne social-libérale, dont les tenants d'hier sont devenus les camarades de lutte de l'extrême gauche et les porteurs d'eau des alter-mondialistes ?
Il est des renoncements surprenants que seuls peuvent expliquer les calculs politiques.
Puisque, selon la formule de Guy MOLLET, un congrès socialiste se gagne à gauche, ce sont maintenant les prétendus " réformistes " du PS qui cèdent à la surenchère la plus démagogique.
Ici même, dans cet hémicycle, Monsieur AYRAULT vient de nous en donner publiquement la preuve.
La vérité est que votre incapacité à adopter une ligne politique claire, cohérente et responsable demeure une grave menace pour la France.
Depuis trois ans, c'est cette absence de ligne, ce désert d'idées, qui vous ont poussé dans une " opposition frontale ", condamnant par préjugé et sectarisme tout ce qu'ont entrepris les gouvernements de Jean-Pierre RAFFARIN et de Dominique de VILLEPIN, sous l'autorité du Chef de l'Etat, Jacques CHIRAC.
Pourtant, ces réformes structurelles, que le gouvernement JOSPIN savait indispensables, la gauche plurielle n'a jamais eu ni la volonté, ni le courage de les engager, portant ainsi un mauvais coup à notre pacte social.
Ce sont également les incohérences des socialistes qui ont porté un autre mauvais coup à l'Europe.
Oui, c'est bien la gauche qui a mis l'Europe en panne.
L'extrême gauche par dogmatisme et idéologie.
Des hiérarques socialistes par calcul politique.
La direction du Parti Socialiste par incapacité à entraîner la majorité de ses électeurs.
Instrumentaliser la crise que traverse l'Union européenne, après les non français et néerlandais, c'est jouer, une nouvelle fois, avec l'avenir de la France et celui de l'Europe, alors que nous devrions tous nous rassembler derrière le gouvernement et le Chef de l'Etat pour défendre les intérêts de la France et relancer la construction européenne.
L'évidence est que le Parti Socialiste n'est pas en état de gouverner la France.
Le texte décousu et caricatural de cette motion de censure en est l'illustration. Tissu de contre-vérités auxquelles je veux, maintenant, répondre, point par point.
Sur la croissance d'abord.
La vérité est que le gouvernement JOSPIN a laissé derrière lui une croissance divisée par quatre entre 2000 et 2002, gaspillant ses fruits, oubliant de conduire les réformes de structures indispensables pour notre pays.
En dépit des affirmations défaitistes socialistes, le gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN, quant à lui, a porté la croissance à 2,3 % l'an passé, et à 2 % cette année.
Une croissance supérieure à celle de la Zone Euro, alors qu'elle était inférieure à celle de nos partenaires européens pendant les années JOSPIN.
Cette conjoncture favorable a contribué à l'amélioration notable des finances publiques. Le déficit public a diminué de 10 milliards d'euros en 2004.
La vérité est que durant les années JOSPIN, la France a réduit son déficit budgétaire deux fois moins vite que les autres pays de l'Union.
Et ce, malgré le niveau record atteint par les prélèvements obligatoires, 45,9 % du PIB, malgré les dix-neuf nouveaux impôts et taxes instaurés par Dominique STRAUSS-KAHN et Laurent FABIUS.
Ceux-là mêmes qui, aujourd'hui, donnent des leçons de rigueur budgétaire, sont restés, comme l'a dit Laurent FABIUS, des " dépensophiles. "
Des " dépensophiles " que les socialistes sont également dans les régions.
La vérité est, qu'en l'absence de transfert de compétence en 2005, les régions de gauche ont augmenté les impôts locaux dans des proportions sans précédents, 24 % en moyenne pour la Taxe Professionnelle, pour financer de nouvelles dépenses de communication, de représentation, de réception et de recrutement politique de cabinets.
Telle est la vérité.
Ainsi, pour la Taxe Professionnelle, c'est 75 % d'augmentation en Bourgogne et 80 % en Languedoc-Roussillon. On imagine les conséquences pour l'emploi.
A l'inverse, notre majorité, tenant ses engagements, a, pour la première fois et depuis trois ans, gardé le cap de l'augmentation zéro des dépenses de l'Etat, afin de maîtriser les déficits et de redresser durablement la situation financière de la France.
Une maîtrise des dépenses de l'Etat qui n'a pas conduit le gouvernement à se désengager sur les politiques d'avenir. Loin de là.
En 2004, en 2005, le budget de l'Education nationale a augmenté plus vite que les autres crédits de l'Etat.
Ce sont des moyens supplémentaires pour appliquer la réforme de l'école, une réforme majeure dont notre majorité est fière et qu'elle entend bien voir pleinement appliquée.
La recherche a bénéficié de l'action des gouvernements soutenus par notre majorité.
Avec un milliard d'euros supplémentaires pour le budget 2005, l'effort public en faveur de la recherche progresse de 10 % en un an. Du jamais vu depuis dix ans, loin de l'immobilisme absolu et des mesures en trompe l'il des années JOSPIN.
La future loi d'orientation permettra de doter notre recherche d'un cadre stratégique et financier plus ambitieux, plus dynamique, fondé sur une véritable culture de projets.
La politique industrielle est relancée pour faire face aux délocalisations, contre lesquelles, une nouvelle fois, la gauche n'avait rien prévu, au contraire, les lois GUIGOU et AUBRY, les 35 heures les ont souvent provoqué.
C'est notre majorité qui a mis en uvre une politique industrielle fondée sur le volontarisme et l'innovation, avec des pôles de compétitivité et l'Agence pour l'Innovation Industrielle dont, Monsieur le Premier ministre, vous avez eu raison de doubler la dotation pour la porter à un milliard d'euros.
Mais, c'est sur la préservation de notre Pacte social que le mensonge est le plus flagrant quand on sait dans quel état de déshérence le gouvernement JOSPIN l'a laissé ?
L'absence de courage, l'immobilisme coupable et l'illusion trompeuse dans lesquels la gauche a bercé les Français figurent parmi les plus graves défaillances qui ont conduit à son échec historique du 21 avril 2002.
Un échec qui n'était pas un " accident " comme l'a reconnu Laurent FABIUS lui-même.
Le gouvernement RAFFARIN, quant à lui, a eu le courage de la réforme
Pour sauver notre système de retraite par répartition
Pour sauvegarder notre système d'assurance-maladie et garantir un égal accès aux soins pour tous
Pour pérenniser et financer l'effort de solidarité en faveur de la dépendance et du handicap
Des réformes majeures fondées sur l'idée partagée que seul le travail peut financer la solidarité, alors que l'opposition a été incapable de proposer des mesures alternatives crédibles.
Ces réformes, nous pouvons en être fiers.
Tout comme nous sommes fiers du rétablissement de l'autorité de l'Etat et du recul de l'insécurité depuis 2002, sous l'impulsion déterminée de Nicolas SARKOZY et de vous-même, Monsieur le Premier ministre..
Notre majorité s'est engagée fortement en faveur du pouvoir d'achat, en particulier par une hausse historique du SMIC atomisé par les 35 heures.
Une augmentation de 11,4 % du SMIC depuis 2003, soit un 13ème mois pour un million de salariés.
C'est aussi une augmentation de la Prime Pour l'Emploi d'un milliard d'euros depuis 2002, en faveur des huit millions et demi de Français qui en bénéficient, vivant trop modestement de leur travail par rapport aux revenus de l'assistance.
Nous avons sur l'emploi, avec le Parti Socialiste, une divergence fondamentale. Pour nous, l'emploi, c'est l'entreprise et non la multiplication des statuts précaires et une politique du social éphémère.
La loi sur l'initiative économique a relancé la création d'entreprises au rythme annuel record de 240 000 par an.
Le gouvernement de Dominique de VILLEPIN veut, avec le " Plan d'urgence pour l'emploi " libérer les PME des nombreux et dissuasifs freins à l'embauche.
La bataille pour l'emploi appelle des mesures simples et pragmatiques, visant à faciliter, et donc à encourager cette embauche.
Des mesures simples comme celles proposées par le gouvernement, que pourtant l'opposition conteste par esprit de système et par esprit manichéen.
Le choix des ordonnances s'imposait non seulement en raison de l'urgence, mais aussi parce que l'opposition a pris l'habitude de pratiquer l'obstruction avec, comme le dit le Président du groupe Socialiste, des " murs " d'amendements.
Le contrat nouvelles embauches offrira une certaine souplesse à l'employeur, tout en apportant des garanties concrètes pour le salarié. C'est un contrat gagnant-gagnant qui a vocation à devenir une forme d'entrée supplémentaire dans les Très Petites Entreprises.
La neutralisation des coûts financiers liés aux effets de seuil, dont le recrutement et les chômeurs pâtissent, permettra de lever un des principaux freins à l'emploi.
Contester cette mesure, c'est faire le choix de l'idéologie au dépend de la lutte contre le chômage.
Autre mesure de bon sens, le chèque emploi Très Petites Entreprises. Il constitue un progrès considérable pour faciliter les formalités d'embauche, ainsi que le paiement des salaires et des charges dans ces Très Petites Entreprises.
Comment oser le contester ?
Mes chers Collègues,
Le Parti Socialiste et la gauche française restent profondément divisés sur tout. Ils ne sont d'accord sur rien
Ni sur l'économie de marché que les trotskistes et les alter-mondialistes remettent violemment en cause.
Ni sur la construction européenne pour laquelle nous attendons toujours le fameux plan B promis par la " gauche du non. "
Ni sur les grands choix énergétiques, comme en témoignent les attaques des Verts contre l'installation d'ITER à Cadarache.
La réalité est qu'au Parti Socialiste, il n'y a plus rien. Ni chef, ni pilote, ni idées, ni projet.
Nous, les députés UMP, nous voulons être des élus responsables. Sous l'impulsion de Jacques CHIRAC et derrière le gouvernement de Dominique de VILLEPIN, nous voulons continuer de réformer le pays dans l'intérêt de nos compatriotes et des générations à venir.
Notre action est bonne, car elle est juste.
Cette politique volontariste doit être poursuivie avec les Français. Et non, comme le propose le Parti Socialiste, en les dressant les uns contre autres.
C'est pourquoi le groupe UMP appelle au rejet de cette motion de censure.
(Source http://www.ump.assemblee-nationale.fr, le 6 juillet 2005)
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France Info
5 juillet 2005
O. de Lagarde - On va parler de la motion de défiance proposée par le PS, mais d'abord quand même un mot des JO, parce que c'est aussi de la politique. J. Chirac est en route pour Singapour, est-ce que ce n'est pas un peu risqué pour lui ? Imaginez l'effet que cela aurait si Paris échoue !
R - Ce n'est pas une hypothèse qu'il faut envisager.
Q - On peut retenir les hypothèses quand même...
R - Le dossier de Paris est excellent. La ville, la région, le pays sont totalement mobilisés derrière ce dossier, qui, sur le plan des équipements sportifs, des structures d'accueil, de la dynamique, est véritablement excellent. Donc, il faut être et nous sommes tous derrière le président de la République, derrière toute notre délégation, nous sommes dans une perspective de succès.
Q - Mais il n'a pourtant pas toujours eu de la chance ces derniers temps J. Chirac. Il ne risque pas de porter un peu la poisse à ce dossier ?
R - Arrêtons d'être pessimistes ! Soyons comme le sont ceux qui sont dans les autres pays, qui défendent d'autres dossiers, soyons confiants dans notre destin, dans nos projets ; c'est comme cela que l'on peut gagner.
Q - La motion de censure qu'a déposée le PS contre le Gouvernement n'a aucune chance d'être adoptée, mais tout de même, même si vous faites partie de l'UMP, pour un parlementaire, l'utilisation de l'ordonnance, ce n'est pas un peu douloureux ?
R - D'abord, c'est un moyen de légiférer que tous les Gouvernements, y compris et surtout la gauche, ont utilisé. Deuxièmement, c'est un moyen de légiférer qui est adapté particulièrement à des situations d'urgence. Or, le 29 mai, les Français ne se sont pas exprimés exclusivement, hélas, sur l'Europe, ils ont dit avec force qu'il y avait un problème majeur qui était leur inquiétude, leur détresse, et leur premier souci, leur première préoccupation - on peut le dire aussi -, souvent leur premier drame, c'est l'emploi. Donc, le Gouvernement prend à bras le corps ce problème et apporte cette fois-ci des mesures véritablement nouvelles. Pour qu'elles soient efficaces, il faut qu'elles soient rapidement applicables, et pour qu'elles soient rapidement applicables, il faut les ordonnances. C'est pour cela qu'il les a choisies.

Q - Cela veut dire que le gouvernement Raffarin, qui l'a précédé, n'a pas fait son travail ?
R - Le gouvernement Raffarin a pris beaucoup de mesures. C'était des mesures mises en place par la voie classique, avec la durée, le poids, la lenteur de ces mesures. Elles ont eu leur efficacité, heureusement, mais aujourd'hui il faut franchir un pas supplémentaire et vraiment jeter toutes les forces, tous les moyens, y compris les moyens de procédure dans la bataille pour faire bouger les choses ; c'est ce que demandent les Français.
Q - Nous sommes à 21 mois de l'élection présidentielle, c'est dire qu'à la rentrée, le sujet sera dans toutes les têtes. Quelle doit être la stratégie de l'UMP pour être sûr de figurer au deuxième tour ? Tenter de séduire l'électorat UDF ou mordre plutôt sur l'électorat du FN ?
R - Les trois élections qui se sont déroulées en 2002, en 2004, en 2005, ont montré que les Français attendaient de leurs élus des réponses concrètes, ils attendaient de leurs élus, d'abord, qu'ils comprennent leur problème et qu'ils y apportent des réponses concrètes et c'est ce que doit faire l'UMP. C'est ce que fait le gouvernement de D. de Villepin avec les mesures, le plan d'action contre le chômage, le plan d'action pour l'emploi. Et donc, l'UMP doit travailler. C'est toujours dans le travail que l'on sort des difficultés et les Français, s'ils voient que l'UMP, que ses élus, que le Premier ministre que le Gouvernement est vraiment totalement mobilisé et obtient des résultats, parce que c'est ce qu'il y aura à l'automne, alors, il y aura un retour de la confiance. Mais c'est vrai que l'enjeu est grand.
Q - Je vous entends bien, mais vous ne répondez pas à ma question : l'UMP doit-il plutôt apprendre à mordre sur l'électorat du FN ou plutôt essayer de séduire l'UDF ? Ce n'est quand même pas exactement la même politique !
R - Si vous voulez dire qu'il y a une attitude qui doit être tout simplement une attitude politicienne, je vous dirais que ce n'est pas ce qu'il faut. Si vous voulez dire qu'il faut employer des termes, qu'il faut proposer des actions, qu'il faut mettre en place des dispositions simples, qui répondent directement aux attentes des Français et qui apportent des solutions à leurs problèmes quotidiens, je vous dirais que c'est ce qu'il faut faire. Mais arrêtons, encore une fois, de placer par catégories, de tout politiser. Soyons pragmatiques. On voit bien que les Français sont las des querelles politiciennes, des querelles de chapelles, des querelles d'écoles politiques. Ils veulent de l'action, de la réalité, de la proximité. C'est cette distance entre les Français, leurs problèmes quotidiens, leurs difficultés qui sont, - et il faut malheureusement le reconnaître - insuffisamment comprises, insuffisamment prises en compte, bien souvent par la haute administration, qui les met dans une position où ils commencent à dire "mais les politiques ne nous comprennent plus !". Donc, il faut les écouter, répondre simplement. C'est une réponse pragmatique.
Q - Certains ont accusé N. Sarkozy de faire du populisme, de vouloir récupérer les voix du FN. Pour vous, c'est une bonne stratégie ou pas ?
R - Il y a là une polémique sur les mots qu'il faut balayer ; ça aussi, ça exaspère les Français. Ce qu'il faut, c'est parler simplement, être compris par les Français, que les Français nous comprennent. Et à partir de là, on n'apportera forcément des solutions qui seront à la fois comprises et efficaces. C'est ce qu'attendent les Français.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 5 juillet 2005)