Texte intégral
Gérard LECLERC - Le débat du jour, c'est celui concernant le vote des étrangers aux élections municipales. On sait que Nicolas SARKOZY y est favorable pour ceux qui sont en situation régulière depuis dix ans en France. Mais Dominique de VILLEPIN vient de dire qu'il est contre. Il veut le maintien du lien entre nationalité et citoyenneté. Qu'en pensez-vous ?
Azouz BEGAG : Je pense que c'est un faux débat aujourd'hui, et d'autant plus faux qu'il s'annonce avant des élections prochaines. Aujourd'hui, mon action à moi doit être concentrée sur les gens qui, dans les quartiers, ne croient plus en la politique, et qui ne votent plus parce qu'ils n'y croient plus. Il y a des millions de Français dans ce pays qui sont des quartiers d'exclusion, à qui on doit faire comprendre que, si l'on veut participer à cette société, si l'on veut être connu et reconnu, il faut brandir sa carte d'électeur, il faut aller voter. C'est la première démarche à faire, c'est le premier chantier que j'ai à faire, moi, au ministère de l'Egalité des chances.
QUESTION : Donc, pour l'instant, pas de droit de vote aux élections municipales pour ceux qui ne sont pas de citoyenneté française ?
Azouz BEGAG : Non... Quand on se rend compte que ceux qui ont ce droit de vote n'en usent pas, pourquoi aller chercher ceux qui n'y ont pas droit encore et essayer de le leur donner, alors que l'on ne sait même pas comment ils vont l'utiliser. Je crois que la meilleure façon de crédibiliser ce droit de vote, c'est de faire en sorte que ceux qui l'ont l'utilisent à 100 %. Et là, il y a un chantier de quinze à quinze ans pour les amener à cette reconnaissance.
QUESTION : Autre débat du moment, celui sur la loi de 1905. Nicolas SARKOZY dit qu'il faut l'assouplir pour permettre notamment la construction de mosquées. Dominique de VILLEPIN, là aussi, dit que non, c'est un pilier du pacte républicain.
Azouz BEGAG : C'est drôle. Je suis encore D. de Villepin, dans le sens où je crois que ce principe de laïcité est un principe très moderne, très actuel. Il faut le maintenir dans sa rigidité pour pouvoir construire des identités claires, dans lesquelles la citoyenneté est opposée. Mettre un mur d'opposition entre l'Etat et la religion, c'est très clair, très net, il faut garder cela ainsi, c'est très moderne. Aujourd'hui, tous les jeunes qui naissent dans cette société, qui y grandissent, arrivent à faire la séparation entre ce qui relève de Dieu et ce qui relève de l'Etat. Gardons-le comme cela, c'est formidable !
QUESTION : Mais cela ne pose-t-il pas un problème pour la construction de mosquées ? Peut-on s'en sortir, résoudre le problème aujourd'hui, avec la loi de 1905 ?
Azouz BEGAG : Ce qui m'embête, c'est qu'avec cette introduction de l'islam dans le débat public, on veut casser un des socles importants du pacte républicain. Et cela me gêne. J'ai plutôt envie de dire aux musulmans : arrangez-vous entre vous, trouvez des formes d'expression commune, trouvez un langage commun, avant de demander à l'Etat français de venir interférer dans vos affaires. On ne fait cela pour aucune autre religion. Je pense qu'il est très important, très important, de ne pas immiscer la religion islamique dans les fondations de la société française. Il faut donc toujours séparer. C'est pour cela que je préfère parler de l'égalité des chances, je préfère parler des jeunes qui sont dans la galère, de la lutte contre les discriminations, je préfère parler de l'ascenseur social. Que l'on arrête de me parler de l'islam tous les jours ! C'est mon débat.
QUESTION : Sur la "discrimination positive", là aussi - l'idée de favoriser davantage, en fonction de leur origine ethnique, religieuse - c'est une idée de N. Sarkozy.
Azouz BEGAG : Voyez la confusion qui existe chez nos concitoyens, maintenant. On a le sentiment qu'avec la discrimination positive, il s'agit de faire passer les uns avant les autres. Alors, il y a des Français d'ici, des gens qui sont nés là, des gens qui ont leur ascendance ici, et qui se disent "on va faire passer des étrangers, les autres, avant nous", parce qu'ils sont étrangers, parce qu'ils sont les "autres". Moi, je ne veux plus entendre parler de cela. Je veux parler du creuset de la diversité, je veux faire la diversité, je veux faire comprendre aux Français que si on nourrit la diversité, on nourrit la rentabilité sociale et économique. Il ne s'agit pas de remplacer quelqu'un par un autre, il s'agit, dans les entreprises, dans la fonction publique territoriale, dans les administrations, de faire progresser, ensemble, les femmes, les handicapés, les seniors de plus de 50 ans, et les Français "visibles", ceux qui, parce qu'ils sont un peu "bronzés" dans l'espace public, subissent des discriminations. Il faut faire avancer tout cela, cette France de la diversité. Il ne s'agit pas de remplacer les uns par les autres. Donc, pas de discrimination positive, mais des actions positives pour la diversité.
QUESTION : Quand vous voyez N. Sarkozy hier soir, qui est chahuté, des invectives, des jets de projectiles divers, quand il va visiter un quartier difficile à Argenteuil, qu'est-ce que vous en dites-vous ?
Azouz BEGAG : Là, je dis aux jeunes "arrêtez ! C'est la France ! C'est un ministre de la République française". Il y a un minimum de respect à avoir vis-à-vis des représentants de l'autorité française. Par conséquent, Nicolas SARKOZY, comme moi, comme n'importe quel autre ministre, quand on va dans un quartier français, en France, on n'a pas à recevoir des jets, des projectiles, ni des bouteilles. C'est la police qui doit intervenir. Pas de laxisme dans ces cas-là.
QUESTION : J'en viens à votre action. Vous avez un parcours tout à fait particulier puisque vous étiez dans bidonville et que vous êtes devenu sociologue, scénariste, écrivain. Et aujourd'hui donc, ministre. Avez-vous vraiment le sentiment que vous pouvez agir ? N'y a-t-il pas le risque que vous soyez un ministre entre guillemets "gadget", un peu "alibi" ?
Azouz BEGAG : On disait cela aux femmes qui rentraient dans la fonction publique, dans la police nationale il y a 25 ans. On leur disait : "mais vous êtes des "femmes alibis", c'est un métier pour hommes". Aujourd'hui, chaque fois qu'il y a des Français issus de l'immigration qui rentrent dans un Gouvernement - d'ailleurs c'est la première fois dans l'histoire de France qu'un ministre issu de l'immigration maghrébine est invité à participer à un Gouvernement - c'est important. Non, je suis un ministre à part entière, à égalité de chance avec n'importe quel autre ministre. Et c'est vrai que j'ai la liberté de parole, je peux aller où je veux, je peux défendre mon chantier de l'Égalité des chances, je peux défendre mon ascenseur social, partout je peux aller demander à tous les grands patrons, les grandes écoles, les grandes entreprises de faire la diversité. Je suis un homme libre et je suis débordant d'énergie.
QUESTION : Concrètement, comment pouvez-vous agir à partir du moment où vous avez, il faut le dire, peu de moyens financiers, pas de fonctionnaires ? Comment agissez-vous, par exemple, sur l'emploi, sur l'école, dans l'entreprise, toutes ces discriminations qui existent en France ?
Azouz BEGAG : Ouvrir la porte des grandes écoles à tous les enfants méritants des quartiers, à tous les enfants de pauvres. Ouvrir la porte des grandes écoles par le haut. Par le bas, valoriser tous les métiers techniques, tous les savoir-faire techniques. Valoriser les apprentissages ; valoriser, ici, dans les collèges qui ont les plus mauvaises réputations, des savoir-faire. Et là, par exemple, je me suis dit : peut-on, dans une opération "Collèges ciblés", comme je suis en train de la mener avec mon collègue Gilles de ROBIEN, dans les collèges les plus difficiles des quartiers, faire enseigner intensément le chinois, pour que les gamins qui ont 15 ans aujourd'hui, dans ces quartiers, se retrouvent dans dix ans les meilleurs sur le marché du travail, parce qu'ils connaissent la langue chinoise. Voilà le genre d'initiative qui peut faire en sorte que, dans les collèges aujourd'hui répulsifs, des forces d'attraction changent la donne dans ces quartiers difficiles. Et puis, il y a la question du stage qui m'intéresse beaucoup. Dans tous ces quartiers, les enfants de pauvres, parce qu'ils n'ont pas de réseaux, parce qu'ils n'y connaissent pas grand-chose au monde de l'entreprise, ne trouvent pas de stage. Aujourd'hui c'est catastrophique que ces jeunes ratent le premier pas dans l'entreprise parce qu'ils n'ont pas les moyens de trouver des stages. J'ai lancé une opération "Un stage pour tous", qui va faire en sorte que, dans toutes les entreprises de France aujourd'hui, on va être mobilisé pour donner des bons stages aux jeunes les plus défavorisés.
QUESTION : Il vous est arrivé récemment une mésaventure. Vous êtes allé aux Etats-Unis, et vous avez subi une vérification, un interrogatoire approfondi, alors que vous aviez bien un passeport diplomatique...
Azouz BEGAG : C'était il y a une semaine à Atlanta. D'ailleurs, je voudrais rappeler aujourd'hui qu'il y a une dame très importante qui s'appelle Rosa PARKS qui a déclenché le Mouvement des droits civiques de Martin LUTHER KING en 1954, et qui vient de mourir aujourd'hui. Je me suis fait arrêter dans la ville d'Atlanta, c'est vrai, il y a une semaine, par un officier de police de l'immigration qui était un peu zélé, qui ne comprenait pas que, sans doute, quelqu'un, avec "ma gueule", puisse avoir un passeport diplomatique.
QUESTION : Et que vous êtes ministre de la République française.
Azouz BEGAG : Voilà. Depuis le 11 septembre 2001, il y a une crispation aux frontières américaines. Mais je me suis fait refouler, je me suis fait mettre la pression là-bas. Mais en France, cela fait 30 ans que "les gueules" comme moi on a la pression. On subit des discriminations. Il ne faudrait pas que les Français se défaussent sur les Américains, en pensant que c'est seulement là-bas que les ministres se font...
QUESTION : Cela pourrait arriver aussi en France ?
Azouz BEGAG : Cela arrive aussi très souvent en France.
QUESTION : D'un mot. Demain, on va détruire la barre de La Duchère où vous avez passé votre adolescence - je disais tout à l'heure que vous êtes né dans un bidonville. Quel sentiment avez-vous ?
Azouz BEGAG : Dans cet immeuble HLM, nous sommes deux "rescapés" : P. COHEN, qui a fait l'ENA et qui est devenu mon directeur de cabinet adjoint, et moi-même qui suis devenu ministre. Aujourd'hui, nous portons, lui et moi, ce chantier de l'Egalité des chances, la nécessaire énergie à donner aujourd'hui, pour nous en sortir. Je crois que c'est un très beau symbole à donner à la France contemporaine.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 28 octobre 2005)
Azouz BEGAG : Je pense que c'est un faux débat aujourd'hui, et d'autant plus faux qu'il s'annonce avant des élections prochaines. Aujourd'hui, mon action à moi doit être concentrée sur les gens qui, dans les quartiers, ne croient plus en la politique, et qui ne votent plus parce qu'ils n'y croient plus. Il y a des millions de Français dans ce pays qui sont des quartiers d'exclusion, à qui on doit faire comprendre que, si l'on veut participer à cette société, si l'on veut être connu et reconnu, il faut brandir sa carte d'électeur, il faut aller voter. C'est la première démarche à faire, c'est le premier chantier que j'ai à faire, moi, au ministère de l'Egalité des chances.
QUESTION : Donc, pour l'instant, pas de droit de vote aux élections municipales pour ceux qui ne sont pas de citoyenneté française ?
Azouz BEGAG : Non... Quand on se rend compte que ceux qui ont ce droit de vote n'en usent pas, pourquoi aller chercher ceux qui n'y ont pas droit encore et essayer de le leur donner, alors que l'on ne sait même pas comment ils vont l'utiliser. Je crois que la meilleure façon de crédibiliser ce droit de vote, c'est de faire en sorte que ceux qui l'ont l'utilisent à 100 %. Et là, il y a un chantier de quinze à quinze ans pour les amener à cette reconnaissance.
QUESTION : Autre débat du moment, celui sur la loi de 1905. Nicolas SARKOZY dit qu'il faut l'assouplir pour permettre notamment la construction de mosquées. Dominique de VILLEPIN, là aussi, dit que non, c'est un pilier du pacte républicain.
Azouz BEGAG : C'est drôle. Je suis encore D. de Villepin, dans le sens où je crois que ce principe de laïcité est un principe très moderne, très actuel. Il faut le maintenir dans sa rigidité pour pouvoir construire des identités claires, dans lesquelles la citoyenneté est opposée. Mettre un mur d'opposition entre l'Etat et la religion, c'est très clair, très net, il faut garder cela ainsi, c'est très moderne. Aujourd'hui, tous les jeunes qui naissent dans cette société, qui y grandissent, arrivent à faire la séparation entre ce qui relève de Dieu et ce qui relève de l'Etat. Gardons-le comme cela, c'est formidable !
QUESTION : Mais cela ne pose-t-il pas un problème pour la construction de mosquées ? Peut-on s'en sortir, résoudre le problème aujourd'hui, avec la loi de 1905 ?
Azouz BEGAG : Ce qui m'embête, c'est qu'avec cette introduction de l'islam dans le débat public, on veut casser un des socles importants du pacte républicain. Et cela me gêne. J'ai plutôt envie de dire aux musulmans : arrangez-vous entre vous, trouvez des formes d'expression commune, trouvez un langage commun, avant de demander à l'Etat français de venir interférer dans vos affaires. On ne fait cela pour aucune autre religion. Je pense qu'il est très important, très important, de ne pas immiscer la religion islamique dans les fondations de la société française. Il faut donc toujours séparer. C'est pour cela que je préfère parler de l'égalité des chances, je préfère parler des jeunes qui sont dans la galère, de la lutte contre les discriminations, je préfère parler de l'ascenseur social. Que l'on arrête de me parler de l'islam tous les jours ! C'est mon débat.
QUESTION : Sur la "discrimination positive", là aussi - l'idée de favoriser davantage, en fonction de leur origine ethnique, religieuse - c'est une idée de N. Sarkozy.
Azouz BEGAG : Voyez la confusion qui existe chez nos concitoyens, maintenant. On a le sentiment qu'avec la discrimination positive, il s'agit de faire passer les uns avant les autres. Alors, il y a des Français d'ici, des gens qui sont nés là, des gens qui ont leur ascendance ici, et qui se disent "on va faire passer des étrangers, les autres, avant nous", parce qu'ils sont étrangers, parce qu'ils sont les "autres". Moi, je ne veux plus entendre parler de cela. Je veux parler du creuset de la diversité, je veux faire la diversité, je veux faire comprendre aux Français que si on nourrit la diversité, on nourrit la rentabilité sociale et économique. Il ne s'agit pas de remplacer quelqu'un par un autre, il s'agit, dans les entreprises, dans la fonction publique territoriale, dans les administrations, de faire progresser, ensemble, les femmes, les handicapés, les seniors de plus de 50 ans, et les Français "visibles", ceux qui, parce qu'ils sont un peu "bronzés" dans l'espace public, subissent des discriminations. Il faut faire avancer tout cela, cette France de la diversité. Il ne s'agit pas de remplacer les uns par les autres. Donc, pas de discrimination positive, mais des actions positives pour la diversité.
QUESTION : Quand vous voyez N. Sarkozy hier soir, qui est chahuté, des invectives, des jets de projectiles divers, quand il va visiter un quartier difficile à Argenteuil, qu'est-ce que vous en dites-vous ?
Azouz BEGAG : Là, je dis aux jeunes "arrêtez ! C'est la France ! C'est un ministre de la République française". Il y a un minimum de respect à avoir vis-à-vis des représentants de l'autorité française. Par conséquent, Nicolas SARKOZY, comme moi, comme n'importe quel autre ministre, quand on va dans un quartier français, en France, on n'a pas à recevoir des jets, des projectiles, ni des bouteilles. C'est la police qui doit intervenir. Pas de laxisme dans ces cas-là.
QUESTION : J'en viens à votre action. Vous avez un parcours tout à fait particulier puisque vous étiez dans bidonville et que vous êtes devenu sociologue, scénariste, écrivain. Et aujourd'hui donc, ministre. Avez-vous vraiment le sentiment que vous pouvez agir ? N'y a-t-il pas le risque que vous soyez un ministre entre guillemets "gadget", un peu "alibi" ?
Azouz BEGAG : On disait cela aux femmes qui rentraient dans la fonction publique, dans la police nationale il y a 25 ans. On leur disait : "mais vous êtes des "femmes alibis", c'est un métier pour hommes". Aujourd'hui, chaque fois qu'il y a des Français issus de l'immigration qui rentrent dans un Gouvernement - d'ailleurs c'est la première fois dans l'histoire de France qu'un ministre issu de l'immigration maghrébine est invité à participer à un Gouvernement - c'est important. Non, je suis un ministre à part entière, à égalité de chance avec n'importe quel autre ministre. Et c'est vrai que j'ai la liberté de parole, je peux aller où je veux, je peux défendre mon chantier de l'Égalité des chances, je peux défendre mon ascenseur social, partout je peux aller demander à tous les grands patrons, les grandes écoles, les grandes entreprises de faire la diversité. Je suis un homme libre et je suis débordant d'énergie.
QUESTION : Concrètement, comment pouvez-vous agir à partir du moment où vous avez, il faut le dire, peu de moyens financiers, pas de fonctionnaires ? Comment agissez-vous, par exemple, sur l'emploi, sur l'école, dans l'entreprise, toutes ces discriminations qui existent en France ?
Azouz BEGAG : Ouvrir la porte des grandes écoles à tous les enfants méritants des quartiers, à tous les enfants de pauvres. Ouvrir la porte des grandes écoles par le haut. Par le bas, valoriser tous les métiers techniques, tous les savoir-faire techniques. Valoriser les apprentissages ; valoriser, ici, dans les collèges qui ont les plus mauvaises réputations, des savoir-faire. Et là, par exemple, je me suis dit : peut-on, dans une opération "Collèges ciblés", comme je suis en train de la mener avec mon collègue Gilles de ROBIEN, dans les collèges les plus difficiles des quartiers, faire enseigner intensément le chinois, pour que les gamins qui ont 15 ans aujourd'hui, dans ces quartiers, se retrouvent dans dix ans les meilleurs sur le marché du travail, parce qu'ils connaissent la langue chinoise. Voilà le genre d'initiative qui peut faire en sorte que, dans les collèges aujourd'hui répulsifs, des forces d'attraction changent la donne dans ces quartiers difficiles. Et puis, il y a la question du stage qui m'intéresse beaucoup. Dans tous ces quartiers, les enfants de pauvres, parce qu'ils n'ont pas de réseaux, parce qu'ils n'y connaissent pas grand-chose au monde de l'entreprise, ne trouvent pas de stage. Aujourd'hui c'est catastrophique que ces jeunes ratent le premier pas dans l'entreprise parce qu'ils n'ont pas les moyens de trouver des stages. J'ai lancé une opération "Un stage pour tous", qui va faire en sorte que, dans toutes les entreprises de France aujourd'hui, on va être mobilisé pour donner des bons stages aux jeunes les plus défavorisés.
QUESTION : Il vous est arrivé récemment une mésaventure. Vous êtes allé aux Etats-Unis, et vous avez subi une vérification, un interrogatoire approfondi, alors que vous aviez bien un passeport diplomatique...
Azouz BEGAG : C'était il y a une semaine à Atlanta. D'ailleurs, je voudrais rappeler aujourd'hui qu'il y a une dame très importante qui s'appelle Rosa PARKS qui a déclenché le Mouvement des droits civiques de Martin LUTHER KING en 1954, et qui vient de mourir aujourd'hui. Je me suis fait arrêter dans la ville d'Atlanta, c'est vrai, il y a une semaine, par un officier de police de l'immigration qui était un peu zélé, qui ne comprenait pas que, sans doute, quelqu'un, avec "ma gueule", puisse avoir un passeport diplomatique.
QUESTION : Et que vous êtes ministre de la République française.
Azouz BEGAG : Voilà. Depuis le 11 septembre 2001, il y a une crispation aux frontières américaines. Mais je me suis fait refouler, je me suis fait mettre la pression là-bas. Mais en France, cela fait 30 ans que "les gueules" comme moi on a la pression. On subit des discriminations. Il ne faudrait pas que les Français se défaussent sur les Américains, en pensant que c'est seulement là-bas que les ministres se font...
QUESTION : Cela pourrait arriver aussi en France ?
Azouz BEGAG : Cela arrive aussi très souvent en France.
QUESTION : D'un mot. Demain, on va détruire la barre de La Duchère où vous avez passé votre adolescence - je disais tout à l'heure que vous êtes né dans un bidonville. Quel sentiment avez-vous ?
Azouz BEGAG : Dans cet immeuble HLM, nous sommes deux "rescapés" : P. COHEN, qui a fait l'ENA et qui est devenu mon directeur de cabinet adjoint, et moi-même qui suis devenu ministre. Aujourd'hui, nous portons, lui et moi, ce chantier de l'Egalité des chances, la nécessaire énergie à donner aujourd'hui, pour nous en sortir. Je crois que c'est un très beau symbole à donner à la France contemporaine.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 28 octobre 2005)