Texte intégral
Renouvellement de génération, clarifications des règles du jeu, le président de l'UDF veut voir dans les dix-huit prochains mois qui précèdent les élections législatives et présidentielles l'occasion historique de remettre à plat le modèle français de société.
Il dénonce la captation des fruits de la croissance par l'Etat et s'inquiète de la santé de la France
Après plusieurs semaines de bras de fer, un accord semble enfin trouvé sur l'assurance chômage. Est-ce un soulagement ? Quel regard portez-vous sur le bilan de Martine Aubry ?
C'est une personnalité forte, mais je crois que ses choix fondamentaux ne sont pas les bons. Elle a mis en scène son départ avec habileté, pour se placer en recours. Dans son bilan, je fais la différence entre ce qui est de l'ordre de la solidarité, que j'approuve, et ce qui est de l'ordre du dogmatisme, que je combats et dont je n'augure rien de bon. De l'héritage qu'elle laisse, Martine Aubry a encaissé le meilleur, elle a laissé le pire. Partie au bon moment, elle ne sera plus au gouvernement quand on verra les réelles difficultés que suscitent les 35 heures. Et elle a combattu l'accord Unedic dont j'estime qu'il est vraiment un acte historique, fondateur d'une démarche nouvelle.
En quoi est-il historique ?
La sphère sociale affirme son autonomie par rapport à l'étatisme généralisé. En combattant cet accord, Martine Aubry a eu gravement tort.
Au fond, il y a deux visions : la vision d'autrefois, qui considère que la société se résume au dialogue entre l'Etat tout puissant et les individus isolés. Et une vision moderne, nouvelle pour la France, où la société elle-même est vivante et créatrice, donnant leur place et leur légitimité à des partenaires puissants, associations, syndicats, corps intermédiaires, qui font vivre des initiatives infiniment plus riches et novatrices, mieux adaptées aux besoins des salariés et des entreprises que la vision monocolore et uniforme de l'Etat.
C'est cette approche positive et ouverte que nous défendons. Je suis un défenseur de la société cogestionnaire. Cette autonomisation de la société est vraiment un enjeu essentiel pour la France. Pour moi l'acte I d'une " refondation ". Le mot de " refondation " est juste et, pour ma part, je rends hommage à ceux qui ont assumé ce risque et défendu cette nouvelle approche.
Vous faites appel à un renouvellement des générations. Préparez-vous déjà un face-à-face avec Martine Aubry ?
Faisons du mieux possible ce que nous devons faire. Pour le reste, qui vivra verra. Pourquoi craindre ce qui doit arriver ? Ce renouvellement est nécessaire à la société française. Regardez l'âge de Blair, celui d'Aznar ou encore celui des deux candidats à la présidentielle américaine ! Nous sommes le seul pays où l'on prétende organiser les choses de manière telle que le renouvellement nécessaire n'ait pas lieu. Je dis, je maintiens et je répète que la société française, les Français, l'imposeront. Pour ma part, tout mon effort est d'y contribuer.
Les " affaires " ne peuvent-elles pas être le détonateur que vous espériez, pour faire bouger les choses ?
Je ne spécule pas sur les affaires. Je défendais le renouvellement avant le surgissement des affaires et je continuerai à le défendre. Il y a une mue dans le règne animal, il y a une mue dans le règne végétal et il devrait y avoir une mue dans le monde politique qui a été rendue impossible en France depuis longtemps. C'est pour notre pays un point de faiblesse. Il suffit d'avoir le courage de proposer des équipes nouvelles, des approches et des idées neuves. Et les Français les choisiront.
Quel jugement portez-vous sur le projet de loi de finances pour 2001 en discussion à l'Assemblée nationale ?
Ce projet fait de la France la lanterne rouge de l'Europe. Les faiblesses que ce budget affiche sont sans autre exemple parmi les Quinze ! Non seulement le déficit n'est pas réduit, comme chez tous nos partenaires, dont une bonne part sont en équilibre ou en excédent -, mais pour la première fois depuis des années, ce déficit augmente ! Et cela en période de croissance, au moment où on devrait profiter de la prospérité pour faire des économies, rembourser notre dette, et préparer les mutations.
Pourquoi dites-vous que le déficit augmente ? D'où viennent vos calculs ?
Si l'on fait les comptes exactement, ce n'est pas 186 milliards de déficit ce qui serait déjà très excessif dans une période de croissance mais c'est de l'ordre de 210 milliards. Il y a 15 milliards de recettes qui sont des surplus reportés des années précédentes. La Cour des comptes a déjà dénoncé cette manoeuvre. Sans compter au moins 11 milliards d'artifice, de jongleries diverses et variées. Ajoutons que nombre de dépenses certaines ne sont pas financées, les 35 heures dans les hôpitaux ou l'évolution du point de la fonction publique.
D'autre part, l'annuité de la dette recommence à croître pour les raisons de hausse de taux, on se trouve devant cette réalité insensée de voir l'Etat dévorer la croissance. L'an dernier, si l'on escompte que la croissance a été de 3,2%, cela représente quelque chose comme 270 milliards de richesses nouvelles produites. Les prélèvements de l'Etat en ont absorbé 200 milliards. Ce sont les chiffres de la comptabilité publique elle-même. On marche vers des accidents graves.
Vous mettez en doute des hypothèses de croissance du gouvernement pour 2001.
Sur la croissance, un certain nombre de signes et d'indicateurs ne sont pas très encourageants : une perspective d'inflation, un certain fléchissement de la consommation. Plus grave encore, il y a le commerce extérieur français déficitaire pour le deuxième mois de suite, ce qui, vous l'avouerez, est une situation totalement inédite. S'il s'avérait qu'on est dans un début d'affaiblissement de la croissance française, alors on s'apercevrait des années et des chances extraordinaires qui ont été gâchées.
Et quand on voit les chantiers à conduire. Songez par exemple à l'investissement. Les années 90 ont été marquées par le décrochage entre l'investissement américain et le nôtre. Nous payons dans notre activité et donc dans notre monnaie notre faiblesse en matière d'investissement. Il y aura place demain pour une politique tournée vers une nouvelle dynamique de l'offre.
Quelles seraient, selon vous, les principales mesures nécessaires sur le plan fiscal ?
Ce qui me frappe, c'est de voir, en France, à quel point le travail est frappé, grevé de charges. Aussi bien le revenu du travail que la création d'emplois. La grande victime, c'est le travail. Il faut donc une refonte du système des charges sociales, parce qu''il n'est pas normal qu'elles reposent toutes sur le travail . Ainsi il existe une zone d'exclusion de l'emploi créé par le fait que le coût du travail est trop élevé ; tout emploi dégageant une valeur ajoutée supérieure au Smic, mais inférieure au coût du Smic chargé, ne peut pas être créé. Il y a là un gisement de centaines de milliers d'emplois. En même temps, une telle refonte permettrait d'augmenter concrètement et de manière forte le salaire des travailleurs qui sont au Smic et dans la zone au-dessus du Smic, soit six ou sept millions de personnes. Enfin, il s'agira d'une vraie réforme fiscale, audacieuse et lisible.
Pourquoi alors ce silence de l'opposition sur la réalité économique ?
Faisons-la entendre. Mais il ne s'agit pas seulement de la voix de l'opposition. Il s'agit du besoin de vérité de la France toute entière. Ce n'est pas seulement la droite et le centre qui ont besoin de vérité, c'est toute la France, toutes les opinions. De droite et de gauche, les déceptions, les attentes déçues ont besoin qu'on leur propose un nouveau chemin.
C'est un appel au rassemblement, mais y a-t-il une fédération autour de votre nom ?
J'ai du goût pour le rassemblement, c'est vrai. Il faut fédérer des sensibilités diverses, pour leur donner un espoir, et les faire travailler ensemble. C'est ma vocation politique, j'ai toujours fait cela, et je continuerai à le faire. A gauche, est-ce que tout le monde tient le même discours, aligné au cordeau ? Non, il y a des différences de sensibilité. C'est même pourquoi elle a gagné. Et c'est le seul moyen d'ouvrir un chemin au renouvellement.
Vous êtes, en fait, en train de préparer votre programme économique.
Les dix-huit mois à venir vont donner lieu à un débat national intense. Je parle souvent de vision, pour différencier cela d'un programme avec une liste de mesures dont on connaît le sort qui leur est généralement réservé. En matière économique, on voit bien qu'on a besoin d'une clarification sur les handicaps spécifiques à la France, qui sont le poids excessif de la dépense publique, les charges excessives sur le travail, l'incapacité à moderniser les règles Sur tous ces points, économie, mais évidemment Europe, quelle est la perspective française sur l'Europe -, mais évidemment le social, on vient d'en parler avec l'autonomisation de la sphère sociale -, mais aussi les valeurs selon lesquelles la société est organisée et vit, sans parler de la culture, sur tous ces sujets-là, j'attends une clarification. On ne restera pas dans la réédition de ce qu'on vient de vivre. Voici ce que j'appelle le programme de renouvellement de la France. Alors il va falloir beaucoup d'audace, de courage, parce que, naturellement, le monde ancien se défend.
La clarification est-elle possible dans la mesure où les Français ont des demandes totalement contradictoires ?
Ici, intervient le politique. Le politique, le vrai homme politique ou d'Etat, ne reste pas les bras croisés. Autrement, il se nie lui-même. Et il faut lui donner des lignes directrices. Je suis certain qu'on a besoin d'un encadrement sérieux pour l'Education nationale, qu'on a besoin sans doute d'une réflexion sur la santé. Mais, par ailleurs, pour ce que j'appelle l'administration de papier, il faut avoir le courage de proposer des réorganisations. Or ces réorganisations sont possibles parce que 40% de la fonction publique va partir à la retraite dans les dix ans. C'est une fenêtre de tir, comme on dit parfois abusivement, exceptionnelle.
Vous êtes un Européen convaincu. Quelle réflexion vous inspire la baisse de l'euro ?
Tout d'abord, l'absence d'Europe politique qui permettrait d'assumer, en dialogue avec la Banque centrale européenne, un projet qui rassurerait ceux qui s'inquiètent sur l'euro. Il n'y a pas de voix autorisée. Il est inéluctable qu'un jour, dans les domaines où nous avons mis en commun des compétences d'Etat comme la monnaie, il y ait un pouvoir politique démocratique capable d'exister au même niveau que les responsables techniques. Pour moi, il est aveuglant qu'une banque centrale européenne appelle en face d'elle une voix politique capable de s'exprimer au même niveau. C'est inéluctable aussi d'aller vers des harmonisations fiscales. Et les politiques auront beau dire non, de toute façon, cela s'imposera !
Propos recueillis par Hedwige Chevrillon et Ivan Best
(Source http://www.udf.org, le 20 octobre 2000)
Il dénonce la captation des fruits de la croissance par l'Etat et s'inquiète de la santé de la France
Après plusieurs semaines de bras de fer, un accord semble enfin trouvé sur l'assurance chômage. Est-ce un soulagement ? Quel regard portez-vous sur le bilan de Martine Aubry ?
C'est une personnalité forte, mais je crois que ses choix fondamentaux ne sont pas les bons. Elle a mis en scène son départ avec habileté, pour se placer en recours. Dans son bilan, je fais la différence entre ce qui est de l'ordre de la solidarité, que j'approuve, et ce qui est de l'ordre du dogmatisme, que je combats et dont je n'augure rien de bon. De l'héritage qu'elle laisse, Martine Aubry a encaissé le meilleur, elle a laissé le pire. Partie au bon moment, elle ne sera plus au gouvernement quand on verra les réelles difficultés que suscitent les 35 heures. Et elle a combattu l'accord Unedic dont j'estime qu'il est vraiment un acte historique, fondateur d'une démarche nouvelle.
En quoi est-il historique ?
La sphère sociale affirme son autonomie par rapport à l'étatisme généralisé. En combattant cet accord, Martine Aubry a eu gravement tort.
Au fond, il y a deux visions : la vision d'autrefois, qui considère que la société se résume au dialogue entre l'Etat tout puissant et les individus isolés. Et une vision moderne, nouvelle pour la France, où la société elle-même est vivante et créatrice, donnant leur place et leur légitimité à des partenaires puissants, associations, syndicats, corps intermédiaires, qui font vivre des initiatives infiniment plus riches et novatrices, mieux adaptées aux besoins des salariés et des entreprises que la vision monocolore et uniforme de l'Etat.
C'est cette approche positive et ouverte que nous défendons. Je suis un défenseur de la société cogestionnaire. Cette autonomisation de la société est vraiment un enjeu essentiel pour la France. Pour moi l'acte I d'une " refondation ". Le mot de " refondation " est juste et, pour ma part, je rends hommage à ceux qui ont assumé ce risque et défendu cette nouvelle approche.
Vous faites appel à un renouvellement des générations. Préparez-vous déjà un face-à-face avec Martine Aubry ?
Faisons du mieux possible ce que nous devons faire. Pour le reste, qui vivra verra. Pourquoi craindre ce qui doit arriver ? Ce renouvellement est nécessaire à la société française. Regardez l'âge de Blair, celui d'Aznar ou encore celui des deux candidats à la présidentielle américaine ! Nous sommes le seul pays où l'on prétende organiser les choses de manière telle que le renouvellement nécessaire n'ait pas lieu. Je dis, je maintiens et je répète que la société française, les Français, l'imposeront. Pour ma part, tout mon effort est d'y contribuer.
Les " affaires " ne peuvent-elles pas être le détonateur que vous espériez, pour faire bouger les choses ?
Je ne spécule pas sur les affaires. Je défendais le renouvellement avant le surgissement des affaires et je continuerai à le défendre. Il y a une mue dans le règne animal, il y a une mue dans le règne végétal et il devrait y avoir une mue dans le monde politique qui a été rendue impossible en France depuis longtemps. C'est pour notre pays un point de faiblesse. Il suffit d'avoir le courage de proposer des équipes nouvelles, des approches et des idées neuves. Et les Français les choisiront.
Quel jugement portez-vous sur le projet de loi de finances pour 2001 en discussion à l'Assemblée nationale ?
Ce projet fait de la France la lanterne rouge de l'Europe. Les faiblesses que ce budget affiche sont sans autre exemple parmi les Quinze ! Non seulement le déficit n'est pas réduit, comme chez tous nos partenaires, dont une bonne part sont en équilibre ou en excédent -, mais pour la première fois depuis des années, ce déficit augmente ! Et cela en période de croissance, au moment où on devrait profiter de la prospérité pour faire des économies, rembourser notre dette, et préparer les mutations.
Pourquoi dites-vous que le déficit augmente ? D'où viennent vos calculs ?
Si l'on fait les comptes exactement, ce n'est pas 186 milliards de déficit ce qui serait déjà très excessif dans une période de croissance mais c'est de l'ordre de 210 milliards. Il y a 15 milliards de recettes qui sont des surplus reportés des années précédentes. La Cour des comptes a déjà dénoncé cette manoeuvre. Sans compter au moins 11 milliards d'artifice, de jongleries diverses et variées. Ajoutons que nombre de dépenses certaines ne sont pas financées, les 35 heures dans les hôpitaux ou l'évolution du point de la fonction publique.
D'autre part, l'annuité de la dette recommence à croître pour les raisons de hausse de taux, on se trouve devant cette réalité insensée de voir l'Etat dévorer la croissance. L'an dernier, si l'on escompte que la croissance a été de 3,2%, cela représente quelque chose comme 270 milliards de richesses nouvelles produites. Les prélèvements de l'Etat en ont absorbé 200 milliards. Ce sont les chiffres de la comptabilité publique elle-même. On marche vers des accidents graves.
Vous mettez en doute des hypothèses de croissance du gouvernement pour 2001.
Sur la croissance, un certain nombre de signes et d'indicateurs ne sont pas très encourageants : une perspective d'inflation, un certain fléchissement de la consommation. Plus grave encore, il y a le commerce extérieur français déficitaire pour le deuxième mois de suite, ce qui, vous l'avouerez, est une situation totalement inédite. S'il s'avérait qu'on est dans un début d'affaiblissement de la croissance française, alors on s'apercevrait des années et des chances extraordinaires qui ont été gâchées.
Et quand on voit les chantiers à conduire. Songez par exemple à l'investissement. Les années 90 ont été marquées par le décrochage entre l'investissement américain et le nôtre. Nous payons dans notre activité et donc dans notre monnaie notre faiblesse en matière d'investissement. Il y aura place demain pour une politique tournée vers une nouvelle dynamique de l'offre.
Quelles seraient, selon vous, les principales mesures nécessaires sur le plan fiscal ?
Ce qui me frappe, c'est de voir, en France, à quel point le travail est frappé, grevé de charges. Aussi bien le revenu du travail que la création d'emplois. La grande victime, c'est le travail. Il faut donc une refonte du système des charges sociales, parce qu''il n'est pas normal qu'elles reposent toutes sur le travail . Ainsi il existe une zone d'exclusion de l'emploi créé par le fait que le coût du travail est trop élevé ; tout emploi dégageant une valeur ajoutée supérieure au Smic, mais inférieure au coût du Smic chargé, ne peut pas être créé. Il y a là un gisement de centaines de milliers d'emplois. En même temps, une telle refonte permettrait d'augmenter concrètement et de manière forte le salaire des travailleurs qui sont au Smic et dans la zone au-dessus du Smic, soit six ou sept millions de personnes. Enfin, il s'agira d'une vraie réforme fiscale, audacieuse et lisible.
Pourquoi alors ce silence de l'opposition sur la réalité économique ?
Faisons-la entendre. Mais il ne s'agit pas seulement de la voix de l'opposition. Il s'agit du besoin de vérité de la France toute entière. Ce n'est pas seulement la droite et le centre qui ont besoin de vérité, c'est toute la France, toutes les opinions. De droite et de gauche, les déceptions, les attentes déçues ont besoin qu'on leur propose un nouveau chemin.
C'est un appel au rassemblement, mais y a-t-il une fédération autour de votre nom ?
J'ai du goût pour le rassemblement, c'est vrai. Il faut fédérer des sensibilités diverses, pour leur donner un espoir, et les faire travailler ensemble. C'est ma vocation politique, j'ai toujours fait cela, et je continuerai à le faire. A gauche, est-ce que tout le monde tient le même discours, aligné au cordeau ? Non, il y a des différences de sensibilité. C'est même pourquoi elle a gagné. Et c'est le seul moyen d'ouvrir un chemin au renouvellement.
Vous êtes, en fait, en train de préparer votre programme économique.
Les dix-huit mois à venir vont donner lieu à un débat national intense. Je parle souvent de vision, pour différencier cela d'un programme avec une liste de mesures dont on connaît le sort qui leur est généralement réservé. En matière économique, on voit bien qu'on a besoin d'une clarification sur les handicaps spécifiques à la France, qui sont le poids excessif de la dépense publique, les charges excessives sur le travail, l'incapacité à moderniser les règles Sur tous ces points, économie, mais évidemment Europe, quelle est la perspective française sur l'Europe -, mais évidemment le social, on vient d'en parler avec l'autonomisation de la sphère sociale -, mais aussi les valeurs selon lesquelles la société est organisée et vit, sans parler de la culture, sur tous ces sujets-là, j'attends une clarification. On ne restera pas dans la réédition de ce qu'on vient de vivre. Voici ce que j'appelle le programme de renouvellement de la France. Alors il va falloir beaucoup d'audace, de courage, parce que, naturellement, le monde ancien se défend.
La clarification est-elle possible dans la mesure où les Français ont des demandes totalement contradictoires ?
Ici, intervient le politique. Le politique, le vrai homme politique ou d'Etat, ne reste pas les bras croisés. Autrement, il se nie lui-même. Et il faut lui donner des lignes directrices. Je suis certain qu'on a besoin d'un encadrement sérieux pour l'Education nationale, qu'on a besoin sans doute d'une réflexion sur la santé. Mais, par ailleurs, pour ce que j'appelle l'administration de papier, il faut avoir le courage de proposer des réorganisations. Or ces réorganisations sont possibles parce que 40% de la fonction publique va partir à la retraite dans les dix ans. C'est une fenêtre de tir, comme on dit parfois abusivement, exceptionnelle.
Vous êtes un Européen convaincu. Quelle réflexion vous inspire la baisse de l'euro ?
Tout d'abord, l'absence d'Europe politique qui permettrait d'assumer, en dialogue avec la Banque centrale européenne, un projet qui rassurerait ceux qui s'inquiètent sur l'euro. Il n'y a pas de voix autorisée. Il est inéluctable qu'un jour, dans les domaines où nous avons mis en commun des compétences d'Etat comme la monnaie, il y ait un pouvoir politique démocratique capable d'exister au même niveau que les responsables techniques. Pour moi, il est aveuglant qu'une banque centrale européenne appelle en face d'elle une voix politique capable de s'exprimer au même niveau. C'est inéluctable aussi d'aller vers des harmonisations fiscales. Et les politiques auront beau dire non, de toute façon, cela s'imposera !
Propos recueillis par Hedwige Chevrillon et Ivan Best
(Source http://www.udf.org, le 20 octobre 2000)