Texte intégral
Monsieur le Directeur général,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureuse d'ouvrir devant vous ces Journées annuelles de la coopération internationale française. Pour vous, il s'agit désormais d'un rendez-vous régulier au cours duquel vous avez pour habitude d'échanger sur ce qui fait l'actualité de notre politique de coopération. Pour moi, mais aussi pour mes collègues Philippe Douste-Blazy et Catherine Colonna, il s'agit en revanche d'une première depuis nos prises de fonction à la tête de nos ministères. Je me réjouis donc de cette prise de contact avec vous, et plus encore de l'occasion qui m'est ainsi donnée de vous faire part de mes premières orientations dans les différents domaines d'attributions qui viennent de m'être confiés.
Le ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, vous rejoindra demain. Il vous indiquera comment les domaines de l'aide au développement et de la diplomatie culturelle et scientifique s'intègrent à notre politique extérieure.
Je cèderai dans un moment la parole à Catherine Colonna qui vous livrera son approche européenne des questions de coopération. Puis nous ouvrirons un débat que je souhaite le plus ouvert possible, en commençant précisément par les questions européennes, pour permettre à Catherine Colonna de nous quitter vers 10h15.
Voyez dans cette implication personnelle de vos trois ministres de tutelle, et au-delà dans la participation à vos travaux de Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la Culture et de la Communication, et de François Goulard, ministre délégué à l'Enseignement supérieur et à la Recherche, la volonté collective de ce gouvernement de vous témoigner de son estime, mais aussi de vous exprimer certaines attentes.
En guise de préambule, je souhaite pour ma part vous dire l'honneur que je ressens à avoir reçu du président de la République et du Premier ministre la mission de piloter notre politique de coopération, de développement et de francophonie. Je connais la valeur des agents qui sont chargés de la mettre en oeuvre : vous en êtes l'âme, et si j'attends de vous que vous vous adaptiez aux défis d'un monde multipolaire, vous pouvez aussi compter sur moi pour vous soutenir.
Aujourd'hui, je souhaite mettre en avant deux priorités, et vous délivrer trois messages à caractère plus opérationnels.
Pour ce qui est d'abord des priorités, je veux évoquer devant vous deux dimensions essentielles de notre action : le développement, d'une part, et la promotion de la langue et des valeurs françaises, d'autre part.
L'aide au développement, vous le savez, est une priorité du président de la République. C'est l'un des grands défis de notre temps, et si ce sujet est aujourd'hui au coeur de l'actualité, entre le récent G8 de Gleneagles et le prochain sommet des chefs d'Etat en septembre à New York, il nécessite malgré tout une mobilisation quotidienne de chacun de nous.
Ceux d'entre vous qui sont affectés dans des pays développés ou émergents pourraient en effet être tentés de considérer qu'il s'agit d'un sujet secondaire. Je voudrais donc leur dire qu'il n'en est rien. Nous comptons bien au contraire sur l'action diplomatique de tous, pour convaincre nos partenaires de la pertinence de la vision française du développement, étroitement intégrée à l'action culturelle.
Car la promotion de la langue et des valeurs françaises constitue une autre de mes priorités, notamment parce qu'il nous faut expliquer au contribuable français pourquoi il doit consacrer plus de deux milliards d'euros par an à nos actions :
L'espace de la francophonie peut nous y aider. Il réunit des peuples très différents par leur niveau de développement ou leur religion, et il constitue un des espaces privilégiés dans lesquels le dialogue des cultures, mais aussi le dialogue Nord-Sud, peuvent être approfondis. Nous devons donc consolider cet espace de solidarité.
Mais, en parallèle, nous devons rester attentifs à d'autres espaces dans lesquels se jouera pour la France la question de son influence dans les prochaines décennies : je pense à l'Union européenne ainsi qu'aux grands pays émergents comme la Chine ou le Brésil, qui sont appelés à jouer un rôle grandissant dans la vie internationale ; je pense aussi au Moyen-Orient, dont la position au coeur des tensions internationales rend indispensable un dialogue culturel approfondi.
Dans ce contexte, je souhaite vous délivrer trois messages.
Le premier de ces messages est que les objectifs qui sont assignés à la coopération internationale sont clairs - je serais même tentée de dire enfin clairs. Ce sont des objectifs ambitieux, qui doivent tous nous mobiliser.
En matière de développement, notre feuille de route a été clairement établie par le chef de l'Etat. Il s'agit d'adhérer au consensus international que constituent depuis 2000 les Objectifs du Millénaire pour le développement. C'est le seul moyen de progresser par un effort collectif de tous les pays, du Nord comme du Sud. Je compte sur vous pour que ces objectifs de résultat soient bien intégrés à votre action quotidienne sur le terrain.
Cette adhésion aux Objectifs du Millénaire impose de répondre à la demande que nous adressent les pays du Sud d'augmenter l'aide française. Vous le savez, nous nous sommes résolument engagés dans cette voie. La France demeure ainsi le plus généreux donateur du G7. Elle a en outre décidé d'augmenter le volume de son aide publique au développement et de la porter à 0,5 % de son revenu national brut en 2007, et 0,7 % en 2012.
Je sais que beaucoup d'entre vous ont le sentiment que cette augmentation de notre aide ne s'est pas suffisamment traduite dans nos actions bilatérales, et je reconnais bien volontiers que depuis quelques années la majeure partie de nos efforts budgétaires a été orientée vers des actions multilatérales, qu'il s'agisse du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ou du Fonds européen de développement. Sachez donc que j'entends me battre pour redonner à notre action bilatérale les moyens qu'elle mérite, et ce en dépit de contraintes budgétaires fortes, dont je mesure pleinement l'impact grandissant sur nos marges de manuvre.
En matière d'échanges culturels et scientifiques internationaux, les grands objectifs à la réalisation desquels nous devons ensemble concourir sont aussi clairement définis :
- il s'agit de renforcer l'attractivité de notre territoire pour les chercheurs et les étudiants ;
- de promouvoir, en nous appuyant sur nos grands opérateurs audiovisuels, la place de notre pays dans le paysage audiovisuel mondial ;
- d'appuyer le rayonnement de notre langue ;
- de soutenir la diffusion de nos produits culturels ;
- mais aussi de faire adopter une convention internationale sur la diversité culturelle.
Sur tous ces sujets, je sais pouvoir compter sur le potentiel formidable que représentent la Direction générale de la Coopération internationale et du Développement (DGCID) et son réseau à l'étranger.
Le deuxième message que je souhaite vous adresser est que notre réseau de coopération et d'action culturelle constitue pour le gouvernement un instrument précieux pour promouvoir à l'étranger les intérêts et les valeurs de notre pays.
Les sujets sur lesquels vous travaillez sont en effet placés au premier rang des préoccupations de la communauté internationale, au premier rang également de l'actualité.
La solidarité internationale, en particulier avec l'Afrique, se trouve ainsi au coeur de l'agenda des institutions multilatérales, pour lesquelles l'année 2005 est l'"année du développement".
Les idées françaises, plus que jamais, créent l'initiative et alimentent les débats. Je l'ai constaté moi-même aux Nations unies fin juin, et vous avez tous pu le relever au cours du sommet de Gleneagles : partout, les idées françaises sont au coeur des discussions. Nous avons, dans ces domaines, un rôle d'impulsion vis-à-vis du reste de la communauté internationale, et je voudrais isoler trois sujets pour illustrer cet allant de la politique française de coopération :
- d'abord la priorité donnée à l'Afrique, seul continent qui n'atteindra pas les Objectifs du Millénaire en 2015 selon les tendances actuelles : depuis plusieurs années déjà, notre pays milite en ce sens, il nous faut donc nous réjouir de voir le Royaume-Uni nous rejoindre dans ce combat, en en faisant l'une des deux priorités de sa présidence du G8 ;
- ensuite, la recherche de financements innovants pour le développement : nous souhaitons ainsi que soit instaurée avant la fin de l'année une contribution de solidarité internationale sur les billets d'avion. Sur ce sujet également, le partenariat franco-britannique a joué à plein, et l'idée fait son chemin, ralliant progressivement à elle un nombre croissant de pays, issus de tous les continents ;
- enfin, la promotion d'une gestion ordonnée de la mondialisation : c'est dans ce cadre que s'inscrit la proposition française de création d'une Organisation des Nations unies pour l'Environnement ; or, cette proposition est désormais celle des 25 pays de l'Union européenne, et je sais qu'elle sera efficacement soutenue par le pays qui vient de prendre la présidence de l'Union.
En matière culturelle, il nous appartient également de défendre notre vision du monde. Ainsi, grâce à l'action de la France et de ses partenaires, notamment les pays de la Francophonie, le thème de la diversité culturelle est désormais très présent sur la scène internationale. Il trouve un large écho auprès d'opinions publiques inquiètes des risques d'uniformisation et de standardisation, résultats d'une mondialisation qui serait mal maîtrisée.
Reste à donner à cette notion de diversité culturelle un contenu concret, et des outils adéquats pour sa mise en oeuvre. C'est ce à quoi je souhaite que nous nous employions : la convention sur la diversité culturelle est une première réponse opérationnelle. Les négociations commerciales qui reprendront en décembre à Hong Kong en constituent un autre élément important. Nous espérons tous que l'UNESCO adoptera à l'automne la convention qui est en cours de négociation, et dans une forme qui garantisse son insertion dans l'ordre juridique international.
Enfin, mon troisième et dernier message est celui de l'exigence croissante d'efficacité qui s'impose à nous. Pour cela, il nous faut continuer à nous moderniser.
Le 1er janvier prochain, vous le savez, la Loi organique relative aux Lois de Finances (LOLF), entrera en vigueur. Ce sera pour notre ministère une évolution importante. Nous devrons en effet passer d'une logique de moyens à une logique de résultats. Chaque dépense devra pouvoir se justifier au premier euro, et des objectifs de résultat nous seront, vous seront fixés, qui seront mesurés par des indicateurs quantifiés. Le contrôle de gestion et l'évaluation seront donc primordiaux, et le pilotage politique retrouvera toute sa primauté sur la simple gestion administrative.
Dans ce cadre, nous devrons renforcer la cohérence de notre dispositif institutionnel en matière de coopération et de développement.
S'agissant de l'aide au développement, il importe de mener à bien la réforme décidée par le Comité interministériel pour la Coopération internationale et du Développement (CICID) de juillet 2004. Le ministre chargé de la coopération est désormais le chef de file interministériel sur ces questions, tandis que les rôles des divers acteurs publics ont été clarifiés. Notre ministère doit donc renforcer sa fonction de pilotage stratégique, et sa capacité à exercer sa tutelle sur les opérateurs. En contrepartie, il transfère à l'Agence française de Développement (AFD) la mise en oeuvre sur le terrain de notre coopération dans les sept secteurs prioritaires identifiés pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement. Il appartient en conséquence aux chefs des services de Coopération et d'Action culturelle (SCAC) de veiller personnellement à ce que cette réforme soit mise en place résolument. Ceci suppose de se mettre en ordre de bataille pour assurer le pilotage stratégique, et j'insiste au passage sur l'importance que j'attache aux documents-cadres de partenariat : il doit s'agir pour vous d'un véritable outil de pilotage et de programmation, en veillant à ne pas maintenir de doublon entre les actions de notre réseau et celles de l'AFD. Je sais que vous travaillez tous pour que cette réforme se passe au mieux. Je vous en remercie. Ce qui est en jeu, ne l'oublions pas, c'est la cohérence et donc l'efficacité de l'action extérieure de la France.
En matière d'action culturelle, les mêmes contraintes issues de la LOLF vont s'appliquer. Bien entendu, les mêmes causes ne produisent pas toujours les mêmes effets, mais la question de la cohérence de notre dispositif doit être, je le pense, examinée de façon encore plus attentive, et je serais très heureuse de recevoir vos suggestions en ce domaine.
Il nous faut en particulier adapter la carte et la configuration du réseau des services de coopération et d'établissements culturels à l'étranger. Ce réseau doit évoluer en fonction des missions qui lui sont confiées, des priorités géographiques comme des priorités sectorielles de la politique étrangère française. Ainsi, de même que les SCAC de la Zone de solidarité prioritaire (ZAP) doivent être reconfigurés pour tenir compte de l'évolution des relations entre le ministère et l'AFD, le réseau culturel doit s'étendre dans les pays à fort enjeu pour la France - j'ai à l'esprit les ouvertures de centres en Chine - mais aussi dans les pays avec lesquels nous normalisons nos relations (Afghanistan, Algérie...) ; à l'inverse, il doit pouvoir être réduit, de manière maîtrisée, là où les échanges culturels avec notre pays sont denses et spontanés, là où par conséquent l'accompagnement par l'État est moins prioritaire. Mais que l'on ne se méprenne pas sur le sens de mon message : il ne saurait être question de baisser la garde, sous prétexte d'aménager notre réseau ; c'est au contraire parce que nous avons une grande ambition pour ce réseau, que nous devons le faire évoluer. Il s'agit bien d'améliorer notre force de frappe, pour mieux la préserver.
Pour cela, nos interventions doivent aussi mieux s'intégrer au cadre d'action de l'Union européenne et des organisations multilatérales. Pour être efficaces et légitimes, nous ne devons pas agir seuls, mais avec d'autres, notamment dans le cadre de la politique européenne de solidarité internationale. Dans vos pays de résidence, vous devez veiller à articuler très en amont votre action avec celles de la Commission européenne et de nos partenaires. Vous devez avoir le réflexe européen, le réflexe multilatéral. La DGCID a élaboré des plans d'actions pour renforcer la dimension européenne de la coopération internationale française. Ils seront présentés au cours de ces Journées. Je souhaite qu'ils soient rapidement mis en uvre.
Il vous faut aussi profiter davantage des Technologies de l'Information et de la Communication. Par exemple, vous pouvez vous procurer très rapidement un film français auprès de l'administration centrale par Internet (film pour lequel bien entendu les droits auront été acquittés). Vous pouvez créer, toujours sur Internet, un portail sur le débat d'idées en France.
Pour conclure, je souhaite vous renouveler toute mon attention personnelle : je mesure parfaitement l'importance et la difficulté de vos missions. Soyez certains que je serai à l'écoute de vos préoccupations, de vos interrogations. Je pense bien sûr à vos conditions de travail et de séjour dans un certain nombre de pays. Je pense aussi aux moyens qui sont alloués à vos actions et qu'il faut défendre dans les arbitrages budgétaires. Je pense enfin aux méthodes de travail et aux procédures, parfois nouvelles, auxquelles vous avez à vous adapter.
Sur tous les aspects évoqués devant vous aujourd'hui, j'attends de vous des résultats, que cela soit clairement établi entre nous. Sachez en retour que vous pouvez compter sur moi pour soutenir vos actions, et pour faire valoir au sein du gouvernement l'utilité et la formidable valeur ajoutée qu'apporte notre réseau de coopération et d'action culturelle à nos relations extérieures.
Je vous remercie
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 juillet 2005)
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureuse d'ouvrir devant vous ces Journées annuelles de la coopération internationale française. Pour vous, il s'agit désormais d'un rendez-vous régulier au cours duquel vous avez pour habitude d'échanger sur ce qui fait l'actualité de notre politique de coopération. Pour moi, mais aussi pour mes collègues Philippe Douste-Blazy et Catherine Colonna, il s'agit en revanche d'une première depuis nos prises de fonction à la tête de nos ministères. Je me réjouis donc de cette prise de contact avec vous, et plus encore de l'occasion qui m'est ainsi donnée de vous faire part de mes premières orientations dans les différents domaines d'attributions qui viennent de m'être confiés.
Le ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, vous rejoindra demain. Il vous indiquera comment les domaines de l'aide au développement et de la diplomatie culturelle et scientifique s'intègrent à notre politique extérieure.
Je cèderai dans un moment la parole à Catherine Colonna qui vous livrera son approche européenne des questions de coopération. Puis nous ouvrirons un débat que je souhaite le plus ouvert possible, en commençant précisément par les questions européennes, pour permettre à Catherine Colonna de nous quitter vers 10h15.
Voyez dans cette implication personnelle de vos trois ministres de tutelle, et au-delà dans la participation à vos travaux de Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la Culture et de la Communication, et de François Goulard, ministre délégué à l'Enseignement supérieur et à la Recherche, la volonté collective de ce gouvernement de vous témoigner de son estime, mais aussi de vous exprimer certaines attentes.
En guise de préambule, je souhaite pour ma part vous dire l'honneur que je ressens à avoir reçu du président de la République et du Premier ministre la mission de piloter notre politique de coopération, de développement et de francophonie. Je connais la valeur des agents qui sont chargés de la mettre en oeuvre : vous en êtes l'âme, et si j'attends de vous que vous vous adaptiez aux défis d'un monde multipolaire, vous pouvez aussi compter sur moi pour vous soutenir.
Aujourd'hui, je souhaite mettre en avant deux priorités, et vous délivrer trois messages à caractère plus opérationnels.
Pour ce qui est d'abord des priorités, je veux évoquer devant vous deux dimensions essentielles de notre action : le développement, d'une part, et la promotion de la langue et des valeurs françaises, d'autre part.
L'aide au développement, vous le savez, est une priorité du président de la République. C'est l'un des grands défis de notre temps, et si ce sujet est aujourd'hui au coeur de l'actualité, entre le récent G8 de Gleneagles et le prochain sommet des chefs d'Etat en septembre à New York, il nécessite malgré tout une mobilisation quotidienne de chacun de nous.
Ceux d'entre vous qui sont affectés dans des pays développés ou émergents pourraient en effet être tentés de considérer qu'il s'agit d'un sujet secondaire. Je voudrais donc leur dire qu'il n'en est rien. Nous comptons bien au contraire sur l'action diplomatique de tous, pour convaincre nos partenaires de la pertinence de la vision française du développement, étroitement intégrée à l'action culturelle.
Car la promotion de la langue et des valeurs françaises constitue une autre de mes priorités, notamment parce qu'il nous faut expliquer au contribuable français pourquoi il doit consacrer plus de deux milliards d'euros par an à nos actions :
L'espace de la francophonie peut nous y aider. Il réunit des peuples très différents par leur niveau de développement ou leur religion, et il constitue un des espaces privilégiés dans lesquels le dialogue des cultures, mais aussi le dialogue Nord-Sud, peuvent être approfondis. Nous devons donc consolider cet espace de solidarité.
Mais, en parallèle, nous devons rester attentifs à d'autres espaces dans lesquels se jouera pour la France la question de son influence dans les prochaines décennies : je pense à l'Union européenne ainsi qu'aux grands pays émergents comme la Chine ou le Brésil, qui sont appelés à jouer un rôle grandissant dans la vie internationale ; je pense aussi au Moyen-Orient, dont la position au coeur des tensions internationales rend indispensable un dialogue culturel approfondi.
Dans ce contexte, je souhaite vous délivrer trois messages.
Le premier de ces messages est que les objectifs qui sont assignés à la coopération internationale sont clairs - je serais même tentée de dire enfin clairs. Ce sont des objectifs ambitieux, qui doivent tous nous mobiliser.
En matière de développement, notre feuille de route a été clairement établie par le chef de l'Etat. Il s'agit d'adhérer au consensus international que constituent depuis 2000 les Objectifs du Millénaire pour le développement. C'est le seul moyen de progresser par un effort collectif de tous les pays, du Nord comme du Sud. Je compte sur vous pour que ces objectifs de résultat soient bien intégrés à votre action quotidienne sur le terrain.
Cette adhésion aux Objectifs du Millénaire impose de répondre à la demande que nous adressent les pays du Sud d'augmenter l'aide française. Vous le savez, nous nous sommes résolument engagés dans cette voie. La France demeure ainsi le plus généreux donateur du G7. Elle a en outre décidé d'augmenter le volume de son aide publique au développement et de la porter à 0,5 % de son revenu national brut en 2007, et 0,7 % en 2012.
Je sais que beaucoup d'entre vous ont le sentiment que cette augmentation de notre aide ne s'est pas suffisamment traduite dans nos actions bilatérales, et je reconnais bien volontiers que depuis quelques années la majeure partie de nos efforts budgétaires a été orientée vers des actions multilatérales, qu'il s'agisse du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ou du Fonds européen de développement. Sachez donc que j'entends me battre pour redonner à notre action bilatérale les moyens qu'elle mérite, et ce en dépit de contraintes budgétaires fortes, dont je mesure pleinement l'impact grandissant sur nos marges de manuvre.
En matière d'échanges culturels et scientifiques internationaux, les grands objectifs à la réalisation desquels nous devons ensemble concourir sont aussi clairement définis :
- il s'agit de renforcer l'attractivité de notre territoire pour les chercheurs et les étudiants ;
- de promouvoir, en nous appuyant sur nos grands opérateurs audiovisuels, la place de notre pays dans le paysage audiovisuel mondial ;
- d'appuyer le rayonnement de notre langue ;
- de soutenir la diffusion de nos produits culturels ;
- mais aussi de faire adopter une convention internationale sur la diversité culturelle.
Sur tous ces sujets, je sais pouvoir compter sur le potentiel formidable que représentent la Direction générale de la Coopération internationale et du Développement (DGCID) et son réseau à l'étranger.
Le deuxième message que je souhaite vous adresser est que notre réseau de coopération et d'action culturelle constitue pour le gouvernement un instrument précieux pour promouvoir à l'étranger les intérêts et les valeurs de notre pays.
Les sujets sur lesquels vous travaillez sont en effet placés au premier rang des préoccupations de la communauté internationale, au premier rang également de l'actualité.
La solidarité internationale, en particulier avec l'Afrique, se trouve ainsi au coeur de l'agenda des institutions multilatérales, pour lesquelles l'année 2005 est l'"année du développement".
Les idées françaises, plus que jamais, créent l'initiative et alimentent les débats. Je l'ai constaté moi-même aux Nations unies fin juin, et vous avez tous pu le relever au cours du sommet de Gleneagles : partout, les idées françaises sont au coeur des discussions. Nous avons, dans ces domaines, un rôle d'impulsion vis-à-vis du reste de la communauté internationale, et je voudrais isoler trois sujets pour illustrer cet allant de la politique française de coopération :
- d'abord la priorité donnée à l'Afrique, seul continent qui n'atteindra pas les Objectifs du Millénaire en 2015 selon les tendances actuelles : depuis plusieurs années déjà, notre pays milite en ce sens, il nous faut donc nous réjouir de voir le Royaume-Uni nous rejoindre dans ce combat, en en faisant l'une des deux priorités de sa présidence du G8 ;
- ensuite, la recherche de financements innovants pour le développement : nous souhaitons ainsi que soit instaurée avant la fin de l'année une contribution de solidarité internationale sur les billets d'avion. Sur ce sujet également, le partenariat franco-britannique a joué à plein, et l'idée fait son chemin, ralliant progressivement à elle un nombre croissant de pays, issus de tous les continents ;
- enfin, la promotion d'une gestion ordonnée de la mondialisation : c'est dans ce cadre que s'inscrit la proposition française de création d'une Organisation des Nations unies pour l'Environnement ; or, cette proposition est désormais celle des 25 pays de l'Union européenne, et je sais qu'elle sera efficacement soutenue par le pays qui vient de prendre la présidence de l'Union.
En matière culturelle, il nous appartient également de défendre notre vision du monde. Ainsi, grâce à l'action de la France et de ses partenaires, notamment les pays de la Francophonie, le thème de la diversité culturelle est désormais très présent sur la scène internationale. Il trouve un large écho auprès d'opinions publiques inquiètes des risques d'uniformisation et de standardisation, résultats d'une mondialisation qui serait mal maîtrisée.
Reste à donner à cette notion de diversité culturelle un contenu concret, et des outils adéquats pour sa mise en oeuvre. C'est ce à quoi je souhaite que nous nous employions : la convention sur la diversité culturelle est une première réponse opérationnelle. Les négociations commerciales qui reprendront en décembre à Hong Kong en constituent un autre élément important. Nous espérons tous que l'UNESCO adoptera à l'automne la convention qui est en cours de négociation, et dans une forme qui garantisse son insertion dans l'ordre juridique international.
Enfin, mon troisième et dernier message est celui de l'exigence croissante d'efficacité qui s'impose à nous. Pour cela, il nous faut continuer à nous moderniser.
Le 1er janvier prochain, vous le savez, la Loi organique relative aux Lois de Finances (LOLF), entrera en vigueur. Ce sera pour notre ministère une évolution importante. Nous devrons en effet passer d'une logique de moyens à une logique de résultats. Chaque dépense devra pouvoir se justifier au premier euro, et des objectifs de résultat nous seront, vous seront fixés, qui seront mesurés par des indicateurs quantifiés. Le contrôle de gestion et l'évaluation seront donc primordiaux, et le pilotage politique retrouvera toute sa primauté sur la simple gestion administrative.
Dans ce cadre, nous devrons renforcer la cohérence de notre dispositif institutionnel en matière de coopération et de développement.
S'agissant de l'aide au développement, il importe de mener à bien la réforme décidée par le Comité interministériel pour la Coopération internationale et du Développement (CICID) de juillet 2004. Le ministre chargé de la coopération est désormais le chef de file interministériel sur ces questions, tandis que les rôles des divers acteurs publics ont été clarifiés. Notre ministère doit donc renforcer sa fonction de pilotage stratégique, et sa capacité à exercer sa tutelle sur les opérateurs. En contrepartie, il transfère à l'Agence française de Développement (AFD) la mise en oeuvre sur le terrain de notre coopération dans les sept secteurs prioritaires identifiés pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement. Il appartient en conséquence aux chefs des services de Coopération et d'Action culturelle (SCAC) de veiller personnellement à ce que cette réforme soit mise en place résolument. Ceci suppose de se mettre en ordre de bataille pour assurer le pilotage stratégique, et j'insiste au passage sur l'importance que j'attache aux documents-cadres de partenariat : il doit s'agir pour vous d'un véritable outil de pilotage et de programmation, en veillant à ne pas maintenir de doublon entre les actions de notre réseau et celles de l'AFD. Je sais que vous travaillez tous pour que cette réforme se passe au mieux. Je vous en remercie. Ce qui est en jeu, ne l'oublions pas, c'est la cohérence et donc l'efficacité de l'action extérieure de la France.
En matière d'action culturelle, les mêmes contraintes issues de la LOLF vont s'appliquer. Bien entendu, les mêmes causes ne produisent pas toujours les mêmes effets, mais la question de la cohérence de notre dispositif doit être, je le pense, examinée de façon encore plus attentive, et je serais très heureuse de recevoir vos suggestions en ce domaine.
Il nous faut en particulier adapter la carte et la configuration du réseau des services de coopération et d'établissements culturels à l'étranger. Ce réseau doit évoluer en fonction des missions qui lui sont confiées, des priorités géographiques comme des priorités sectorielles de la politique étrangère française. Ainsi, de même que les SCAC de la Zone de solidarité prioritaire (ZAP) doivent être reconfigurés pour tenir compte de l'évolution des relations entre le ministère et l'AFD, le réseau culturel doit s'étendre dans les pays à fort enjeu pour la France - j'ai à l'esprit les ouvertures de centres en Chine - mais aussi dans les pays avec lesquels nous normalisons nos relations (Afghanistan, Algérie...) ; à l'inverse, il doit pouvoir être réduit, de manière maîtrisée, là où les échanges culturels avec notre pays sont denses et spontanés, là où par conséquent l'accompagnement par l'État est moins prioritaire. Mais que l'on ne se méprenne pas sur le sens de mon message : il ne saurait être question de baisser la garde, sous prétexte d'aménager notre réseau ; c'est au contraire parce que nous avons une grande ambition pour ce réseau, que nous devons le faire évoluer. Il s'agit bien d'améliorer notre force de frappe, pour mieux la préserver.
Pour cela, nos interventions doivent aussi mieux s'intégrer au cadre d'action de l'Union européenne et des organisations multilatérales. Pour être efficaces et légitimes, nous ne devons pas agir seuls, mais avec d'autres, notamment dans le cadre de la politique européenne de solidarité internationale. Dans vos pays de résidence, vous devez veiller à articuler très en amont votre action avec celles de la Commission européenne et de nos partenaires. Vous devez avoir le réflexe européen, le réflexe multilatéral. La DGCID a élaboré des plans d'actions pour renforcer la dimension européenne de la coopération internationale française. Ils seront présentés au cours de ces Journées. Je souhaite qu'ils soient rapidement mis en uvre.
Il vous faut aussi profiter davantage des Technologies de l'Information et de la Communication. Par exemple, vous pouvez vous procurer très rapidement un film français auprès de l'administration centrale par Internet (film pour lequel bien entendu les droits auront été acquittés). Vous pouvez créer, toujours sur Internet, un portail sur le débat d'idées en France.
Pour conclure, je souhaite vous renouveler toute mon attention personnelle : je mesure parfaitement l'importance et la difficulté de vos missions. Soyez certains que je serai à l'écoute de vos préoccupations, de vos interrogations. Je pense bien sûr à vos conditions de travail et de séjour dans un certain nombre de pays. Je pense aussi aux moyens qui sont alloués à vos actions et qu'il faut défendre dans les arbitrages budgétaires. Je pense enfin aux méthodes de travail et aux procédures, parfois nouvelles, auxquelles vous avez à vous adapter.
Sur tous les aspects évoqués devant vous aujourd'hui, j'attends de vous des résultats, que cela soit clairement établi entre nous. Sachez en retour que vous pouvez compter sur moi pour soutenir vos actions, et pour faire valoir au sein du gouvernement l'utilité et la formidable valeur ajoutée qu'apporte notre réseau de coopération et d'action culturelle à nos relations extérieures.
Je vous remercie
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 juillet 2005)