Texte intégral
Mes chers camarades,
Nous sommes si nombreux qu'il était impossible que nous disparaissions. Et lorsque dans cette formidable crise de croissance que nous avons traversée pendant cet été, nous nous retrouvons si nombreux, les mains unanimement levées, ensemble pour continuer notre route, nous voyons bien que nous qui avons failli disparaître, nous voulons continuer passionnément à vivre. C'est un peu, en quelque sorte l'histoire de " Tout ce qui ne nous fait pas mourir nous renforce ". Nous voilà donc plus forts. Plus forts parce que, et je veux remercier l'ensemble des camarades qui ont uvré pendant cette période au rapprochement des points de vue et à la construction de notre ligne, maintenant nous avons notre feuille de route pour le Congrès du Mans. Je veux remercier en particulier bien sûr Benoît et son travail important. Je veux remercier aussi toutes nos femmes qui ont travaillé, peut-être dans l'ombre, mais avec une efficacité extraordinaire, au premier rang desquelles bien sûr Yvette, Josy, Françoise, Michelle, Elyette. Toutes celles qui, partout dans les fédérations, ont contribué à faire vivre le mouvement.
Après tout, ce qui nous unit c'est ce ciment politique que nous avons constitué sur les idées que nous avons d'abord séparément, ensuite ensemble, installées dans le champ politique du parti, puis dans le champ politique national et, même si ce sont des embryons, des soubresauts, dans le champ politique européen. Nos idées que nous avons instillées, puis défendues, puis constituées sont celles qui aujourd'hui positionnent les autres. C'est par rapport à nous qu'on se positionne et c'est grâce à ce travail là et aux instruments démocratiques que nous nous sommes donnés. C'est une faiblesse mais c'est aussi une force considérable car lorsque nous discutons entre nous, nous nous réglons les uns les autres, nous constituons nos comportements les uns par rapport aux autres. Les périodes d'éloignement nous permettent, grâce à cet outil formidable que le parti lui-même ne sait plus faire fonctionner, de nous ramener à notre unité, à nos idées, à notre ciment. Sans le savoir peut-être, nous avons fondé une famille. Une famille unie par le goût du soutien réciproque et fidèle.
Je me suis souvenu pendant ces trois jours, en revoyant tous les visages des camarades avec qui nous avons tant fait, des histoires individuelles ou collectives autour du NPS ou de ses embryons, de ses débuts.
Je me suis souvenu d'ailleurs, et je veux le dire parce que cela nous fait plaisir, que lorsque j'étais encore militant, jeune et débutant dans le parti, je me suis souvenu avec Thierry Mandon, être allé coller ses affiches pour sa première élection en 1988 qui devait le faire élire plus jeune député de France. D'ailleurs nous avions pris un seau sur la tête un soir dans une rue de Ris-Orangis...
Je me suis souvenu que c'est avec lui et d'autres camarades ici présents que nous avions fait, déjà contre la volonté du parti, déménager Alain Juppé de son fameux appartement, ce dont je crois qu'il ne s'est toujours pas remis.
Je me suis souvenu, non sans un sourire, et je vois Jean Codognès, ici, des Pyrénées Orientales, avoir enquêté sur les tribunaux de commerce avec l'ami François Colcombet et Jean. Pour rien, car malheureusement la réforme n'a pas été constituée et aboutie par le gouvernement de Lionel Jospin.
Je me souviens des incidents, avec Vincent lorsque nous étions ensemble dans les paradis fiscaux. Nous nous étions répartis les rôles : à lui la diplomatie, à moi le rôle un peu moins agréable de bélier. Mais c'était d'une efficacité formidable.
D'ailleurs, je me suis souvenu que, si nous n'avions pas été au Liechtenstein, la crise institutionnelle de cette principauté qui compte peut-être cinq fois plus d'habitants que Fouras, n'aurait pas eu lieu. Et le gouvernement du Liechtenstein est tombé notamment parce qu'une mission parlementaire peuplée d'hurluberlus avait décidé de s'occuper des pratiques scandaleuses qui faisaient peser sur la démocratie des menaces que l'argent sale, qui continue son travail d'infiltration dans le capitalisme financier d'aujourd'hui, un travail de sape considérable. Chantier malheureusement qui n'a pas été là aussi constitué.
Cela fait partie de nos déceptions mais parfois nous avons aussi quelques moments de joie, lorsque à l'avènement du Prince Albert de Monaco, nous avons appris que ledit prince entendait fallait nettoyer les écuries, non pas d'Augias, mais de son propre père. C'est peut-être parce que nous y sommes allés, que nous avons dit deux ou trois choses, que nous avons écrits des rapports, et que finalement il s'est installé l'idée dominante que nous avons quelques problèmes avec l'argent sale sur quelques territoires européens.
Donc, finalement, nos idées d'il y a cinq ans progressent. Elles n'ont pas connu forcément le succès mais ce travail là c'était peut-être sans le savoir les débuts de notre famille. Je repense à tous les camarades parlementaires du courant et d'ailleurs Jean, Geneviève, Jean-Pierre, Yvette, Gilbert, Marilyne, François, Jérôme, tous les autres avec qui nous avons pris le taureau par les cornes sur la comparution du Président de la République devant la Haute-Cour.
J'ai lu, je ne sais plus où, j'ai lu et cela m'a un peu froissé que j'aurais nuit au parti. C'est un dirigeant de notre parti qui m'a adressé ce message. Est-ce que c'est une véritable nuisance que d'avoir décidé de faire rendre la justice s'agissant du Président de la République, un an avant que nous nous rendions aux urnes pour voter pour l'intéressé ? Est-ce que c'était franchement nuire au parti que d'empêcher qu'il perde sa tête ce fameux 21 avril 2002 lorsque nous nous sommes retrouvés seuls sur le navire ? Est-ce que c'était nuire au parti finalement que de toutes ces expériences, de toutes ces confrontations politiques, nous décidions de constituer une doctrine, des choix qui sont devenus notre motion portée ensemble au Congrès de Dijon pour l'ensemble de notre mouvement ?
Nous avons affronté tous ensembles des accusations injustes, et d'ailleurs démenties depuis par le comportement des uns et des autres que nous constituons, d'avoir voulu briser le parti. Souvenez-vous. On nous disait " que sont ces diablotins qui veulent abîmer le parti, la vieille maison dont nous sommes les dépositaires légitimes ? ". Qui a respecté le parti mieux que d'autres ? Qui, malgré les démangeaisons dans les jambes, sur une certaine campagne référendaire, a pris sur soi pour dire " nous croyons dans la démocratie, c'est notre doctrine. Si nous y croyons, nous la respectons, y compris pour nous-même ? ". Ce choix-là, c'était un choix nouveau, original, intéressant. Bien sûr que nous n'avons pas renoncé à nos convictions, parfois nous les avons rappelées utilement quand il le fallait. Mais nous n'avons pas voulu commettre l'erreur, après celle de la direction de s'être profondément trompée sur l'affaire du Traité Constitutionnel, d'aller au-delà de ce que le verdict, il valait ce qu'il valait, des militants avait décidé.
Et puis, il y a eu les régionales, les cantonales, les sénatoriales, les européennes, où nombre d'entre vous sont devenus les porteurs élus, ceints d'une écharpe, de nos idées, de nos thèses, chargés de les faire progresser dans les enceintes où ils siègent. Là encore, je me souviens que dans cette famille involontaire que nous avons constituée, nous nous sommes entraidés les uns les autres.
Je me souviens de l'engueulade avec Bertrand Delanoë pour qu'il accepte enfin que David soit sénateur. Je me souviens avoir convaincu les militants de ma région, le Grand Est, pour que Benoît soit député européen et soit élu dans cette région. Je me souviens de la bataille avec Christian, pour conquérir la présidence de la région Bourgogne à la primaire qui nous a échappé à quelques voix ; nous n'en dirons pas plus sur les conditions de ce scrutin. C'est une famille que nous avons constituée, qui se respecte, s'entraide et qui aujourd'hui a le désir de s'agrandir.
Chers camarades, ce que nous avons fait en deux ans et demi, c'est considérable. Regardons-nous, cette force qui monte. Nous sentons intuitivement, nous ne nous le sommes pas encore dit, que ce que nous avons vécu ensemble, nous avons le désir profond de l'installer au cur du Parti Socialiste. Nos idées, nos expériences, nos projets, cette " autre chose ", cet " autrement ", nous voulons le faire vivre aussi aux autres, nos camarades socialistes et à tous les autres.
J'ai lu, et c'est une parole très désagréable, peut-être désobligeante, que nous aurions abaissé le parti. Est-ce que vous pensez que le Parti Socialiste se porterait mieux sans les 17 000 militants du Nouveau Parti Socialiste ? Sans ses parlementaires, sans ses conseillers généraux, ses conseillers régionaux, ses milliers et milliers de militants qui portent haut l'exigence socialiste, cherchent à renouveler les idées du parti, cherchent à renouveler les équipes localement, nationalement ? Croyez-vous que ceux qui tiennent à ce parti comme à la prunelle de leurs yeux sont finalement ceux qui abaissent le parti ? Il y a dans une famille encore plus grande, celle du Parti Socialiste, un devoir de transmission. Je l'ai dit au Conseil National lorsque nous avons présenté avec Vincent la contribution pour le compte de notre sensibilité : " dans une famille, on transmet de génération en génération sinon on se coupe de l'avenir. " On ne peut pas stigmatiser, diaboliser ceux qui se lèvent pour dire " peut-être que nous nous sommes trompés ", ceux qui apportent les idées nouvelles. On ne peut pas dans une famille dire " tous les jeunes se trompent, nous, nous avons raison ". Une famille où les parents, les grands-parents stigmatisent leurs enfants est une famille qui a pour vocation à éclater. Ce n'est pas une famille qui a vocation à se renouveler.
Ce devoir de transmission, c'est le message qu'il faut adresser jusqu'à La Rochelle, pendant que se propage dans la majorité cette espèce de contagion de l'esprit de scission qui contient ses ferments d'intolérance et d'exclusion, cet esprit qui semble vouloir affirmer qu'il y a une majorité qui a toujours raison, même si elle est en désaccord, et une minorité qui doit accepter le verdict... Alors que dans le parti de François Mitterrand, Yvette et les camarades qui ont vécu cette époque nous le rappellent toujours, c'était toujours une manière de se mélanger les uns les autres, de se respecter les uns les autres et de s'enrichir mutuellement les uns auprès des autres.
Ce côté " minoritaire dehors ", " majoritaire au pouvoir " est le danger de notre parti. A cet esprit de scission, nous voulons opposer l'esprit de construction et de reconstruction où nous voulons vivre ensemble, nous voulons ouvrir les portes et les fenêtres et nous n'avons pas peur d'autrui car nous nous adressons à la conscience de chaque militant socialiste. Nous voulons le convaincre et l'ébranler. Nous voulons lui dire que nous pouvons faire autre chose avec les valeurs qui sont les nôtres et que nous partageons depuis longtemps.
Alors : construire ensemble quoi ? Pour faire quoi ? Nous contemplons la crise d'identité de la gauche européenne. Il n'y a pas qu'au Parti Socialiste où l'on s'interroge. Il y a aussi en République Fédérale Allemande où le Parti Socialiste a éclaté en deux morceaux. Nous regardons ce qui se passe du côté de la Grande-Bretagne où le New Labour se voit victime d'une hémorragie non pas cérébrale mais quantitative. De nombreux syndicalistes, les fondateurs avec les Trade Unions du Parti Travailliste, le quittent, affirment leur refus de continuer à accompagner le New Labour. Nous voyons partout, même en Italie, au pouvoir et même en opposition, qu'on s'interroge sur la nature du capitalisme auquel ils ont à faire face.
Il fut un temps où c'était dans le cadre de l'Etat-Nation, là où les partis politiques pouvaient proposer des solutions sans être prisonniers du chantage impitoyable qu'exerce la mondialisation sur leurs choix, sur la délibération politique nationale ou collective. Il fut un temps où il était possible de proposer des solutions de régulation et qu'elles s'imposent à tous.
Aujourd'hui le capitalisme est devenu une bête sauvage, libérée de ses contraintes, sans limites. Elle a passé et enjambé les frontières et nous sommes, devant cette nouvelle forme de capitalisme, sans défense.
Nous avons à construire et reconstruire les outils de la future domestication de ce nouveau capitalisme qui est en train de détruire jusqu'à la politique, ce qui explique d'ailleurs la montée des populismes dans tous les pays y compris le nôtre, parce que là où il n'y a plus de politique pour délibérer la quantité de richesse qu'il faut redistribuer collectivement dans un système économique productif de ses richesses, la politique se venge et de la pire façon : la violence politique s'installe. Et nous savons par quels mécanismes elle s'installe : par les vecteurs nationalistes de la xénophobie, que nous condamnons et que nous devons combattre par d'autres instruments qu'il nous faut maintenant construire, nous-mêmes, par nos propres moyens intellectuels et politiques.
Cette économie du chantage exerce cette prise d'otages permanente sur le niveau des salaires : " baissez les salaires, nous serons d'accord ! ". Sur les impôts : " baissez les impôts sur le capital, augmentez les impôts sur le travail ! ". Sur la flexibilité du travail : " Flexibilisez encore, vous serez dans les standards internationaux de la compétitivité ! ". Tout le système décisionnel politique est pris en otage permanent et toutes les politiques alternatives se détruisent, sont victimes de chantage permanent. C'est l'arasement au bout du compte des politiques, l'absence de distinction entre la gauche et la droite et finalement le minimalisme qui s'impose en politique et malheureusement, parfois, à gauche. La bête sauvage s'est échappée : comment la domestiquer à nouveau ?
Habermas a eu une très belle phrase sur la mondialisation, et c'est un grand philosophe allemand qui parle : " la mondialisation, c'est l'effondrement du pouvoir d'achat des bulletins de vote ". Voilà une très belle formule qui veut dire ce qu'elle veut dire. Vous pouvez considérer que c'est du chiffon de papier vos bulletins de vote parce que les vraies décisions, elles se prennent ailleurs ! Les responsables politiques ne sont que des marionnettes sur des théâtres d'ombres et ils agissent à la marge.
Notre problème à nous, socio-démocrates, socialistes européens, c'est la reconstruction des outils. Et souvent, chers camarades, ces outils se logent dans des questions tout à fait fondamentales. Si nous avons eu ce débat si difficile entre nous sur le Traité Constitutionnel européen c'est précisément parce que les outils qu'il contenait ne donnaient pas satisfaction pour construire les protections que la société européenne, les sociétés européennes exigeaient, demandaient là où les outils les plus classiques sont affaiblis. Nous risquons l'impuissance donc le mollétisme. " Nous allons faire ! Nous allons faire ! " Mais que ferons nous quand nous y serons ? Notre problème, et c'est l'uvre et l'ouvrage de la rénovation, c'est de faire coïncider l'exigence qui est dans le champ populaire, dans le champ de la société, avec la politique car la population veut de la politique à mettre en face de l'économie de marché, de la toute puissance de l'économie de marché. Et la gauche doit réinventer ces outils parce que nous savons que si nous conservons ceux dont nous disposons aujourd'hui, nous serons réduits à l'impuissance, nous serons sanctionnés une nouvelle fois et nous devrons assumer les conséquences de notre absence d'effort intellectuel et politique de rénovation.
Ce projet que nous sommes en train de construire dans ce Congrès, à la va-vite malheureusement mais prenons tout ce qui se présente pour le faire, est le premier projet depuis la mondialisation ultralibérale et dérégulée. Nous avons vécu sur des concepts des années 1970, nous les avons modernisés à la va-vite au pouvoir en transformant telle mesure par telle autre, en les actualisant à la faveur de quelques conventions ou congrès. Mais y a-t-il eu un moment politique dans notre histoire où nous avons regardé en face la réalité de la mondialisation dérégulée, où nous nous sommes dits : " Mais regardez l'impuissance qui nous guette ! Comment construire et assumer la construction d'outils nouveaux ? " ? C'est l'objet du NPS en France.
Dans notre contribution on retrouve et on trouve, là où du côté de la gauche minimale nous entendons le silence, la confrontation avec la réalité économique du moment. Il n'y a pas qu'un diagnostic comme dans d'autres contributions, il y a des éléments concrets de reconstruction de ces outils : la clause sociale environnementale dans les rapports marchands internationaux que les Américains et l'OIT ont inventée ensemble il y a maintenant 10 ans. Ce n'est pas une idée si neuve que cela mais c'est une idée qui peine à cheminer parce que pendant qu'elle peinait à cheminer et s'installait dans les têtes des socialistes européens, les ultralibéraux eux avaient pris d'assaut l'OMC et ont gagné, pris des avancées stratégiques pour faire avancer leur ordre de valeurs ! Et c'est un des éléments sur lesquels il va falloir que nous nous battions. Et accepter ce volontarisme là, c'est accepter donc la confrontation avec un ordre naturel que la droite fait passer pour étant immuable. Là où la gauche a besoin d'outils et donc de se confronter avec l'ordre économique, la droite, elle, n'en a nul besoin et rien que de vaincre cette inertie exige que nous soyons des professeurs d'énergie, que nous défendions énergiquement, avec la force qui est la nôtre, au Parti Socialiste et avec toutes les forces de gauche associées, on sera bien peu encore pour le faire, démontrant que l'alternative c'est de mobiliser les masses, la population sur la construction d'outils alternatifs qui permettra à la politique de retrouver sa force, ses lettres de noblesse, ses moyens d'intervention, sa puissance, bref de retrouver ce qui manque aujourd'hui pour être de vrais socialistes comme les socialistes du XIXe siècle l'ont été.
Repolitisons donc les politiques de la concurrence (c'est la contribution thématique Sortir de l'impasse), les politiques industrielles, les politiques fiscales qui aujourd'hui nous lient les mains. Reconstruisons nos marges de manuvre, acceptons l'idée, comme le disait Geneviève à l'instant, que dans l'ordre mondialisé la question de la protection de la planète et de l'environnement nous serve de point d'appui pour organiser la domestication urgente et nécessaire de la mondialisation. Croyez-vous que nous allons continuer de produire à 10 000 kilomètres ce que nous consommons ici ? Nous devons affirmer et assumer ce que nos camarades de la gauche minimale n'affirment pas et n'assument pas : que nous devons construire des économies régionales au sens continental du terme. Nous l'avons écrit dans notre contribution. La mondialisation n'a pas rempli les promesses que certains socio-démocrates ont cru voir entre elles et nous affirmons que les dégâts sociaux au nord, au sud, les inégalités explosives au nord, au sud, entre le nord, entre le sud sont une bombe à retardement contre ladite mondialisation qui par la violence politique essaie d'imposer ses normes.
Alors, la gauche volontaire, c'est la gauche des outils, c'est la gauche de la reconstitution des outils. Et la VIe République, c'est un de ces outils. C'est d'ailleurs une paraphrase de Jean Jaurès, l'outil par lequel nous remettrons la politique en face de l'économie. Mais c'est surtout l'outil par lequel nous pourrons lutter contre le populisme. La VIe République n'est pas qu'un objectif vague, ce n'est pas qu'un gadget pour un congrès en panne d'imagination, ce n'est pas qu'un discours convenu pour anesthésier les divergences pourtant profondes entre socialistes. C'est un chantier considérable, c'est le rêve de Pierre Mendès France, la VIe République. Ce rêve, qui le porte avec sincérité ? Qui y croit ? Qui en sont les avant-gardes ? Le NPS partout, dans toutes les sections, les fédérations. Ce rêve, c'est le rêve de la réconciliation de la démocratie avec les Français, c'est le rêve qu'à chaque fois qu'une décision politique se prend, elle puisse avoir quelque écho dans un peuple comme le nôtre, ce peuple, qui n'est pas un peuple de veaux comme le disait le Général De Gaulle, qui est un peuple exigeant, veut de l'action publique, veut délibérer et sait à quel point l'on a voulu l'en empêcher du 13 mai 1958 jusqu'à aujourd'hui.
Chers camarades, ce chantier là est le point d'appui pour tous les autres. Sans avoir réglé la question démocratique, nous serons impuissants à régler toutes les questions, tous les sujets que la Nation aura à affronter, ils seront de taille. Si nous ne le faisons pas, nous n'existerons pas. Nous devons dire que nous allons le faire, nous donner les moyens de convaincre par un vaste mouvement d'opinion que la VIe République est le point par lequel la gauche peut aujourd'hui reprendre la main auprès des Français, montrer qu'elle a un projet alternatif, qu'elle est capable aujourd'hui de réconcilier les Français avec l'action publique et politique. Il faudra le faire en six mois après notre victoire en 2007. Et nous ne pourrons pas le faire autrement qu'à travers un mandat constituant dont nous aurons débattu, et dont le Parti lui-même tout entier, 100 % du Parti Socialiste, aura porté l'esprit, la lettre dans chaque foyer, dans chaque section, dans ces canton urbains ou ruraux, profond où il faut que nous portions cette affaire devant les Français. Si nous ne le faisons pas, cessons de nous cacher derrière notre petit doigt, on nous dira, comme d'habitude, " cela n'intéresse pas les Français ". Pourtant, c'est le moyen par lequel les Français pourront s'intéresser à eux-mêmes, à ce qu'ils veulent faire, à la destinée qu'ils veulent se donner, à la manière dont ils veulent influencer et agir sur l'Europe qui aujourd'hui a fait une embardée. C'est comme cela que nous reconstruirons ! Si nous ne le faisons pas, nous serons ces marionnettes dans le théâtre d'ombres dont je parlais tout à l'heure.
Alors chers camarades, ce projet n'est pas seulement un rêve majestueux sur un papier. Il relève d'abord et avant tout du combat de notre Parti : le Parti Socialiste. C'est à lui d'organiser la campagne dans le pays, de lancer dès après notre victoire au Congrès du Mans la grande campagne politique dans le pays, d'expliquer à la France toute entière, de convertir la France et les Français à la VIe République. Mais il n'est pas utile d'aller bien loin : nous sommes arrêtés dans la rue, dans le métro, parfois au milieu des vaches dans ma circonscription ou ailleurs, on me dit : " Dites donc, ça traîne votre VIe République ! ". Convertir la France, c'est le travail des partis politiques, c'est le travail du Parti Socialiste, c'est le travail du NPS dans ce Congrès pour convertir la future majorité alternative du Parti Socialiste et la construire sur cette base.
Vous comprenez, chers camarades, à quel point, la gauche a accumulé son retard stratégique par rapport à la droite qui, elle, avance. Si nous avions réussi ce travail de conversion, de régénération à Dijon, croyez vous que nous en serions là sur le plan politique ? Si on nous avait peut-être écoutés, je me souviens quand j'étais à la tribune à Dijon, je voyais devant moi la délégation de la Corrèze qui regardait ses souliers lorsque je disais " posons-la, la première pierre de la VIe République ! ". Je n'ai vu que des hochements de tête, des mouvements de pied. Si certains semblent s'y convertir, cela n'est pas suffisant vous le savez, nous avons perdu du temps, pas pour le NPS, regardez comme nous sommes forts... Perdu du temps pour le Parti bien sûr, pour la gauche toute entière, pour la France qui a besoin de cet " autre chose " que nous tardons à lui proposer.
Pendant ce temps-là, pendant que nous n'avons pas reconstruit idéologiquement, pendant que nous ne nous sommes pas régénérés, politiquement la droite, elle, a avancé. Cet été, elle vient d'accomplir le forfait que nous connaissons un 4 août, quand même... Un 4 août, elle a restauré le privilège de licencier, sans préavis, sans indemnité. Pendant deux ans, il est possible de le faire. Et si vous êtes licencié après six mois, on vous donnera l'aumône de 492 euros c'est-à-dire moins que le RMI. C'est l'indemnité forfaitaire. Et il s'est trouvé quand même un Premier Ministre pour dire que c'était dans l'intérêt des salariés qu'on détruise ce qui restait de leur protection. Nous avons beaucoup dénigré les CDD. Mais c'était un paradis sur terre à côté de ce fameux CNE qui restaure l'esclavage, la répudiation des esclaves.
Certains de nos camarades m'ont dit hier pendant le dîner : " J'ai appelé Solferino ; personne n'a répondu au téléphone. ". Pas un uniforme rose à l'horizon. Nous nous y sommes collés avec Henri Emmanuelli. J'ai rédigé en plein été une tribune, que j'ai eu bien de la peine à faire passer, où nous expliquions que c'était un acte considérable avec des conséquences considérables que la droite venait d'accomplir, obéissant aux objurgations de la clientèle MEDEFienne dont elle est la représentante obligée. Et je sais le lien qui existe entre l'absence de combativité et l'absence de rénovation du parti. C'est quelque chose qui marche ensemble. Lorsque la droite mène une politique de classe confinant à la caricature, est-ce que nous ne sommes pas sommés de le dire ? Pouvons nous quand même sortir de cette espèce de modérantisme permanent où l'on ne peut pas dire un mot plus haut que l'autre ? Les baisses d'impôt qui ont été organisées méthodiquement sur les classes sociales les plus fortunées, les plus aisées, sur les entreprises qui réalisent aujourd'hui un surcroît de profit considérable : regardez les progressions dans les côtes pour les actionnaires dans les journaux financiers.
Nous voyons bien que les baisses d'impôts ont fabriqué 170 milliards de dette supplémentaire pour la France en 3 ans. Et aujourd'hui arrive Monsieur Breton le chevelu qui nous dit " nous sommes endettés, la France vit au-dessus de ses moyens ". C'est précisément parce qu'elle a abandonné des recettes à la clientèle électorale qui l'a fait élire ! Et voici maintenant que l'on privatise les autoroutes pour trouver 12 petits milliards sur les 170 créés ! Monsieur De Villepin, Monsieur Sarkozy, vous avez le devoir de réaugmenter les impôts sur votre clientèle pour que la Nation puisse vivre au niveau de ses moyens ! Réaugmentez donc les impôts sur ceux qui en ont abusivement profités car la mise en marche de la taxation des plus pauvres est directement liée au remboursement des dettes créées pour les baisses d'impôts pour les plus riches.
Alors vous avez remarqué que pour dissimuler tout cela s'est installée une nouvelle forme de distraction en France, le Sarko-Circus. Pendant que l'on parle d'autre chose, on ne parle pas de cela. Le Ministre de l'Intérieur est monté sur son podium pour rouler des mécaniques, le Sarko-Circus passe par les plages. Est-il passé à Fouras Monsieur le Maire ? On vous montrera ses girafes, ses panthères, ses guenons. Le Sarko-Circus est formidable.
Il ne manquait d'ailleurs plus dans le Sarko-Circus que le roman photo des peines de cur du Ministre d'Etat. Monsieur le Ministre d'Etat, vos peines de cur ne nous intéressent pas. Nous préférons mesurer votre politique, regarder vos actes. Il paraît que vous vouliez juguler la vie chère dans les supermarchés. Il paraît que le premier fléau des Français, c'était la prostitution dans les centres-villes. Bravo, vous avez réussi, maintenant la prostitution est dans les périphéries. Il paraît que la ligne Maginot que vous prétendiez édifier sur la route des délocalisations vient de céder. Elles continuent de plus grande ampleur encore. Il paraît que la délinquance était votre sujet. C'est très simple, vous savez, pour faire diminuer la délinquance, vous appelez vos Préfets pour leur demander de diminuer les chiffres et après les victimes viennent nous voir en disant : " Mais pourquoi on a pas pris ma plainte ? ". Il suffisait d'y penser. Les quartiers en difficulté ? Retournez à Strasbourg, retournez à La Courneuve, interrogez sur votre chemin. Les camarades Alsaciens et du 93 le savent. Ils vous diront ce qu'il a dit et ils compareront avec ce qu'il a fait. Le Sarko-Circus ne parviendra pas à aveugler les Français.
Nous devons reconstruire et inventer une autre manière de s'opposer à la droite populiste, accepter la confrontation et refuser cette forme de modérantisme à laquelle nous voulons trop nous habituer, un peu à la mode Rad-Soc. Nous devons réorienter à gauche le Parti, reconstruire de nouvelles pratiques, clarifier notre position et enfin refaire notre retard stratégique par rapport à la droite. Voilà le programme qui est le nôtre. Mais nous voudrions que ce programme soit celui d'une majorité dans le Parti. Avant-hier, nous avons construit une ligne unanime face à la gauche minimale de la direction qui offre son statu quo, ses silences, ses divergences, ses certitudes, qui déploie maintenant son esprit de scission pour ne pas dire ses hésitations stratégiques sur les alliances à conclure. Nous opposons une gauche volontaire pour une future majorité alternative, ancrée à gauche, offensive contre la droite, décomplexée par rapport à son passé car capable elle aussi de dresser des inventaires, proposant des solutions nouvelles, travaillant sur la question des outils pour reconquérir notre base sociale et surtout rassembleuse de toutes les forces de gauche. Ce n'est pas le bloc du oui contre le bloc du non et d'ailleurs je veux saluer ici particulièrement tous ceux, militants, qui ont pensé et pensent encore qu'il fallait pour des raisons tactiques approuver le Traité Constitutionnel Européen. Je leur rends l'hommage d'avoir rejoint le NPS. Vous qui méditez avec nous sur les dangers d'un enfermement de notre parti dans l'immobilisme et le statut quo, dans la certitude d'avoir raison pendant que la société s'enfonce, désespère et nous appelle à l'aide, merci de nous avoir rejoints pour construire cette nouvelle majorité.
Il est vrai pendant ces deux mois d'été, nous avons hésité sur l'instrument à retenir pour construire cette nouvelle majorité. Certains ont défendu l'idée d'une motion commune avec d'autres forces : Henri Emmanuelli et Laurent Fabius. C'était là perdre notre âme, notre identité. C'était là risquer de voir notre identité se dissoudre et les interprétations les plus désagréables surgir. D'autres défendaient la motion en solitaire où nous aurions contemplé seuls dans notre glace nos uvres immémoriales, refusant par la pureté toute alliance et offrant finalement à la direction une reconduction sans coup férir.
Nous avions donc besoin de faire entre-deux et c'est ce que nous avons décidé par le contrat de majorité, outil politique qui a déjà existé dans les Congrès du Parti. Sous les Congrès de l'époque Mitterrand, certains me rappelaient qu'il y avait des axes. Nous avons trouvé que le mot faisait un peu trop mussolinien. Nous avons préféré le contrat. Le contrat de majorité d'abord parce que le contrat, c'est un peu l'ancien avocat qui s'exprime, c'est l'échange des consentements où nous discutons d'égal à égal. L'axe, il y a un chef et les autres se soumettent. Le contrat, c'est un échange. Nous discuterons d'égal à égal avec Henri Emmanuelli, comme nous avons commencé à le faire hier. Nous mettrons sur la table nos méfiances à l'égard de Laurent Fabius, par exemple, il faut le dire ! Nous ne nous laisserons pas emmener sur le terrain de je ne sais quelle candidature à l'élection présidentielle car nous sommes là dans la procédure du Congrès. Il y a le temps du Congrès sur le programme assez lourd que nous avons à remplir et après il y aura le temps des candidatures. Et je vais vous dire, cette règle est aussi valable pour nous-mêmes. Une fois le contrat constitué entre ces motions indépendantes, nous aurons à mettre enfin face à la majorité actuelle, un programme crédible de direction du parti, de réorientation de sa ligne et la future majorité présentera un candidat face à François Hollande.
Ce candidat sera celui de toutes les parties au contrat et le NPS devra le moment venu d'abord en discuter en son sein avec vous tous militants, vos représentants, selon nos règles démocratiques communes qui fonctionnent, la preuve ! Puis ensuite en discuter avec nos partenaires. Pour l'instant, constituons le contrat et entrons dans la discussion. Je dis à Henri Emmanuelli, qui nous a fait l'amitié d'être parmi nous hier soir, je dis à Laurent Fabius et ses amis : " Que pensez-vous de nos propositions ? Etes-vous prêts à marcher, à discuter ? ". Nous dirons ainsi clairement dans ce congrès ce que nous voulons faire de nos voix. Il n'est pas possible que le NPS ait la moindre stratégie ambiguë à la Talleyrand ; nous n'en sommes pas capables, nous n'en avons pas les capacités. Nous devons être clair, dire ce que nous voulons faire, avec qui nous voulons le faire, pour quoi faire, dans quels buts et le dire au moment où nous sollicitons le suffrage. Alors si tout cela est clair, avançons et marchons. Nous avons cette feuille de route que nous avons voté l'autre soir. Nous l'avons sur notre cur, dans notre poche, elle nous tient lieu de viatique. J'ai senti hier un moral d'acier dans les fédérations. Il nous manque 5 000 voix. C'est-à-dire, ici où nous sommes 1 000, cinq personnes de plus qu'il faut aller chercher chez les militants du oui pour les convaincre de nous rejoindre.
Nous avons, je l'ai senti, le désir de convaincre et de réussir. Nous en avons besoin pour notre parti. Nous ne chanterons pas Le chant du départ. Ce serait une métaphore trop guerrière et nous le réservons pour la droite. Mais je vais vous lire les paroles que nous avons chanté il y a bien longtemps. Je n'étais pas encore au Parti Socialiste. C'était en 1977. Voici les paroles :
Un siècle meurt, un millénaire commence
Plus de prisons, de cages et de camps
Tendons la rose rouge de l'espérance
Aux opprimés de tous les continents
L'histoire est là qui nous offre une chance
Changeons la vie ici et maintenant
Libérer la femme
Libérer l'école
Donner la parole aux frères émigrants
Ecrire notre histoire à la première personne
Être enfin des hommes et non des instruments
France socialiste puisque tu existes
Tout devient possible ici et maintenant
("Changer la vie", Paroles de Herbert Pagani musique de Mikis Théodorakis Chantée pour la première fois au congrès socialiste de Nantes, 1977)
(Source http://www.nouveau-ps.net, le 12 septembre 2005)
Nous sommes si nombreux qu'il était impossible que nous disparaissions. Et lorsque dans cette formidable crise de croissance que nous avons traversée pendant cet été, nous nous retrouvons si nombreux, les mains unanimement levées, ensemble pour continuer notre route, nous voyons bien que nous qui avons failli disparaître, nous voulons continuer passionnément à vivre. C'est un peu, en quelque sorte l'histoire de " Tout ce qui ne nous fait pas mourir nous renforce ". Nous voilà donc plus forts. Plus forts parce que, et je veux remercier l'ensemble des camarades qui ont uvré pendant cette période au rapprochement des points de vue et à la construction de notre ligne, maintenant nous avons notre feuille de route pour le Congrès du Mans. Je veux remercier en particulier bien sûr Benoît et son travail important. Je veux remercier aussi toutes nos femmes qui ont travaillé, peut-être dans l'ombre, mais avec une efficacité extraordinaire, au premier rang desquelles bien sûr Yvette, Josy, Françoise, Michelle, Elyette. Toutes celles qui, partout dans les fédérations, ont contribué à faire vivre le mouvement.
Après tout, ce qui nous unit c'est ce ciment politique que nous avons constitué sur les idées que nous avons d'abord séparément, ensuite ensemble, installées dans le champ politique du parti, puis dans le champ politique national et, même si ce sont des embryons, des soubresauts, dans le champ politique européen. Nos idées que nous avons instillées, puis défendues, puis constituées sont celles qui aujourd'hui positionnent les autres. C'est par rapport à nous qu'on se positionne et c'est grâce à ce travail là et aux instruments démocratiques que nous nous sommes donnés. C'est une faiblesse mais c'est aussi une force considérable car lorsque nous discutons entre nous, nous nous réglons les uns les autres, nous constituons nos comportements les uns par rapport aux autres. Les périodes d'éloignement nous permettent, grâce à cet outil formidable que le parti lui-même ne sait plus faire fonctionner, de nous ramener à notre unité, à nos idées, à notre ciment. Sans le savoir peut-être, nous avons fondé une famille. Une famille unie par le goût du soutien réciproque et fidèle.
Je me suis souvenu pendant ces trois jours, en revoyant tous les visages des camarades avec qui nous avons tant fait, des histoires individuelles ou collectives autour du NPS ou de ses embryons, de ses débuts.
Je me suis souvenu d'ailleurs, et je veux le dire parce que cela nous fait plaisir, que lorsque j'étais encore militant, jeune et débutant dans le parti, je me suis souvenu avec Thierry Mandon, être allé coller ses affiches pour sa première élection en 1988 qui devait le faire élire plus jeune député de France. D'ailleurs nous avions pris un seau sur la tête un soir dans une rue de Ris-Orangis...
Je me suis souvenu que c'est avec lui et d'autres camarades ici présents que nous avions fait, déjà contre la volonté du parti, déménager Alain Juppé de son fameux appartement, ce dont je crois qu'il ne s'est toujours pas remis.
Je me suis souvenu, non sans un sourire, et je vois Jean Codognès, ici, des Pyrénées Orientales, avoir enquêté sur les tribunaux de commerce avec l'ami François Colcombet et Jean. Pour rien, car malheureusement la réforme n'a pas été constituée et aboutie par le gouvernement de Lionel Jospin.
Je me souviens des incidents, avec Vincent lorsque nous étions ensemble dans les paradis fiscaux. Nous nous étions répartis les rôles : à lui la diplomatie, à moi le rôle un peu moins agréable de bélier. Mais c'était d'une efficacité formidable.
D'ailleurs, je me suis souvenu que, si nous n'avions pas été au Liechtenstein, la crise institutionnelle de cette principauté qui compte peut-être cinq fois plus d'habitants que Fouras, n'aurait pas eu lieu. Et le gouvernement du Liechtenstein est tombé notamment parce qu'une mission parlementaire peuplée d'hurluberlus avait décidé de s'occuper des pratiques scandaleuses qui faisaient peser sur la démocratie des menaces que l'argent sale, qui continue son travail d'infiltration dans le capitalisme financier d'aujourd'hui, un travail de sape considérable. Chantier malheureusement qui n'a pas été là aussi constitué.
Cela fait partie de nos déceptions mais parfois nous avons aussi quelques moments de joie, lorsque à l'avènement du Prince Albert de Monaco, nous avons appris que ledit prince entendait fallait nettoyer les écuries, non pas d'Augias, mais de son propre père. C'est peut-être parce que nous y sommes allés, que nous avons dit deux ou trois choses, que nous avons écrits des rapports, et que finalement il s'est installé l'idée dominante que nous avons quelques problèmes avec l'argent sale sur quelques territoires européens.
Donc, finalement, nos idées d'il y a cinq ans progressent. Elles n'ont pas connu forcément le succès mais ce travail là c'était peut-être sans le savoir les débuts de notre famille. Je repense à tous les camarades parlementaires du courant et d'ailleurs Jean, Geneviève, Jean-Pierre, Yvette, Gilbert, Marilyne, François, Jérôme, tous les autres avec qui nous avons pris le taureau par les cornes sur la comparution du Président de la République devant la Haute-Cour.
J'ai lu, je ne sais plus où, j'ai lu et cela m'a un peu froissé que j'aurais nuit au parti. C'est un dirigeant de notre parti qui m'a adressé ce message. Est-ce que c'est une véritable nuisance que d'avoir décidé de faire rendre la justice s'agissant du Président de la République, un an avant que nous nous rendions aux urnes pour voter pour l'intéressé ? Est-ce que c'était franchement nuire au parti que d'empêcher qu'il perde sa tête ce fameux 21 avril 2002 lorsque nous nous sommes retrouvés seuls sur le navire ? Est-ce que c'était nuire au parti finalement que de toutes ces expériences, de toutes ces confrontations politiques, nous décidions de constituer une doctrine, des choix qui sont devenus notre motion portée ensemble au Congrès de Dijon pour l'ensemble de notre mouvement ?
Nous avons affronté tous ensembles des accusations injustes, et d'ailleurs démenties depuis par le comportement des uns et des autres que nous constituons, d'avoir voulu briser le parti. Souvenez-vous. On nous disait " que sont ces diablotins qui veulent abîmer le parti, la vieille maison dont nous sommes les dépositaires légitimes ? ". Qui a respecté le parti mieux que d'autres ? Qui, malgré les démangeaisons dans les jambes, sur une certaine campagne référendaire, a pris sur soi pour dire " nous croyons dans la démocratie, c'est notre doctrine. Si nous y croyons, nous la respectons, y compris pour nous-même ? ". Ce choix-là, c'était un choix nouveau, original, intéressant. Bien sûr que nous n'avons pas renoncé à nos convictions, parfois nous les avons rappelées utilement quand il le fallait. Mais nous n'avons pas voulu commettre l'erreur, après celle de la direction de s'être profondément trompée sur l'affaire du Traité Constitutionnel, d'aller au-delà de ce que le verdict, il valait ce qu'il valait, des militants avait décidé.
Et puis, il y a eu les régionales, les cantonales, les sénatoriales, les européennes, où nombre d'entre vous sont devenus les porteurs élus, ceints d'une écharpe, de nos idées, de nos thèses, chargés de les faire progresser dans les enceintes où ils siègent. Là encore, je me souviens que dans cette famille involontaire que nous avons constituée, nous nous sommes entraidés les uns les autres.
Je me souviens de l'engueulade avec Bertrand Delanoë pour qu'il accepte enfin que David soit sénateur. Je me souviens avoir convaincu les militants de ma région, le Grand Est, pour que Benoît soit député européen et soit élu dans cette région. Je me souviens de la bataille avec Christian, pour conquérir la présidence de la région Bourgogne à la primaire qui nous a échappé à quelques voix ; nous n'en dirons pas plus sur les conditions de ce scrutin. C'est une famille que nous avons constituée, qui se respecte, s'entraide et qui aujourd'hui a le désir de s'agrandir.
Chers camarades, ce que nous avons fait en deux ans et demi, c'est considérable. Regardons-nous, cette force qui monte. Nous sentons intuitivement, nous ne nous le sommes pas encore dit, que ce que nous avons vécu ensemble, nous avons le désir profond de l'installer au cur du Parti Socialiste. Nos idées, nos expériences, nos projets, cette " autre chose ", cet " autrement ", nous voulons le faire vivre aussi aux autres, nos camarades socialistes et à tous les autres.
J'ai lu, et c'est une parole très désagréable, peut-être désobligeante, que nous aurions abaissé le parti. Est-ce que vous pensez que le Parti Socialiste se porterait mieux sans les 17 000 militants du Nouveau Parti Socialiste ? Sans ses parlementaires, sans ses conseillers généraux, ses conseillers régionaux, ses milliers et milliers de militants qui portent haut l'exigence socialiste, cherchent à renouveler les idées du parti, cherchent à renouveler les équipes localement, nationalement ? Croyez-vous que ceux qui tiennent à ce parti comme à la prunelle de leurs yeux sont finalement ceux qui abaissent le parti ? Il y a dans une famille encore plus grande, celle du Parti Socialiste, un devoir de transmission. Je l'ai dit au Conseil National lorsque nous avons présenté avec Vincent la contribution pour le compte de notre sensibilité : " dans une famille, on transmet de génération en génération sinon on se coupe de l'avenir. " On ne peut pas stigmatiser, diaboliser ceux qui se lèvent pour dire " peut-être que nous nous sommes trompés ", ceux qui apportent les idées nouvelles. On ne peut pas dans une famille dire " tous les jeunes se trompent, nous, nous avons raison ". Une famille où les parents, les grands-parents stigmatisent leurs enfants est une famille qui a pour vocation à éclater. Ce n'est pas une famille qui a vocation à se renouveler.
Ce devoir de transmission, c'est le message qu'il faut adresser jusqu'à La Rochelle, pendant que se propage dans la majorité cette espèce de contagion de l'esprit de scission qui contient ses ferments d'intolérance et d'exclusion, cet esprit qui semble vouloir affirmer qu'il y a une majorité qui a toujours raison, même si elle est en désaccord, et une minorité qui doit accepter le verdict... Alors que dans le parti de François Mitterrand, Yvette et les camarades qui ont vécu cette époque nous le rappellent toujours, c'était toujours une manière de se mélanger les uns les autres, de se respecter les uns les autres et de s'enrichir mutuellement les uns auprès des autres.
Ce côté " minoritaire dehors ", " majoritaire au pouvoir " est le danger de notre parti. A cet esprit de scission, nous voulons opposer l'esprit de construction et de reconstruction où nous voulons vivre ensemble, nous voulons ouvrir les portes et les fenêtres et nous n'avons pas peur d'autrui car nous nous adressons à la conscience de chaque militant socialiste. Nous voulons le convaincre et l'ébranler. Nous voulons lui dire que nous pouvons faire autre chose avec les valeurs qui sont les nôtres et que nous partageons depuis longtemps.
Alors : construire ensemble quoi ? Pour faire quoi ? Nous contemplons la crise d'identité de la gauche européenne. Il n'y a pas qu'au Parti Socialiste où l'on s'interroge. Il y a aussi en République Fédérale Allemande où le Parti Socialiste a éclaté en deux morceaux. Nous regardons ce qui se passe du côté de la Grande-Bretagne où le New Labour se voit victime d'une hémorragie non pas cérébrale mais quantitative. De nombreux syndicalistes, les fondateurs avec les Trade Unions du Parti Travailliste, le quittent, affirment leur refus de continuer à accompagner le New Labour. Nous voyons partout, même en Italie, au pouvoir et même en opposition, qu'on s'interroge sur la nature du capitalisme auquel ils ont à faire face.
Il fut un temps où c'était dans le cadre de l'Etat-Nation, là où les partis politiques pouvaient proposer des solutions sans être prisonniers du chantage impitoyable qu'exerce la mondialisation sur leurs choix, sur la délibération politique nationale ou collective. Il fut un temps où il était possible de proposer des solutions de régulation et qu'elles s'imposent à tous.
Aujourd'hui le capitalisme est devenu une bête sauvage, libérée de ses contraintes, sans limites. Elle a passé et enjambé les frontières et nous sommes, devant cette nouvelle forme de capitalisme, sans défense.
Nous avons à construire et reconstruire les outils de la future domestication de ce nouveau capitalisme qui est en train de détruire jusqu'à la politique, ce qui explique d'ailleurs la montée des populismes dans tous les pays y compris le nôtre, parce que là où il n'y a plus de politique pour délibérer la quantité de richesse qu'il faut redistribuer collectivement dans un système économique productif de ses richesses, la politique se venge et de la pire façon : la violence politique s'installe. Et nous savons par quels mécanismes elle s'installe : par les vecteurs nationalistes de la xénophobie, que nous condamnons et que nous devons combattre par d'autres instruments qu'il nous faut maintenant construire, nous-mêmes, par nos propres moyens intellectuels et politiques.
Cette économie du chantage exerce cette prise d'otages permanente sur le niveau des salaires : " baissez les salaires, nous serons d'accord ! ". Sur les impôts : " baissez les impôts sur le capital, augmentez les impôts sur le travail ! ". Sur la flexibilité du travail : " Flexibilisez encore, vous serez dans les standards internationaux de la compétitivité ! ". Tout le système décisionnel politique est pris en otage permanent et toutes les politiques alternatives se détruisent, sont victimes de chantage permanent. C'est l'arasement au bout du compte des politiques, l'absence de distinction entre la gauche et la droite et finalement le minimalisme qui s'impose en politique et malheureusement, parfois, à gauche. La bête sauvage s'est échappée : comment la domestiquer à nouveau ?
Habermas a eu une très belle phrase sur la mondialisation, et c'est un grand philosophe allemand qui parle : " la mondialisation, c'est l'effondrement du pouvoir d'achat des bulletins de vote ". Voilà une très belle formule qui veut dire ce qu'elle veut dire. Vous pouvez considérer que c'est du chiffon de papier vos bulletins de vote parce que les vraies décisions, elles se prennent ailleurs ! Les responsables politiques ne sont que des marionnettes sur des théâtres d'ombres et ils agissent à la marge.
Notre problème à nous, socio-démocrates, socialistes européens, c'est la reconstruction des outils. Et souvent, chers camarades, ces outils se logent dans des questions tout à fait fondamentales. Si nous avons eu ce débat si difficile entre nous sur le Traité Constitutionnel européen c'est précisément parce que les outils qu'il contenait ne donnaient pas satisfaction pour construire les protections que la société européenne, les sociétés européennes exigeaient, demandaient là où les outils les plus classiques sont affaiblis. Nous risquons l'impuissance donc le mollétisme. " Nous allons faire ! Nous allons faire ! " Mais que ferons nous quand nous y serons ? Notre problème, et c'est l'uvre et l'ouvrage de la rénovation, c'est de faire coïncider l'exigence qui est dans le champ populaire, dans le champ de la société, avec la politique car la population veut de la politique à mettre en face de l'économie de marché, de la toute puissance de l'économie de marché. Et la gauche doit réinventer ces outils parce que nous savons que si nous conservons ceux dont nous disposons aujourd'hui, nous serons réduits à l'impuissance, nous serons sanctionnés une nouvelle fois et nous devrons assumer les conséquences de notre absence d'effort intellectuel et politique de rénovation.
Ce projet que nous sommes en train de construire dans ce Congrès, à la va-vite malheureusement mais prenons tout ce qui se présente pour le faire, est le premier projet depuis la mondialisation ultralibérale et dérégulée. Nous avons vécu sur des concepts des années 1970, nous les avons modernisés à la va-vite au pouvoir en transformant telle mesure par telle autre, en les actualisant à la faveur de quelques conventions ou congrès. Mais y a-t-il eu un moment politique dans notre histoire où nous avons regardé en face la réalité de la mondialisation dérégulée, où nous nous sommes dits : " Mais regardez l'impuissance qui nous guette ! Comment construire et assumer la construction d'outils nouveaux ? " ? C'est l'objet du NPS en France.
Dans notre contribution on retrouve et on trouve, là où du côté de la gauche minimale nous entendons le silence, la confrontation avec la réalité économique du moment. Il n'y a pas qu'un diagnostic comme dans d'autres contributions, il y a des éléments concrets de reconstruction de ces outils : la clause sociale environnementale dans les rapports marchands internationaux que les Américains et l'OIT ont inventée ensemble il y a maintenant 10 ans. Ce n'est pas une idée si neuve que cela mais c'est une idée qui peine à cheminer parce que pendant qu'elle peinait à cheminer et s'installait dans les têtes des socialistes européens, les ultralibéraux eux avaient pris d'assaut l'OMC et ont gagné, pris des avancées stratégiques pour faire avancer leur ordre de valeurs ! Et c'est un des éléments sur lesquels il va falloir que nous nous battions. Et accepter ce volontarisme là, c'est accepter donc la confrontation avec un ordre naturel que la droite fait passer pour étant immuable. Là où la gauche a besoin d'outils et donc de se confronter avec l'ordre économique, la droite, elle, n'en a nul besoin et rien que de vaincre cette inertie exige que nous soyons des professeurs d'énergie, que nous défendions énergiquement, avec la force qui est la nôtre, au Parti Socialiste et avec toutes les forces de gauche associées, on sera bien peu encore pour le faire, démontrant que l'alternative c'est de mobiliser les masses, la population sur la construction d'outils alternatifs qui permettra à la politique de retrouver sa force, ses lettres de noblesse, ses moyens d'intervention, sa puissance, bref de retrouver ce qui manque aujourd'hui pour être de vrais socialistes comme les socialistes du XIXe siècle l'ont été.
Repolitisons donc les politiques de la concurrence (c'est la contribution thématique Sortir de l'impasse), les politiques industrielles, les politiques fiscales qui aujourd'hui nous lient les mains. Reconstruisons nos marges de manuvre, acceptons l'idée, comme le disait Geneviève à l'instant, que dans l'ordre mondialisé la question de la protection de la planète et de l'environnement nous serve de point d'appui pour organiser la domestication urgente et nécessaire de la mondialisation. Croyez-vous que nous allons continuer de produire à 10 000 kilomètres ce que nous consommons ici ? Nous devons affirmer et assumer ce que nos camarades de la gauche minimale n'affirment pas et n'assument pas : que nous devons construire des économies régionales au sens continental du terme. Nous l'avons écrit dans notre contribution. La mondialisation n'a pas rempli les promesses que certains socio-démocrates ont cru voir entre elles et nous affirmons que les dégâts sociaux au nord, au sud, les inégalités explosives au nord, au sud, entre le nord, entre le sud sont une bombe à retardement contre ladite mondialisation qui par la violence politique essaie d'imposer ses normes.
Alors, la gauche volontaire, c'est la gauche des outils, c'est la gauche de la reconstitution des outils. Et la VIe République, c'est un de ces outils. C'est d'ailleurs une paraphrase de Jean Jaurès, l'outil par lequel nous remettrons la politique en face de l'économie. Mais c'est surtout l'outil par lequel nous pourrons lutter contre le populisme. La VIe République n'est pas qu'un objectif vague, ce n'est pas qu'un gadget pour un congrès en panne d'imagination, ce n'est pas qu'un discours convenu pour anesthésier les divergences pourtant profondes entre socialistes. C'est un chantier considérable, c'est le rêve de Pierre Mendès France, la VIe République. Ce rêve, qui le porte avec sincérité ? Qui y croit ? Qui en sont les avant-gardes ? Le NPS partout, dans toutes les sections, les fédérations. Ce rêve, c'est le rêve de la réconciliation de la démocratie avec les Français, c'est le rêve qu'à chaque fois qu'une décision politique se prend, elle puisse avoir quelque écho dans un peuple comme le nôtre, ce peuple, qui n'est pas un peuple de veaux comme le disait le Général De Gaulle, qui est un peuple exigeant, veut de l'action publique, veut délibérer et sait à quel point l'on a voulu l'en empêcher du 13 mai 1958 jusqu'à aujourd'hui.
Chers camarades, ce chantier là est le point d'appui pour tous les autres. Sans avoir réglé la question démocratique, nous serons impuissants à régler toutes les questions, tous les sujets que la Nation aura à affronter, ils seront de taille. Si nous ne le faisons pas, nous n'existerons pas. Nous devons dire que nous allons le faire, nous donner les moyens de convaincre par un vaste mouvement d'opinion que la VIe République est le point par lequel la gauche peut aujourd'hui reprendre la main auprès des Français, montrer qu'elle a un projet alternatif, qu'elle est capable aujourd'hui de réconcilier les Français avec l'action publique et politique. Il faudra le faire en six mois après notre victoire en 2007. Et nous ne pourrons pas le faire autrement qu'à travers un mandat constituant dont nous aurons débattu, et dont le Parti lui-même tout entier, 100 % du Parti Socialiste, aura porté l'esprit, la lettre dans chaque foyer, dans chaque section, dans ces canton urbains ou ruraux, profond où il faut que nous portions cette affaire devant les Français. Si nous ne le faisons pas, cessons de nous cacher derrière notre petit doigt, on nous dira, comme d'habitude, " cela n'intéresse pas les Français ". Pourtant, c'est le moyen par lequel les Français pourront s'intéresser à eux-mêmes, à ce qu'ils veulent faire, à la destinée qu'ils veulent se donner, à la manière dont ils veulent influencer et agir sur l'Europe qui aujourd'hui a fait une embardée. C'est comme cela que nous reconstruirons ! Si nous ne le faisons pas, nous serons ces marionnettes dans le théâtre d'ombres dont je parlais tout à l'heure.
Alors chers camarades, ce projet n'est pas seulement un rêve majestueux sur un papier. Il relève d'abord et avant tout du combat de notre Parti : le Parti Socialiste. C'est à lui d'organiser la campagne dans le pays, de lancer dès après notre victoire au Congrès du Mans la grande campagne politique dans le pays, d'expliquer à la France toute entière, de convertir la France et les Français à la VIe République. Mais il n'est pas utile d'aller bien loin : nous sommes arrêtés dans la rue, dans le métro, parfois au milieu des vaches dans ma circonscription ou ailleurs, on me dit : " Dites donc, ça traîne votre VIe République ! ". Convertir la France, c'est le travail des partis politiques, c'est le travail du Parti Socialiste, c'est le travail du NPS dans ce Congrès pour convertir la future majorité alternative du Parti Socialiste et la construire sur cette base.
Vous comprenez, chers camarades, à quel point, la gauche a accumulé son retard stratégique par rapport à la droite qui, elle, avance. Si nous avions réussi ce travail de conversion, de régénération à Dijon, croyez vous que nous en serions là sur le plan politique ? Si on nous avait peut-être écoutés, je me souviens quand j'étais à la tribune à Dijon, je voyais devant moi la délégation de la Corrèze qui regardait ses souliers lorsque je disais " posons-la, la première pierre de la VIe République ! ". Je n'ai vu que des hochements de tête, des mouvements de pied. Si certains semblent s'y convertir, cela n'est pas suffisant vous le savez, nous avons perdu du temps, pas pour le NPS, regardez comme nous sommes forts... Perdu du temps pour le Parti bien sûr, pour la gauche toute entière, pour la France qui a besoin de cet " autre chose " que nous tardons à lui proposer.
Pendant ce temps-là, pendant que nous n'avons pas reconstruit idéologiquement, pendant que nous ne nous sommes pas régénérés, politiquement la droite, elle, a avancé. Cet été, elle vient d'accomplir le forfait que nous connaissons un 4 août, quand même... Un 4 août, elle a restauré le privilège de licencier, sans préavis, sans indemnité. Pendant deux ans, il est possible de le faire. Et si vous êtes licencié après six mois, on vous donnera l'aumône de 492 euros c'est-à-dire moins que le RMI. C'est l'indemnité forfaitaire. Et il s'est trouvé quand même un Premier Ministre pour dire que c'était dans l'intérêt des salariés qu'on détruise ce qui restait de leur protection. Nous avons beaucoup dénigré les CDD. Mais c'était un paradis sur terre à côté de ce fameux CNE qui restaure l'esclavage, la répudiation des esclaves.
Certains de nos camarades m'ont dit hier pendant le dîner : " J'ai appelé Solferino ; personne n'a répondu au téléphone. ". Pas un uniforme rose à l'horizon. Nous nous y sommes collés avec Henri Emmanuelli. J'ai rédigé en plein été une tribune, que j'ai eu bien de la peine à faire passer, où nous expliquions que c'était un acte considérable avec des conséquences considérables que la droite venait d'accomplir, obéissant aux objurgations de la clientèle MEDEFienne dont elle est la représentante obligée. Et je sais le lien qui existe entre l'absence de combativité et l'absence de rénovation du parti. C'est quelque chose qui marche ensemble. Lorsque la droite mène une politique de classe confinant à la caricature, est-ce que nous ne sommes pas sommés de le dire ? Pouvons nous quand même sortir de cette espèce de modérantisme permanent où l'on ne peut pas dire un mot plus haut que l'autre ? Les baisses d'impôt qui ont été organisées méthodiquement sur les classes sociales les plus fortunées, les plus aisées, sur les entreprises qui réalisent aujourd'hui un surcroît de profit considérable : regardez les progressions dans les côtes pour les actionnaires dans les journaux financiers.
Nous voyons bien que les baisses d'impôts ont fabriqué 170 milliards de dette supplémentaire pour la France en 3 ans. Et aujourd'hui arrive Monsieur Breton le chevelu qui nous dit " nous sommes endettés, la France vit au-dessus de ses moyens ". C'est précisément parce qu'elle a abandonné des recettes à la clientèle électorale qui l'a fait élire ! Et voici maintenant que l'on privatise les autoroutes pour trouver 12 petits milliards sur les 170 créés ! Monsieur De Villepin, Monsieur Sarkozy, vous avez le devoir de réaugmenter les impôts sur votre clientèle pour que la Nation puisse vivre au niveau de ses moyens ! Réaugmentez donc les impôts sur ceux qui en ont abusivement profités car la mise en marche de la taxation des plus pauvres est directement liée au remboursement des dettes créées pour les baisses d'impôts pour les plus riches.
Alors vous avez remarqué que pour dissimuler tout cela s'est installée une nouvelle forme de distraction en France, le Sarko-Circus. Pendant que l'on parle d'autre chose, on ne parle pas de cela. Le Ministre de l'Intérieur est monté sur son podium pour rouler des mécaniques, le Sarko-Circus passe par les plages. Est-il passé à Fouras Monsieur le Maire ? On vous montrera ses girafes, ses panthères, ses guenons. Le Sarko-Circus est formidable.
Il ne manquait d'ailleurs plus dans le Sarko-Circus que le roman photo des peines de cur du Ministre d'Etat. Monsieur le Ministre d'Etat, vos peines de cur ne nous intéressent pas. Nous préférons mesurer votre politique, regarder vos actes. Il paraît que vous vouliez juguler la vie chère dans les supermarchés. Il paraît que le premier fléau des Français, c'était la prostitution dans les centres-villes. Bravo, vous avez réussi, maintenant la prostitution est dans les périphéries. Il paraît que la ligne Maginot que vous prétendiez édifier sur la route des délocalisations vient de céder. Elles continuent de plus grande ampleur encore. Il paraît que la délinquance était votre sujet. C'est très simple, vous savez, pour faire diminuer la délinquance, vous appelez vos Préfets pour leur demander de diminuer les chiffres et après les victimes viennent nous voir en disant : " Mais pourquoi on a pas pris ma plainte ? ". Il suffisait d'y penser. Les quartiers en difficulté ? Retournez à Strasbourg, retournez à La Courneuve, interrogez sur votre chemin. Les camarades Alsaciens et du 93 le savent. Ils vous diront ce qu'il a dit et ils compareront avec ce qu'il a fait. Le Sarko-Circus ne parviendra pas à aveugler les Français.
Nous devons reconstruire et inventer une autre manière de s'opposer à la droite populiste, accepter la confrontation et refuser cette forme de modérantisme à laquelle nous voulons trop nous habituer, un peu à la mode Rad-Soc. Nous devons réorienter à gauche le Parti, reconstruire de nouvelles pratiques, clarifier notre position et enfin refaire notre retard stratégique par rapport à la droite. Voilà le programme qui est le nôtre. Mais nous voudrions que ce programme soit celui d'une majorité dans le Parti. Avant-hier, nous avons construit une ligne unanime face à la gauche minimale de la direction qui offre son statu quo, ses silences, ses divergences, ses certitudes, qui déploie maintenant son esprit de scission pour ne pas dire ses hésitations stratégiques sur les alliances à conclure. Nous opposons une gauche volontaire pour une future majorité alternative, ancrée à gauche, offensive contre la droite, décomplexée par rapport à son passé car capable elle aussi de dresser des inventaires, proposant des solutions nouvelles, travaillant sur la question des outils pour reconquérir notre base sociale et surtout rassembleuse de toutes les forces de gauche. Ce n'est pas le bloc du oui contre le bloc du non et d'ailleurs je veux saluer ici particulièrement tous ceux, militants, qui ont pensé et pensent encore qu'il fallait pour des raisons tactiques approuver le Traité Constitutionnel Européen. Je leur rends l'hommage d'avoir rejoint le NPS. Vous qui méditez avec nous sur les dangers d'un enfermement de notre parti dans l'immobilisme et le statut quo, dans la certitude d'avoir raison pendant que la société s'enfonce, désespère et nous appelle à l'aide, merci de nous avoir rejoints pour construire cette nouvelle majorité.
Il est vrai pendant ces deux mois d'été, nous avons hésité sur l'instrument à retenir pour construire cette nouvelle majorité. Certains ont défendu l'idée d'une motion commune avec d'autres forces : Henri Emmanuelli et Laurent Fabius. C'était là perdre notre âme, notre identité. C'était là risquer de voir notre identité se dissoudre et les interprétations les plus désagréables surgir. D'autres défendaient la motion en solitaire où nous aurions contemplé seuls dans notre glace nos uvres immémoriales, refusant par la pureté toute alliance et offrant finalement à la direction une reconduction sans coup férir.
Nous avions donc besoin de faire entre-deux et c'est ce que nous avons décidé par le contrat de majorité, outil politique qui a déjà existé dans les Congrès du Parti. Sous les Congrès de l'époque Mitterrand, certains me rappelaient qu'il y avait des axes. Nous avons trouvé que le mot faisait un peu trop mussolinien. Nous avons préféré le contrat. Le contrat de majorité d'abord parce que le contrat, c'est un peu l'ancien avocat qui s'exprime, c'est l'échange des consentements où nous discutons d'égal à égal. L'axe, il y a un chef et les autres se soumettent. Le contrat, c'est un échange. Nous discuterons d'égal à égal avec Henri Emmanuelli, comme nous avons commencé à le faire hier. Nous mettrons sur la table nos méfiances à l'égard de Laurent Fabius, par exemple, il faut le dire ! Nous ne nous laisserons pas emmener sur le terrain de je ne sais quelle candidature à l'élection présidentielle car nous sommes là dans la procédure du Congrès. Il y a le temps du Congrès sur le programme assez lourd que nous avons à remplir et après il y aura le temps des candidatures. Et je vais vous dire, cette règle est aussi valable pour nous-mêmes. Une fois le contrat constitué entre ces motions indépendantes, nous aurons à mettre enfin face à la majorité actuelle, un programme crédible de direction du parti, de réorientation de sa ligne et la future majorité présentera un candidat face à François Hollande.
Ce candidat sera celui de toutes les parties au contrat et le NPS devra le moment venu d'abord en discuter en son sein avec vous tous militants, vos représentants, selon nos règles démocratiques communes qui fonctionnent, la preuve ! Puis ensuite en discuter avec nos partenaires. Pour l'instant, constituons le contrat et entrons dans la discussion. Je dis à Henri Emmanuelli, qui nous a fait l'amitié d'être parmi nous hier soir, je dis à Laurent Fabius et ses amis : " Que pensez-vous de nos propositions ? Etes-vous prêts à marcher, à discuter ? ". Nous dirons ainsi clairement dans ce congrès ce que nous voulons faire de nos voix. Il n'est pas possible que le NPS ait la moindre stratégie ambiguë à la Talleyrand ; nous n'en sommes pas capables, nous n'en avons pas les capacités. Nous devons être clair, dire ce que nous voulons faire, avec qui nous voulons le faire, pour quoi faire, dans quels buts et le dire au moment où nous sollicitons le suffrage. Alors si tout cela est clair, avançons et marchons. Nous avons cette feuille de route que nous avons voté l'autre soir. Nous l'avons sur notre cur, dans notre poche, elle nous tient lieu de viatique. J'ai senti hier un moral d'acier dans les fédérations. Il nous manque 5 000 voix. C'est-à-dire, ici où nous sommes 1 000, cinq personnes de plus qu'il faut aller chercher chez les militants du oui pour les convaincre de nous rejoindre.
Nous avons, je l'ai senti, le désir de convaincre et de réussir. Nous en avons besoin pour notre parti. Nous ne chanterons pas Le chant du départ. Ce serait une métaphore trop guerrière et nous le réservons pour la droite. Mais je vais vous lire les paroles que nous avons chanté il y a bien longtemps. Je n'étais pas encore au Parti Socialiste. C'était en 1977. Voici les paroles :
Un siècle meurt, un millénaire commence
Plus de prisons, de cages et de camps
Tendons la rose rouge de l'espérance
Aux opprimés de tous les continents
L'histoire est là qui nous offre une chance
Changeons la vie ici et maintenant
Libérer la femme
Libérer l'école
Donner la parole aux frères émigrants
Ecrire notre histoire à la première personne
Être enfin des hommes et non des instruments
France socialiste puisque tu existes
Tout devient possible ici et maintenant
("Changer la vie", Paroles de Herbert Pagani musique de Mikis Théodorakis Chantée pour la première fois au congrès socialiste de Nantes, 1977)
(Source http://www.nouveau-ps.net, le 12 septembre 2005)