Interview de M. Arnaud Montebourg, député PS, à "France 2" le 29 août 2005, sur le bilan de l'activité gouvernentale (recours aux ordonnances, politique de l'emploi) et sur la politique de communication de Nicolas Sarkozy.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

Q- Le problème, c'est que l'on entend beaucoup les socialistes se disputer, mais finalement, on les entend assez peu s'opposer au Gouvernement, et c'est surtout F. Bayrou que l'on entend le critiquer.
R- Oui, je suis d'accord avec vous. Tout cela manque de tonus. Sur l'affaire des autoroutes ou du CNE. Cet été, par voie d'ordonnances, c'est-à-dire, d'une façon dissimulée, on a mis le Parlement en vacances...
Q- Tout le monde savait qu'il y a eu les ordonnances quand même !
R- Oui, mais vous ne pouvez rien dire, lorsque vous êtes au Parlement comme nous le sommes, vous ne pouvez pas en débattre. Donc on nous met en vacances, nous les parlementaires, on écrase les syndicats, et on dit : voilà ce que nous allons faire, nous allons créer un contrat qui, en effet, est une grande première dans l'histoire du travail, qui d'ailleurs va faire disparaître le droit du travail. Vous pouvez être licencié au bon vouloir de votre employeur pendant deux ans. C'est la répudiation des anciens esclaves, nous en sommes là ! Et même la CGPME, qui n'est pas suspect de bolchévisme, organisation patronale des PME, a dit que ce n'est pas la nature des contrats qui fait les emplois, mais que c'est le niveau de l'activité économique. Et avec deux années, pendant lesquelles vous êtes sur un siège éjectable dans votre entreprise. Comment fait-on pour se loger, avec les cautions ? Comment fait-on pour obtenir du crédit ? C'est une révolution ultralibérale et conservatrice, au détriment des catégories sociales déjà précarisées. C'est scandaleux et inacceptable !
Q- Ne faut-il pas plus de souplesse pour favoriser l'emploi ?
R- Mais la souplesse, nous en avons déjà le record en France et nous ne fabriquons toujours pas d'emplois. En revanche, il faut de la croissance, il faut une politique volontaire qui distribue du pouvoir d'achat, ce que le Gouvernement a refusé de faire avec ses baisses d'impôts. Vous avez remarqué qu'en trois ans, la dette de notre pays a augmenté de 170 milliards d'euros. C'est considérable, cela fait l'équivalent de 17.000 euros par enfant qui naît dans notre pays. C'est la conséquence directe de la baisse des recettes que le Gouvernement a choisie : en diminuant les impôts sur les plus fortunés et les plus riches, vous vous retrouvez avec un déficit qui explose. Je dis que, plutôt que de privatiser les autoroutes, MM. de Villepin et Sarkozy feraient mieux de ré augmenter les impôts, puisqu'ils en appellent aux difficultés de la nation !
Q- Votre proposition ne va pas être très populaire...
R- Mais c'est la conséquence de leur politique scandaleuse et déjà impopulaire. Si vous ne ré augmentez pas les impôts sur ceux qui en ont profité, comment faites-vous pour payer les dettes ? Eh bien, vous taxez les plus pauvres : les péages, le tabac, les alcools, l'essence... Cette politique, la baisse de l'impôt sur les plus riches, c'est une machine à augmenter les taxes sur les plus pauvres.
Q- N. Sarkozy va-t-il être un candidat difficile à battre pour la gauche en 2007 ?
R- M. Sarkozy, vous savez, il fait de la distraction et de la diversion... Pendant qu'il fait ce que j'appelle le "Sarko Circus", avec ses peines de cur en roman-photos, bref de l'attraction publique...
Q- Nous parlons de politique, pas de vie privée...
R-
Je ne parle pas de vie privée, je dis qu'il met en scène sa vie personnelle. C'est son choix, ce n'est pas le mien. Je suis désolé, mais pendant ce temps-là, on ne parle pas de ses choix, du bilan de son action. La vie chère dans les supermarchés ? Vous avez vu qu'elle continue sa course folle. Les délocalisations, contre lesquelles il voulait faire une ligne Maginot ? Elles continuent de plus belle. Les problèmes de prostitution ou de délinquance ? Rien n'a changé. Nous sommes donc maintenant amenés à faire le bilan de la politique de M. Sarkozy.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 29 août 2005)