Interview de M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, dans "Le Parisien" du 5 septembre 2005, sur la rentrée sociale, l'unité syndicale et les relations des syndicats et du MEDEF.

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Média : Le Parisien

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Le Parisien - Nicolas Sarkozy veut réformer en profondeur le modèle social français mais en se passant des syndicats à qui il ne fait pas confiance. Que lui répondez-vous ?
François Chérèque - Nicolas Sarkozy se situe bien dans la tradition gaullo-communiste qui consiste à laisser les syndicats uniquement dans une posture de contestation et les politiques dans la seule posture de décision. Cette attitude augure mal de l'avenir des relations sociales dans notre pays, elle est à l'origine de la faiblesse du syndicalisme français par rapport aux autres syndicats européens. Résultat, nous avons les confédérations qui s'engagent le moins dans la négociation et dans les réformes. Or, si ont veut réformer notre modèle, on ne peut pas le faire sans la société civile.
Les problèmes de santé de Jacques Chirac peuvent-ils avoir des conséquences en matière sociale ou économique ?
Nous lui souhaitons de se rétablir au plus vite. Mais à partir du moment où son arrêt de travail est limité, cela ne peut pas remettre en cause la dynamique sociale. Le président Mitterrand a été souvent malade, ça n'a pas empêché la machine économique et sociale de fonctionner.
Le Premier ministre, lui, affirme mener une politique " sociale ". Qu'en pensez-vous ?
Une partie du plan Villepin concerne, en effet, les personnes en difficulté, les érémistes, ceux qui reprennent un emploi, les ménages modestes Mais cela ne suffit pas pour faire une politique efficace en matière de création d'emplois et de pouvoir d'achat. Voilà pourquoi j'estime que les différentes annonces du Premier ministre manquent de cohérence. Pour la CFDT, seule une véritable politique en faveur de la création d'emplois durable peut être qualifiée de " sociale ".
Sous l'effet de la loi Borloo, le chômage baisse sensiblement. Le contrat nouvelles embauches (CNE) semble partir fort N'est-ce pas là une politique en faveur de l'emploi ?
Après avoir critiqué le gouvernement Raffarin qui l'avait abandonné en 2002-20003, la CFDT a réclamé un nouveau traitement social du chômage. Aujourd'hui, nous sommes satisfaits de voir cette politique donner des premiers résultats. Mais il reste à transformer ces postes en emplois durables, ce qui n'est pas acquis. Quant au contrat nouvelles embauches, nous avons demandé au Premier ministre de faire un vrai bilan en 2006. Si le CNE ne fait que remplacer les CDD pour la plus grande satisfaction des employeurs, ce que nous pensons, cela signifie pas de créations d'emplois mais un renforcement de la précarisation des salariés. On ne peut s'en satisfaire.
Pensez-vous que Dominique de Villepin soit capable de redonner la confiance aux Français en cette rentrée ?
Le gouvernement seul, ne peut pas redonner confiance. Les partenaires sociaux doivent aussi apporter des résultats concrets pour remonter le moral des salariés. Cela implique que le patronat reprenne le chemin des négociations. Sur la question essentielle du pouvoir d'achat, j'ai proposé au Premier ministre de convoquer une grande conférence nationale des revenus afin de mettre sur la table la question du pouvoir d'achat, de la fiscalité, des loyers, des transports et de la couverture complémentaire maladie. Cela peut donner un véritable élan.
Participez-vous à la journée de mobilisation en octobre déjà annoncée par d'autres syndicats ?
En juin, nous n'avons pas manifesté car la CFDT a fait le choix du dialogue avec le gouvernement. On a proposé des amendements au CNE, certains ont été pris en compte (préavis, indemnité de licenciement, l'accompagnement du chômeur).
Mais nous restons fermement opposés à la non-motivation du licenciement. Nous participerons début octobre à la journée d'action.
Avez-vous une idée précise de la date de la manifestation ?
Si on veut faire venir les personnes qui ont le plus besoin des résultats de cette action (les salariés des petites entreprises, les contrats précaires) c'est le samedi qu'il faut la faire. Cela nous permettra d'avoir plus de monde et de ne pas gêner les usagers. Outre la date, il faudra aussi se mettre d'accord sur les mots d'ordre. On en discutera cette semaine, résultat des courses : jeudi.
Attendez-vous un million de personnes comme Jean-Claude Mailly (FO) ? Pensez-vous aussi que la rentrée sera " chaude " ?
Il est imprudent de faire, aujourd'hui, de tels pronostics sur la mobilisation. Nous devons préalablement convaincre les salariés. De la même façon, il est difficile de dire si la rentrée sera chaude ou pas. Je sais que sur les sujets centraux - l'emploi et le pouvoir d'achat - il existe un très fort mécontentement. Notre rôle est d'aider les salariés à l'exprimer.
Commet jugez-vous Laurence Parisot, la présidente du Medef ?
Ses premières déclarations sont prudentes et tranchent avec celles de son prédécesseur. Elle nous invite à ouvrir le dialogue, c'est un signe positif. Nous la rencontrerons demain. Au-delà, nous souhaitons qu'il y ait une vraie volonté de sa part de reprendre une démarche constructive dans les négociations déjà ouvertes et à venir.
(Source http://www.cfdt.fr, le 9 septembre 2005)