Message de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur la coopération multilatérale entre les Parlements, New-York le 7 septembre 2005.

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Circonstance : Allocution prononcée par M. Robert DEL PICCHIA, au nom de M. Christian PONCELET, lors de la 2ème conférence mondiale des Présidents de Parlements organisée par l'Union Interparlementaire au siège des Nations-Unies (New-York), du 7 au 9 septembre 2005

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Présidents d'assemblées parlementaires,
Chers Collègues,
Mesdames et Messieurs,
La question qui nous est posée à travers le thème de nos débats, celle du rôle et de la place des parlements dans un monde globalisé, est au centre de mes préoccupations.
Que les défis du XXIème siècle appellent des réponses multilatérales, cela est évident : combattre le réchauffement climatique, optimiser la gestion des ressources en eau, prévenir les catastrophes naturelles et réduire leurs conséquences, diminuer l'endettement des pays les moins avancés, combattre la pauvreté, promouvoir un développement durable, mettre en place une véritable justice internationale garante de l'état de droit. Autant d'objectifs prioritaires qui ne pourront pas être atteints sans une action menée à l'échelle de la planète.
Ce mouvement nous a conduit à adapter l'action et les méthodes de travail de nos assemblées à la nouvelle réalité internationale qui s'est mise en place depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.
Cette mutation de nos assemblées a pris deux formes principales.
Au plan national tout d'abord, avec une association des parlements à la négociation multilatérale par un échange d'information entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif et grâce au développement d'un contrôle de la mise en oeuvre des accords internationaux.
Au plan international ensuite, par le développement d'une coopération entre les parlements intéressés comme par l'intermédiaire de l'Union interparlementaire.
Dans chacun de nos pays, cette adaptation est une nécessité pour nos parlements qui, à demeurer dans le strict cadre national, risqueraient d'être marginalisés. Si la négociation des accords internationaux relève bien évidemment du pouvoir législatif, les parlements ne peuvent se contenter de ratifier les traités. Il convient notamment de mettre en place une information réciproque.
Prendre en compte la voix des parlements est surtout une impérieuse nécessité démocratique. On a parlé à juste titre de déficit démocratique, notamment à l'occasion de la réunion de l'OMC, à Seattle. L'incidence directe des accords internationaux sur les populations rend impératif que, comme pour la loi nationale, les peuples soient associés à leur élaboration par la voix de leurs représentants les plus légitimes, à savoir les élus.
Concrètement, il s'agit d'imposer aux gouvernements que les parlements soient informés des étapes de la négociation et que les assemblées puissent, sous forme de résolutions, émettre leur opinion. A cet égard, je voudrais souligner ici la pertinence des procédures mises en place dans les pays membres de l'Union européenne pour permettre un contrôle démocratique des très importants transferts de souveraineté auxquels nous avons consentis dans un cadre supranational.
Non seulement nos assemblées reçoivent l'ensemble des documents de négociation mais elles peuvent émettre des résolutions sur chaque étape de l'accord. Plus encore, les parlements sont chargés de contrôler la pertinence des dispositions proposées à travers le contrôle des deux principes de subsidiarité et de proportionnalité.
Le premier permet de vérifier qu'une mesure proposée au niveau supranational ne serait pas mieux assurée au niveau national tandis que le second s'assure que les moyens mis en oeuvre soient strictement proportionnels au but recherché.
Bien évidemment, ces actions doivent être complétées par l'ensemble des actions traditionnelles du contrôle parlementaire : questions écrites ou orales, auditions, établissement de rapports spécifiques, contacts avec la " société civile " dont nous sommes les représentants démocratiquement élus, etc...
Tous ces moyens dont nous disposons peuvent finalement se résumer dans une formule simple : la transparence et le dialogue dans la transparence sont les conditions essentielles de la démocratie.
Mais cette action nationale ne saurait se suffire à elle même. Il convient d'être présent au niveau international.
Nous le faisons bien évidemment par la coopération, qu'elle s'exerce dans un cadre strictement bilatéral, comme par exemple à travers l'action de nos groupes d'amitié, ou de manière multilatérale, en répondant à des appels d'offres internationaux de coopération.
Nous disposons ainsi d'une véritable et unique expertise en matière de démocratie. Je le dis avec modestie car un simple regard sur notre passé nous montre que nul n'est à l'abri d'erreurs et de tâtonnements. Mais c'est précisément cet apprentissage qui rend notre expertise précieuse.
Il faut au reste saluer ici le travail réalisé dans le cadre de l'UIP sur la contribution des parlements à la démocratie, qui est une véritable somme des " bonnes pratiques " en la matière.
Cette forme de coopération n'est-elle pas simplement l'expression concrète de notre solidarité et de notre amitié entre parlements et entre parlementaires ? Elle est en tout cas l'une de mes préoccupations premières et le Sénat de la République française est toujours ouvert, vous le savez, aux demandes qui lui sont faites.
Cette action internationale suppose aussi que nous ayons une action collective.
Nous employons depuis quelques temps le terme de " diplomatie parlementaire ", qui irrite parfois les diplomates ou certains jacobins nostalgiques. Mais derrière ce vocable, il y a selon moi une réalité certaine. Qu'est ce que la diplomatie parlementaire sinon le fait d'utiliser le pouvoir et l'influence politique des parlements pour contribuer à la résolution de conflits ou accompagner les processus de réconciliation ?
Nous devons aussi avoir une action et une représentation au niveau international auquel agissent nos gouvernements, c'est à dire dans ou auprès des organisations internationales. Comment affirmer notre volonté de contrôle si nous ne sommes pas présents ?
Avec l'Union interparlementaire, nos assemblées ont montré, dès 1889, leur volonté de parler d'une seule voix. La mondialisation fait de cette nécessité démocratique une impérieuse obligation.
Nous sommes ici réunis dans la salle de l'Assemblée générale de l'ONU, dont l'UIP est observateur. Je crois qu'il convient ici de réaffirmer notre conviction et notre volonté d'aller plus loin dans le cadre de la coopération avec les Nations-Unies.
Il ne s'agit pas de créer une assemblée parlementaire de l'ONU qui, comme le général de Gaulle l'aurait dit, serait un " machin " de plus. Il s'agit, plus simplement, d'institutionnaliser et de renforcer les liens qui unissent d'ores et déjà l'UIP et l'ONU, en respectant un principe essentiel de la démocratie, celui de la séparation des pouvoirs.
A travers l'UIP, nous disposons d'un extraordinaire réseau de plus de 40 000 élus. A travers l'UIP et à travers chacun de nos parlements, nous incarnons la démocratie comme le rappelle fortement notre projet de déclaration.
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Ce sont ces convictions que nous proposons de mettre en oeuvre, au service des peuples que nous représentons. Je vous remercie.
(Source http://www.senat.fr, le 13 septembre 2005)