Texte intégral
Q - Quel bilan faites-vous de l'action de Dominique de Villepin à l'approche du cap des cent jours ?
R - L'homme est sans aucun doute à la hauteur du poste.
Pour tous ceux qui en doutaient lors de sa nomination - je n'en faisais pas partie -, c'est aujourd'hui une évidence. Mais il est impossible de faire un bilan au bout de cent jours. C'est trop tôt. Seule certitude : la France vit un moment très difficile. Les Français doivent payer chaque semaine une essence de plus en plus chère. Leur pouvoir d'achat est en baisse. L'équation budgétaire est infernale. Il n'y a pas de croissance. La consommation, les investissements, les exportations, mis à part quelques produits spécifiques comme les Airbus, sont en panne.
Q - Le Premier ministre promet pourtant un plan de relance de la croissance...
R - La marge de manoeuvre n'existe que dans le mouvement, dans la réforme. La majorité n'a plus rien à perdre. Si elle tremble, fait seulement semblant d'être dans le mouvement, c'est foutu. Elle doit se dire que, quand on est au fond de la piscine, on doit mettre un coup de pied pour rebondir. Il faudrait, par exemple, entamer une grande réforme fiscale, encourageant ceux qui travaillent et investissent pour retrouver une France productive (cela passe par une réforme de l'impôt sur le revenu et de l'ISF), engageant une vraie fiscalité écologique et ne faisant plus peser la protection sociale uniquement sur le travail.
Q - Etes-vous, comme François Bayrou, contre la privatisation des sociétés d'autoroute ?
R - Oui, car c'est sacrifier le long terme pour le court terme. Il y a un risque de concentration et de monopole par les grandes entreprises du BTP. Il y a un risque de voir des fonds de pension étrangers, très éloignés des préoccupations françaises, à la tête de nos sociétés d'autoroute. Il y a un risque d'augmentation des prix des péages : regardez Cofiroute, la seule société privée qui pratique des tarifs 40 % plus cher que les autres. Et puis on se prive de ressources considérables à terme (30 à 40 milliards d'euros).
Q - Les bagarres au PS : cela vous afflige ou vous attriste ?
R - Il faudra que le PS sorte un jour de la grande hypocrisie dans laquelle il vit depuis l'ère Mitterrand, avec des discours flattant l'électorat le plus à gauche pendant les campagnes et une politique social-démocrate une fois au pouvoir. J'espère que les Français n'ont pas la mémoire courte et se souviennent que Fabius, qui s'affiche aujourd'hui avec Bové ou Buffet, proposait la baisse de la tranche marginale de l'impôt sur le revenu ou la création de fonds de pension quand il était ministre des Finances. Ces changements de pied à visée électorale sont affligeants.
Q - Bernard Kouchner se dit prêt à travailler avec l'UDF sur certains sujets...
R - Cela me fait plutôt plaisir. Cela correspond au profil de beaucoup des nouveaux adhérents de l'UDF qui sont souvent des gens de gauche déçus, ayant une vraie fibre européenne, attachés à la justice mais persuadés que l'on ne peut se priver de l'économie de marché. Peut-être est-on à la veille d'une nouvelle composition du paysage politique, avec une explosion du PS et de l'UMP. Mais cela ne pourra se faire que lors de la présidentielle de 2007.
Q - C'est aussi la guerre à l'UDF. Gilles de Robien, seul ministre centriste, accuse Bayrou de servir la soupe à l'opposition...
R - L'UDF avait un principe simple depuis trois ans : elle soutenait le gouvernement quand ce qu'il faisait était bien, elle ne votait pas les textes quand elle trouvait que ce n'était pas bien. C'est cette liberté de ton qu'il faut continuer à avoir. Ce n'est pas une ligne de béni-oui-oui. Elle ne peut pas être non plus une ligne d'opposition systématique. L'UDF est toujours, pour moi, bel et bien dans la majorité.
Q - Gilles de Robien vient aujourd'hui aux journées d'été. L'ambiance sera chaude ?
R - Sa venue ne me pose pas de problème. L'UDF n'est pas un parti stalinien. Mais Gilles ne doit pas oublier que s'il est ministre, c'est grâce à ses qualités propres, mais aussi parce qu'il est UDF. Taper sur le parti auquel on doit beaucoup, ce n'est pas forcément le meilleur moyen d'assurer son avenir.
Q - Bayrou et l'UDF réussiront-ils à se faire entendre face au duel programmé entre Sarkozy et Villepin ?
R - Si nos propositions sont audacieuses, si nous ne sommes pas uniquement dans la critique, nous serons audibles.
Propos recueillis par Ludovic Vigogne
(source http://www.udf.org, le 29 août 2005)
R - L'homme est sans aucun doute à la hauteur du poste.
Pour tous ceux qui en doutaient lors de sa nomination - je n'en faisais pas partie -, c'est aujourd'hui une évidence. Mais il est impossible de faire un bilan au bout de cent jours. C'est trop tôt. Seule certitude : la France vit un moment très difficile. Les Français doivent payer chaque semaine une essence de plus en plus chère. Leur pouvoir d'achat est en baisse. L'équation budgétaire est infernale. Il n'y a pas de croissance. La consommation, les investissements, les exportations, mis à part quelques produits spécifiques comme les Airbus, sont en panne.
Q - Le Premier ministre promet pourtant un plan de relance de la croissance...
R - La marge de manoeuvre n'existe que dans le mouvement, dans la réforme. La majorité n'a plus rien à perdre. Si elle tremble, fait seulement semblant d'être dans le mouvement, c'est foutu. Elle doit se dire que, quand on est au fond de la piscine, on doit mettre un coup de pied pour rebondir. Il faudrait, par exemple, entamer une grande réforme fiscale, encourageant ceux qui travaillent et investissent pour retrouver une France productive (cela passe par une réforme de l'impôt sur le revenu et de l'ISF), engageant une vraie fiscalité écologique et ne faisant plus peser la protection sociale uniquement sur le travail.
Q - Etes-vous, comme François Bayrou, contre la privatisation des sociétés d'autoroute ?
R - Oui, car c'est sacrifier le long terme pour le court terme. Il y a un risque de concentration et de monopole par les grandes entreprises du BTP. Il y a un risque de voir des fonds de pension étrangers, très éloignés des préoccupations françaises, à la tête de nos sociétés d'autoroute. Il y a un risque d'augmentation des prix des péages : regardez Cofiroute, la seule société privée qui pratique des tarifs 40 % plus cher que les autres. Et puis on se prive de ressources considérables à terme (30 à 40 milliards d'euros).
Q - Les bagarres au PS : cela vous afflige ou vous attriste ?
R - Il faudra que le PS sorte un jour de la grande hypocrisie dans laquelle il vit depuis l'ère Mitterrand, avec des discours flattant l'électorat le plus à gauche pendant les campagnes et une politique social-démocrate une fois au pouvoir. J'espère que les Français n'ont pas la mémoire courte et se souviennent que Fabius, qui s'affiche aujourd'hui avec Bové ou Buffet, proposait la baisse de la tranche marginale de l'impôt sur le revenu ou la création de fonds de pension quand il était ministre des Finances. Ces changements de pied à visée électorale sont affligeants.
Q - Bernard Kouchner se dit prêt à travailler avec l'UDF sur certains sujets...
R - Cela me fait plutôt plaisir. Cela correspond au profil de beaucoup des nouveaux adhérents de l'UDF qui sont souvent des gens de gauche déçus, ayant une vraie fibre européenne, attachés à la justice mais persuadés que l'on ne peut se priver de l'économie de marché. Peut-être est-on à la veille d'une nouvelle composition du paysage politique, avec une explosion du PS et de l'UMP. Mais cela ne pourra se faire que lors de la présidentielle de 2007.
Q - C'est aussi la guerre à l'UDF. Gilles de Robien, seul ministre centriste, accuse Bayrou de servir la soupe à l'opposition...
R - L'UDF avait un principe simple depuis trois ans : elle soutenait le gouvernement quand ce qu'il faisait était bien, elle ne votait pas les textes quand elle trouvait que ce n'était pas bien. C'est cette liberté de ton qu'il faut continuer à avoir. Ce n'est pas une ligne de béni-oui-oui. Elle ne peut pas être non plus une ligne d'opposition systématique. L'UDF est toujours, pour moi, bel et bien dans la majorité.
Q - Gilles de Robien vient aujourd'hui aux journées d'été. L'ambiance sera chaude ?
R - Sa venue ne me pose pas de problème. L'UDF n'est pas un parti stalinien. Mais Gilles ne doit pas oublier que s'il est ministre, c'est grâce à ses qualités propres, mais aussi parce qu'il est UDF. Taper sur le parti auquel on doit beaucoup, ce n'est pas forcément le meilleur moyen d'assurer son avenir.
Q - Bayrou et l'UDF réussiront-ils à se faire entendre face au duel programmé entre Sarkozy et Villepin ?
R - Si nos propositions sont audacieuses, si nous ne sommes pas uniquement dans la critique, nous serons audibles.
Propos recueillis par Ludovic Vigogne
(source http://www.udf.org, le 29 août 2005)