Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire Général,
Mes Chers Collègues,
En septembre prochain, les dirigeants du monde entier se réuniront ici même pour évaluer les progrès réalisés en matière de développement depuis que la Déclaration du Millénaire a été adoptée en 2000.
D'ores et déjà, il est clair qu'à côté de certains motifs d'espoir, comme par exemple une réduction sensible au plan mondial de la proportion de personnes qui vivent en situation d'extrême pauvreté, les défis demeurent considérables. Sans une mobilisation forte, les Objectifs du Millénaire ne seront pas atteints en 2015. Pour ne prendre qu'un exemple, l'épidémie de sida, qui tue chaque année 3 millions de personnes, continue de progresser et touche désormais près de 40 millions de personnes dans le monde. Les populations de neuf pays africains ont aujourd'hui une espérance de vie inférieure à 40 ans.
Face à ce constat, devons-nous baisser les bras et renoncer, alors même qu'à l'évidence une répartition aussi inégale des fruits du développement n'est pas viable ? Le constat partagé selon lequel chaque pays est en premier lieu responsable de son développement doit-il nous conduire à l'inaction ?
Je ne le pense pas, bien au contraire. Nous devons sans tarder changer de braquet, passer à la vitesse supérieure et examiner toutes les options possibles pour que la croissance et la mondialisation profitent réellement à tous.
Le développement du commerce est indéniablement un moteur très puissant du développement et, dans ce cadre, la France veillera à ce que les négociations de Doha prennent pleinement en compte les besoins des pays en développement. Elle sera particulièrement attentive à ce que les préoccupations spécifiques des moins avancés d'entre eux, notamment en Afrique, soient correctement traitées. D'ores et déjà, vous savez qu'avec nos partenaires européens, nous avons consenti des efforts très importants sur les subventions à l'exportation et accordons un régime "tout sauf les armes" aux pays les moins avancés. Nous continuerons à assumer pleinement nos responsabilités au cours des années à venir et souhaitons que chacun apporte sa pierre à l'édifice afin de garantir que notre système commercial multilatéral bénéficie à tous. En particulier, nous souhaitons que tous les pays développés, mais aussi les pays émergents, accordent aux exportations des PMA un régime d'accès sans quota ni droit de douane.
Cela étant dit, il est clair qu'un régime commercial tourné vers les pays pauvres, bien qu'absolument nécessaire, n'est pas suffisant. Avec mes collègues ministres des Finances du G8, nous sommes parvenus la semaine dernière à un accord sur l'annulation de la dette multilatérale des pays pauvres très endettés à l'égard des institutions financières internationales. Comme en 1996, lors du lancement de l'initiative PPTE, la France a joué un rôle déterminant dans la conclusion de cet accord.
Nous avons en particulier insisté pour que l'annulation soit financée par des ressources nouvelles afin de préserver la capacité d'engagement du FMI dans les pays pauvres et de conserver intacte la capacité d'intervention de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement. C'est à cette condition que cet accord sera pleinement bénéfique pour les pays les plus pauvres. La France veillera au respect de l'esprit de cet accord.
Il reste que les annulations de dette des pays les plus pauvres et les plus endettés, aussi souhaitables soient-elles, ne peuvent constituer le levier principal de financement du développement. C'est pourquoi la France souhaite que le sommet de septembre soit l'occasion d'avancer à la fois pour accroître le niveau de l'aide publique au développement et améliorer sa qualité. Je me félicite de l'avancée majeure que représente l'engagement des pays de l'Union européenne d'atteindre collectivement en 2010 0,56 % d'aide au développement, soit une augmentation de plus de 30 milliards d'euros. Pour notre part, nous sommes fermement décidés à porter notre aide publique au développement à 0,5 % en 2007 puis à 0,7 % en 2012, dont 0,15 % pour les pays les moins avancés, conformément aux recommandations des Nations unies.
Nous veillerons également à ce que les deux tiers de notre aide bilatérale restent orientés vers l'Afrique, zone prioritaire sur laquelle nous devons concentrer nos efforts. Enfin, nous serons extrêmement vigilants afin que, dans la foulée de la déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide de mars dernier, les indicateurs de progrès en matière d'harmonisation, de gestion axée sur les résultats ou encore d'alignement soient à la hauteur des enjeux.
Beaucoup reste donc à faire en matière d'aide publique au développement. Mais qui ne voit pas que, quand bien même son niveau et sa qualité augmenteraient substantiellement dès l'année prochaine, l'atteinte des Objectifs du Millénaire demeurerait aléatoire ?
Les représentants des pays en développement présents ici savent pertinemment que cette aide est excessivement volatile, toujours incertaine, souvent remise en cause en période de difficulté budgétaire dans les pays riches. Faute de financement stable dans la durée, certains projets de développement comportant des coûts récurrents élevés, notamment dans le domaine de l'éducation ou de la santé, ne peuvent pas être menés à bien.
Par ailleurs, chacun comprend bien que face à l'ampleur des enjeux, il est tout à fait légitime et nécessaire que les ressortissants aisés de tous les pays, et non seulement ceux des pays les plus riches, participent à l'effort commun, même si bien entendu ces efforts doivent être différenciés en fonction des capacités contributives des individus et des pays.
Ainsi, nous avons besoin de nouvelles sources de financement, qui apportent des ressources supplémentaires, mais également plus stables et prévisibles. Elles sont indispensables pour financer des stratégies de long terme, qui sont les fondements d'un véritable développement.
Les travaux des dix huit derniers mois dans de nombreuses enceintes ont montré que des solutions techniquement faisables et économiquement réalistes existent. Le groupe qui rassemble l'Allemagne, l'Algérie, le Brésil, le Chili, l'Espagne et la France a approfondi certaines des principales options.
Sur cette base, nous observons une véritable mobilisation internationale, qui est partie des Nations Unies ici même en septembre dernier et qui a inscrit cette question parmi les instruments nécessaires pour le financement du développement.
La France est convaincue que les prélèvements de solidarité internationale sont l'une des voies les plus prometteuses pour les pays en développement et l'architecture de l'aide internationale. Dans ce contexte, pour agir rapidement et montrer que cela marche, nous plaidons avec l'Allemagne, le Brésil et le Chili, pour la mise en place rapide d'un projet pilote de contribution de solidarité sur les billets d'avion.
De manière à garantir l'équité du dispositif, le niveau de la contribution pourrait être différencié entre les différentes classes de voyage, voire le niveau de richesse des pays, et une distinction pourra être opérée entre les vols domestiques et internationaux.
Les recettes collectées seraient dépensées via des institutions existantes, de manière à éviter toute bureaucratie inutile. Ils pourraient financer, dans le respect de la souveraineté de chaque Etat participant, les programmes de développement humain les plus urgents, comme par exemple des campagnes de vaccination ou encore l'achat groupé de traitements contre le Sida. A titre purement illustratif, si tous les pays participaient, une contribution par exemple de 5 euros pour chaque passager avec une majoration de par exemple 20 euros pour les vols en classe affaires permettrait de récolter environ 10 milliards d'euros par an, soit près d'un quart du déficit de financement estimé des Objectifs du Millénaire.
Pourquoi le secteur du transport aérien en particulier ?
Parce qu'au-delà des difficultés conjoncturelles de certaines compagnies, c'est un secteur qui bénéficie beaucoup de la mondialisation des échanges et qui est de surcroît peu taxé. Avec une croissance annuelle prévue de l'ordre de 5 % par an pour la prochaine décennie, une contribution forfaitaire à taux faible couplée à une exemption des passagers en transit ne sera pas handicapante pour les compagnies aériennes, même si dans un premier temps tous les pays ne rejoignent pas cette initiative.
Mais aussi parce que les passagers aériens sont rarement parmi les plus pauvres de chacun de nos pays, ce qui est cohérent avec notre volonté d'organiser une solidarité au plan mondial.
Enfin, parce que la faisabilité pratique et juridique d'une contribution de solidarité sur les billets d'avion est avérée, certains pays, comme le Royaume-Uni, possédant déjà un prélèvement de ce type.
Il y a encore un an, l'idée même d'une contribution internationale était taboue et paraissait incongrue. Aujourd'hui, de nombreuses enceintes internationales, l'ONU, le FMI, la Banque mondiale, le G8, ou encore l'Union européenne se sont emparées de la question. Plusieurs pays, du Nord et du Sud, nous soutiennent déjà, d'autres envisagent de le faire prochainement ; d'ici le sommet de septembre, la France invite le plus grand nombre à soutenir l'instauration d'une contribution de solidarité sur les billets d'avion.
Nous avons cette année une occasion unique d'affirmer la réalité de notre partenariat global pour le développement, un des Objectifs de Développement du Millénaire. Consciente de la nécessité de saisir cette opportunité, la France pèsera de tout son poids pour que des solutions encore inédites puissent être mises en uvre. Elle entend rester fidèle à son discours et à son ambition pour une mondialisation de la solidarité, en proposant un moyen généreux et réaliste d'apporter une aide plus efficace aux pays les plus pauvres.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juin 2005)
Monsieur le Secrétaire Général,
Mes Chers Collègues,
En septembre prochain, les dirigeants du monde entier se réuniront ici même pour évaluer les progrès réalisés en matière de développement depuis que la Déclaration du Millénaire a été adoptée en 2000.
D'ores et déjà, il est clair qu'à côté de certains motifs d'espoir, comme par exemple une réduction sensible au plan mondial de la proportion de personnes qui vivent en situation d'extrême pauvreté, les défis demeurent considérables. Sans une mobilisation forte, les Objectifs du Millénaire ne seront pas atteints en 2015. Pour ne prendre qu'un exemple, l'épidémie de sida, qui tue chaque année 3 millions de personnes, continue de progresser et touche désormais près de 40 millions de personnes dans le monde. Les populations de neuf pays africains ont aujourd'hui une espérance de vie inférieure à 40 ans.
Face à ce constat, devons-nous baisser les bras et renoncer, alors même qu'à l'évidence une répartition aussi inégale des fruits du développement n'est pas viable ? Le constat partagé selon lequel chaque pays est en premier lieu responsable de son développement doit-il nous conduire à l'inaction ?
Je ne le pense pas, bien au contraire. Nous devons sans tarder changer de braquet, passer à la vitesse supérieure et examiner toutes les options possibles pour que la croissance et la mondialisation profitent réellement à tous.
Le développement du commerce est indéniablement un moteur très puissant du développement et, dans ce cadre, la France veillera à ce que les négociations de Doha prennent pleinement en compte les besoins des pays en développement. Elle sera particulièrement attentive à ce que les préoccupations spécifiques des moins avancés d'entre eux, notamment en Afrique, soient correctement traitées. D'ores et déjà, vous savez qu'avec nos partenaires européens, nous avons consenti des efforts très importants sur les subventions à l'exportation et accordons un régime "tout sauf les armes" aux pays les moins avancés. Nous continuerons à assumer pleinement nos responsabilités au cours des années à venir et souhaitons que chacun apporte sa pierre à l'édifice afin de garantir que notre système commercial multilatéral bénéficie à tous. En particulier, nous souhaitons que tous les pays développés, mais aussi les pays émergents, accordent aux exportations des PMA un régime d'accès sans quota ni droit de douane.
Cela étant dit, il est clair qu'un régime commercial tourné vers les pays pauvres, bien qu'absolument nécessaire, n'est pas suffisant. Avec mes collègues ministres des Finances du G8, nous sommes parvenus la semaine dernière à un accord sur l'annulation de la dette multilatérale des pays pauvres très endettés à l'égard des institutions financières internationales. Comme en 1996, lors du lancement de l'initiative PPTE, la France a joué un rôle déterminant dans la conclusion de cet accord.
Nous avons en particulier insisté pour que l'annulation soit financée par des ressources nouvelles afin de préserver la capacité d'engagement du FMI dans les pays pauvres et de conserver intacte la capacité d'intervention de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement. C'est à cette condition que cet accord sera pleinement bénéfique pour les pays les plus pauvres. La France veillera au respect de l'esprit de cet accord.
Il reste que les annulations de dette des pays les plus pauvres et les plus endettés, aussi souhaitables soient-elles, ne peuvent constituer le levier principal de financement du développement. C'est pourquoi la France souhaite que le sommet de septembre soit l'occasion d'avancer à la fois pour accroître le niveau de l'aide publique au développement et améliorer sa qualité. Je me félicite de l'avancée majeure que représente l'engagement des pays de l'Union européenne d'atteindre collectivement en 2010 0,56 % d'aide au développement, soit une augmentation de plus de 30 milliards d'euros. Pour notre part, nous sommes fermement décidés à porter notre aide publique au développement à 0,5 % en 2007 puis à 0,7 % en 2012, dont 0,15 % pour les pays les moins avancés, conformément aux recommandations des Nations unies.
Nous veillerons également à ce que les deux tiers de notre aide bilatérale restent orientés vers l'Afrique, zone prioritaire sur laquelle nous devons concentrer nos efforts. Enfin, nous serons extrêmement vigilants afin que, dans la foulée de la déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide de mars dernier, les indicateurs de progrès en matière d'harmonisation, de gestion axée sur les résultats ou encore d'alignement soient à la hauteur des enjeux.
Beaucoup reste donc à faire en matière d'aide publique au développement. Mais qui ne voit pas que, quand bien même son niveau et sa qualité augmenteraient substantiellement dès l'année prochaine, l'atteinte des Objectifs du Millénaire demeurerait aléatoire ?
Les représentants des pays en développement présents ici savent pertinemment que cette aide est excessivement volatile, toujours incertaine, souvent remise en cause en période de difficulté budgétaire dans les pays riches. Faute de financement stable dans la durée, certains projets de développement comportant des coûts récurrents élevés, notamment dans le domaine de l'éducation ou de la santé, ne peuvent pas être menés à bien.
Par ailleurs, chacun comprend bien que face à l'ampleur des enjeux, il est tout à fait légitime et nécessaire que les ressortissants aisés de tous les pays, et non seulement ceux des pays les plus riches, participent à l'effort commun, même si bien entendu ces efforts doivent être différenciés en fonction des capacités contributives des individus et des pays.
Ainsi, nous avons besoin de nouvelles sources de financement, qui apportent des ressources supplémentaires, mais également plus stables et prévisibles. Elles sont indispensables pour financer des stratégies de long terme, qui sont les fondements d'un véritable développement.
Les travaux des dix huit derniers mois dans de nombreuses enceintes ont montré que des solutions techniquement faisables et économiquement réalistes existent. Le groupe qui rassemble l'Allemagne, l'Algérie, le Brésil, le Chili, l'Espagne et la France a approfondi certaines des principales options.
Sur cette base, nous observons une véritable mobilisation internationale, qui est partie des Nations Unies ici même en septembre dernier et qui a inscrit cette question parmi les instruments nécessaires pour le financement du développement.
La France est convaincue que les prélèvements de solidarité internationale sont l'une des voies les plus prometteuses pour les pays en développement et l'architecture de l'aide internationale. Dans ce contexte, pour agir rapidement et montrer que cela marche, nous plaidons avec l'Allemagne, le Brésil et le Chili, pour la mise en place rapide d'un projet pilote de contribution de solidarité sur les billets d'avion.
De manière à garantir l'équité du dispositif, le niveau de la contribution pourrait être différencié entre les différentes classes de voyage, voire le niveau de richesse des pays, et une distinction pourra être opérée entre les vols domestiques et internationaux.
Les recettes collectées seraient dépensées via des institutions existantes, de manière à éviter toute bureaucratie inutile. Ils pourraient financer, dans le respect de la souveraineté de chaque Etat participant, les programmes de développement humain les plus urgents, comme par exemple des campagnes de vaccination ou encore l'achat groupé de traitements contre le Sida. A titre purement illustratif, si tous les pays participaient, une contribution par exemple de 5 euros pour chaque passager avec une majoration de par exemple 20 euros pour les vols en classe affaires permettrait de récolter environ 10 milliards d'euros par an, soit près d'un quart du déficit de financement estimé des Objectifs du Millénaire.
Pourquoi le secteur du transport aérien en particulier ?
Parce qu'au-delà des difficultés conjoncturelles de certaines compagnies, c'est un secteur qui bénéficie beaucoup de la mondialisation des échanges et qui est de surcroît peu taxé. Avec une croissance annuelle prévue de l'ordre de 5 % par an pour la prochaine décennie, une contribution forfaitaire à taux faible couplée à une exemption des passagers en transit ne sera pas handicapante pour les compagnies aériennes, même si dans un premier temps tous les pays ne rejoignent pas cette initiative.
Mais aussi parce que les passagers aériens sont rarement parmi les plus pauvres de chacun de nos pays, ce qui est cohérent avec notre volonté d'organiser une solidarité au plan mondial.
Enfin, parce que la faisabilité pratique et juridique d'une contribution de solidarité sur les billets d'avion est avérée, certains pays, comme le Royaume-Uni, possédant déjà un prélèvement de ce type.
Il y a encore un an, l'idée même d'une contribution internationale était taboue et paraissait incongrue. Aujourd'hui, de nombreuses enceintes internationales, l'ONU, le FMI, la Banque mondiale, le G8, ou encore l'Union européenne se sont emparées de la question. Plusieurs pays, du Nord et du Sud, nous soutiennent déjà, d'autres envisagent de le faire prochainement ; d'ici le sommet de septembre, la France invite le plus grand nombre à soutenir l'instauration d'une contribution de solidarité sur les billets d'avion.
Nous avons cette année une occasion unique d'affirmer la réalité de notre partenariat global pour le développement, un des Objectifs de Développement du Millénaire. Consciente de la nécessité de saisir cette opportunité, la France pèsera de tout son poids pour que des solutions encore inédites puissent être mises en uvre. Elle entend rester fidèle à son discours et à son ambition pour une mondialisation de la solidarité, en proposant un moyen généreux et réaliste d'apporter une aide plus efficace aux pays les plus pauvres.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juin 2005)