Interview de M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme, à "RMC" le 19 juillet 2005, sur la création d'un label bleu, garantie de sécurité, de confort et de transparence pour les voyageurs des compagnies aériennes, sur le développement des destinations touristiques choisies par internet et sur les efforts faits pour améliorer l'accueil en France.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

Q- Il fait chaud ! D'habitude, au mois de juillet, on s'attend plutôt à une météo un peu aléatoire. [...] La météo modifie-t-elle nos comportements de vacanciers potentiels ?
R- Oui, de plus en plus. C'est pour cela que nos touristes, aujourd'hui, zappent en permanence, ils tiennent compte de la météo, ils font leurs réservations à la dernière minute, parce que, effectivement, la météo est un paramètre important qui détermine le choix des vacanciers.
Q- La menace terroriste revient sur le devant de l'actualité pour les grandes capitales européennes. Cela a-t-il des conséquences sur Paris et sur la France ?
R- Des conséquences très minimes. "WTTC" a montré par exemple qu'en 2004, on s'attendait à avoir une chute de la clientèle, finalement sur 31 millions de touristes d'arrivées internationales, il y a en eu à peine 600 000 de moins. Finalement, tout se passe comme si le tourisme aujourd'hui a intégré le paramètre du terrorisme, et donc, on en tient compte. Mais je ne pense pas que les incidences soient importantes. En tout cas, nous nous formatons pour cela, nous nous organisons. Aujourd'hui, le plan Vigipirate est appliqué. Dans les aérogares, il y a tout un système de surveillance qui finit par sécuriser, donc pas trop d'incidences.
Q- C'est terrible à dire, mais d'une certaine manière, comme vous le dites, on a intégré ce risque terroriste, mais c'est aussi une certaine manière de dire aux terroristes qu'ils n'ont pas gagné, puisque nous continuons à vivre normalement.
R- Je crois que nous avons tous intérêt à le démontrer pour donner moins de prise au terrorisme.
Q- J'aimerais que l'on parle aussi d'un autre événement de l'actualité : vous avez certainement suivi cette affaire de charter, ce week-end, avec ces passagers français qui étaient en vacances en Egypte. Ils prennent l'avion à Hourghada pour revenir vers la France, et dans l'avion ils se disent que cet avion ne peut pas voler, qu'ils ne sont pas en sécurité. Certains sièges se détachaient, il y avait des pannes de courant... Les passagers se sont rebellés et ont dit : "non, nous ne montons pas dans cet avion !". Votre réaction ?
R- Je comprends ces passagers. N'oublions pas qu'au début de l'année 2004, nous avons eu ce drame qui a frappé la France et L'Égypte, puisque nous avons eu plus d'une centaine de Français qui sont morts lors du drame de Charm el-Cheikh. Et d'ailleurs, à cette époque, G. de Robien et moi-même, nous avions tenu une réunion avec les voyagistes, avec les tours-opérateurs, avec les transporteurs, les assurances. Et il était question pour nous d'ailleurs de mettre en place un label bleu mettant en avant trois critères fondamentaux : d'abord, bien entendu, la sécurité, ensuite, la question du confort - et c'est ce qui a certainement dû interpeller les voyageurs -, et puis, la transparence, c'est-à-dire, permettre à un client, lorsqu'il choisit une destination, de savoir tout de suite dans quel avion il va pouvoir voyager.
Q- Ne pas se retrouver à l'aéroport devant une compagnie dont il n'a pas envie, et à ce moment-là, il n'est pas remboursé.
R- Exactement.
Q- Que devient ce label ?
R- Nous avons travaillé, beaucoup de réunions se sont tenues, nous allons donc choisir au début de l'année 2006, donc dans quelques mois, un organisme certificateur, Afnor, va donc pouvoir procéder à des démarches de certification, et si tout va bien..
Q- C'est-à-dire qu'il va aller voir tous les avions, toutes les compagnies ?
R- Toutes les compagnies qui voudront bien entendu respecter ce label, devront passer par cet audit. Pour eux, ce sera donc un gage de qualité supplémentaire. Et il y aura une liste qui va guider le choix des agences de voyage.
Q- Un passager, comme vous et moi, est-il compétent pour dire : "cet avion ne peut pas voler, cet avion est une poubelle volante", alors que la Direction générale de l'aviation civile a dit que cet avion peut tout à fait voler, qu'il a été examiné, qu'il n'y a aucun problème ? Et pourtant, les sièges se détachaient... !
R- C'est pour cela que le label va apporter une des réponses, parce qu'entre le confort d'un siège qui se détache et la question de sécurité, au sens très pur du terme, il y a un petit écart. Et donc, le label pourra justement nous permettre d'avoir l'ensemble de ces critères de sécurité, certes, mais aussi la transparence, comme je l'ai dit tout à l'heure, et surtout le confort.
Q- Vous parliez tout à l'heure des voyages à l'étranger que l'on peut acheter par Internet. Est-ce la plus grosse concurrence aujourd'hui pour les hôteliers, pour les professionnels du tourisme français ?
R- C'est une concurrence depuis quelque temps. On a d'ailleurs vu une augmentation de pratiquement 30 %, entre 2004 et 2005, au moment où nous parlons actuellement. Il est clair que c'est une nouveauté, donc cela joue énormément. C'est la raison pour laquelle, avec nos agences de voyages, nous sommes en train de faire un travail qui consiste effectivement à intégrer maintenant le phénomène d'Internet. Mais n'oublions pas non plus que, lorsque l'on choisit une agence de voyages, lorsque l'on choisit une destination, on a besoin aussi de rencontrer en face, à part un écran, des gens qui sourient, qui discutent, qui apportent un peu de chaleur. Il y a donc tout un travail qui consiste à mêler les deux. Mais on ne peut pas non plus ne pas tenir compte du phénomène Internet.
Q- Vous comprenez bien les Français qui partent pour l'étranger, par exemple, en République dominicaine, au Maroc, en Tunisie pour 300, 400, 500 euros, alors qu'ils auraient pu partir en Corse - je vous donne l'exemple de la Corse, où la fréquentation est en baisse de 20, 30, 40 %, cela dépend des années -, où les infrastructures hôtelières ne sont pas au niveau, on est souvent mal accueillis, alors que dans ces pays-là, on paye le même prix, voire moins cher, dans des hôtels trois ou quatre étoiles.
R- Oui, et c'est la raison pour laquelle je vous dis : Internet est un phénomène intéressant mais on ne peut pas tenir compte des mauvaises surprises que l'on rencontre. Et c'est pour cela que les agences de voyages, qui, de ce côté, apportent une certaine garantie, ont besoin d'exister. Mais simplement, il faut que ces agences aussi intègrent le phénomène d'Internet.
Q- Il y a aussi une remise en question peut-être à faire sur le terrain, avec des hôtels plus confortables ? Lorsque l'on réserve un hôtel trois étoiles et que l'on se retrouve avec une chambre inconfortable, avec, peut-être, une chambre non climatisée ou mal insonorisée, on se dit que c'est le niveau deux étoiles...
R- Oui, tout à fait, vous avez raison. Mais je le redis : c'est pour cela qu'en passant par une agence de voyage, tous ces phénomènes sont pris en compte dès le départ parce qu'il y a un contrôle qui est de la responsabilité de l'agence.
Q- Je suis parti en vacances la semaine dernière avec une agence de voyage, c'était le pire hôtel de mes vacances !
R- Vous avez peut-être choisi une mauvaise agence de voyage ! Mais en général, lorsque l'on choisit, on passe par une agence de voyage, il y a quelque part une responsabilité de l'agence qui l'oblige à regarder la qualité du produit qu'elle vous propose.
Q- Question d'un auditeur : Pourquoi un coiffeur ou un agriculteur sont-ils obligés d'avoir un diplôme pour exercer leur profession, alors que n'importe qui peut être restaurateur
en France ?
R- En général, n'importe qui ne peut être restaurateur en France.
Q- G. Cahour : Si je veux ouvrir mon restaurant demain, je peux l'ouvrir, avec un minimum... Si j'ai l'argent, je l'ouvre mon restaurant ?
R- Oui, vous l'ouvrez, mais...
Q- G. Cahour : Alors que pour un salon de coiffure, c'est plus difficile.
R- Progressivement, vous verrez arriver chez vous des institutions qui viendront vérifier, vous aurez certainement à produire des pièces, des certificats, il y a une commission de sécurité, d'hygiène, il y a une série de verrous administratifs qui, progressivement, va vous obliger à mettre en avant la qualité. D'ailleurs, je profite pour dire que, depuis quelque temps, nous avons mis en place un plan qualité pour lutter, justement, contre ce genre de phénomène qui décrédibilise l'ensemble de la profession. C'est le cas, par exemple, des gîtes, des chambres d'hôtes aujourd'hui ; nous sommes en train, par exemple, de définir clairement une chambre d'hôte pour empêcher que les uns et les autres, parce qu'ils ont une pièce vide dans leur maison, se mettent à jouer à l'hôtelier. Donc, c'est vrai qu'il y a quelques phénomènes qui ne nous arrangent pas ; il faut mettre de l'ordre, nous essayons de le faire de façon à mettre en place la qualité.
Q- La France est la première destination mondiale en termes de tourisme. Sait-on accueillir les touristes en France ? On a souvent des exemples, des enquêtes, qui disent que dès l'aéroport, on est mal accueillis, il n'y a pas le sourire, on arnaque certains touristes dans les restaurants, dans les bars ou les magasins...
R- Des efforts sont à faire, c'est vrai. D'ailleurs, nous sommes en train de le réaliser, nous avons lancé une campagne "Bienvenue en France !", avant c'était "Bonjour !'". C'est une campagne qui, justement, va faire que chaque Française et chaque Français se sente l'ambassadeur de son pays et accueille les gens, c'est vrai, avec le sourire. Mais il faut aussi agir au niveau des portes d'entrée. Nous avons lancé une enquête par un sénateur, B. Plasait, qui consiste effectivement à aller voir, à diagnostiquer la situation dans les aéroports, comme vous le dites. On ne peut pas trouver normal que le matin, à 6 heures du matin, un charter de 600 personnes arrive, fatiguées après huit heures de vol, et se retrouvent, par exemple, devant un policier qui a une mine patibulaire ou un douanier qui exerce une fouille extraordinaire. Donc, il y a des choses que nous sommes en train de régler actuellement, qui ne coûtent pas beaucoup, simplement un petit sourire, une petite organisation, et qui change la vie. Nous en sommes conscients, nous le faisons.
Q- C'est un vrai poumon économique pour notre pays, le tourisme. Avez-vous l'impression que les Français ont conscience de cela et qu'ils chouchoutent, et qu'ils montrent aux touristes qu'ils les aiment ? Par exemple, avec un petit détail : un touriste qui vous demande son chemin dans la rue et parfois, la réponse est : "je n'ai pas le temps, désolé !"... Cela ne devrait peut-être pas arriver ? C'est un détail, mais quand on rentre dans son pays, on apprécie C genre de geste.
R- C'est vrai. C'est pour cela que certaines destinations nous posent beaucoup de problèmes en termes de concurrence. Quand vous allez par exemple en République dominicaine ou ailleurs, n'importe qui dans la rue vous accueille avec beaucoup de sourire, parce qu'il sait qu'un touriste qui vient le visiter chez lui, c'est quelqu'un qui vient avec de l'argent, qui dépense, et cette économie qui se développe permet aux uns et aux autres de trouver du travail. Et c'est vrai que nous avons intérêt, certainement, à sensibiliser encore davantage les Français à cela. Il y a peut-être une petite remise en cause, une remise en question qui sont nécessaire pour bien montrer que ce n'est pas parce que la France est belle que naturellement tout le monde doit venir chez nous. Aujourd'hui, nous avons énormément de destinations nouvelles qui se créent et nous devons véritablement nous battre pour cela. C'est le travail que nous sommes en train de faire, notamment avec Maison de la France.
Q- Le tourisme est un marché mondial, la France est un produit et il faut le chouchouter.
R- Absolument, il faut le chouchouter.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 juillet 2005)