Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, à France-Inter le 26 août 2005, sur la rentrée scolaire et notamment les effectifs recrutés dans le cadre de la loi de cohésion sociale pour des emplois de "vie scolaire" et la réussite scolaire.

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Média : France Inter

Texte intégral

Q- L'université d'été de l'UDF va ouvrir ce week-end ; on sait évidemment que vous avez été suspendu de la direction de l'UDF, que vous ne participez plus aux réunions des instances dirigeantes. Une première question : irez-vous à l'université d'été sur la presqu'île de Giens.
R- Oui, bien entendu et j'irai à l'université d'été comme militant de base.
Q- Le ton monte entre F. Bayrou et vous. Vous avez déclaré aux Echos que "le leader centriste servait la soupe à l'opposition", et il vous a répondu hier soir sur TF1, en disant que "c'était [vous-même qui étiez] à l'origine de la hausse des prix du carburant parce qu'il n'y avait pas eu une politique cohérente".
R- Je crois qu'il ne faut pas faire de polémique. Simplement, j'ai rencontré beaucoup beaucoup d'électeurs, d'amis, de militants de l'UDF au cours de ces derniers mois et tous m'ont dit : "Que fait le président de l'UDF à agresser constamment le Gouvernement ? Pourquoi cherche-t-il l'échec du Gouvernement ? Donc, quelque part, l'échec de la France". Nous sommes des alliés, nous devrions aider. Et lorsque les difficultés peuvent s'amonceler, eh bien il vaut mieux être sur le terrain que rester sur le banc de touche. Il faut donc arrêter un peu l'agressivité vis-à-vis du Gouvernement, l'aider, parce que, aussi, nos électeurs sont déboussolés, ils sont révoltés, et ils vont nous quitter. Je crains pour la survie de l'UDF, je crains pour l'élection ou la réélection de nos parlementaires, de nos élus locaux, car nos électeurs ne nous pardonneront pas cette agressivité permanente.
Q- Mais il n'y a pas qu'une agressivité, F. Bayrou a aussi le droit de ne pas être d'accord avec la politique de privatisations des autoroutes.
R- Il a absolument le droit. D'ailleurs c'est un hommage qu'il rend au ministre UDF qui a défendu ce point de vue. Donc c'est vraiment un hommage, et je le prends comme un hommage. Et je fais remarquer que si nous étions, comme je le souhaitais, cinq, six, sep, ou huit, ou dix Gouvernement, à ce moment là, l'UDF serait entendue. Mais pour l'instant, hélas !, l'UDF reste au bord du terrain, se contente de hurler avec les loups et donc ne rend ni service à la France, ni service au Gouvernement et n'émet encore, à deux ans d'une élection majeure, aucune idée, aucune proposition, rien de positif, mais toujours une critique qui montre très nettement que, hélas, il cherche l'échec du Gouvernement.
Q- Mais il souhaite constituer "un rassemblement alternatif, capablede présenter un projet de rupture", je le cite, et puis il disait encore hier soir que "ce qu'[il voulait] c'était offrir une chance différente à un pays qui ne croit plus en rien".
R- Oui, alors, j'entends cela depuis des années, des années et des années. Mais, après cette phrase de bonne intention, je n'entends que des critiques vis-à-vis du Gouvernement. J'attends donc, enfin, des propositions. En tout cas, je vais me mettre au travail - je l'ai dit à mes amis UDF - et je vais faire une contribution à l'UDF pour apporter du fond, de la réflexion, du débat, sinon l'on n'est pas une famille politique démocratique. Et j'apporterai cette contribution sur les grands sujets sociaux du moment, sur les sujets du XXIème siècle, sur les sujets institutionnels, parce que, aujourd'hui, à l'UDF, on n'avance par sur ces sujets.
Q- Quand vous dites que vous allez à Giens "en tant que militant de base", comptez-vous intervenir ? Qu'allez-vous faire, exactement, là-bas ?
R- Je vais rencontrer mes amis, chaque année, depuis maintenant 15 ou 20 ans je que je vais aux Universités d'été. Là, ce sont les jeunes qui se réunissent ; ils m'ont invité, et bien entendu, je réponds favorablement à cette invitation.
Q- Le mot "scission" est un peu à la mode, en ce moment, dans l'actualité politique. Y a-t-il un risque pour l'UDF ?
R- Non, ce n'est pas un risque de "scission", c'est un risque d'impact, c'est un risque de disparition, parce que l'UDF est en panne d'idées, parce que l'UDF est en panne de débats, et parce que l'UDF se cantonne aujourd'hui uniquement dans une opposition stérile. Et donc je veux sortir de cette opposition stérile vis-à-vis du Gouvernement pour faire des propositions, et que l'UDF soit une véritable force de propositions, c'est-à-dire un jour une force de gouvernement.
Q- Mais si l'UDF venait à se regrouper, vraiment, autour de F. Bayrou dans les deux ans à venir, vous, avez-vous envisagé une seconde de quitter votre famille ?
R- Mais, ce n'est pas une question de F. Bayrou ou pas, c'est une question de positionnement de l'UDF : l'UDF appartient-elle à la majorité oui ou non ? Ma réponse est oui, parce que nous avons été élus par des électeurs de la majorité, nous n'avons pas à trahir ces électeurs en cours de mandat. Par conséquent, la vraie question, et qui devrait être posée à un congrès, c'est de savoir si nous appartenons à la majorité ou si nous appartenons à l'opposition, car il n'y a pas d'autre choix sous la Vème République. Si nous appartenons à la majorité, je suis le plus heureux des hommes, il faut encore le démontrer après. Et si la réponse était "nous sommes dans l'opposition", effectivement, je ne me sens pas du tout dans l'opposition, et par conséquent, effectivement, cela serait incompatible.
Q- On va passer à la rentrée scolaire. 45 000 jeunes adultes recrutés à des emplois de "vie scolaire" dans le cadre des contrats prévus par la loi de cohésion sociale de J.-L. Borloo, 1,4 milliard d'euros pour financer ce plan de réussite scolaire. Acceptez-vous finalement les revendications formulées mainte fois par syndicats et familles auprès de vos prédécesseurs L. Ferry et F. Fillon, la présence d'aides éducateurs adultes dans les établissements ?
R- Absolument, je suis très favorable à la présence renforcée d'adultes dans les établissements, parce que les professeurs le demandent, parce que les enseignants le souhaitent, parce qu'ils craignaient la cessation de "contrats aidés". J'ai toujours été partisan de cela, toujours été partisan. D'ailleurs, lorsque, en 1997, je me souviens, que la question a été posée, eh bien... Pour prendre un exemple : F. Bayrou a voté contre parce qu'il était contre les contrats aidés ; moi, je me suis abstenu. Alors que j'étais dans l'opposition, j'ai employé des centaines, presque un millier d'emplois aidés dans la collectivité dont j'avais la charge. Dans l'Education nationale, on a besoin de contrats aidés pour remplir des tâches qui vont assister, justement, les enseignants.
Q- Mais pourquoi avoir attendu trois ans ? Vous étiez déjà dans le Gouvernement, même si ce n'est pas votre portefeuille ministériel, mais vous travailliez aussi auprès de L. Ferry et F. Fillon, pourquoi... ?
R- Non, je ne travaillais pas auprès de L. Ferry et F. Fillon (...) Je travaillais au ministère de l'Equipement et des Transports et j'ai toujours défendu la poursuite des contrats "emploi solidarité", la poursuite des contrats "emplois consolidés", les CES et les CEC. J'ai été, comme d'autres, entendu sur cette question, et je me réjouis de voir que le Premier ministre, aujourd'hui, est très favorable à mettre le pied à l'étrier à ces jeunes, et en même temps, à apporter un vrai soutien à l'Education nationale, dont j'ai la charge. J'ai maintenant à mettre en place 45 000 emplois aidés dans l'Education nationale qui vont s'appeler des "emplois vie scolaire".
Q- Les syndicats sont mitigés : 45 000 recrutements, c'est bien, disent-ils...
R- Vous dites "mitigés", mais vous venez de me dire aussi que les enseignants les réclamaient, ces contrats. Maintenant ils les ont, il n'y a pas à être "mitigé", il y a à communier dans le même (...) à communier dans le même bonheur, d'avoir été entendu par le Premier ministre et par le ministre de l'Education nationale.
Q- Laissez-moi terminer : quand je dis "mitigés", c'est qu'ils sont satisfaits mais qu'ils posent aussi des questions, c'est tout.
R- Ils ont raison.
Q- Ils s'inquiètent notamment, de la définition exacte des missions attribuées à ces aides éducateurs.
R- On va les définir, justement, ensemble. Si je ne veux pas aller trop loin dans cette définition, c'est parce que j'ai besoin des partenaires sociaux pour nous aider à définir - et des chefs d'établissements, et des enseignants - effectivement, le profil des postes. Mais je sais que, par exemple, pour l'accueil des élèves dans les établissements ou pour le grand, l'un des grands défis de cette rentrée, comme la scolarisation des élèves handicapés, ou par exemple des mesures qui sont prises dans les établissements scolaires pour avoir un soutien administratif auprès du directeur d'établissement, on a besoin de ces jeunes, surtout des jeunes qui pourront acquérir en même temps une qualification. Cela va soulager le monde enseignant.
Q- Autre sujet d'inquiétude dans les chiffres : 18 à 20 000 contractuels, mais aussi 25 à 27 000 contrats "emploi solidarité", tous s'inquiètent un peu de la précarité, des contrats 6-24 mois payés au SMIC horaire pour 20 à 26 heures.
R- Oui, ce sont des gens aujourd'hui qui sont en panne de qualification, et nous allons leur offrir pendant ce temps-là, une qualification, un travail, donc une utilité, et un salaire. Et ils vont rendre service aux établissements. Je pense que, vraiment, "tous gagnants" c'est vraiment le mot d'ordre de cette grande opération, 45 000 emplois "vie scolaire", tous gagnants, parce que, eux, ont une vraie nouvelle chance, et puis le monde, la communauté éducative, parce qu'ils ont une vraie nouvelle aide.
Q- Avec une formation ?
R- Avec une formation absolument indispensable. Il faut qu'à la sortie de ces contrats, il y ait une qualification et la valorisation des actifs qui permettra à ces jeunes, peut-être de passer un concours dans l'Education nationale, d'ailleurs, ou pas dans l'Education nationale, mais à tout le moins ils auront sur leur curriculum vitae, quelque chose de plus qui leur donnera une chance de plus.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 29 août 2005)