Déclaration de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, sur la lutte contre le cancer, notamment la prévention, le dépistage et la prise en charge des malades et la médecine prédictive, Paris le 7 février 2000.

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Circonstance : Rencontre annuelle en l'honneur de la coopération entre la Ligue nationale contre le cancer et le Conseil Pasteur-Weizmann à Paris le 7 février 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mesdames, Messieurs,
Comme vous l'avez si bien souligné, le cancer est pour nous, pour le Gouvernement comme pour chaque citoyen une préoccupation essentielle.
A travers le monde, chaque année, le cancer frappe 10 millions de personnes. Chacun a eu, a, ou aura, un proche touché par cette maladie.
Or, aujourd'hui encore, le cancer est entouré d'un certain silence. Il faut au contraire en parler.
Car, nous pouvons agir :
- on sait qu'un nombre important de cancers peuvent être évités : d'où l'importance de la prévention ;
- un dépistage précoce modifie radicalement pour nombre d'entre eux le pronostic et l'évolution de la maladie : pris tôt, une guérison est souvent possible, de plus en plus possible ;
- Les traitements ont évolué et sont de plus en plus efficaces : d'où l'importance d'une prise en charge précoce, durable et de soins de qualité.
- des perspectives nouvelles se dessinent dans le domaine du diagnostic et de la prédiction : la recherche est riche et prometteuse. Elle mobilise de plus en plus une combinaison d'expertises médicales, biologiques et génétiques. Rien n'est plus fort que l'intelligence humaine quand elle se mobilise collectivement, quand elle repose sur la mise en réseau des équipes ; A cet égard, je voudrai rendre hommage à la coopération que la Ligue Nationale contre le cancer et le Conseil Pasteur - Weizmann ont su développer depuis 20 ans.
Cette coopération est exemplaire de la mobilisation de la communauté scientifique internationale qui s'efforce, avec de nombreux succès, d'apporter sa pierre aux progrès de la lutte contre le cancer.
Le Gouvernement a considérablement renforcé l'effort public dans ce domaine, très lié à celui de la génétique, pour développer à terme de nouveaux traitements. Mais - et c'est essentiel - il nous faut aussi renforcer la coordination de l'ensemble des acteurs de cette recherche.
En effet, les initiatives sont nombreuses et nous devons nous en féliciter. En France, l'ARC, La Ligue Nationale Contre le Cancer, les CHU et les Centre de lutte anti - cancéreux se mobilisent sur d'ambitieux programmes nationaux. Nous allons lancer dans les jours qui viennent, le programme hospitalier de recherche clinique 2000, avec parmi les thèmes prioritaires, la thérapie cellulaire et génique.
Cette mobilisation de la recherche pour être encore plus efficace doit être organisée. Claude ALLEGRE, et moi-même avons décidé de demander au Comité de Coordination des Sciences du Vivant, de nous faire des propositions dans ce sens.
Mobilisation des scientifiques et des professionnels mais aussi mobilisation des personnes malades, de leurs familles, d'anciens malades bénévoles. Ce sont les témoignages contenus dans le Livre blanc des Etats Généraux des malades du cancer organisés en novembre 1998 par la Ligue Nationale contre le cancer.
Ni livre de doléances, ni critiques systématiques de tel ou tel acteur du système de santé, mais des propositions équilibrées, mesurées, concrètes qui appellent à l'engagement de tous.
Mobilisation des pouvoirs publics enfin, et vous connaissez dans ce domaine l'engagement du Gouvernement que j'ai eu l'occasion de rappeler la semaine dernière pour organiser les soins, réduire les inégalités régionales, améliorer l'accès à des soins de qualité et favoriser la meilleure considération des malades.
La lutte contre le cancer est un combat quotidien
Nous savons tous qu'en la matière, les progrès se font pas à pas et qu'aucun triomphalisme n'est de mise.
Mais il faut aussi mener une action volontariste et coordonner les efforts de l'ensemble des acteurs.
Les attentes dans ce domaine sont considérables.
Attentes en matière de recherche et de nouveaux traitements, car dans de trop nombreux cas, malheureusement la maladie reste fatale.
Vous le savez, beaucoup reste également à faire pour développer la prévention, diffuser partout les meilleures pratiques médicales et, c'est important, améliorer la vie des personnes atteintes par cette terrible maladie.
Nous devons apprendre à mieux répondre à la souffrance des malades, à leur angoisse, à l'angoisse de leurs proches. Répéter inlassablement qu'il est possible aujourd'hui de guérir le cancer. Mais aussi de vivre avec une maladie cancéreuse. C'est le rôle des professionnels de santé, bien sur mais aussi celui des pouvoirs publics, des médias et de plus en plus des patients eux-mêmes et de ceux qui les entourent.
La lutte contre le cancer doit être globale
La prévention : est et doit rester notre priorité ;
en premier, la prévention du tabagisme bien sûr:
nous devons en tout lieu, dans toutes circonstances, informer nos concitoyens sur les méfaits du tabac, détourner les plus jeunes de cette consommation hautement toxique, et aider chaque fumeur à tenter et réussir son sevrage.
Mais aussi la lutte contre l'alcoolisme, les facteurs environnementaux et les comportements alimentaires qui peuvent favoriser, nous le savons maintenant, la survenue de cancers ;
2. Le dépistage ensuite : Le cancer du sein, le cancer du col de l'utérus sont d'autant mieux soignés et guéris qu'ils sont diagnostiqués à un stade précoce. Nous voulons que rapidement en France, se généralisent les programmes organisés de dépistage de ces cancers.

3. Nous voulons aussi donner aux professionnels les moyens de donner des soins de qualité partout sur l'ensemble du territoire :
- en améliorant l'organisation de l'offre pour réduire les inégalités inter régionales qui restent importantes ;
- en favorisant pour tous l'accès aux techniques et aux traitements innovants,
- en généralisant la pluridisciplinarité dans la prise en charge notamment initiale et en facilitant l'intervention de tous les professionnels concernés aux différentes étapes de la maladie.
4 Enfin nous devons améliorer les conditions de vie et garantir les droits de la personne malade
Dans de nombreux pays, les personnes malades s'organisent et participent directement, à travers leurs associations, à des actions de soutien et de solidarité. Ils aident les malades à préserver leur dignité et à conserver toute leur place dans la société.
En France, les Etats Généraux de la Santé, ont donné la parole aux Français. Les usagers veulent participer à l'évolution de notre système de santé, à la prise de décision. Ils veulent pouvoir disposer d'une information intelligible sur leurs maladies, les traitements et les examens.
Ces questions ainsi que les modalités d'accès au dossier médical, sont au centre de la réflexion et des consultations que nous menons dans le cadre de la préparation de la loi sur les droits des malades et la modernisation du système de santé.
Nous devons améliorer l'information et réduire les difficultés et les incompréhensions rencontrées trop régulièrement.
L'information doit être plus disponible, plus compréhensible et mieux adaptée aux attentes de chacun. Mais il ne suffit pas de rendre l'information disponible. Il faut aider les patients et leurs familles à la comprendre, à se l'approprier, pour qu'ils deviennent acteurs de leur prise en charge et de leur santé. Les soignants doivent être formés à l'éducation pour la santé, au partage de cet engagement.
Le soutien psychologique, l'accompagnement tout au long de la maladie de la personne malade et de sa famille sont essentielles. Pour avoir été touché soi-même ou à travers des proches, chacun sait combien le fardeau des chimiothérapies peut-être lourd et douloureux à porter, pour un résultat qui n'est jamais acquis d'avance, dans un combat qui n'est jamais gagné d'avance.
Le cancer est un combat sans merci. Pour le mener, aucun malade ne doit être laissé seul. Face aux exigences, aux épreuves, aux angoisses qui jalonnent le chemin d'une guérison attendue, tous ont besoin d'être informés, entourés, soutenus, réconfortés et encouragés.
De plus en plus, les équipes de soins prennent du temps pour expliquer les traitements et à accompagner les malades. Elles sont particulièrement présentes quand le poids de thérapeutiques agressives s'ajoute à celui de la maladie, même si l'amélioration continue des traitements diminue progressivement les effets indésirables.
La réalité du combat contre le cancer demeure, vécue d'abord à l'intérieur des familles, dont on ne soulignera jamais assez le rôle essentiel aux côtés des malades.
Il faut prévenir le cancer. Il faut soigner le cancer. Il faut aussi pouvoir vivre avec le cancer.
Les conditions de vie des malades ont longtemps été reléguées au dernier rang des préoccupations. Pourtant, vivre avec le cancer, continuer à assumer normalement, quand son état de santé le permet, une activité professionnelle, des responsabilités familiales, une vie sociale, ne doit plus être un défi ou le privilège de quelques uns.
Nous voulons adapter l'organisation des soins à la vie des patients et non pas leur imposer de se plier à l'organisation des services médicaux.
Le développement de la médecine ambulatoire est prometteur, de même celui de l'hospitalisation à domicile. Il est essentiel d'encourager les nouveaux services à la disposition des personnes qui suivent une chimiothérapie, que ce soit pour faciliter la poursuite de leur activité professionnelle ou pour aider à la prise en charge des enfants, des gestes de la vie quotidienne pendant les moments difficiles.
D'autres défis nous attendent.
Je pense à la médecine prédictive : elle ouvre la voie à une médecine d'anticipation qui permettra de proposer à des personnes bien portantes mais qui présentent des prédispositions, une règle de vie et des examens réguliers pour prévenir la maladie et donc pour l'arrêter à temps.
Mais ce n'est pas sans poser de nouvelles questions : que faire quand cette médecine prédictive permettra de prévoir l'apparition de maladies pour lesquelles aucun traitement n'existe encore, ou quand elle reposera sur des recherches qui, par leur principe même, peuvent mettre en cause le respect de la vie ?
Nous devons tirer toutes les conséquences du progrès des connaissances dans l'organisation de la lutte contre la maladie et dans la précision de notre éthique.
Nous devons aussi élargir notre regard à l'ensemble du monde, accélérer la diffusion des traitements les plus modernes, les rendre accessibles à tous.
C'est en mobilisant - en favorisant les échanges, en multipliant les coopérations entre les équipes - comme vous le faites que le cancer doit être combattu pour espérer le dominer.
L'accès rapide aux meilleurs dépistages et aux meilleurs soins passe par la pluridisciplinarité. C'est de la confrontation des compétences, des expériences et des savoir-faire que naissent le plus souvent les idées et les innovations médicales d'où vont jaillir de nouveaux progrès, de nouvelles guérisons qui feront avancer la connaissance et interrogeront l'intelligence appliquée.
Mesdames, messieurs,
La lutte contre le cancer est un des grands défis de notre siècle. Un défi qui dépasse les frontières. Un défi qui va au-delà de la médecine et de la science. Un défi qui appelle l'implication de tous. Chaque nouveau cas est une leçon de vie, une nouvelle leçon de solidarité. De nouveaux rapports s'établissent entre les différents acteurs et les personnes malades.
Nous devons tous ensemble poursuivre la mobilisation actuelle et construire progressivement la démocratie sanitaire que nous appelons tous de nos vux et je vous remercie par avance, au nom des générations futures.

(Source http://www.sante.gouv.fr, le 27 avril 2000).