Texte intégral
L'entreprise SELMER que nous venons de visiter aujourd'hui est l'une des 4 000 qui ont déjà organisé le passage à 35 heures. Je remercie Madame DUPONT-SELMER, les représentants du personnel et l'ensemble des salariés, pour la qualité de leur accueil.
Est rendu public aujourd'hui le pré-bilan d'étape (au 5 Mai 1999) de la loi. Un second bilan sera opéré à la fin Juin pour être soumis en septembre au Parlement.
Tous les documents vous seront remis. Plutôt que de vous " inondez " de chiffres, je voudrai m'attacher à tirer les leçons essentielles de ces derniers mois.
1°) Les 35 heures tiennent leurs promesses
Alors que moins de 400 000 salariés étaient à 35 heures le jour de l'annonce de la loi, les accords se sont depuis multipliés. Aujourd'hui plus de 1,6 millions de salariés sont à 35 heures, soit 18 % des salariés à plein temps des entreprises de plus de 20 salariés. La dynamique est largement engagée et les résultats sont déjà là.
Si ces résultats ont été atteints c'est que, comme cela était voulu, la loi a déclenché une vague sans précédent de négociations : plus de 4 000 accords d'entreprises ont été signés à ce jour concernant près de 1 150 000 salariés ; et parallèlement 69 accords de branche ont été signés concernant 8 millions de salariés. Alors qu'en France on négociait traditionnellement moins que chez nos voisins européens, les entreprises et les organisations syndicales ont retrouvé le chemin de la table de négociation.
Les résultats sur l'emploi enfin sont au rendez-vous puisque les accords d'entreprises conclus à ce jour et depuis le 13 juin 1998 et concernant 1 150 000 salariés ont pour objet de créer ou de préserver 57 000 emplois. Dans 3 cas sur 4 ce sont des embauches, dans 1 cas sur 4 des licenciements évités.
L'effet sur l'emploi est bien évidemment fonction de l'ampleur de la réduction de la durée du travail ; 4 heures en moyenne pour les accords aidés 2 h 30 en moyenne pour les autres.
Depuis le 10 octobre 1997, et l'annonce de la loi "35 heures", ce sont au total 70 000 emplois qui ont été créés ou préservés.
2°) Une tendance porteuse d'espoir
57 000 emplois créés pour 1 150 000 salariés concernés, cela autorise un grand optimisme pour l'effet total qui sera atteint quand les 11 millions de salariés encore concernés seront à 35 heures.
18 % de salariés concernés par la baisse de la durée légale du travail au 1 janvier 2000 sont déjà à 35 heures. Au total 10 % du chemin a été fait.
Pourtant, même si nous avons les uns et les autres, l'impression de parier des 35 heures depuis longtemps, la loi n'a même pas 1 an. Il faut à l'évidence continuer en tenant compte du facteur temps car une négociation réussie suppose le plus souvent de 6 à 9 mois.
Les 35 heures conjuguées aux autres mesures favorables à l'emploi, le programme emplois-jeunes et la réduction des charges sociales notamment, vont permettre de conforter la baisse du chômage déjà entamée.
Compte tenu du résultat acquis aujourd'hui, nous dépasserons le seuil de 100 000 emplois créés ou préservés par la réduction du temps de travail en 1999.
Ces résultats sur l'emploi se situent dans le haut de la fourchette des études macroéconomiques qui, je le rappelle, avaient estimé les effets possibles sur l'emploi à terme entre 250 000 et 700 000.
3°) Un mouvement de négociation sans précédent
Près d'une entreprise sur 2 est en train de négocier. 5 750 conventions d'appui conseil ont été conclues et donneront lieu à de nombreux accords d'entreprises dans les mois qui viennent.
Pour la première fois, la négociation aborde dans le même temps des sujets qui étaient trop souvent fragmentés ; la réduction de la durée du travail favorable à l'emploi ; l'aménagement des rythmes de travail en fonction des aspirations des salariés et de leurs contraintes personnelles, familiale ou sociale ; l'organisation de l'entreprise pour mieux répondre à ses clients et améliorer sa compétitivité.
Cela tranche singulièrement avec les négociations intervenues après l'accord national interprofessionnel de 1995 qui s'étaient le plus souvent limitées à des aménagements sans les resituer dans une démarche globale de réorganisation de l'entreprise.
Tous les sujets ont été traités et chacun a su innover.
Parallèlement aux négociations d'entreprises, les branches ont conclu 69 accords. Ces accords de branche sont utiles pour fournir un cadre à la négociation d'entreprise, particulièrement pour les plus petites d'entre elles. En revanche, ni l'effet sur l'emploi, ni les modalités d'organisation du travail ne peuvent être détaillés dans les accords de branche.
Elles ne peuvent non plus déroger aux clauses d'ordre public social. Ainsi les branches ne sont pas habilitées à relever le contingent qui déclenche le repos compensateur. En revanche, elles peuvent, et l'ont fait, accroître le seuil au delà duquel l'autorisation de l'inspecteur du travail est requise, ce qui n'a, bien entendu aucun effet sur la durée annuelle du travail.
Les accords de branche sont au fur et à mesure soumis à la procédure d'extension pour qu'ils soient obligatoires pour toutes les entreprises. A cette occasion le Ministère de l'Emploi et de la Solidarité a exclu les clauses des accords sans base juridique ou qui étaient contraires à des dispositions d'ordre public, et a émis des réserves sur d'autres points qui pourront être traités dans la seconde loi.
4°) Des résultats sur mesure et innovants
Des souplesses nouvelles ont été gagnées tant par les salariés que par les entreprises.
Les entreprises y ont gagné des souplesses internes, sans recourir à l'intérim ou à la délocalisation, pour s'adapter aux fluctuations d'activité.
La prise en compte des fluctuations et de la saisonnalité éventuelle, des rythmes des clients, a permis d'adapter l'organisation de l'entreprise aux évolutions de la demande.
Ainsi la durée d'utilisation des équipements a été accrue (19 % des cas) l'amplitude d'ouverture pour les services a été augmentée (21 % des cas) ; le recours à la modulation intervient dans un peu plus de 40 % des cas avec le plus souvent une amplitude limitée entre 30 et 40 heures, des plannings annuels et en cas d'imprévu, des délais de prévenance précis et allongés.
Les salariés ont imposé que leurs aspirations soient reconnues, gagnant eux aussi de nouvelles souplesses:
- les contraintes de la vie personnelle sont désormais prises en compte, notamment par le choix des jours de repos,
. Véga industries (Semelles de liège - Landes) semaine de 4 jours avec le mercredi pour les femmes et le vendredi pour les hommes.
. Transfaire (imprimerie) choix de jour par le salarié.
. Samsonite prise en compte des rythmes scolaires.
- en cas de fluctuation d'activité, les délais de prévenance ont été précisés et souvent les périodes de repos ou d'horaires réduits ont été garantis,
. Au Crédit Mutuel de Normandie, est ainsi prévu un calendrier prévisionnel semestriel avec en cas de changement des délais de prévenance précisés (8 jours), et des périodes " sanctuarisées ".
- l'accès à la formation, pour l'enrichissement des compétences notamment, a été dans bien des cas élargi.
. Thomson Optronique, que j'ai visité il y a quelques mois, a ainsi introduit un co-investissement pour la formation.
Mieux que quiconque situé en dehors de l'entreprise, les acteurs travaillant dans l'entreprise ont ainsi trouvé des solutions sur mesure, équilibrées et innovantes.
Tous les salariés sont concernés par ces innovations :
Les cadres, même s'ils n'atteignent toujours pas 35 heures, bénéficient selon des modalités adaptées à leur mission, de ce mouvement historique.
. La majorité des accords récents introduisent des jours de repos avec le souci d'étalement sur l'année. Ils aboutissent ainsi à un nombre de jours travaillés sur l'année entre 200 et 220 jours et, le plus souvent, avec des mécanismes de traîtrise de la durée journalière.
Les salariés à temps partiel aussi qui, à cette occasion, doivent pouvoir de plus en plus nombreux, choisir la durée du travail qui leur convient.
. Trois Suisses
choix entre 8 durées du travail par salarié
. Gemplus (carte à puce - Marseille)
choix entre 3 options :
. réduire la durée avec salaire maintenu
. maintenir la durée avec salaire augmenté
. passer à 35 heures.
. Même dispositif pour Zircotube (Groupe Framatome, fabrication de tubes aux zirconium ou Petit Bateau (Marne).
Les formes de réduction sont ainsi très variées, avec bien souvent des différences entre ateliers ou services. Elles reflètent à la fois les aspirations des salariés et les contraintes des entreprises :
. journées plus courtes (40 %)
. réduction hebdomadaire par journée ou demi-journée (49 %)
. semaines courtes et longues alternées (25 %)
. jours de repos sur l'année (42 %)
. ponts ou jours fériés additionnels (7 %).
Ces souplesses nouvelles et maîtrisées, la modulation mieux encadrée par exemple, ont réduit fortement la précarité.
Les embauches se sont effectuées dans 3 cas sur 4 à durée indéterminée et ont bénéficié à des salariés sous statut précaire ou à des demandeurs d'emploi. C'est en trouvant des souplesses nouvelles négociées que les entreprises ont réduit la précarité :
. Packard Bell, en créant 43 emplois a réglé le problème des intérimaires.
. L'accord Sté Traitement de presse comporte un volet déprécarisation des CDD et des intérimaires.
. Cela est également vrai aussi pour beaucoup d'accords du BTP.
5°) Un financement réussi préservant la compétitivité
Ces accords équilibrés socialement le sont aussi financièrement. Et cela est capital pour la compétitivité des entreprises, pour que l'effet sur l'emploi constaté aujourd'hui soit pérenne.
. Pour les accords aidés le financement est ainsi intégral. Pour financer le coût moyen des embauches, 7, 5 % de la masse salariale, trois sources de financement se sont en effet complétées.
. des économies sur les équipements et les stocks, de 0,5 % en moyenne, avec une grande variabilité selon les entreprises ;
. si le maintien du salaire est la règle dans 85 % des cas est général au niveau du SMIC. Ce maintien est suivi, dans 75 % des cas, par une modération salariale de 2,5 % en moyenne à terme ;
. Les allégements de cotisations sociales mis en place par la loi du 13 juin 1998 et apportant, en moyenne sur 5 ans 4,5 % permettant de boucler le financement.
Pour les accords non aidés, il y a un léger surcoût en 1999 mais celui-ci sera compensé dès 2000 par l'allégement structurel des cotisations sociales annoncé par le gouvernement.
6°) Tout le monde y gagne
Personne n'a été mis à l'écart de ces discussions :
- les organisations syndicales qui ont négocié directement, ou en mandatant des salariés,
- les salariés eux même puisque des référendum d'entreprise ont souvent été organisés par les négociateurs pour conforter leurs positions et s'assurer de l'approbation des salariés,
- selon le dernier sondage disponible, 60 % des salariés déclarent avoir participé directement ou indirectement à la négociation.
En fin de compte, 9 accords sur 10 ont été signés par toutes les organisations syndicales présentes. Et les salariés s'y retrouvent puisque 85 % d'entre eux considèrent que cela a été une bonne chose pour eux.
A travers cette dynamique consensuelle, la solidarité est devenue concrète : les embauches ont souvent bénéficié à des jeunes (18,5 %), à des personnes ayant des difficultés particulières d'accès à l'emploi (7 %) ou a des handicapés (3,4 %).
Tous ces salariés ont ou auront très bientôt la fierté d'avoir un emploi. Tous les salariés des entreprises concernées peuvent être fiers d'y avoir contribué.
Les 35 heures sont la démonstration, qu'une économie plus solidaire est une économie plus performante.
Négocier pour trouver des solutions concrètes, sur mesure, c'est cela la modernisation de la France.
Pour ceux qui cherchent un emploi, ce sont des opportunités d'embauche en CDI, et donc la possibilité de sortir de l'enchaînement de l'isolement et de l'exclusion.
Pour les salariés, c'est plus de temps libre réparti en fonction de leurs aspirations. Ce sont des souplesses nouvelles dans la maîtrise de leur temps.
Pour les entreprises, et elles sont de plus en plus nombreuses à le reconnaître, c'est l'occasion de repenser l'organisation en fonction des besoins des clients.
Pour tous, enfin, ce sont des milliers d'emplois créés, ce sont des licenciements évités ; c'est ainsi l'assurance de voir la réduction du chômage, entamée depuis 18 mois par la politique volontariste du gouvernement, se conforter et s'amplifier.
Cette réduction du chômage porte et portera ses fruits sur la croissance par la réduction des charges sociales qu'elle autorise et par la confiance qu'elle génère.
Tout le monde y gagne, un travail, du temps libre, de plus grandes souplesses.
7°) La méthode du gouvernement: s'appuyer sur le dialogue social
Dans cette démarche décentralisée, les solutions se sont pas trouvées d'en haut, uniformément, mais par la discussion paritaire entreprise par entreprise. Je préfère le mot négocier au verbe imposer.
Le pari de la démarche gouvernementale, engager un fort mouvement de négociations a été gagné.
Comme l'a rappelé récemment encore le Premier ministre, le calendrier et les résultats seront respectés.
La seconde loi viendra préciser le cadre juridique et financier du passage aux 35 heures, du 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés, le premier janvier 2002 pour les entreprises de 20 salariés et moins.
Cette seconde loi sera le résultat d'une année de négociations. En effet, comme cela avait été indiqué l'an dernier, elle s'inspirera des accords, de leurs avancées, de leurs innovations.
Dans ce domaine comme dans d'autres, l'Etat ne peut décider pour tout, partout et pour tout le monde. Mais il a la responsabilité de montrer la direction, de proposer une méthode, de préparer un cadre économique et juridique.
La seconde loi permettra ainsi à la négociation de s'étendre progressivement à toutes les entreprises qui n'auront pas terminé leur négociation en 1999.
La première étape est réussie. Sur cette base solide, j'appelle les chefs d'entreprises et les organisations syndicales à poursuivre le mouvement. Pour y aider, je proposerai dans quelques semaines une seconde loi appuyée sur les avancées d'une année de dialogue social, c'est-à-dire une seconde loi équilibrée car introduisant des souplesses pour tous, et moderne car renvoyant au maximum, la recherche de solutions à la négociation.
Fin Juin, et sur la base de ce projet, je consulterai l'ensemble des partenaires sociaux de telle manière que le texte puisse être approuvé par le Conseil des Ministres durant l'été, puis débattu et voté au Parlement d'ici la fin de l'année.
Comme vous l'avez vu, les 35 heures " ce n'est pas du pipeau, mais du saxo ", ce n'est pas une " petite musique " mais tout un orchestre !
(source http://www.travail.gouv.fr, le 14 mars 2000)
Est rendu public aujourd'hui le pré-bilan d'étape (au 5 Mai 1999) de la loi. Un second bilan sera opéré à la fin Juin pour être soumis en septembre au Parlement.
Tous les documents vous seront remis. Plutôt que de vous " inondez " de chiffres, je voudrai m'attacher à tirer les leçons essentielles de ces derniers mois.
1°) Les 35 heures tiennent leurs promesses
Alors que moins de 400 000 salariés étaient à 35 heures le jour de l'annonce de la loi, les accords se sont depuis multipliés. Aujourd'hui plus de 1,6 millions de salariés sont à 35 heures, soit 18 % des salariés à plein temps des entreprises de plus de 20 salariés. La dynamique est largement engagée et les résultats sont déjà là.
Si ces résultats ont été atteints c'est que, comme cela était voulu, la loi a déclenché une vague sans précédent de négociations : plus de 4 000 accords d'entreprises ont été signés à ce jour concernant près de 1 150 000 salariés ; et parallèlement 69 accords de branche ont été signés concernant 8 millions de salariés. Alors qu'en France on négociait traditionnellement moins que chez nos voisins européens, les entreprises et les organisations syndicales ont retrouvé le chemin de la table de négociation.
Les résultats sur l'emploi enfin sont au rendez-vous puisque les accords d'entreprises conclus à ce jour et depuis le 13 juin 1998 et concernant 1 150 000 salariés ont pour objet de créer ou de préserver 57 000 emplois. Dans 3 cas sur 4 ce sont des embauches, dans 1 cas sur 4 des licenciements évités.
L'effet sur l'emploi est bien évidemment fonction de l'ampleur de la réduction de la durée du travail ; 4 heures en moyenne pour les accords aidés 2 h 30 en moyenne pour les autres.
Depuis le 10 octobre 1997, et l'annonce de la loi "35 heures", ce sont au total 70 000 emplois qui ont été créés ou préservés.
2°) Une tendance porteuse d'espoir
57 000 emplois créés pour 1 150 000 salariés concernés, cela autorise un grand optimisme pour l'effet total qui sera atteint quand les 11 millions de salariés encore concernés seront à 35 heures.
18 % de salariés concernés par la baisse de la durée légale du travail au 1 janvier 2000 sont déjà à 35 heures. Au total 10 % du chemin a été fait.
Pourtant, même si nous avons les uns et les autres, l'impression de parier des 35 heures depuis longtemps, la loi n'a même pas 1 an. Il faut à l'évidence continuer en tenant compte du facteur temps car une négociation réussie suppose le plus souvent de 6 à 9 mois.
Les 35 heures conjuguées aux autres mesures favorables à l'emploi, le programme emplois-jeunes et la réduction des charges sociales notamment, vont permettre de conforter la baisse du chômage déjà entamée.
Compte tenu du résultat acquis aujourd'hui, nous dépasserons le seuil de 100 000 emplois créés ou préservés par la réduction du temps de travail en 1999.
Ces résultats sur l'emploi se situent dans le haut de la fourchette des études macroéconomiques qui, je le rappelle, avaient estimé les effets possibles sur l'emploi à terme entre 250 000 et 700 000.
3°) Un mouvement de négociation sans précédent
Près d'une entreprise sur 2 est en train de négocier. 5 750 conventions d'appui conseil ont été conclues et donneront lieu à de nombreux accords d'entreprises dans les mois qui viennent.
Pour la première fois, la négociation aborde dans le même temps des sujets qui étaient trop souvent fragmentés ; la réduction de la durée du travail favorable à l'emploi ; l'aménagement des rythmes de travail en fonction des aspirations des salariés et de leurs contraintes personnelles, familiale ou sociale ; l'organisation de l'entreprise pour mieux répondre à ses clients et améliorer sa compétitivité.
Cela tranche singulièrement avec les négociations intervenues après l'accord national interprofessionnel de 1995 qui s'étaient le plus souvent limitées à des aménagements sans les resituer dans une démarche globale de réorganisation de l'entreprise.
Tous les sujets ont été traités et chacun a su innover.
Parallèlement aux négociations d'entreprises, les branches ont conclu 69 accords. Ces accords de branche sont utiles pour fournir un cadre à la négociation d'entreprise, particulièrement pour les plus petites d'entre elles. En revanche, ni l'effet sur l'emploi, ni les modalités d'organisation du travail ne peuvent être détaillés dans les accords de branche.
Elles ne peuvent non plus déroger aux clauses d'ordre public social. Ainsi les branches ne sont pas habilitées à relever le contingent qui déclenche le repos compensateur. En revanche, elles peuvent, et l'ont fait, accroître le seuil au delà duquel l'autorisation de l'inspecteur du travail est requise, ce qui n'a, bien entendu aucun effet sur la durée annuelle du travail.
Les accords de branche sont au fur et à mesure soumis à la procédure d'extension pour qu'ils soient obligatoires pour toutes les entreprises. A cette occasion le Ministère de l'Emploi et de la Solidarité a exclu les clauses des accords sans base juridique ou qui étaient contraires à des dispositions d'ordre public, et a émis des réserves sur d'autres points qui pourront être traités dans la seconde loi.
4°) Des résultats sur mesure et innovants
Des souplesses nouvelles ont été gagnées tant par les salariés que par les entreprises.
Les entreprises y ont gagné des souplesses internes, sans recourir à l'intérim ou à la délocalisation, pour s'adapter aux fluctuations d'activité.
La prise en compte des fluctuations et de la saisonnalité éventuelle, des rythmes des clients, a permis d'adapter l'organisation de l'entreprise aux évolutions de la demande.
Ainsi la durée d'utilisation des équipements a été accrue (19 % des cas) l'amplitude d'ouverture pour les services a été augmentée (21 % des cas) ; le recours à la modulation intervient dans un peu plus de 40 % des cas avec le plus souvent une amplitude limitée entre 30 et 40 heures, des plannings annuels et en cas d'imprévu, des délais de prévenance précis et allongés.
Les salariés ont imposé que leurs aspirations soient reconnues, gagnant eux aussi de nouvelles souplesses:
- les contraintes de la vie personnelle sont désormais prises en compte, notamment par le choix des jours de repos,
. Véga industries (Semelles de liège - Landes) semaine de 4 jours avec le mercredi pour les femmes et le vendredi pour les hommes.
. Transfaire (imprimerie) choix de jour par le salarié.
. Samsonite prise en compte des rythmes scolaires.
- en cas de fluctuation d'activité, les délais de prévenance ont été précisés et souvent les périodes de repos ou d'horaires réduits ont été garantis,
. Au Crédit Mutuel de Normandie, est ainsi prévu un calendrier prévisionnel semestriel avec en cas de changement des délais de prévenance précisés (8 jours), et des périodes " sanctuarisées ".
- l'accès à la formation, pour l'enrichissement des compétences notamment, a été dans bien des cas élargi.
. Thomson Optronique, que j'ai visité il y a quelques mois, a ainsi introduit un co-investissement pour la formation.
Mieux que quiconque situé en dehors de l'entreprise, les acteurs travaillant dans l'entreprise ont ainsi trouvé des solutions sur mesure, équilibrées et innovantes.
Tous les salariés sont concernés par ces innovations :
Les cadres, même s'ils n'atteignent toujours pas 35 heures, bénéficient selon des modalités adaptées à leur mission, de ce mouvement historique.
. La majorité des accords récents introduisent des jours de repos avec le souci d'étalement sur l'année. Ils aboutissent ainsi à un nombre de jours travaillés sur l'année entre 200 et 220 jours et, le plus souvent, avec des mécanismes de traîtrise de la durée journalière.
Les salariés à temps partiel aussi qui, à cette occasion, doivent pouvoir de plus en plus nombreux, choisir la durée du travail qui leur convient.
. Trois Suisses
choix entre 8 durées du travail par salarié
. Gemplus (carte à puce - Marseille)
choix entre 3 options :
. réduire la durée avec salaire maintenu
. maintenir la durée avec salaire augmenté
. passer à 35 heures.
. Même dispositif pour Zircotube (Groupe Framatome, fabrication de tubes aux zirconium ou Petit Bateau (Marne).
Les formes de réduction sont ainsi très variées, avec bien souvent des différences entre ateliers ou services. Elles reflètent à la fois les aspirations des salariés et les contraintes des entreprises :
. journées plus courtes (40 %)
. réduction hebdomadaire par journée ou demi-journée (49 %)
. semaines courtes et longues alternées (25 %)
. jours de repos sur l'année (42 %)
. ponts ou jours fériés additionnels (7 %).
Ces souplesses nouvelles et maîtrisées, la modulation mieux encadrée par exemple, ont réduit fortement la précarité.
Les embauches se sont effectuées dans 3 cas sur 4 à durée indéterminée et ont bénéficié à des salariés sous statut précaire ou à des demandeurs d'emploi. C'est en trouvant des souplesses nouvelles négociées que les entreprises ont réduit la précarité :
. Packard Bell, en créant 43 emplois a réglé le problème des intérimaires.
. L'accord Sté Traitement de presse comporte un volet déprécarisation des CDD et des intérimaires.
. Cela est également vrai aussi pour beaucoup d'accords du BTP.
5°) Un financement réussi préservant la compétitivité
Ces accords équilibrés socialement le sont aussi financièrement. Et cela est capital pour la compétitivité des entreprises, pour que l'effet sur l'emploi constaté aujourd'hui soit pérenne.
. Pour les accords aidés le financement est ainsi intégral. Pour financer le coût moyen des embauches, 7, 5 % de la masse salariale, trois sources de financement se sont en effet complétées.
. des économies sur les équipements et les stocks, de 0,5 % en moyenne, avec une grande variabilité selon les entreprises ;
. si le maintien du salaire est la règle dans 85 % des cas est général au niveau du SMIC. Ce maintien est suivi, dans 75 % des cas, par une modération salariale de 2,5 % en moyenne à terme ;
. Les allégements de cotisations sociales mis en place par la loi du 13 juin 1998 et apportant, en moyenne sur 5 ans 4,5 % permettant de boucler le financement.
Pour les accords non aidés, il y a un léger surcoût en 1999 mais celui-ci sera compensé dès 2000 par l'allégement structurel des cotisations sociales annoncé par le gouvernement.
6°) Tout le monde y gagne
Personne n'a été mis à l'écart de ces discussions :
- les organisations syndicales qui ont négocié directement, ou en mandatant des salariés,
- les salariés eux même puisque des référendum d'entreprise ont souvent été organisés par les négociateurs pour conforter leurs positions et s'assurer de l'approbation des salariés,
- selon le dernier sondage disponible, 60 % des salariés déclarent avoir participé directement ou indirectement à la négociation.
En fin de compte, 9 accords sur 10 ont été signés par toutes les organisations syndicales présentes. Et les salariés s'y retrouvent puisque 85 % d'entre eux considèrent que cela a été une bonne chose pour eux.
A travers cette dynamique consensuelle, la solidarité est devenue concrète : les embauches ont souvent bénéficié à des jeunes (18,5 %), à des personnes ayant des difficultés particulières d'accès à l'emploi (7 %) ou a des handicapés (3,4 %).
Tous ces salariés ont ou auront très bientôt la fierté d'avoir un emploi. Tous les salariés des entreprises concernées peuvent être fiers d'y avoir contribué.
Les 35 heures sont la démonstration, qu'une économie plus solidaire est une économie plus performante.
Négocier pour trouver des solutions concrètes, sur mesure, c'est cela la modernisation de la France.
Pour ceux qui cherchent un emploi, ce sont des opportunités d'embauche en CDI, et donc la possibilité de sortir de l'enchaînement de l'isolement et de l'exclusion.
Pour les salariés, c'est plus de temps libre réparti en fonction de leurs aspirations. Ce sont des souplesses nouvelles dans la maîtrise de leur temps.
Pour les entreprises, et elles sont de plus en plus nombreuses à le reconnaître, c'est l'occasion de repenser l'organisation en fonction des besoins des clients.
Pour tous, enfin, ce sont des milliers d'emplois créés, ce sont des licenciements évités ; c'est ainsi l'assurance de voir la réduction du chômage, entamée depuis 18 mois par la politique volontariste du gouvernement, se conforter et s'amplifier.
Cette réduction du chômage porte et portera ses fruits sur la croissance par la réduction des charges sociales qu'elle autorise et par la confiance qu'elle génère.
Tout le monde y gagne, un travail, du temps libre, de plus grandes souplesses.
7°) La méthode du gouvernement: s'appuyer sur le dialogue social
Dans cette démarche décentralisée, les solutions se sont pas trouvées d'en haut, uniformément, mais par la discussion paritaire entreprise par entreprise. Je préfère le mot négocier au verbe imposer.
Le pari de la démarche gouvernementale, engager un fort mouvement de négociations a été gagné.
Comme l'a rappelé récemment encore le Premier ministre, le calendrier et les résultats seront respectés.
La seconde loi viendra préciser le cadre juridique et financier du passage aux 35 heures, du 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés, le premier janvier 2002 pour les entreprises de 20 salariés et moins.
Cette seconde loi sera le résultat d'une année de négociations. En effet, comme cela avait été indiqué l'an dernier, elle s'inspirera des accords, de leurs avancées, de leurs innovations.
Dans ce domaine comme dans d'autres, l'Etat ne peut décider pour tout, partout et pour tout le monde. Mais il a la responsabilité de montrer la direction, de proposer une méthode, de préparer un cadre économique et juridique.
La seconde loi permettra ainsi à la négociation de s'étendre progressivement à toutes les entreprises qui n'auront pas terminé leur négociation en 1999.
La première étape est réussie. Sur cette base solide, j'appelle les chefs d'entreprises et les organisations syndicales à poursuivre le mouvement. Pour y aider, je proposerai dans quelques semaines une seconde loi appuyée sur les avancées d'une année de dialogue social, c'est-à-dire une seconde loi équilibrée car introduisant des souplesses pour tous, et moderne car renvoyant au maximum, la recherche de solutions à la négociation.
Fin Juin, et sur la base de ce projet, je consulterai l'ensemble des partenaires sociaux de telle manière que le texte puisse être approuvé par le Conseil des Ministres durant l'été, puis débattu et voté au Parlement d'ici la fin de l'année.
Comme vous l'avez vu, les 35 heures " ce n'est pas du pipeau, mais du saxo ", ce n'est pas une " petite musique " mais tout un orchestre !
(source http://www.travail.gouv.fr, le 14 mars 2000)