Déclaration de Mme Sègolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance, sur l'éducation à la sexualité et l'éducation à la santé et le renforcement du partenariat dans le cadre des campagnes d'information sur ces sujets, Paris le 31 mai 2000.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Clôture de l'assemblée plénière du Conseil de l'information sexuelle à Paris le 31 mai 2000

Texte intégral

Je suis particulièrement heureuse d'intervenir à l'assemblée Plénière du Conseil Supérieur de l'information sexuelle. Je souhaite vous informer et vous consulter sur le contenu des outils pédagogiques que je transmettrai au Ministre de l'Education Nationale.
Comme vous le savez, j'ai souhaité, lorsque j'étais Ministre de l'Enseignement Scolaire, relancer l'éducation à la sexualité au collège et au lycée dans le cadre d'une démarche globale d'éducation à la santé avec pour objectif de promouvoir une authentique éducation à la vie.
Il m'est apparu nécessaire de définir les fondements de cette action qui doit affirmer le bonheur de la rencontre et la dimension affective et relationnelle de la sexualité, tout en intégrant la prévention des risques liés aux maladies sexuellement transmissibles, aux grossesses précoces et aux abus sexuels.
Aujourd'hui, Ministre de la Famille et de l'Enfance, la continuité de cette action m'a conduite à finaliser la démarche et les documents ci-joints.
1/ L'éducation à la sexualité : une responsabilité partagée entre les parents et l'école
Le rôle des parents est bien entendu fondamental en ce domaine. Ils doivent être à l'écoute des questions que se posent leurs enfants et sont fondés à leur faire partager leurs convictions ou leurs valeurs.
Ils sont le plus souvent prêts à aider leurs enfants lorsque ceux-ci, à l'adolescence, sont confrontés à des difficultés majeures. Les infirmières scolaires en témoignent : la jeune fille face à une grossesse non-désirée trouve, plus souvent qu'on l'imagine, le soutien de sa famille, ou d'un parent pour surmonter sa détresse.
C'est pourquoi j'ai toujours souhaité que les familles soient associées à l'éducation à la sexualité développée dans les établissements scolaires :
- consultation des fédérations de parents d'élèves sur les outils pédagogiques et sur le guide de poche de la contraception,
- élaboration des actions dans le cadre des comités à la santé et à la citoyenneté que j'ai créés et dans lesquels les parents, membres de la communauté éducative sont représentés,
- présentation aux membres du conseil d'administration où siègent les représentants des parents d'élèves des conditions de diffusion du guide de poche de la contraception et du protocole national sur l'organisation des soins et des urgences.
- Je tiens d'ailleurs à rappeler que la possibilité ouverte aux infirmières, dans ce protocole, de délivrer la pilule du lendemain, leur impartit de rechercher un contact préalable avec la famille de l'élève et de faciliter un rapprochement entre enfant et parent.
- Création de l'heure de vie de classe dès la réforme des collèges.
J'entends, encore aujourd'hui, comme Ministre de la famille et de l'enfance, favoriser le rôle éducatif des parents. L'éducation à la sexualité fait partie de l'éducation.
Il convient donc de les aider à assumer leurs responsabilités en ce domaine :
- en soutenant les structures de soutien à la parentalité,
- en facilitant les initiatives permettant de renforcer la communication entre les institutions éducatives et l'univers familial en vue d'un échange constructif sur leurs attentes réciproques.
2/ Les nouveaux défis de l'éducation à la sexualité
- Le rôle de l'école n'est donc pas de se substituer à la responsabilité parentale, mais de l'accompagner et de la prolonger, tout en étant respectueuse des convictions des familles.
On sait bien qu'à l'adolescence le dialogue n'est pas toujours évident entre parents et enfants, de surcroît sur un sujet qui touche à l 'intimité de l'être.
L'école doit pouvoir répondre aux questions que se posent les élèves, apporter une information scientifique incontestable mais aussi promouvoir une culture de la responsabilité :
- prévention des maladies sexuellement transmissibles,
- prévention des grossesses précoces et des abus sexuels.
l'éducation au métier de parents peut se faire dès l'adolescence.
Je souhaite que l'éducation à la sexualité et à la vie comporte aussi un volet d'éducation à la parentalité.
Certains jeunes gens, en particulier chez les jeunes filles, en situation d'impasse scolaire, de rupture familiale ou de marginalisation, peuvent être tentés d'avoir un enfant comme une revanche sur leur sentiment d'échec, une volonté de réussir mieux que leur propre mère.
Il importe dans ces conditions d'apprendre aux adolescents :
- que l'enfant ne peut être en aucun cas une solution aux problèmes personnels de son père et de sa mère,
- que l'enfant est une personne à part entière dont les parents seront toujours responsables.
L'éducation à la sexualité et à la vie doit permettre d'acquérir des connaissances sur les besoins de l'enfant et des compétences nécessaires en matière de soins.
Ces questions peuvent être l'occasion d'aborder le problème de la Maltraitance.
Le passage d'une vie à deux, qui peut être insouciante, à une vie où il faut s'adapter au rythme de l'enfant avec les contraintes insoupçonnées à l'âge de l'adolescence peut être source de violences familiales par ignorance ou absence de sensibilisation.
apprendre à refuser toutes les relations de violence.
L'école doit apprendre à l'élève à respecter son corps et celui des autres, dès le plus jeune âge et à adopter des attitudes de prévention.
Se faire respecter et respecter les autres. Respect du corps dès la maternelle " Apprendre aux enfants que le corps n'est pas un jouet ". Lutter contre les phénomènes de groupe qui s'apparentent au mécanisme du bizutage (viols collectifs prétendument consentis).
La démarche éducative suppose aussi de vaincre certains tabous :
lutter contre l'homophobie, le sexisme, les discriminations.
L'école doit être le lieu de la tolérance, de l'accueil. Trop d'adolescents souffrent de railleries, d'exclusion à raison de leur orientation sexuelle, consciente ou non, temporaire ou non. Certains peuvent être tentés de recourir à des conduites à risques : drogues, tentatives de suicide.
Il est temps, me semble-t-il, de faire reculer l'hostilité manifestée à l'égard de l'homosexualité en apprenant aux enfants et aux adolescents à reconnaître et respecter l'autre avec ses différences affectives et sexuelles.
De même, les expressions sexistes ou racistes doivent être combattues avec force même si leur recours dans le langage courant tend à les présenter comme anodines et banalisées.
Il convient en effet de stigmatiser toutes les injures et les attitudes de discrimination à l'égard d'un sexe. Il appartient donc à tous les éducateurs de ne pas les laisser passer et de lutter contre toute forme de rapport de force.
affirmer que la sexualité précoce n'est pas une conquête
En rappelant que l'âge moyen du premier rapport sexuel n'a pas sensiblement baissé depuis plusieurs années : autour de 17 ans, et cela afin de contrecarrer la pression de certains médias dont le goût du voyeurisme déstabilise les jeunes par rapport à ce qui est " normal " ou pas.
3/ Nécessité d'élargir le partenariat
Bien entendu, je mesure que cette éducation à la vie qui doit conduire à la réussite et à l'épanouissement des futurs adultes est une tâche ambitieuse.
Et je crois que ni les familles, ni les éducateurs du système scolaire ne peuvent se priver de l'aide complémentaire de certains partenaires incontournables.
Lors du lancement de la campagne nationale pour la contraception, j'avais demandé aux recteurs de recenser, en liaison avec les inspecteurs académiques, les intervenants extérieurs habilités à répondre aux demandes d'intervention dans les établissements scolaires : Centres de planifications, médecins, sages femmes, associations.
Comme Ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance, je souhaite renforcer ce partenariat, en particulier en demandant aux présidents de Conseils Généraux de favoriser les interventions des médecins de PMI auprès des jeunes.
Les questions de la petite enfance, la prévention de la Maltraitance, l'apprentissage de la Bientraitance sont des thèmes fédérateurs chez les jeunes qui, avant d'être parents, sont souvent amenés à faire du baby-sitting ou à participer à la surveillance de leurs jeunes frères ou soeurs.
Le partenariat pourrait être également amplifié en sollicitant les praticiens hospitaliers dans le cadre de leur temps réservé à des activités extra médicales.
L'éducation à la sexualité, que l'on soit parents, éducateurs ou intervenants extérieurs est certainement au coeur même de la complexité des relations humaines supposant dialogue et confiance, mais aussi respect de l'intimité de chacun, imposant donc aussi une nécessaire distance.
Donner des repères, avec lucidité quant aux risques, et avec enthousiasme quant à la richesse de la rencontre, c'est effectivement permettre à chacun de construire son jardin secret.


(source http://www.social.gouv.fr, le 6 octobre 2000)