Conférence de presse de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur les relations bilatérales et le partenariat franco-américain dans la gestion des crises, les questions liées au Proche-Orient, à l'Irak, à la réforme de l'ONU, la coopération franco-américaine dans la lutte contre le terrorisme, la réalisation d'un programme de lutte contre les maladies infectieuses et le projet français de chaine d'information internationale, Washington le 5 juillet 2005.

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Circonstance : Voyage aux Etats-Unis de Philippe Douste-Blazy, à Washington le 5 juillet 2005

Texte intégral

Depuis que j'ai été nommé ministre des Affaires Etrangères, c'est mon premier grand déplacement, c'est un choix délibéré, le choix de montrer toute l'amitié que nous portons au peuple américain. Il y a eu cette période, il y a trois ans, qui était un moment où nous avons dit ce que nous pensions de l'unilatéralisme, ce que nous pensions de l'Irak, mais il n'en reste pas moins vrai que nous sommes des amis et, comme je l'ai dit tout à l'heure au point de presse avec Condoleezza Rice, aux amis, on dit la vérité, on dit ce qu'on pense. C'est plutôt dans ce climat là que j'ai souhaité faire ce voyage.
Alors, nous rencontrons plusieurs sortes de personnes : je viens de rencontrer les syndicats, j'ai rencontré la communauté juive américaine, j'ai rencontré des chefs d'entreprise français, je rencontrerai ce soir un certain nombre de leaders d'opinion qui ont, en particulier, travaillé dans le domaine des affaires internationales avec M. Carter et M. Clinton. Je vais rencontrer demain M. Bill Clinton chez lui, à New York, et ensuite j'irai à Chicago rencontrer le maire mais également remettre la Légion d'Honneur à des vétérans pour exprimer notre reconnaissance. C'est un peu moins classique qu'un ministre des Affaires étrangères qui rencontre d'abord l'administration et ensuite un think tank. J'ai souhaité aller aussi rencontrer plus profondément un certain nombre de personnes et délivrer ainsi un message d'amitié, de reconnaissance, de gratitude du peuple français aux Américains.
Les relations que nous avons avec les Etats-Unis sont des relations confiantes sur un certain nombre de sujets. Nous nous téléphonons souvent avec Condoleezza Rice. Nous nous sommes vus déjà à plusieurs reprises. Je veux parler surtout du Liban, j'en dirai un mot tout à l'heure, de la Syrie. Ce sont des sujets où nous partageons une certaine correspondance de vue. Haïti également, où nous avons la même vision du caractère non maîtrisé de la situation là-bas. Nous avons aussi abordé l'Union européenne. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
Q - Pourquoi rencontrez-vous l'ex-président Clinton ?
R - Je rencontre l'ex-président Clinton pour trois raisons : d'abord parce que c'est un homme qui a marqué les Etats-Unis, qui a un projet, comme vous le savez, de fondation et également un projet très intéressant sur des sujets de société majeurs, en particulier dans le domaine des maladies dans les pays les plus pauvres, avec une grande ambition, qui n'est pas nouvelle. C'est un sujet qui m'intéresse beaucoup, j'ai moi-même rencontré tout à l'heure des responsables de grandes sociétés pharmaceutiques américaines qui ont monté, depuis l'an 2000, le programme "access" qui vise à donner des antirétroviraux de première ligne mais aussi de deuxième ligne dans différents pays du Sud, permettant ainsi cette année de soigner 440.000 malades atteints de sida dans les pays du Sud, dont 216.000 en Afrique. Donc, je vais aborder ce sujet avec lui.
Je souhaite organiser à la fin de l'année - fin novembre, début décembre, je ne sais pas - une réunion au ministère des Affaires étrangères sur ce sujet d'aide au développement, qui est l'accès aux médicaments des pays les plus pauvres, dans les zones endémiques. Pourront être à l'ordre du jour, premièrement : le prix des médicaments, en particulier génériques ou le système "access" ; deuxièmement quelle est l'interaction entre le programme "access" et le programme du président Bush, celui de l'OMS et de ONUSIDA, comment peut-on faire un programme Union européenne-Etats-Unis dans ce domaine, je souhaiterais proposer cela à mes collègues européens ; et enfin, troisième chose qui me paraît être la plus importante : le système de santé, tout simplement, dans les pays du Sud. La santé sera probablement un des grands sujets, si ce n'est le grand sujet du XXIème siècle.
Cela c'est la première raison.
La deuxième raison, c'est que j'ai déjà souvent, à plusieurs reprises, rencontré Mme Clinton lorsque j'étais ministre délégué à la Santé en 1993. C'était un de mes premiers voyages. J'ai été reçu par elle. Elle était la femme du président et nous avions abordé le problème du système de santé, d'assurance maladie aux Etats-Unis avec le fameux projet qu'ils avaient d'améliorer la couverture maladie.
Quand le président Clinton était venu en France, j'avais également parlé avec lui et je suis heureux de reparler avec lui demain parce que, pour avoir parlé avec différents acteurs américains, il revient souvent un sujet qui est intéressant, celui de la couverture maladie.
Troisième raison : je pense qu'aujourd'hui, nous avons une opportunité sans précédent au Moyen-Orient. Je pense qu'il est absolument fondamental de bien intégrer le désengagement de Gaza à partir de la mi-août. Le fait qu'Ariel Sharon accepte ce désengagement fait qu'Abou Mazen est aujourd'hui dans une volonté positive et constructive au niveau de la Palestine. Il me paraît important d'aller très vite et de pouvoir faire en sorte que la Feuille de route soit respectée. Je pense que le président Clinton, qui a vécu Taba, qui a vécu un certain nombre de situations, pourra nous éclairer sur la situation actuelle.
Voilà les trois raisons qui me font dire que je suis très heureux de rencontrer le président Clinton.
Q - Est-ce que vous avez parlé avec Mme Rice du Moyen-Orient, de la situation à Gaza, du conflit israélo-palestinien ?
R - Sur le conflit palestinien, je dirai plusieurs choses. La première, c'est que nous devons tout faire, - la communauté internationale doit tout faire -, pour que le désengagement de Gaza soit un succès. Car ce n'est que si le désengagement de Gaza est un succès, qu'il pourra y avoir, ensuite, un respect de la Feuille de route. C'est un élément essentiel. A ceux qui peuvent craindre l'aspect unilatéral du désengagement de Gaza, on peut répondre aussi que c'est déjà une première étape importante. Quand le Premier ministre Ariel Sharon rencontrera le président de la République fin juillet à Paris, ce sera aussi l'occasion pour nous de lui dire qu'il faut continuer dans cette voie courageuse, sachant que, dans son camp, il y a des réticences, comme toujours. Comme d'ailleurs il y a des réticences dans le camp d'Abou Mazen.
Deuxième chose, c'est que nous soutenons le plan Wolfensohn. J'ai rencontré M. Wolfensohn à Londres lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères du G8. L'approche des voies de communication entre Gaza, l'Egypte, Israël, la Cisjordanie me paraît être importante, c'est-à-dire son approche qui consiste à construire un port et un aéroport. Son approche sur la gouvernance palestinienne, sur la gestion des infrastructures israélienne à Gaza, sont des approches positives, associées à une enveloppe de 3 milliards de dollars qu'il demandera au G8. Je ne sais pas s'il aura besoin de 3 milliards de dollars mais, en tout cas, il le demandera au G8. Je pense que c'est quelque chose qui est de nature à amener des éléments positifs pour la poursuite de la Feuille de route.
Dernier point qui me paraît important, c'est peut-être de faire en sorte que, dès l'instant où il y aura un désengagement de Gaza, nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour poursuivre cette Feuille de route et montrer qu'il y a un processus politique.
Cela, ce sont éléments positifs. Il y a encore des éléments négatifs, en particulier la barrière de séparation, et puis la présence de colons nouvellement arrivés en Cisjordanie, qui sont des éléments de nature à nous poser des questions
Q - Il y a un pays dont n'a pas entendu parlé ce matin dans la conférence presse, c'est l'Irak.
R - On en a déjà beaucoup parlé à Bruxelles, on en avait parlé également à Londres. On n'en a pas parlé, en effet, à la conférence de presse parce qu'il n'y a pas eu de questions. Vous connaissez la position française sur l'Irak. Nous souhaitons la transition, nous souhaitons aussi que soit respectée la souveraineté territoriale de l'Irak et nous souhaitons qu'après les élections qu'il y a eu en Irak, la gestion du pays soit faite par les élus.
Dernier point, nous souhaitons que la Constitution, qui est en cours d'élaboration, prenne en compte toutes les forces politiques de l'Irak. Cela nous paraît important. Nous sommes prêts - cela avait été proposé par les Américains mais aussi par d'autres - à participer à la formation de forces de police et de sécurité irakiennes en France. Cela ne nous pose aucun problème. Je l'ai même dit à mon homologue irakien avec lequel je me suis entretenu, en bilatéral, mercredi dernier.
Q - L'Irak, on n'en a pas parlé à la conférence de presse, mais est-ce que cela signifie que vous n'en avez pas parlé entre vous ?
R - Aujourd'hui, cela n'a pas été abordé, mais il n'y a rien de nouveau. L'impression que j'ai sur l'Irak aujourd'hui, c'est qu'il y a, de la part de mon homologue irakien que j'ai donc rencontré, une envie actuelle plutôt d'avoir une présence américaine encore pour un moment. Il ne m'a pas dit pour combien de temps. Il semble bien que le gouvernement irakien souhaite conserver la présence militaire américaine. Une remarque sur ce sujet, d'ailleurs un des sujets que je trouve majeur au ministère des Affaires étrangères - il faut essayer de faire en sorte que la communauté internationale réfléchisse sur un sujet majeur - comment passe-t-on d'une aide militaire, d'une présence militaire dans un pays, à plus du tout de présence militaire ? Comment gère-t-on cette transition ? Nous avons, nous Français, ce problème dans certains pays. Les Américains auront le problème et surtout les Irakiens auront le problème en Irak. Ce sont des sujets majeurs.
Q - Est-ce que vous avez abordé le sujet d'Haïti?
R - Vous avez tout dit dans votre question. La question est unique. La priorité pour nous - et Condoleezza Rice à qui j'en ai parlé est d'accord - c'est la tenue d'un processus démocratique, d'un calendrier électoral. Alors, pourquoi le calendrier électoral n'est pas tenu ? Parce qu'il y a des violences et qu'aujourd'hui la MINUSTAH n'a pas de moyens suffisants, en l'état actuel des choses, pour rétablir la sécurité dans le pays. Je dois dire que nous nous sommes entretenus avec Condoleezza Rice, mais également avec les Brésiliens, il y a maintenant 10 jours au téléphone, et nous avons décidé de regarder de près ce qui se passe et, éventuellement, d'augmenter et de renforcer la MINUSTAH. Se posera la question, dans un second temps, de savoir ce qu'on fait si cela ne suffit pas.
Q - Vous n'avez pas mentionné la réforme du Conseil de Sécurité des Nations unies. Les positions françaises et américaines ne sont pas tout à fait les mêmes ?
R - Il y a, comme vous le savez, sur la réforme des Nations unies, deux sujets.
D'abord, les normes et puis ce qui est spécifique : le Conseil de Sécurité. J'ai bien compris que vous voulez que je parle du Conseil de Sécurité mais je vais quand même parler des deux.
Sur le sujet, à mon avis principal et fondamental, de la réforme des Nations unies - pour moi c'est important parce qu'il s'agit de la crédibilité des Nations unies - il suffit de regarder pendant les 20 dernières années, l'importance des Nations unies. Il est fondamental que leur crédibilité soit encore supérieure. Donc, nous soutenons totalement tout ce qui contribuera à la crédibilité des Nations unies en général, dont la réforme de la Commission des Droits de l'Homme, c'est-à-dire tout ce que vous connaissez déjà sur les réformes. Condoleezza Rice est également très porteuse de ces idées. Nous sommes totalement d'accord là-dessus.
Ensuite, il y a en effet le Conseil de sécurité sur lequel notre approche est très simple. Nous l'avons dit tout de suite, nous co-parrainons la proposition du G4, une proposition, vous le savez, avec les Allemands mais aussi avec le Japon, l'Inde et le Brésil. Notre avis, c'est que c'est positif, d'abord parce que nous souhaitons élargir le nombre de permanents. Deuxièmement, parce que cela ne remet pas en cause le droit de veto qui est le nôtre.
Et enfin, il y a une clause de réexamen dans 15 ans. Cela nous permet de dire que c'est quelque chose de tout à fait satisfaisant et qui ressemble plus au monde d'aujourd'hui.
Vous connaissez les positions américaines qui ne sont pas identiques.
Q - Vous disiez tout à l'heure que les relations entre la France et les Etats-Unis étaient convenables, mais quand on regarde les sondages, on s'aperçoit que les Américains ne nous aiment plus, alors qu'allez-vous faire pour cela change ?
R - J'ai envie de leur dire que nos économies sont imbriquées, que 650.000 Américains travaillent par l'intermédiaire de filiales françaises, que les Français sont très présents, ils font confiance aux Américains. Vous savez, je ne pense pas que les mauvais clichés restent longtemps. Je pense que la force de l'amitié et les valeurs communes qui scellent nos deux pays, nos deux peuples, sont plus fortes qu'un cliché.
Ce n'est pas parce qu'on n'est pas sur la même longueur d'onde sur un sujet de politique étrangère, qu'on n'est pas d'accord sur les valeurs. Pour faire court, lorsque Dominique de Villepin a prononcé son discours à l'ONU, lorsque Jacques Chirac a pris cette décision vis-à-vis du Conseil de Sécurité à propos de l'Irak, certains auraient pu faire croire que nous étions laxistes vis-à-vis du terrorisme, et ceci peut expliquer une mauvaise image. Justement, il y a 24 heures, dans un des principaux journaux américains, il apparaît que nous sommes considérés par les Américains, après une grande enquête, comme le pays, ou en tout cas un des pays au monde, les plus crédibles dans la lutte contre le terrorisme. Alors si les chaînes de télévisions américaines pouvaient consacrer autant de temps à expliquer, comme cet article, que nous étions en effet très étroitement engagés, avec les Etats-Unis, dans la lutte contre le terrorisme, la réponse à votre question serait réglée en 48 heures.
Q - Est-ce que vous allez faire du "forcing" pour que cet état d'esprit change ?
R - Vous avez raison, c'est important d'expliquer cela, mais il y aura d'autres sujets internationaux. Vous savez, l'histoire est faite, et ce n'est pas à vous que je vais l'apprendre, d'actualité brûlante. C'est à ce moment là que l'on voit les pays réagir. Nous, chaque fois que les valeurs des Droits de l'Homme, de l'Etat de droit sont en danger, nous serons toujours là. Et comme les Américains sont, je pense, sur la même longueur d'onde, il n'y a pas de raison qu'on ne se retrouve pas. Simplement, nous avons besoin d'objectivité. On ne peut pas nous en vouloir lorsqu'on demande de l'objectivité sur des suspicions par exemple. Il est important d'avoir des preuves objectives, c'est tout. Mais la France sera toujours comme cela, elle ne changera pas. Elle ne changera pas d'amitié, elle ne changera pas d'alliance, elle ne changera pas de valeurs. Elle sera toujours un pays qui a besoin d'objectivité avant de prendre des décisions. On ne peut pas le lui reprocher.
Q - Pourquoi avez-vous choisi les Etats-Unis pour votre premier déplacement ?
R - C'est mon choix. J'ai essayé d'expliquer pourquoi depuis le début. Parce que je pense que c'est important. Quand on voit les relations et quand on voit qu'un milliard de dollars sont échangés chaque jour sur les marchés, ne serait-ce que grâce aux entreprises françaises, entre la France et les Etats-Unis, quand on voit qu'il y a 650.000 Américains qui travaillent dans des filiales françaises, quand on voit l'importance que représente aujourd'hui l'implication des Etats-Unis dans le monde et, qu'en plus, ce sont des amis, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas mon premier voyage.
Q - Vous avez mentionné l'article sur la coopération franco-américaine en matière de lutte contre le terrorisme.
R - Je ne suis pas ministre de la Défense et aujourd'hui, je pense que la seule chose qu'il faut retirer de cet article, est que la France est un pays qui joue un rôle important dans la lutte anti-terroriste, que la France évidemment travaille avec les autres pays qui ont la même vision du terrorisme, dont les Américains. Ce qui me paraît le plus important dans les relations franco-américaines dans le domaine du terrorisme, c'est que nous nous sommes mis d'accord sur la définition du mot terrorisme. Parce que c'est important, lorsqu'on dit il y a une action terroriste quelque part, il faut que l'on puisse être d'accord sur la signature de ces actes.
Q - On n'était pas tellement d'accord justement, si vous considérez par exemple le Hezbollah.
R - Justement, je peux vous dire, en parlant avec Mme Condoleezza Rice, je crois qu'il est important que vous sachiez que nous sommes d'accord sur le mot terrorisme. J'ai trouvé que d'abord, le thème choisi et le ton, le fond du discours de Mme Condoleezza Rice à l'Université du Caire, était justement intéressant à ce sujet, sur le respect des peuples, sur le respect des civilisations, sur la transition que l'on peut faire progressivement vers la démocratie au sein d'un peuple, pas la politique du changement obligatoirement mais la politique de transformation, de la transition. C'est ce que le président de la République prêche depuis longtemps, comme vous le savez.
Q - Mais sur les organisations qualifiées de terroristes ?
R - Je vais vous donner mon opinion. Si vous prenez par exemple le Hamas, quel est aujourd'hui le sujet ? Le Hamas aujourd'hui est un mouvement mais aussi une formation politique. Il suffit de regarder les résultats des élections municipales dans les Territoires occupés : vous vous apercevez qu'il y a des conseillers municipaux du Hamas. Alors pourquoi ? Parce que, c'est là-bas qu'il y a une lutte contre la montre, parce que les hommes sont les hommes, et les élections sont les élections. Vous avez quelqu'un qui est en dessous du seuil de pauvreté, qui a trois enfants, qui cherche une crèche, une école, un logement, et il a une offre politique devant lui ! C'est la raison pour laquelle il faut aller le plus vite possible pour créer une administration, pour créer des crèches, pour créer des écoles, pour créer des lieux publics qui puissent aussi répondre à la demande des populations. Mais, une fois que vous avez des élus, tout le monde comprend qu'il faut travailler avec les élus.
Q - Est-ce que le fait d'avoir des élus justifie que ces organisations ne sont pas terroristes ?
R - Il est normal de travailler avec des élus. A l'inverse, il est absolument anormal, absolument évident, qu'il faut être ferme et condamner tout acte terroriste.
Sur le Hezbollah, je suis le premier à dire qu'il faut désarmer le Hezbollah et il faut désarmer le Hezbollah après un accord libano-libanais que le Premier ministre doit obtenir le plus vite possible. C'est cela notre vision des choses. Il faut désarmer le Hezbollah mais, en même temps, il faut bien comprendre que le deuxième dimanche de l'élection législative libanaise, dans le Sud du Liban, il y a eu 25 députés du Hezbollah. Donc, dans quelque pays que ce soit, si vous voulez jouer un rôle dans ces pays, si vous voulez profiter de la chance historique d'avoir eu des élections libres avec une majorité qui n'est pas d'ailleurs pro-syrienne au Parlement, vous avez l'obligation de parler avec toutes les forces politiques. Il n'en reste pas moins vrai que je souhaite le désarmement du Hezbollah.
Q - Sur la position de la France sur cette question, est-ce qu'on peut dire que la France encourage ces mouvements là à abandonner la lutte armée ?
R - Bien sûr, c'est exactement cela. Je dis simplement qu'il est fondamental qu'ils lâchent les activités armées et que la démocratie, d'ailleurs dans l'ensemble du Moyen-Orient élargi, puisse prendre le dessus. Comment fait-on pour qu'une démocratie prenne le dessus ? C'est certainement en travaillant de l'intérieur avec toutes les forces politiques. En tout cas, c'est notre vision des choses. Et je vois avec plaisir que l'administration américaine peut nous retrouver sur ce sujet. En tout cas, au Liban, en Syrie, nous travaillons là-dessus.
Un mot sur la Syrie, parce que quand on parle du Liban, on ne peut pas ne pas parler de la Syrie. D'abord, nous sommes inquiets parce que nous pensons que la Syrie joue un rôle encore trop important dans la vie politique du Liban. Nous souhaitons que la résolution 1559 soit totalement respectée. Cela veut dire un désengagement militaire, mais également au niveau des services. Nous avons une suspicion sur le fait que les services syriens restent encore au Liban. Nous souhaitons qu'il y ait un désengagement, nous le souhaitons fermement et d'ailleurs, nous accompagnerions toute transformation voulue par les Syriens vers plus de démocratie.
Q - Cela n'a rien à voir avec les rapports franco-américains, cela à voir avec nous autres, les journalistes, où en est-on de la chaîne d'information internationale ?
R - D'abord, c'est une très belle idée et qui aujourd'hui est un vrai projet qui a même eu l'accord de Bruxelles, qui est basé sur une société 50 % privée, 50 % publique et qui devrait avoir son budget, dans un premier temps modéré, puis ensuite qu'il pourrait augmenter dans les prochains mois et les prochaines années. Je crois que la discussion va très prochainement être abordée entre le Premier ministre et le président pour savoir quel est le calendrier.
Q - Parce qu'on entend ici des rumeurs.
R - Faîtes attention aux rumeurs. Non, je pense que sur cela, - j'ai déjà abordé le sujet avec le Premier ministre mais nous n'avons pas encore décidé -, je crois que c'est plutôt, s'il y avait quelque chose qui devrait être fait, c'est plutôt avec ce qu'il y a déjà sur la table que nous devrons continuer. Mais encore une fois, rien n'a été arrêté. Les deux sujets qui sont sur la table : est-ce que l'on parle du monde, et en particulier de l'Europe, dans le projet actuel, ce n'est pas le cas, et la deuxième chose, c'est, si l'on parle à l'extérieur, est-ce qu'on ne parle qu'en français ou est-ce qu'on utilise des langues comme l'espagnol, l'anglais évidemment, et l'arabe. Ce sont des sujets majeurs. Ce sont des sujets qui doivent être tranchés entre le Premier ministre et le président, et éventuellement, humblement, moi-même.
Q - Vous allez rencontrer le président Clinton et à cette occasion, vous allez lui faire part d'un projet qui vous est cher sur la lutte contre les maladies infectieuses et je suppose, en particulier, le sida. Est-ce que vous pouvez dire exactement quel est votre projet et ce que vous attendez de lui ?
R - Nous allons aborder avec le président Clinton un sujet qu'il connaît depuis longtemps et qui, moi aussi, me passionne : c'est le problème de la santé dans les pays du Sud au XXIème siècle. Peut-on continuer à laisser égoïstement, et j'ai envie de dire bêtement, tous les pays du Sud dévastés par des endémies et des pandémies avec des centaines de milliers de malades, pour ne pas dire des millions de malades ? Il y a tout un début de réflexion ici aux Etats-Unis avec le programme "access", le président Bush également aide ce projet, il y a le fond mondial de lutte contre le sida. Je souhaiterais que nous puissions ensemble, l'Union européenne et les Américains, travailler sur ce sujet, parce qu'on n'a pas le droit de continuer comme cela.
Q - Mais vous souhaitez, si j'ai bien compris, le prolonger par une réunion à Paris ?
R - Oui, je souhaite qu'il y ait une réunion à Paris à la fin de l'année où l'Union européenne et les Américains pourraient se retrouver avec les grands laboratoires pharmaceutiques pour trouver un plan qui viserait d'une part à harmoniser les procédures de production, de distribution des médicaments et, également, de nous mettre d'accord sur les médicaments de première ligne, puis les médicaments de deuxième ligne. Aujourd'hui, aux Etats-Unis ou en Europe, un traitement anti-retroviral coûte entre 12 000 et 13 000 dollars par malade et par an. Nous devons, aujourd'hui, arriver à 150 dollars par malade et par an si nous voulons faire cela en grandeur nature sur l'Afrique.
Aujourd'hui, grâce au programme "access", plus de 430.000 malades, sont soignés par anti-rétroviraux, dont la moitié en Afrique.
Q - Vous avez un lien personnel avec le président Clinton ?
R - Oui, c'est quelqu'un que j'admire profondément et qui a fait un travail remarquable et j'aurai l'occasion, je pense, d'aborder avec lui d'autres sujets comme le conflit israëlo-palestinien ou même le système de santé aux Etats-Unis
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juillet 2005)