Interview de M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, à Europe 1 le 22 août 2005, sur le service public du transport ferroviaire, la privatisation des autoroutes, l'action du gouvernement de Dominique de Villepin et sur le projet de l'UMP.

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Média : Europe 1

Texte intégral

Q- Depuis que vous appelez les régions et la SNCF à reprendre les discussions sur la rentabilité et donc le maintien ou la suppression envisagée de certaines lignes ferroviaires interrégionales, une polémique s'est inévitablement installée. Les syndicats de cheminots CGT menacent d'une grève, les socialistes vous accusent de brader le service public. Est-ce qu'il n'est pas urgent de déminer tout simplement cela ?
R- Je veux rappeler d'abord que je suis intervenu très rapidement, pour préciser qu'aucune fermeture de ligne n'a été à ce jour décidée. Donc on voit bien que certains ont profité de l'été pour ouvrir une polémique politicienne à bon compte et se faire un peu de publicité. Mais qui peut nier aujourd'hui que le service public ferroviaire qui est la première mission de service public de la SNCF, ne doit pas se moderniser ni évoluer ? Et qui peut nier aussi que les régions sont compétentes en matière de transports régionaux ? Et c'est dans ce cadre que j'appelle aujourd'hui à un dialogue entre la SNCF et les régions. Par ailleurs, ce n'est pas au moment où N. Sarkozy et moi-même venons de signer une circulaire à tous les préfets de département de France, les invitant à ne plus laisser le moindre service public en milieu rural, fermer et un débat s'ouvrir avec tous les élus locaux pour choisir quelle voie, offrir un meilleur service au public en modernisant ceci, que ce dialogue doit se faire, mais entre la SNCF et les régions.
Q- L'opposition socialiste vous fait le procès de vouloir d'une certaine manière punir les régions passées en majorité à gauche aux dernières régionales, de tout leur mettre sur le dos d'une certaine manière, puisque vous parlez de modernisation, mais je veux dire, envisager la suppression de certaines lignes, ce n'est pas forcément moderniser ?
R- Mais je suis très surpris, très surpris que les régions considèrent qu'on veuille les punir, alors que les régions revendiquent d'avoir des responsabilités...
Q- Avec des moyens.
R- Hors les transferts de compétences voulues par les socialistes eux-mêmes lors de la mandature de monsieur Jospin, il y a eu le transfert des responsabilités ferroviaires depuis l'Etat vers les régions. Aujourd'hui les régions voudraient se désengager de cette responsabilité ! C'est-à-dire que les présidents socialistes voudraient dire " nous, on veut bien être présidents de région, mais n'avoir aucune compétence", là où se sont eux qui l'ont demandé, qui l'ont voté au Parlement, sur la proposition de monsieur Jospin ! Je pense qu'au moment où nous devons moderniser nos transports et nos transports ferroviaires, avoir un débat, enfin on n'est plus il y a 30 ans ou 50 ans ou 60 ans en arrière à la locomotive à vapeur. Il y a maintenant des TGV, il y a des TER qui sont gérés par les régions de manière exceptionnelle, puisque les chiffres de fréquentation ne cessent de monter et que l'on dise que dans les transports interrégionaux, les régions qui sont déjà responsables ont leur part d'organisation à prendre n'est tout de même pas un non-sens !
Q- Quand F. Bayrou, président de l'UDF, affirme que la SNCF a une responsabilité en matière d'aménagement du territoire, il a raison ?
R- Il a totalement raison. Je l'ai affirmé avant lui, il a repris cette affirmation, je m'en réjouis.
Q- Oui, mais lui, il ne veut certainement pas qu'on supprime des lignes ferroviaires ?
R- Oui, mais monsieur Bayrou, j'imagine est un homme responsable, il se veut être un gestionnaire, futur, peut-être et comme nous, il doit concevoir que lorsqu'on a des lignes qui sont déficitaires de plus de 50 % il faut chercher, non pas à les supprimer, mais à moderniser le service au public pour qu'il apporte de meilleures réponses et en matière de rentabilité et en matière de service aux usagers.
Q- Dès lors qu'un service public est déficitaire, il faut le supprimer ou envisager sa suppression ?
R- Non, je suis contre les suppressions, je suis pour la modernisation.
Q- C'est le contribuable régional qui paiera pour pouvoir conserver certaines lignes ?
R- Aujourd'hui, nous le savons c'est le contribuable national qui est aussi un contribuable régional, départemental, municipal, tout cela c'est la même caisse qui participe au déficit de toute façon. Donc trouvons le meilleur moyen pour avoir un meilleur service aux usagers en modernisant les transports ferroviaires qui en matière d'énergie d'ailleurs représentent une véritable avancée pour notre pays.
Q- Monsieur le ministre, le pétrole va finir par devenir un produit de luxe, quand on a la fonction qui est la vôtre, qu'est-ce que ça inspire comme réflexion ? Comment est-ce qu'on prépare, comment est-ce qu'on peut adapter le territoire à une société qui devra apprendre à ne plus parier autant sur cette énergie-là ?
R- Je vous remercie de me poser cette question. J'y suis très sensible. Vous savez les pays arabes notamment, ont bénéficié de la manne pétrolière et la France peut par ses richesses propres, apporter de véritables réponses en matière énergétique. Nous avons entre l'énergie solaire, entre nos forêts et l'énergie bois, les éoliennes et le vent, les ressources qui nous sont offertes par les rivières, les torrents et les lacs quelques uns artificiels d'ailleurs, des ressources en matière d'énergie renouvelable, qui sont très importantes. Nous devons les exploiter beaucoup plus qu'elles ne l'ont été ces dernières années. D'ailleurs je me réjouis que, dans la loi de finances 2006, le Premier ministre prévoit des mesures incitatives notamment en matière de véhicule propre et en matière de chauffage domestique, pour que les Français puissent utiliser beaucoup plus ces moyens énergétiques nouveaux.
Q- Mais vous êtes très écologiste sur ce point ?
R- Je le suis, je le revendique et je n'ai pas à laisser cet espace à d'autres. Qui plus est en matière d'aménagement du territoire, voyez-vous exploiter ces ressources naturelles, c'est aussi l'opportunité pour la France et pour ces territoires de créer plusieurs milliers d'emplois et de créer de nombreuses richesses naturelles.
Q- Cela ne fait pas un petit peu longtemps qu'on dit les mêmes choses ? Parce que les énergies renouvelables, cela fait quand même plusieurs dizaines d'années qu'on en parle ?
R- Cela fait peut-être plusieurs années qu'on en parle... Mais d'abord la France, je le rappelle, grâce à un politique initiée par le Général de Gaulle, s'est donnée une indépendance énergétique à travers le nucléaire et nous revenons de recevoir le réacteur du futur en Provence- Alpes-Côte d'Azur, avec l'EPR. Cela démontre bien que nous n'avons pas abandonné cette piste, loin s'en faut, et que nous avons été reconnus technologiquement comme le pays au monde, le plus apte à développer cette technique-là. Nous n'avons donc pas abandonné cette piste. Et au-delà de ça, il y a les énergies propres et les énergies renouvelables pour lesquelles je plaide, qui sont une vraie chance d'avenir pour notre pays, mais aussi pour l'Europe.
Q- Des candidats se sont fait connaître pour la reprise des réseaux d'autoroutes, des sociétés étrangères notamment. Vous comprenez que cela puisse émouvoir ou bien c'est rétrograde de connaître une telle émotion ?
R- C'est totalement rétrograde. Le Premier ministre l'avait annoncé dans son discours de politique générale à l'Assemblée nationale et au Sénat. Et personnellement, au nom de l'Aménagement du Territoire je m'en réjouis, une grande part de la vente de ces actifs de l'Etat dans les sociétés autoroutières, devrait bénéficier à la relance d'un grand chantier de construction d'infrastructures nouvelles en matière ferroviaire et en matière routière. Les socialistes dans le précédent contrat de plan qui n'est pas achevé, au plan routier et au plan ferroviaire avaient sous-estimé le montant de ce contrat de plan qui menace aujourd'hui de fermer un certain nombre de chantiers. Grâce à cela, nous allons pouvoir les poursuivre d'une part. Et d'autre part, nous avons besoin d'avoir des infrastructures modernes, lourdes, dans le prolongement du pont de Millau, comme le tunnel de Lyon-Turin, sous les Alpes qui nous permettrait de limiter et d'endiguer ces afflux de poids lourds qui encombrent tous nos axes routiers entre le Nord de l'Europe et l'Espagne. C'est une chance que nous avons de pouvoir réinjecter dans l'Agence Française pour l'Investissement Routier et Ferroviaire, ces ventes de l'actif de l'Etat....
Q- Donc, il ne faut pas avoir peur....
R- Donc, ceux qui craignent cette vente ont tort, d'abord parce que la France gardera la maîtrise à terme de ce réseau autoroutier et qui plus est nous, nous donnons une chance extraordinaire non seulement d'aménager notre territoire avec de nouvelles infrastructures qu'elles soient ferroviaires, qu'elles soient routières, qu'elles soient fluviales d'ailleurs et en même temps de créer des richesses et des emplois, parce qu'ouvrir des chantiers, c'est créer des milliers d'emplois dans notre pays.
Q- Vous êtes, au gouvernement, avec B. Hortefeux l'un des soutiens les plus fervents du ministre de l'Intérieur. Le 8 septembre seront atteints les Cent jours du gouvernement Villepin. Les Cent jours de D. de Villepin et les Cent jours de N. Sarkozy en quoi
diffèrent-ils ?
R- D'abord, ce sont Cent jours que D. de Villepin et N. Sarkozy ont choisis de partager ensemble. Et c'est même plus de cent jours,puisqu'ils ont choisi d'unir leurs efforts au service de notre pays. Ils ont choisi l'un et l'autre de se rendre utiles à notre pays. Le président de la République a voulu que D. de Villepin soit le Premier ministre. N. Sarkozy a choisi de se rendre utile à ce gouvernement et je suis fier, aux côtés de N. Sarkozy, de participer à ce gouvernement.
Q- Alors les Cent jours ?
R- Aujourd'hui, ce sont cent jours utiles, cent jours d'action et cent jours de mobilisation. Qui peut le nier ? Toutes les ordonnances du plan emploi ont été prises ; j'ai, avec N. Sarkozy, proposé au Premier ministre que nous débloquions soixante-sept pôles de compétitivité pour notre pays.
Q- Il y aura d'autres projets ?
R- Le cloisonnement entre l'université, la recherche, l'innovation industrielle qui vont nous permettre de créer des richesses et des milliers d'emplois dans les trois ans qui viennent, au bénéfice de la France. Une nouvelle politique de l'immigration qui est en train d'être définie par N. Sarkozy : c'est cette addition aujourd'hui, qui est en train de recréer les conditions de la confiance. Alors oui, moi, je crois que cette union entre D. de Villepin et N. Sarkozy apporte des réponses concrètes aux attentes que se posaient les Français.
Q- Et comment pourrait-il être dans l'intérêt de N. Sarkozy de donner son congé d'un tel gouvernement où l'alliance avec le Premier ministre est aussi positive ?
R- Mais nous ne sommes pas dans cette phase du calendrier. Viendra le temps de 2007. Aujourd'hui le rôle du gouvernement, c'est d'être dans l'action au quotidien. Et qui peut nier que le gouvernement de D. de Villepin n'est pas dans l'action ? Nous avons vu en moins de cent jours déjà, tout ce qui a été fait, ce qui est exceptionnel en matière de calendrier. Et puis, il appartient à l'UMP de travailler sur le projet. Aujourd'hui nous avons une UMP qui est unie autour de son chef, qui n'arrête de travailler sur le projet à travers nos conventions. Nous avons eu une convention sur l'immigration, la convention sur le service public, nous aurons à la rentrée une convention sur le développement économique, mais aussi une convention sur l'Europe. Oui, nous définissons, à l'UMP, le projet pour 2007, en même temps que nous sommes dans l'action au sein du gouvernement aux côtés de D. de Villepin. C'est l'addition de l'action d'un côté du gouvernement et du projet de l'UMP qui fera notre succès en 2007.
Q- Et d'un mot quand N. Sarkozy promet une rentrée tonitruante aux universités d'été de l'UMP, que veut dire "tonitruant" dans le langage sarkozien ?
R- Tout simplement, il est aujourd'hui le trait d'union entre ces deux exigences dont je parlais, celles de l'action et du projet. On connaît son tempérament, on connaît sa volonté de vérité et de transparence à l'égard des Français. Il est aujourd'hui en train de réconcilier les Français...
Q- Vous êtes un vrai soutien !
R- Avec l'action politique. Attendez, quand un leader tel que lui est en train de faire passer la première formation politique de notre pays de 100 000 adhérents en 2004 à près de 200 000 adhérents à fin 2005, nous venons de passer les 162 000 adhérents, c'est qu'il est en train de se passer quelque chose dans notre pays. Tout simplement il est en train de réconcilier les Français avec une grande formation politique. Grâce à lui et grâce à D. de Villepin qui sont unis entre cette action et ce projet, la majorité est unie est en marche, là où nous voyons en face que le PS est en panne et au bord de l'implosion. D'ailleurs ce que je peux dire c'est que le seul projet du PS aujourd'hui, c'est un peu une chronique de la haine ordinaire, ce dont nous ne voulons à aucun prix à l'UMP.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 août 2005)