Lettre de M. Bruno Mégret, président du Mouvement national républicain, au Premier ministre, Dominique Villepin, sur les perspectives européennes consécutives au vote français contre la Constitution européenne.

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Circonstance : Non invitation du MNR par le Premier ministre ayant invité d'autres formations politiques à évoquer les conséquences du non français au référendum sur la Constitution européenne

Texte intégral

Monsieur le premier Ministre,
Vous avez reçu en début de semaine les responsables de la plupart des formations politiques de notre pays pour évoquer avec eux les perspectives européennes au lendemain de la victoire du non au référendum du 29 mai 2005.
J'ai été étonné de ne pas figurer dans la liste de vos invités alors même que vous aviez sollicité par exemple M. Besancenot ou M. Chevènement. Certes, ces personnalités ont été largement médiatisées durant la campagne mais les formations qu'elles président ne sont nullement plus importantes que la mienne comme le précise d'ailleurs la note ci-annexée.
Je regrette que vous ayez, comme tant d'autres, aligné vos critères d'appréciation sur ceux des médias, contribuant d'ailleurs ainsi à créer une sorte de caste politico-médiatique qui exaspère les Français et qui est en partie à l'origine du non à la constitution.
Je formule le voeu que cette omission n'ait pas été intentionnelle et que vous m'offrirez prochainement l'occasion de vous exprimer de vive voix mes convictions concernant l'avenir de l'Europe et le rôle que la France devrait jouer dans l'Union.
D'ores et déjà, je me permets de vous adresser les quelques considérations suivantes.
Ce qui a été fondamentalement rejeté par les Français, c'est une constitution qui ne fixait pas les frontières de l'Europe. A l'évidence, l'élargissement à vingt-cinq a été d'autant plus mal vécu que nos compatriotes ont eu le sentiment que cette ouverture serait sans fin. Quand on voit le traumatisme qu'a déjà causé l'arrivée de dix nouveaux pays, pourtant européens, chrétiens et de petite taille, on imagine le cataclysme que provoquerait l'entrée dans l'Europe de la Turquie, un pays asiatique, de religion musulmane et de tradition ottomane. Le gouvernement français devrait donc demander le report sine die des négociations qui doivent s'ouvrir début octobre prochain. Démarrer ces pourparlers, comme si de rien n'était, serait vécu par les Français comme une véritable provocation.
Par ailleurs, j'ai constaté qu'après la victoire du non au référendum, notre pays ne s'était nullement trouvé isolé sur la scène européenne. En entraînant l'abandon de facto du processus constitutionnel, il a fait oeuvre de pionnier et, au dernier Conseil européen, c'est la Grande-Bretagne qui, seule contre tous, a refusé le compromis de la présidence luxembourgeoise. Notre pays devrait tirer avantage de cette situation pour prendre maintenant des initiatives audacieuses en s'affranchissant, au moins provisoirement, de toute nouvelle entreprise institutionnelle. À cet égard, les projets Iter et Galileo sont de bons projets que notre pays devrait prendre l'initiative de multiplier.
Dans cet esprit, notre nation devrait lancer l'idée d'une véritable alliance militaire européenne. L'Europe économique est née avec le traité de Rome après l'échec de la CED. Pourquoi, après l'échec de la constitution, la France ne prendrait-elle pas l'initiative d'une véritable Otan européenne indépendante des Etats-Unis d'Amérique ?
Pour ce faire, notre nation devrait renforcer ses liens avec les pays fondateurs de l'Europe, et notamment avec l'Allemagne et l'Italie, ainsi qu'avec l'un au moins des dix pays récemment entrés dans l'Union pour constituer un noyau dur capable d'orienter l'Union vers une Europe européenne et puissante, dotée de frontières définies et protégées.
J'espère, Monsieur le premier Ministre, que ces quelques lignes auront retenu votre attention et que je pourrai, à défaut de les avoir entendues de vive voix, connaître vos intentions, au moins telles que vous les avez exprimées aux autres chefs de partis.
Je vous prie de croire, Monsieur le premier Ministre, à ma haute considération.
(Source http://www.m-n-r.net, le 1er juillet 2005)