Extraits de l'entretien de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, avec France info le 12 septembre 2005, sur l'avenir et la viabilité économique de la bande de Gaza après le retrait israélien, la représentation de la France à l'ONU par Dominique de Villepin en remplacement de Jacques Chirac, retenu pour raison de santé, et le dossier nucléaire iranien.

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Média : France Info

Texte intégral

Q - On va parler de diplomatie, de la France, du président de la République. D'abord une petite question : les troupes israéliennes ont achevé leur évacuation de la bande de Gaza, des synagogues ont été saccagées par les Palestiniens. Vous étiez au Proche-Orient il y a encore quelques jours. M. Abbas et Ariel Sharon seraient d'accord pour que l'Europe fasse une force tampon à Gaza ?
R - C'est une proposition que nous avons faite. On ne peut pas laisser Gaza être une prison à ciel ouvert. Il faut que Gaza puisse avoir des points d'entrée, des points de sortie, des frontières. Et donc, pour mettre d'accord les Israéliens et les Palestiniens, oui, l'Union européenne propose d'être la tierce partie, en facilitant les entrées et les sorties de Gaza, dans une zone qu'il faut définir encore.
Q - Ce serait sous contrôle de l'ONU ou sous contrôle de l'Europe ?
R - Sous contrôle de l'Union européenne, en accord avec les deux parties. Il faut arriver à gagner la partie économique à Gaza ; quand on sait qu'il y a 50 % des jeunes Palestiniens qui sont au chômage, on ne peut pas évoquer l'avenir de Gaza, l'avenir d'un Processus de paix s'il n'y a pas dans les Territoires palestiniens une économie qui commence à se développer. Et donc, cela passe par des postes d'entrée et de sortie, par un port - et la France et l'Union européenne proposent de réaliser ce port -, mais aussi par un Etat de droit, et c'est là l'élément le plus important. Oui, Israël a droit à la sécurité, oui, Israël a raison de dire non au terrorisme, oui, Israël a raison de dire qu'il faut désarmer les bandes terroristes. Mais donnons aussi des moyens à Mahmoud Abbas de le faire, avec une police palestinienne entraînée, professionnelle, commandée. C'est cela l'enjeu aujourd'hui, c'est ce que j'ai dit il y a 48 heures, et à Mahmoud Abbas et à Ariel Sharon.
Q - Un mot sur la santé de Jacques Chirac. Avez-vous eu l'occasion de le voir ou de lui parler depuis sa sortie de l'hôpital vendredi ?
R - Non, je n'ai pas eu encore l'occasion de lui parler, je le verrai aujourd'hui puisqu'il reçoit le Premier ministre indien, et nous allons travailler ensemble aujourd'hui avec lui.

Q - Jacques Chirac n'ira donc pas à l'ONU pour prononcer son discours, c'est Dominique de Villepin qui le remplace. Ne regrettez-vous pas que l'on ne vous ait pas demandé de le faire ?
R - Non, je crois qu'il y a déjà des précédents. Lorsque le président Mitterrand n'avait pas pu aller à New York, c'était M. Bérégovoy qui était Premier ministre à l'époque qui s'y était rendu, et c'est normal. Je crois qu'il est normal de garder aussi ce type de rang dans l'échelon politique pour prononcer le grand discours pour la France à New York dans quelques jours.
Q - N'est-ce pas difficile tout de même d'exister au Quai d'Orsay avec un Dominique de Villepin à Matignon ?
R - C'est un honneur de servir son pays au sein du gouvernement de la France, et en particulier, quand on est chef de la diplomatie, derrière un homme comme Jacques Chirac, qui est un des chefs d'Etat les plus expérimentés aujourd'hui sur la planète, et dont j'apprends beaucoup, je le reconnais avec beaucoup d'humilité. Ce n'est pas un mal de temps en temps d'entendre les hommes politiques dire qu'ils apprennent, et qu'ils font parfois des erreurs, et de dire qu'ils s'améliorent. C'est mon cas aujourd'hui lorsque je travaille avec eux. Et puis, n'oubliez pas que Dominique de Villepin a été pendant deux ans ministre des Affaires étrangères, en particulier au moment d'un grand discours sur l'ONU, souvenez-vous.
Q - Jacques Chirac n'ira pas l'ONU, en revanche le président iranien, lui, va aux Nations Unies. Comment faire en sorte pour que l'Iran respecte le traité de non-prolifération nucléaire ?
R - Oui, et surtout l'Accord de Paris. N'oubliez pas qu'en novembre 2004, les Iraniens, d'un côté, et les Européens - les Britanniques, les Allemands, les Français - ont signé l'Accord de Paris. Oui, d'un côté, nous faisions notamment des propositions économiques à l'Iran, et de l'autre, l'Iran suspendait l'ensemble des activités liées à l'enrichissement et au retraitement. De manière unilatérale, l'Iran est revenu là-dessus, au début du mois d'août, en reprenant ses activités de conversion. M. El Baradeï, le directeur général de l'Agence internationale de l'Energie atomique vient de présenter son rapport, qui montre très clairement que l'Iran a violé les stipulations de son accord de garantie, en dissimulant des activités très sensibles. Il y a donc, le 19 septembre, une nouvelle réunion des gouverneurs de l'Agence. Question : va-t-on transférer ce dossier vers le Conseil de sécurité ? Il y aura un vote et là, nous verrons. Nous regretterions d'en arriver là. Nous ne voulons pas cela, à condition que l'Iran accepte de suspendre. Nous disons aux Iraniens : "négocions, parlons encore, la main est encore tendue, mais suspendez les activités nucléaires sensibles".
(...).
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 septembre 2005)