Déclaration de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, sur la protection de la santé des sportifs, le dopage et les jeunes en difficulté, Vauréal le 26 février 2000.

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Circonstance : Mise en place de programme d'information pour les sportifs "sport et santé à Vauréal le 26 février 2000

Texte intégral

Mesdames,
Messieurs,
J'aimerai -devant vous- rappeler l'importance d'une pratique sportive suivie non seulement sans risque pour la santé mais productrice d'amélioration des déterminants de santé et par suite des conditions de vie de ceux qui s'y adonnent.
Les pratiques de dopage -trop souvent négligées jusqu'à maintenant- constituent à l'évidence un véritable problème de santé publique et vous avez justement largement consacré une partie de votre journée à y réfléchir.
Avec Marie-Georges BUFFET, nous avons la volonté de mettre en place un dispositif durable pour lutter contre ces pratiques et protéger la santé des sportifs et vous aurez mon soutien dans l'élaboration de projets concrets dans ce domaine.
Les raisons du recours aux produits dopants, même simplement stimulants, sont multiples :
mauvaise compréhension des avancées en matière de nutrition,
soucis d'être le plus performant, au mieux de sa forme,
courses au honneurs, aux titres et aux médailles,
développement du sport spectacle et de la médiatisation des compétitions sportives,
pression des enjeux financiers.
Pour le sportif, il s'agit toujours d'améliorer ses performances, d'améliorer ses capacités d'endurance, d'éliminer le stress, de supporter les charges d'entraînement et le rythme des compétitions.
Mais -et de nombreuses études nous le confirment- ces pratiques ne sont pas l'apanage des athlètes de haut niveau.
Elles diffusent très rapidement, en particulier chez les jeunes et ce, quelque soit le niveau de pratique et le sport pratiqué. C'est pourquoi, je vous félicite d'aborder ces questions dans le cadre de votre réflexion communale élargie à tous les acteurs de la ville.
Le dopage met en cause les valeurs essentielles du sport mais il met en cause aussi les valeurs élémentaires de la citoyenneté et de la construction de soi.
Il entraîne aussi et surtout des risques graves -parfois mortels- pour la santé.
Nous devons ensemble -élus, professionnels de la santé, du sport, avec les associations et les fédérations- mettre en place d'ambitieux programmes d'information, d'éducation pour tous les sportifs et leur encadrement.
Nous devons, avec force, avertir sur les risques cardiaques, les conséquences sur la morphologie et la croissance des adolescents, sur le risque, à plus long terme, de développement des cancers induis par de nombreuses substances dopantes particulièrement toxiques.
Il nous faut expliquer le risque d'accoutumance, de dépendance qu'entraîne certains de ces produits.
Très souvent, la prise de substances dopantes est l'étape initiale d'une dépendance ultérieure majeure à l'alcool , au tabac ou est responsable d'une consommation excessive de médicaments psycho-actifs. Véritablement drogués, nous savons qu'un certains nombre de sportifs deviennent ainsi dépendant à des drogues illicites.
Autre sujet auquel vous êtes sensibles et qui mobilise votre réflexion sur la durée.
Vous le savez, certains groupes de jeunes, même peu nombreux, ne trouvent de réponse à leur malaise, à leur angoisse, à leurs ambitions , que dans la violence.
Pourtant, je suis régulièrement frappé par le rôle de médiation que peut jouer le sport.
Les jeunes, ou la jeunesse, ne peuvent pas relever d'une analyse sommaire globalisante, passéiste, traditionnelle.
Certains jeunes sont en difficultés réelles :
60 000 jeunes quittent chaque année le système scolaire sans qualification,
1,7 million de jeunes de 16 à 25 ans connaissent un chômage d'insertion, dont 120 000 sur une longue durée. On estime à 400 000 le nombre de jeunes qui ne sont pas indemnisés,
pire, le suicide est la 2ème cause de mortalité chez les jeunes de 15 à 24 ans, la première chez les 25/34 ans. Depuis le début des années 90, ces taux sont en augmentation constante chez les adolescents et les jeunes adultes. De tels chiffres révèlent d'abord, une souffrance psychique, un désespoir, un malheur dont nous sommes tous comptables.
Le manque d'encadrement familial, la dilution des repères éducatifs, la crainte du chômage, et la désespérance qui l'accompagne, nourrissent la dérive et les comportements à risques, la rébellion, la fuite comme la dépendance vis-à-vis de l'alcool et plus généralement des drogues. Ceci mène à des comportements violents chez les jeunes tant vis-à-vis d'eux-mêmes que vis-à-vis des autres.
Une des réponses utiles, efficace réside dans l'activité sportive collective ou individuelle.
Je suis persuadée que nous devons tout mettre en uvre pour offrir à notre jeunesse l'attrait, a possibilité d'une pratique sportive saine et avec la possibilité qu'elle offre d'être fier de son corps et de ses comportements, de se reconnaître membre d'une communauté unie par des valeurs porteuses.
Les parents, l'entourage, les éducateurs ont un rôle essentiel dans l'organisation de cette offre, dans l'encouragement au dépassement de soi, dans la joie et l'émulation saine.
C'est pour toutes ces raisons que l'éducation à la santé, la valorisation des activités du sport mais aussi la lutte contre le dopage sont des priorités pour le Gouvernement.
La question est complexe. Les intervenants sont nombreux : sportifs, clubs, fédérations, médecins, organisations internationales.
Notre démarche dans ce domaine associe prévention et répression, autour de 4 axes :
améliorer la connaissance du phénomène en favorisant les études épidémiologiques,
organiser la surveillance médicale des sportifs,
améliorer l'information, l'éducation et la prévention en particulier chez les jeunes,
développer les contrôles et le dépistage du dopage.
Une partie de notre jeunesse reste victime d'une précarité qui s'accroît, de la fragilité du soutien que peuvent leur accorder certaines familles, de la montée de l'angoisse face à l'avenir de l'impact des média aussi.
Je sais que ces objectifs sont également partagés par de nombreux clubs et responsables sportifs. L'engagement dans ce domaine est important.
Ce sont les objectifs de la loi relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage adoptée par le Parlement en mars dernier, et dont vous avez discuté aujourd'hui.
mieux informer, mieux prévenir et mieux soigner,
mais aussi lutter à tous les niveaux contre le dopage.
Les mesures concrètes prévues par cette loi sont nombreuses :
l'obligation d'un contrôle médical préalable à la première délivrance d'une ordonnance sportive,
l'organisation d'une surveillance médicale particulière des sportifs de haut niveau,
la mise en place d'antennes médicales de lutte contre le dopage,
le renforcement des moyen de lutte contre les pourvoyeurs de substances dopantes,
enfin l'organisation des contrôles anti-dopage.
Les fédérations sportives sont dans ce dispositif des acteurs de premier plan. Elles organisent en particulier la surveillance de leurs athlètes, elle doivent aussi les entourer et rester vigilantes pour éviter toute dérive qu'elle soit collective ou individuelle.
Cette loi crée également -pour la première fois en France- une autorité administrative indépendante, le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage- CPLD.
Composé de scientifiques, de représentations du milieu sportif et des représentants d'administrations, il a pour mission d'être une force de propositions pour la poursuite de cette politique.
Certes, il est illusoire de croire que ces efforts vont permettre de mettre fin aux pratiques de dopage, sans délai et de manière définitive.
Je suis persuadée que nous n'obtiendrons des résultats durables qu'en nous mobilisant tous ensemble pour retrouver les valeurs essentielles du sport auxquelles nous sommes attachées.
C'est ce que vous avez fait aujourd'hui, et je souhaite que des journées, comme celle d'aujourd'hui, soient régulièrement organisées.

(Source http://www.sante.gouv.fr, le 27 avril 2000).