Point de presse de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du gouvernement, sur les audits engagés dans le cadre de la politique de réforme de l'Etat, la procédure et les suites données, Paris le 13 octobre 2005.

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Circonstance : Lancement de la première vague des audits de modernisation de l'État à Paris le 13 octobre 2005

Texte intégral


J'ai souhaité vous retrouver aujourd'hui pour le lancement des premiers audits. J'en avais présenté les grands principes le 27 juillet en Conseil des ministres. Depuis, nous avons travaillé avec chaque département ministériel pour que tout se mette rapidement en place : il a fallu choisir les sujets, nommer les responsables des audits, composer les équipes : bref créer ex-nihilo une procédure totalement nouvelle, en faisant en sorte qu'elle soit à la fois rapidement opérationnelle, et surtout utile.
Pas question de monter des usines à gaz ou de créer de nouveaux comités, chargés d'écrire de nouveaux rapports qui resteront dans des tiroirs.
=> Le but de ces audits, ce n'est pas d'établir des constats, mais de trouver des solutions. Quitte à soulever le capot, autant mettre les mains dans le cambouis, et réparer le moteur !
I. Nous sommes au rendez-vous : la première vague d'audits est lancée cette semaine
* un acte fondateur de la réforme de l'État
Ces audits sont au cur de la nouvelle politique de réforme de l'État : il s'agit de quelque chose de profondément nouveau, de totalement inédit dans notre pays, et qui s'inspire très largement de ce qui se fait de mieux à l'étranger en la matière. Je pense notamment aux revues de programmes conduites au Canada et au Royaume-Uni, mais aussi aux grands programmes d'audits lancés dans des entreprises comme France Telecom.
On a déjà, par le passé, conduit des missions d'inspection ponctuelles, sur un service ou une procédure. Mais là, le schéma est radicalement différent : c'est tout l'État qui est concerné, puisqu'on lance un audit au minimum par ministère, et cela tous les deux mois. De façon systématique et continue. C'est donc un acte fondateur de la réforme de l'État, avec un objectif majeur : la mise en place d'un véritable contrôle de gestion.
* Tout le monde a joué le jeu
L'idée de ces audits, c'est d'insuffler la culture de la réforme à tous les étages, en créant une vraie dynamique collective. C'est pour cela que tous les grands départements ministériels sont concernés. Et je veux tirer un coup de chapeau à tous mes collègues ministres, qui se sont totalement prêté au jeu, en faisant preuve d'ouverture d'esprit, de bonne volonté et d'esprit d'initiative.
Les propositions sont venues des ministères eux-mêmes : chaque ministère a fait quatre propositions d'audits, hiérarchisées en fonction de leur importance. Nous en avons discuté avec eux et le choix d'un ou deux audits par grand ministère s'est fait d'un commun accord, sans qu'aucun arbitrage interministériel ne soit nécessaire. Nous avons retenu au total 16 audits, pour les deux mois à venir.
Il n'y a donc eu aucune procédure inquisitoriale : c'est un vrai travail d'équipe, mené avec tous les ministres et l'ensemble des secrétaires généraux des ministères, que j'ai d'ailleurs reçus personnellement à cette occasion.
II. Concrètement, en quoi vont consister ces audits ?
? 1re question : pourquoi on audite ?
On audite, parce qu'on ne connaît pas l'État. On a depuis des années le mot " réforme de l'État " à la bouche, sans jamais être capable de dire ce qu'il y a derrière. L'intérêt du rapprochement entre le budget et la réforme de l'État, c'est de sortir de la théorie générale, masquée par quelques actions ponctuelles, pour passer à une approche exclusivement pratique, concrète et opérationnelle.
L'absence de connaissance de l'État nourrit des affrontements idéologiques : elle entretient des débats incompréhensibles pour le grand public, et anxiogènes.
Le seul moyen d'en sortir, c'est de passer au concret : en soulevant le capot, je veux comprendre ce qui marche et ce qui ne marche pas, en fixant comme objectif d'obtenir un meilleur service public au meilleur coût :
- pour l'usager d'abord : parce que sa satisfaction est la raison d'être du service public. Il a payé en impôts et en tarifs : il est donc un client, et le client est roi. Si l'usager est satisfait, on dira du service public qu'il marche.
- pour le contribuable ensuite : parce qu'il est en droit d'exiger des réponses précises sur trois points :
1. savoir de façon aussi précise que possible où va le produit de ses impôts
2. connaître les résultats des services publics par rapport à leurs coûts de production
3. à l'heure où l'on parle beaucoup de la dette publique et de son poids dans l'économie, savoir quelle réduction de la dette peut découler de l'amélioration du service public.
- pour le fonctionnaire enfin : parce qu'il va de soi que rien ne peut se faire sans les agents. Ils sont naturellement la cheville ouvrière de la réforme de l'État, et doivent être pleinement associés au processus : en termes de valorisation de leur carrière, mais aussi d'intéressement matériel aux résultats.
En clair, vous l'avez compris, ces audits marquent une approche profondément renouvelée de la réforme de l'État. Mais c'est aussi l'antidote à la mécanique infernale du rabot ou de la fixation a priori d'une norme de non remplacement des départs à la retraite.

Car, sur le sujet des personnels, on a deux manières d'aborder les choses :
- soit on fixe une norme a priori de façon complètement déconnectée des réalités, avec un risque de forte démotivation dans les services concernés, faute d'explication rationnelle à la décision de rabot ;
- soit on regarde la situation, on étudie les réformes possibles et on est alors en mesure de déterminer les besoins réels en personnels, en plus ou en moins : c'est le but de ces audits. Et dans ce domaine, il n'y aura aucun tabou.
? 2e question : qu'est-ce qu'on audite ?
- des procédures : par exemple la télédéclaration pour l'impôt sur le revenu,
- des fonctions : par exemple l'organisation des examens au sein de l'Éducation nationale ; l'activité " bases aériennes " au sein du ministère de l'Équipement
- des services : par exemple l'ensemble des services du Premier ministre, ou encore le service de la Police de l'Air et des Frontières de Roissy.
Et nous avons souhaité de ce point de vue que ces audits portent sur des sujets importants, où les masses budgétaires en cause sont conséquentes :
- 200 M pour la collecte de la contribution au développement de l'apprentissage
- 130M pour l'organisation des examens et concours de l'Éducation nationale.
? 3e question : comment on audite ?
Dans un premier temps, ces audits seront conduits par les corps d'inspection, immédiatement mobilisables. Les équipes sont systématiquement composées d'inspecteurs connaissant le ministère concerné et d'inspecteurs d'autres ministères pour s'assurer d'un regard extérieur. 60 inspecteurs sont au travail depuis lundi.
Dès le début 2006, nous ferons également appel à des consultants privés, le temps de lancer les appels d'offre. L'objectif étant de mettre un peu de concurrence et d'émulation dans le système !
III. Quel sera le sort de ces audits ?
Soyons très clairs : il n'est pas question que ces audits finissent dans les tiroirs des administrations et dans les archives des sites internet ! C'est pour cela que j'ai pris quatre engagements :
- Des audits opérationnels
Le Premier ministre a bien précisé dans sa lettre de mission que tous les audits devaient proposer des solutions opérationnelles de façon rapide. Il n'est pas question d'en rester à des constats : les conclusions des audits proposeront des solutions concrètes, des scénarios alternatifs, pour plus de performance.
J'ai souhaité d'ailleurs que cela se voit dans le format même des rapports d'audits : pas de monographie ; 20 pages très concrètes avec un plan d'action et un calendrier.

- Des audits qui ne resteront pas sans conséquences
Les ministères auront intérêt à mettre en uvre ces solutions. Ils le feront librement, en décidant des modalités de mise en uvre de ces recommandations. Mais ce que chacun doit comprendre, c'est que dans le cadre de la LOLF, ces audits sont des outils pour les ministres. Contrairement aux autres rapports, (qui souvent restent dans les tiroirs parce qu'ils sont déconnectés des calendriers budgétaires et parlementaires), là on a une clause de rendez-vous : c'est le débat budgétaire en mode LOLF. La nouvelle procédure budgétaire est là pour obliger chacun à se justifier : les ministres ont donc tout intérêt à agir avant ce débat, en profitant des audits pour améliorer les performances et mieux maîtriser leurs dépenses.
- La transparence
J'ai souhaité que tous les rapports des audits soient en libre accès : transmis aux parlementaires et à la presse, consultables par tous sur internet. C'est évidemment très important que chacun puisse connaître les conclusions de ces audits et s'assurer de leur suivi.
- La fréquence
Il ne s'agit pas de faire un audit par-ci, par-là. C'est une procédure systématique, qui va concerner l'ensemble de l'administration. Le rythme est donc très important :
- un audit ne doit pas dépasser 2 à 3 mois
- tous les deux mois, une nouvelle vague d'audits sera lancée
Ce rythme soutenu est un élément majeur pour enclencher un mouvement continu de transformation de notre État. De ce point de vue, il y aura un pilote dans l'avion : c'est la DGME, qui sera créée au 1er janvier 2006.
J'ai en effet décidé de regrouper de manière totalement rationnelle, en une seule direction générale, les quatre directions qui intervenaient jusque là de façon dispersée en matière de réforme de l'État : la DRB sur la LOLF, la DUSA sur les simplifications et les usagers, la DMGPSE sur la gestion publique, et l'ADAE sur l'administration électronique. Cette fusion s'effectuera à effectifs constants : l'ensemble des personnels va fusionner dans cette nouvelle direction ; ils seront donc désormais fonctionnaires du Minéfi et seront physiquement installés à Bercy même.
C'est cette nouvelle direction qui accompagnera les ministères dans les réformes et les aidera à mettre en uvre les conclusions des audits. C'est elle aussi qui sera en quelque sorte la mémoire des audits, puisqu'elle tiendra un tableau de bord précis des audits et des suites qu'ils auront connues.
IV. Quelques exemples pour mieux comprendre
Le but de ces audits, c'est donc de moderniser notre administration. C'est d'appuyer là où ça fait mal : là où on constate des coûts excessifs, des disparités inexplicables, des difficultés particulières. Et d'apporter de vraies réponses, avec 3 objectifs principaux :
* comprendre les dysfonctionnements et y remédier
* améliorer le service rendu aux usagers
* faire des gains de productivité.
1. La télédéclaration (audit Minéfi)
- Quel est le problème ?
Pendant la campagne IR, 3 733 000 télédéclarations ont été déposées, soit trois fois plus qu'en 2004. Compte tenu de cette affluence très forte et inattendue, l'accès au système TéléIR a dû être régulé : on demandait aux gens de se reconnecter ultérieurement, ce qui a créé de vraies difficultés d'accès. La campagne de télédéclaration a dû être allongée de deux semaines et l'impression de " grand embouteillage " a nui un peu au succès remarquable de cette procédure.
- Quel est l'enjeu de l'audit ?
C'est de proposer des solutions très concrètes pour permettre d'améliorer la qualité de ce service, et de faire en sorte d'assurer 10 millions de télédéclarations pour 2006 :
- comment organiser au mieux la campagne de l'IR pour favoriser la montée en puissance de la télédéclaration ?
- comment parvenir à mieux gérer les flux, en évitant les blocages ?
- comment améliorer l'assistance offerte aux usagers et leur rendre un meilleur service ?
- comment évaluer les gains de productivité qui pourront être faits à terme et donc l'évolution du personnel nécessaire à ce service ?
2. La modernisation du paiement des amendes (audit Minéfi)
- Quel est le problème ?
De gros progrès ont été réalisés dans la relation avec le contribuable (facilitation du paiement de l'impôt, charte du contribuable). Un travail similaire doit désormais être entrepris pour la chaîne de paiement des amendes :
- pour améliorer son organisation
- pour améliorer les relations avec les contrevenants.
- Quels sont les enjeux ?
a) faciliter le paiement des amendes : on va examiner grâce à l'audit les conditions éventuelles d'une généralisation du télépaiement pour toutes les amendes forfaitaires de circulation routières. Pour le moment, seules les amendes liées aux radars automatiques sont concernées.
b) deuxième enjeu de l'audit : fiabiliser et sécuriser la gestion des amendes.
Le Médiateur de la République, les courriers que nous recevons, la presse aussi, mettent régulièrement en cause les difficultés que rencontrent les Français, soit au moment de la contestation de l'amende, soit au moment du recouvrement.

Plusieurs difficultés sont en cause :
* la gestion manuelle des procédures favorise les erreurs matérielles.
* le fichier des cartes grises étant interrogé plusieurs mois après les faits, les cessions de véhicules et les changements d'adresse intervenus entre temps peuvent occasionner des erreurs : poursuites à tort, poursuites aggravées alors que le premier avis n'est pas parvenu à son destinataire.
* au stade du recouvrement, les services utilisent beaucoup l'opposition administrative bancaire (la possibilité de bloquer les comptes), qui occasionne des frais pour le débiteur, souvent très importants au regard de la somme à payer.
c) troisième objectif de l'audit : renforcer les droits des contrevenants
L'audit devra donner des pistes en ce sens : par exemple favoriser la relance amiable, améliorer l'accueil téléphonique, ou encore neutraliser une période de trois mois sans poursuites pour laisser les éventuelles réclamations se dérouler.
À ce propos, j'ai déjà pris une première décision : désormais on ne saisit plus qu'un seul compte en banque lorsqu'une amende n'est pas payée.
3. L'audit des examens organisés par l'Éducation nationale
- Quel est le problème identifié : des examens lourds et complexes à organiser, pour un coût mal maîtrisé, et avec des réglementations interministérielles compliquées pour l'indemnisation des jurys.
À la demande du ministre de l'Éducation nationale, nous lançons donc un audit afin de réduire les risques d'incidents (erreurs de distribution des sujets, d'où nouvel examen à organiser), et pour réduire les coûts, tout en préservant naturellement la valeur de ces diplômes et l'équité entre les candidats.
4. La revue des missions des services du Premier ministre
- Quel est le problème ?
Les services du Premier ministre ont été constitués au gré de notre histoire administrative depuis 1936. A la différence des autres ministères, ces services constituent un ensemble disparate de directions, de commissions, d'organismes divers, parmi lesquels le SGG, le Plan, le Conseil d'analyse économique, le Conseil d'analyse de la société, la documentation française, le Conseil d'orientation des retraites, la DGAFP
Cela pose deux problèmes : il n'y a pas de cohérence dans l'action de ces services et il y a une dispersion des moyens.
- À la demande du Premier ministre, l'audit qui est lancé a pour objectif de repenser le mode de fonctionnement de ces services et de les moderniser. Les inspecteurs répondront à des questions simples :
- cette mission est-elle justifiée aujourd'hui ?
- est-il indispensable qu'elle soit exercée par un service rattaché au Premier ministre ?
- des redéploiements, des synergies ou des externalisations sont-ils possibles ?
=> C'est donc une vraie revue des missions, qui porte sur un budget de 200 M , et qui comporte une forte dimension comparatiste, dans la mesure où les inspecteurs examinent l'organisation des structures équivalentes chez nos voisins.
Vous le voyez, c'est donc un mouvement totalement inédit et très novateur que nous lançons cette semaine. Le processus est enclenché, et dès la fin de cette première vague d'audit, je ferai le point sur les résultats et les conséquences de ces audits. Je souhaite naturellement rendre compte très régulièrement de l'avancée de ces audits, mais aussi de la cohérence de l'ensemble de ce mouvement de fond que va connaître notre administration.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 18 octobre 2005)