Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de participer aujourd'hui à l'inauguration de VINEXPO. Ce salon, le plus grand salon des vins et spiritueux du monde, se tient tous les deux ans à Bordeaux. Il est la vitrine de la production viticole française, mais aussi la plus grande vitrine internationale du secteur.
Dans cet environnement marqué par la réussite, je souhaite saluer le travail quotidien des viticulteurs dont les efforts et l'investissement n'atténuent pas toujours les difficultés qu'ils rencontrent aujourd'hui. Mon expérience d'élu local en Charente-Maritime m'a fait connaître la réalité des familles exploitant la vigne quand les conditions du marché deviennent très tendues. C'est pourquoi je veux manifester ma détermination à les soutenir dans les conditions difficiles d'aujourd'hui et valoriser nos produits français. C'est le sens du travail que j'ai entamé avec notre filière viticole.
L'ampleur de la participation internationale constitue un succès pour vous, Mesdames et Messieurs qui l'organisez, et témoigne de la place de la France sur ce marché. Je me réjouis ainsi de la reconnaissance accordée à la France à un moment décisif pour la filière viticole de notre pays et cette réussite doit contribuer à nous mobiliser encore davantage au service de notre patrimoine nologique.
Ce sont ces thèmes que je souhaite aborder ainsi devant vous ce matin :
- d'abord, la réalité mais aussi les besoins que révèle le succès de Vinexpo ;
- ensuite, l'avenir : restructurer l'offre et promouvoir nos produits ;
- enfin, les enjeux plus spécifiques aux appellations d'origine.
I - Le succès de Vinexpo témoigne des atouts de la France, mais aussi de l'émergence d'un marché désormais très fortement concurrentiel
I - 1 Un marché du vin très dynamique
La viticulture française est associée à des images multiples et valorisantes. Elle incarne traditionnellement les succès sur les marchés à l'exportation, et constitue, à cet égard, un exemple pour d'autres secteurs.
Mais, au-delà, elle représente aussi le lien aux terroirs à travers divers éléments : la référence toujours mentionnée des crus, des savoir-faire dont on célèbre l'authenticité et la qualité. De ce fait, la viticulture est associée au développement ou au maintien de territoires vivants, sans nostalgie d'un passé révolu, car elle représente aussi la puissance agroalimentaire de la France qui l'inscrit dans la modernité.
De fait, en 2004, la France a exporté 14,2 millions d'hectolitres de vin, pour une valeur de 5,6 milliards d'euros. Les entreprises françaises ont été particulièrement présentes dans l'Union européenne, au Royaume-Uni, en Allemagne, au Benelux, nos plus grands marchés à l'exportation. Les entreprises françaises ont aussi été très dynamiques sur les pays tiers avec des exportations importantes vers les Etats-Unis, le Japon, le Canada mais aussi la Chine pour les spiritueux.
Inversement, la France représente aussi un marché privilégié pour de nombreux importateurs aujourd'hui présents sur notre territoire. En 2004, la France a importé 5,5 millions d'hl de vin pour une valeur de 482 millions d'euros , très largement en provenance d'Espagne, d'Italie et du Portugal.
Cette insertion de la France dans le commerce du vin et des spiritueux se retrouve aujourd'hui dans ce 13ème VINEXPO : 47 pays sont présents, les pays de l'Union européenne, notamment l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne et le Portugal, mais aussi des pays du nouveau Monde comme le Chili, l'Argentine, l'Afrique du Sud, l'Australie et les Etats-Unis. Cette présence internationale importante reflète l'évolution de la viticulture mondiale : la production viticole dans l'Union européenne doit aujourd'hui faire face à de nouveaux défis.
I - 2 Vinexpo, symbole d'une concurrence de plus en plus vive pour la viticulture de l'Union européenne.
Vous le savez, aucun leadership n'est définitivement acquis, aussi ancien et légitime soit-il. Et le nôtre est aujourd'hui fragilisé.
La concurrence est toujours plus vive sur nos marchés d'exportation : la part des nouveaux pays producteurs dans le vignoble mondial a doublé en 10 ans. Pour beaucoup de ces pays, l'exiguïté de leur propre marché domestique les contraint à se tourner vers les marchés solvables extérieurs dont, bien entendu, l'Europe.
Si la consommation de vin est stable au niveau mondial, c'est parce que parallèlement à la diminution de la consommation dans les pays les plus gros consommateurs et producteurs de vins, elle croît en même temps dans d'autres pays où le vin se substitue à la bière.
La réalité, c'est donc un fort développement des échanges : quasiment un tiers de la production est bu hors du pays de production. Or, dans cet accroissement des échanges, l'Europe ne se porte pas bien : si 90 % des échanges mondiaux étaient le fait de l'Europe en 1994, les 5 principaux pays producteurs de l'UE ne pèsent plus que 64 % dans ces flux 10 ans après.
Dans un tel contexte, il est possible de parler de surproduction mondiale. Or, la France maintient certes le volume de ses exportations, mais elle perd des parts de marché. L'offre française ne conquiert pas toujours les nouveaux consommateurs, qui préfèrent parfois des produits plus faciles à acheter et à consommer, pour ne pas dire plus faciles à apprécier.
En revanche, la France vinicole garde le leadership de la consommation que l'on pourrait qualifier de " statutaire ". C'est essentiel, mais insuffisant pour participer pleinement à la croissance promise par certains marchés porteurs où les consommateurs doivent avant tout être conquis. Il faut donc que nous nous mettions en meilleur ordre de marche sur ce cur de cible.
II - Envisager l'avenir : restructurer l'offre et promouvoir nos produits
II - 1 Pour faire face à cette concurrence de plus en plus vive, l'offre française se prépare à évoluer.
Pour la France, le défi est aujourd'hui d'organiser l'offre et valoriser nos savoir-faire de manière à séduire et fidéliser le consommateur. Le marché est difficile et le producteur ne peut plus se contenter de satisfaire des règles de qualité mais doit aussi rencontrer un consommateur, éveiller son désir. Dans cette perspective, le travail commun entre l'INAO et l'ONIVINS relancé par la filière a abouti à un projet collectif dont les professionnels ont présenté l'architecture en juillet 2004.
Il prévoit une segmentation de l'offre suivant deux grands groupes de produits :
- ceux revendiquant un lien fort à l'origine et au terroir qui proposent à leurs clients des produits spécifiques ;
- ceux plus réactifs à la demande et aux mutations du marché, qui doivent être capables de répondre aux attentes de chaque catégorie de consommateurs, de chaque moment de consommation, voire des modes. Dans ce cas, les conditions de production et les pratiques nologiques doivent être plus souples.
Je salue cette approche dont la pertinence m'apparaît fondée sur trois arguments principaux : 1 - d'abord, elle s'inscrit dans une démarche qui conforte la vocation de la France à être présente sur tous les segments de marché viticoles, les plus traditionnels comme les plus récents, qui sont aussi les plus concurrentiels.
- ensuite, elle offre la possibilité à chaque région et à chaque exploitation, qui le souhaitent, de se positionner sur chacun de ces segments de marché.
- enfin, elle répond à l'objectif de clarification, de simplification et donc de plus grande lisibilité de l'offre française en pensant avant tout au consommateur. Or, je suis convaincu que le cur de notre défi aujourd'hui est là.
Le temps du constat, celui du diagnostic et de la réflexion sont maintenant derrière nous. Il faut aujourd'hui avancer et agir pour améliorer le positionnement de l'offre française sur les marchés, mieux la faire connaître et reconnaître en France et à l'export.
S'agissant de la segmentation, je tiens à souligner l'avancée apportée par la loi sur le développement des territoires ruraux. Grâce à deux amendements gouvernementaux, le principe de la mixité, c'est-à-dire l'affectation parcellaire en AOC, comme en vin de pays, compte désormais un fondement juridique.
Au delà, je souhaite rappeler que les vignerons, au sein de chaque bassin, dessineront le paysage de la viticulture de demain. Nous avons tracé un cadre juridique mais ce sont les professionnels, vignerons, coopératives et négociants, qui connaissent leurs marchés et sont les mieux placés pour choisir ou non de mobiliser les possibilités nouvelles qui sont ouvertes avec le schéma proposé par la filière.
Pour que ces propositions constituent une vraie base d'avenir dont les vignerons ont besoin aujourd'hui, je crois que ces propositions doivent s'inscrire dans un projet collectif plus global au niveau de chaque bassin.
II - 2 Une communication positive et responsable en France, un soutien offensif à la présence française à l'export.
Il est aussi important qu'on puisse améliorer notre attractivité en disposant d'une nouvelle base pour communiquer clairement, simplement et donc efficacement sur cette nouvelle France des vins dont nous travaillons à bâtir le cadre.
Je crois que nos produits méritent une vraie campagne de communication tant sur notre marché qu'à l'international. Nous pourrons ainsi mieux faire connaître nos AOC et nos vins de pays.
VINEXPO est un moment privilégié pour cette communication. Mais ce moment exceptionnel doit se prolonger par l'effort quotidien de nos entreprises pour conquérir des marchés à l'export. C'est pourquoi nous avons décidé récemment d'augmenter nos dispositifs de promotion à l'exportation pour la filière viticole. Je rappelle que, dans ce but, le Partenariat national pour le développement de l'industrie agroalimentaire (PNDIAA) a dégagé 7 millions d'euros pour 2005 au profit des entreprises exportatrices de la filière viticole.
III - Les AOC, à la croisée des chemins
Quelle que soit l'orientation retenue, notamment pour les AOC, il ne faut pas oublier que seule la qualité permettra à la France de défendre ses positions sur les marchés internationaux. A court terme, il est important que les viticulteurs participent pleinement aux mesures prévues. La crise d'aujourd'hui qui touche les AOC en France a fait l'objet d'une réponse déterminée du Gouvernement français, d'une part pour aider les viticulteurs qui traversent des difficultés exceptionnelles, d'autre part en obtenant de l'Union européenne des mesures inédites, notamment de distillation. Ces mesures doivent être mises en uvre de façon à éviter le report des excédents constatés durant la campagne 2004/2005. La campagne 2005/2006 s'engagerait alors sur des bases bien fragiles.
III - 1 Pour faire face aux difficultés de marchés rencontrées aujourd'hui, des mesures de court terme importantes ont été adoptées concernant les vins d'appellation d'origine
·* en terme de maîtrise des superficies, l'INAO a fait une proposition d'accroissement par autorisations de plantation en baisse de 25% par rapport à l'an dernier, et divisée par 3 par rapport à la campagne 2001/2002 ; cette proposition a exclu de l'accroissement de potentiel les AOC ayant demandé à bénéficier des mesures de régulation de marché (arrachage primé ou distillations) et a pour cible les appellations en croissance ;
·* en terme de rendements, les réflexions ont débuté dans les régions d'AOC pour proposer des rendements 2005 maîtrisés, dans le cadre des caractéristiques qualitatives du millésime. Les interprofessions seront consultées lors des débats au sein des Comités Régionaux de l'INAO sur l'évolution de ces rendements, avant qu'ils ne soient soumis au Comité National de l'INAO.
·* Les régions touchées par un sur-stockage qui pèse lourdement sur le marché vont pouvoir recourir à la distillation obtenue à Bruxelles avec des conditions financières particulières. Les structures professionnelles des AOC, Comité National des AOC et Comité national des interprofessions des vins à Appellation d'Origine (CNIV) en particulier, s'investissent auprès de chaque région concernée pour que cette distillation de crise soit réalisée. Et il faut que les organisations professionnelles relayent cet objectif avec détermination pour que le succès en soit assuré.
*· Enfin, il est nécessaire que chaque interprofession ou comité de bassin présente un plan solide sur les orientations qu'elle souhaite développer pour s'adapter au marché, que ce soit celui des vins à appellation, des vins de pays ou des vins de table.
Ces propos prennent tout leur sens dans un département comme la Gironde où l'AOC est seule représentée aujourd'hui.
Le vignoble bordelais, c'est un quart de la surface et de la production viticole AOC française. Ses 8000 exploitations viticoles emploient le tiers des salariés permanents agricoles. Sa contribution au solde du commerce extérieur français représente 1,3 milliard d'euros. L'Union européenne représente 70 % en volume et 55 % en valeur des débouchés du vignoble bordelais. Parmi les pays tiers, les Etats-Unis et le Japon se distinguent tout particulièrement.
Ce tableau flatteur ne masque pas les difficultés des vins de Bordeaux. Signalons, par exemple, l'accroissement de stocks, la diminution du prix du vin au producteur ainsi que la baisse du revenu des viticulteurs (-30 % entre 2002 et 2003). En 2005, 10 % des exploitations sont jugées en difficulté.
L'interprofession a su réagir en présentant une série de mesures que j'ai approuvées. Je tiens à saluer la détermination de Christian DELPEUCH, son Président, lorsqu'il a souhaité s'assurer qu'il avait l'adhésion et l'aval de tous pour les mettre en uvre. Le vignoble bordelais a un impératif de résultat car l'enjeu local est fort. J'attends des responsables que l'ensemble de leurs décisions soit cohérent et converge vers la résolution du problème dont ils ont pris maintenant la mesure.
III - 2 A plus long terme, c'est aussi par la défense de la qualité que la France saura aussi conserver et conquérir de nouveaux marchés.
L'année 2005 est une année particulière pour l'ensemble des produits bénéficiant d'un signe d'identification de l'origine.
C'est à la fois le 100ième anniversaire de la loi de 1905 qui a pour la première fois réprimé les fraudes sur l'origine des vins et le 70ème anniversaire de la loi de 1935 qui a créé l'AOC et mis en place l'INAO.
Je voudrais rappeler que l'INAO a mis en place avec le soutien du ministère de l'agriculture, l'opération " 2005 année des terroirs ", qui fédère 60 manifestations qui se déroulent tout au long de l'année dans toutes les régions de France.
Les AOC viticoles et l'INAO ont, depuis 2004, ouvert les chantiers de la re-fondation de leur système pour renforcer sa compétitivité : · La ré-écriture des décrets : aujourd'hui bien lancée, elle a pour objectif principal de cibler dans les cahiers des charges les points clés garantissant au consommateur la qualité spécifique de l'AOC.
· Le renforcement des contrôles des conditions de production et la réforme de la procédure d'agrément ;
· Une redéfinition du rôle de chaque structure intervenant dans la vie d'une AOC qui devrait être un des points clé de la partie de la Loi d'Orientation Agricole consacrée aux signes d'identification et de l'origine.
CONCLUSION
Mesdames, Messieurs, quelles que soient les difficultés du moment, notre patrimoine demeure apprécié. Il nous faut surtout protéger l'image positive associée aux produits français en assurant la pérennité de leur qualité. En même temps, notre offre doit être rendue plus lisible, en particulier pour le consommateur étranger.
Nous devons répondre à un marché complexe qui impose à chaque vigneron de se percevoir aussi en chef d'entreprise positionnant sa production sur un marché et aux entreprises de commerce de constituer des pôles forts pour conforter leur place à l'international.
Nous avons désormais des outils pour vous accompagner. Vous pouvez être assurés du soutien des pouvoirs publics pour une filière qui a tant apporté en termes de prestige, de rayonnement culturel et de gains économiques.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 21 juin 2005)