Texte intégral
Q - Quelles sont les priorités du Forum euro-méditerranéen ? Ne pensez-vous pas que le souci sécuritaire a prévalu du côté du Nord ?
R - Tout d'abord, je tiens à affirmer mon attachement personnel au dialogue euro?méditerranéen. Je suis très heureux de participer aux côtés de mes partenaires aux travaux du forum qui, je l'espère, contribueront efficacement à la rénovation du partenariat euro-méditéranéen dans la perspective du 10ème anniversaire du Processus de Barcelone.
Ce Forum est un instrument souple de dialogue régional sur les questions politiques de l'actualité de la zone et, surtout, un laboratoire d'idées pour le partenariat euro-méditerranéen ainsi que pour la rénovation de celui-ci. Cette réunion permettra d'avoir un échange de vues libre et approfondi sur les questions de l'actualité régionale et de poursuivre la dynamique lancée au sein du dialogue 5+5. Nous aborderons naturellement les dossiers d'intérêt commun comme la sécurité en Méditerranée, le terrorisme et les questions liées aux migrations.
Q - Après le retrait israélien de Gaza, que peuvent être, à votre avis, les mécanismes permettant la relance du processus des négociations concernant la Cisjordanie et Jérusalem ?
R - Après cinq années d'intifada, le retrait israélien de la bande de Gaza crée une dynamique positive sur le terrain. La reprise des négociations est nécessaire, car il n'y aura pas de solution durable décidée unilatéralement. Notre référence doit rester la Feuille de route. Je considère, et l'ai dit à Mahmoud Abbas et à Ariel Sharon lors de mon déplacement les 7 et 8 septembre derniers, que ce retrait est une formidable opportunité pour la paix, mais il ne le sera à court terme que s'il amène chacune des parties, conscientes des enjeux qui se posent aujourd'hui, à satisfaire à ses obligations dans le cadre de la Feuille de route.
L'Autorité palestinienne doit contrôler les activités des groupes radicaux. C'est un impératif absolu et d'abord pour l'Autorité palestinienne elle-même. L'Union européenne et la France en particulier apportent à cette fin un soutien à la police palestinienne. Ce soutien sera accru dans les prochains mois.
Dans ce cadre, nous sommes prêts à envoyer des experts en douanes pour aider les Palestiniens aux points d'entrée et de sortie de Gaza, à participer à la construction d'une station d'épuration pour les eaux usées, à contribuer à un grand plan de santé publique.
Les Israéliens doivent dans le même temps geler la colonisation de la Cisjordanie. La communauté internationale a indiqué à plusieurs reprises que le futur Etat palestinien devra être authentiquement viable ce qui suppose en particulier une continuité territoriale. Le tracé de la barrière de sécurité doit être révisé car une partie de son tracé se trouve en territoire palestinien. Il en résulte des confiscations de terres palestiniennes, des restrictions de la circulation des personnes et le sentiment chez les Palestiniens que la Feuille de route n'est pas appliquée.
Q - Après les résolutions 1559, 1595 et 1614 sur le Liban, quelles seront les prochaines échéances, du point de vue français ? Quels sont vos objectifs pour la période à venir, et ne craignez-vous pas de dévier de ces objectifs, du fait de l'intérêt américain grandissant pour le rôle que pourrait jouer Damas sur ses frontières avec l'Irak ?
R - La souveraineté et la stabilité du Liban sont les seuls objectifs de la communauté internationale. Nous souhaitons que toutes les parties concernées coopèrent pleinement avec la commission d'enquête internationale sur l'assassinat de Rafic Hariri. Les conclusions du rapport final de M. Mehlis devront être acceptées par tous, au Liban comme ailleurs.
Q - Le Premier ministre, M. Dominique de Villepin, a exhorté la communauté internationale à se saisir de nouveau du dossier irakien, par le biais du Conseil de sécurité. Dans quelles perspectives, selon vous ?
L'Irak étant occupé, ses institutions dissoutes, croyez-vous que le processus politique actuel puisse contribuer à instaurer un pouvoir légitime, représentatif de toutes les composantes du peuple irakien, et ce malgré la main-mise américaine sur ce processus ?
D'autre part, ne croyez-vous pas que ce processus risque d'aboutir à une partition de l'Irak ?
R - La communauté internationale doit se mobiliser pour préserver l'intégrité et l'unité de l'Irak. La France est attachée à la participation de toutes les composantes de la société irakienne à ce processus. Les comportements communautaristes ne peuvent qu'attiser les violences, terribles, que l'on observe en Irak.
Nous avons pris note de l'achèvement de la rédaction du projet de Constitution irakienne, étape supplémentaire vers la restauration effective de la souveraineté. Il appartient maintenant à l'ensemble des Irakiens de se prononcer sur ce texte, lors du référendum du 15 octobre prochain.
Q - L'élargissement du Conseil de sécurité a été reporté. Quelle est, selon vous, l'alternative possible pour atténuer l'unilatéralisme américain en attendant l'adoption d'une formule d'élargissement ? Ce report était-il nécessaire ?
R - La France souhaite un accroissement du nombre de membres du Conseil de sécurité à la fois dans la catégorie des permanents et dans celle des non-permanents. Il faut en effet tenir compte de l'émergence des nouvelles puissances qui ont la volonté d'assumer cette responsabilité et qui sont en mesure, compte-tenu de leur poids, d'apporter une contribution éminente à l'action des Nations unies en matière de paix et de sécurité internationales. Il est également nécessaire d'accroître la présence des pays du Sud au Conseil de sécurité.
Nous considérons que le projet d'élargissement proposé le 8 juin dernier par l'Allemagne, le Japon, l'Inde et le Brésil, qui prévoit six nouveaux permanents et quatre nouveaux non-permanents, est une chance historique pour le continent africain. Nous pensons que le temps est venu de prendre une décision concernant l'élargissement du Conseil de sécurité.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 octobre 2005)