Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget, à la réforme de l'Etat et porte-parole du gouvernement, à "LCI" le 11 octobre 2005, sur l'avenir de la SNCM, l'ouverture du capital d'EDF, les audits lancés dans tous les ministères pour un contrôle de gestion .

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

Q- La SNCM, est-ce fini ?
R- Je crois que les choses ne se présentent pas du tout comme cela. Je sais que dans le métier que vous faites, il faut parfois aller très vite dans la manière de présenter les choses, mais toutes les garanties sont sur la table, T. Breton et D. Perben, vous le savez, sont venus une dernière fois hier après-midi [à Marseille] pour que tout le monde soit au même niveau d'information. Le conseil de la société s'est réuni hier, et je crois que les choses sont claires, dans le sens où chacun sait exactement ce qu'il en est maintenant.
Q- Chacun sait exactement ce qu'il en est, autrement dit, l'Etat a présenté son plan, les organisations syndicales, et notamment la CGT, ont fait une ouverture mais ne sont pas d'accord avec ce plan. Y a-t-il encore un espace de négociations et de discussions possibles dans les prochains jours ?
R- Je crois que chacun doit se souvenir que sur ce sujet, les discussions ont été très nombreuses, et que le Gouvernement a montré une très grande capacité de dialogue, car à travers les jours qui se sont suivis les uns après les autres, on a bien vu...
Q- Qu'il a modifié son plan...
R- ...On a bien vu la constitution d'un plan qui, je crois, prend largement en compte beaucoup des interrogations et des préoccupations... Ma question est : aujourd'hui, au point où l'on en est arrivé, le plan du Gouvernement est-il à prendre ou à laisser ou y a-t-il encore des possibilités d'aménager ce plan dans le sens souhaité par les organisations syndicales ?
R- Encore une fois, je crois qu'il faut s'en tenir aux faits et aux propos qui ont été tenus, maintenant les choses sont parfaitement claires. Toutes les garanties sont sur la table, elles ont été rappelées à de nombreuses reprises à la suite des déclarations de D. de Villepin. Cela concerne l'emploi, cela concerne les obligations de service public, cela concerne, en réalité - maintenant, chacun l'a bien compris - l'avenir de l'entreprise.
Q- Mais cela ne concerne pas la pérennité de l'Etat dans le capital de la SNCM, réclamée par les organisations syndicales.
R- Encore une fois, je crois qu'il ne sert à rien de tourner autour du pot : tous les éléments sont sur la table. L'objectif est de respecter le droit et il est de faire tout ce qu'il est possible de faire pour assurer la pérennité de l'entreprise. Maintenant, chacun est placé devant ses responsabilités et il appartiendra, aux uns comme aux autres, d'avoir bien en tête les enjeux majeurs de cette grande société.
Q- Autrement dit, ce que vous dites aux organisations syndicales : ou le travail reprend et vous acceptez ce plan, ou bien c'est le dépôt de bilan, pour être clair ?
R- Je crois que de toute façon, les choses sont claires : si le travail ne reprend pas, comment voulez-vous que cette société s'en sorte ? Donc, on voit bien à travers tout cela, que chacun doit prendre maintenant ses responsabilités ; je crois vous l'avoir dit, trois fois de suite, je ne sais pas quoi faire de plus.
Q- Pensez-vous que s'il y a dépôt de bilan, pour la première fois, d'une entreprise publique, ce sera un succès pour D. de Villepin et votre Gouvernement ?
R- Encore une fois, l'objectif est d'assurer l'avenir de cette entreprise, nous l'avons dit de toutes les manières possibles. Comme le rappelait encore T. Breton, on n'est pas dans une bulle, chacun a bien compris les enjeux majeurs et toutes les voies qui permettent à cette entreprise d'assurer sa pérennité.
Q- Le Gouvernement auquel vous appartenez est-il en train de reculer sur la privatisation, ou en tout cas, plus exactement, l'ouverture du capital d'EDF ?
R- D'abord, il n'y a absolument aucun lien entre ces deux sujets, ce n'est pas inutile que je le rappelle en cette période.
Q- Certains ont mis un lien...
R- Oui, c'est pour cela que je vous dis que ce sont deux sujets qui sont tout à fait distincts, qui n'ont absolument pas de lien. Ce sont deux entreprises qui ne font pas les mêmes métiers et dont les données ne sont pas les mêmes. Pour ce qui concerne EDF, chacun se souvient de l'esprit dans lequel nous travaillons. Il y a, à ce stade, dans le processus concernant l'avenir d'EDF, un certain nombre de garanties qui ont été rappelées, et sur lesquelles on a besoin d'être bien au clair, et c'est l'objectif des semaines qui viennent. Quelles sont ces garanties ? C'est à la fois le programme d'investissement, et c'est d'autre part ce que l'on appelle "le cahier des charges" pour ce qui concerne l'obligation de service public sur tout le territoire.
Q- Précision, si vous me permettez : le Premier ministre avait annoncé une ouverture du capital à l'automne ; cette ouverture du capital se fera-t-elle avant la fin de l'année ?
R- Encore une fois, là-dessus, les modalités ne sont pas encore complètement fixées.
Q- Donc, vous ne pouvez pas le garantir ?
R- Non, les modalités ne sont pas encore fixées. Sur le détail, je ne peux pas rentrer. Pour le reste, il y a des étapes successives ; la première, c'est celle que je viens de dire : le plan d'investissement d'une part, le cahier des obligations de service public d'autre part.
Q- Vous comprenez bien ma question : aujourd'hui, hésite-t-on entre une mise sur le marché en Bourse ou, au contraire, l'arrivée d'une alliance industrielle ou d'un investisseur institutionnel.
R- Les sommes en cause sont considérables, c'est de l'ordre de 7 milliards, donc, pour l'instant, ce que je peux vous dire, c'est que les modalités ne sont pas complètement arrêtées. Une étape après l'autre ! Celle dans laquelle nous travaillons aujourd'hui, c'est d'avoir bien au clair sur la table le programme d'investissement et les obligations de service public.
Q- Le climat social vous contraint à être plus prudent que vous ne l'étiez il y a quelques semaines ?
R- Je vous laisse dans votre...
Q- Je pose la question...
R- Cela a l'air d'être plutôt dans le commentaire...
Q- Non, pas du tout, il y a un point d'interrogation.
R- Je vous ai dit ce qu'il en était. Encore une fois, vous le voyez bien, nous travaillons sur tous ces dossiers avec autant de précision que possible. Aujourd'hui, l'étape est de préciser dans quelles conditions les choses doivent se faire : investissement, service public.
Q- La privatisation des autoroutes : le processus se fera selon le
calendrier prévu ?
R- Sur ce sujet, les choses ont été dites.
Q- Peu importe le débat au Parlement européen qui est d'ailleurs sans vote. Au parlement français, pardon...
R- Je crois que chacun se souvient, là encore, on a bien expliqué les choses : il s'agit, pour l'Etat, de conserver la propriété et de concéder l'exploitation. Quant à l'argent, le produit des privatisations sert à la fois au désendettement pour une part - et je crois que cela correspond à une attente forte -, et puis, d'autre part, au financement d'un certain nombre d'équipements structurants dont la France a besoin pour son avenir.
Q- Une précision du ministre du Budget : confirmez-vous, premièrement, que le bouclier fiscal, 60 %, qui va permettre d'alléger l'impôt de quelques civils contribuables, notamment assujettis à l'ISF, va coûter à l'Etat 400 millions d'euros, et que le plafonnement des niches fiscales va coûter à l'Etat 50 millions d'euros. Autrement dit, ce n'est pas tout à fait le budget de la justice que vous annonciez... Confirmez-vous ces chiffres ?
R- Dans l'ordre. D'abord, premièrement, ce ne sont pas 6.000 contribuables qui vont bénéficier du plafonnement global, c'est beaucoup plus que cela puisque l'on est pratiquement à 100.000, dont 90 % sont des contribuables tout à fait modestes. Et c'est parce que nous intégrons pour la première fois les impôts locaux. Et donc, ainsi, cela bénéficiera, par exemple, à des exploitants agricoles qui ont une mauvaise récolte, à des créateurs d'entreprise qui ont des mauvaises années et à des salariés qui sont au chômage et qui sont en difficulté. Premier élément. Deuxième élément : ce sera, bien entendu, un élément aussi d'attractivité pour notre territoire de pouvoir afficher, de manière claire, comme cela se fait dans d'autres pays, qu'aucun contribuable français ne payera pas plus que 60 % de son revenu ; c'est un élément important.
Q- Lors de votre voyage aux Etats-Unis, je sais que vos interlocuteurs ont été même surpris par le taux de 60 %...
R- Oui, sans doute. Mais il faut se rappeler qu'aux Etats-Unis, où j'ai effectivement essayé d'expliquer que notre pays, contrairement à certains clichés, n'est pas en train de dormir mais, au contraire, de se moderniser dans de très nombreux domaines, en France, l'accès à l'école est gratuit, l'accès aux soins est gratuit. Donc on n'est pas tout à fait dans les mêmes conditions de pouvoir d'achat qu'aux Etats-Unis, où l'on paye sans doute moins d'impôts mais où il faut se payer soi-même son école, sa santé, etc. Ce sont quand même deux sociétés qui, de ce point de vue, sont différentes, deux modèles qui sont différents. Et pour autant, la France travaille à sa compétitivité aussi ; c'est l'objectif de mesures comme celle du plafonnement des impôts.
Q- Par ailleurs, P. Méhaignerie envisage - et un certain nombre de députés - de vous demander, vous, le Gouvernement, dans votre projet de budget 2006, de faire une économie de 2 milliards pour être un peu plus sûr de respecter les déficits budgétaires. Allez-vous faire un effort ou pas ?
R- D'abord, je voudrais quand même rappeler que faire de la dépense publique efficace, c'est mon objectif numéro 1. Alors, en l'occurrence, pour ce qui concerne les charges sociales, on ne peut pas utiliser deux fois la même somme. Les baisses de charges sociales servent pour une bonne partie à absorber le coût des 35 heures. Cela dit, là où je rejoins volontiers P. Méhaignerie, c'est que des économies à faire et un engagement sur 2 milliards, cela m'intéresse beaucoup, parce que c'est la réforme de l'Etat. Et c'est bien dans cet esprit, d'ailleurs, que l'on va lancer le plus important mouvement d'audit jamais réalisé pour l'Etat. Cela commence cette semaine, je vais l'annoncer jeudi...
Q- Quel est le ministère qui va commencer ?
R- Tous les ministères sont concernés en même temps. Les quinze pôles ministériels sont sollicités pour faire des audits, ce qui est énorme, dans des procédures très diverses. Par exemple, pour les Finances, au ministère des Finances, un certain nombre d'audits vont être lancés dès cette semaine, dont un sur la télé déclaration des impôts - c'est un sujet sur lequel on a beaucoup glosé ces derniers mois - ; il faut que l'on soit capable d'absorber l'ensemble des télé déclarants, et que ce soit au meilleur coût pour le contribuable.
Q- Et vous pensez que c'est cela qui va permettre, notamment, de faire des économies ?
R- Bien sûr. Savez-vous ce qu'il y a derrière cela ? L'introduction, comme dans n'importe quelle grande entreprise, pour l'Etat, d'un contrôle de gestion. Et cela, c'est une sacrée modernisation.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 octobre 2005)