Texte intégral
Q - En quoi ces discussions sont-elles importantes ?
R - Il faut comprendre qu'au cur de ces négociations se joue notre vision du monde. D'abord parce qu'elles devaient concerner le développement, et donc se concentrer sur les intérêts des pays les plus pauvres, mais aussi parce qu'elles devraient permettre à l'Europe d'obtenir de nouveaux marchés, pour nos produits, nos services et donc nos emplois. Enfin, parce que ces négociations devraient valoriser les efforts considérables accomplis par l'Union européenne en matière de Politique agricole commune (PAC). En 2003, la réforme de la PAC a en effet abouti à une réduction sans équivalent - même aux Etats-Unis - des subventions agricoles. La Commission européenne a donc aujourd'hui pour mandat de ne pas accepter de concessions qui iraient au-delà. On ne doit pas sacrifier la PAC !
Q - Estimez-vous que le commissaire européen Peter Mandelson a outrepassé son mandat en offrant de plus vastes concessions dans ce domaine ?
R - Les commissaires européens responsables de la négociation ont déposé sans concertation préalable, et je dis bien sans concertation préalable, des offres sur l'agriculture qui nous ont effectivement semblé aller au-delà de leur mandat. En particulier sur la question de l'accès aux marchés agricoles, c'est-à-dire des droits de douane. Nous avons donc immédiatement demandé et obtenu la réunion d'un conseil des ministres exceptionnel mardi. Il nous a apporté de réelles satisfactions puisque les Etats membres ont rappelé que la réforme de la PAC constitue la contribution finale de l'Europe aux négociations de l'OMC. Le mandat des commissaires est donc clair : toute la réforme de la PAC, mais rien que la réforme de la PAC !
Q - Pourtant, seuls cinq ou six pays soutiendraient désormais la France ?
R - La France n'est pas du tout isolée. Quatorze Etats sur 25 ont signé une lettre de soutien à la réforme de la PAC envoyée à la Commission par Dominique Bussereau et ses homologues. Dans cette affaire, la France ne défend pas l'intérêt particulier mais l'intérêt général. Et des principes. Lorsqu'elle défend la PAC, la France défend une vision européenne. L'actualité ne cesse de nous démontrer qu'être indépendant sur le plan agricole et autosuffisant sur le plan alimentaire, ainsi qu'avoir la sécurité sanitaire la plus complète du monde, aujourd'hui cela n'a pas de prix.
Q - Ce bras de fer avec le Britannique Peter Mandelson n'est-il pas finalement la prolongation de l'affrontement entre Paris et Londres sur le modèle européen ?
R - M. Mandelson est le commissaire de tous les Etats membres et doit se comporter comme tel. Par ailleurs, je veux être persuadé que nous partageons avec les Britanniques la même vision du développement, c'est un volet important des négociations avec l'OMC. Nous n'avons pas le droit aujourd'hui de ne pas aborder l'aide aux pays les plus pauvres, c'est moralement scandaleux et politiquement dangereux. Ce round de négociations doit être celui du développement. Le président Chirac plaide en ce sens depuis longtemps et nous étions d'accord sur ce point avec les Britanniques cet été lors du Sommet du G8 à Gleneagles. Or, désormais, on fait plutôt du surplace. Dans le même ordre d'idées, il est regrettable de ne pas avoir progressé depuis l'accord d'août 2003 sur la propriété intellectuelle des médicaments, alors que l'on se doit de donner aux pays les plus pauvres en zone d'endémie les moyens de lutter contre la maladie. Je le répète, c'est une vision du monde qui se joue dans ces négociations et j'entends la défendre avec détermination en compagnie de Thierry Breton et Christine Lagarde, qui sont mobilisés, tout comme moi, dans ces discussions.
Q - Justement, est-ce qu'une plus grande libéralisation du commerce ne bénéficierait pas aux plus démunis ?
R - Il est faux de dire que le libre-échange est, en soi, une source de développement pour les pays les plus pauvres. L'ouverture de nos marchés agricoles bénéficiera d'abord aux pays émergents, bien plus qu'au Burkina Faso ou au Mali, dont les produits peuvent déjà être exportés vers l'Union à taux zéro. L'Europe est aujourd'hui l'un des espaces les plus ouverts au monde : 80 % des produits agricoles issus des pays les moins avancés sont vendus dans l'Union européenne. Et depuis la réforme de la PAC, l'Europe reçoit dix fois plus de produits agricoles des pays du Sud que les Etats-Unis. C'est pourquoi lorsque nos agriculteurs ont accepté des sacrifices importants en 2003, nous leur avons garanti en échange des règles stables jusqu'en 2013. Nous n'accepterons donc pas que les négociations dans le cadre de l'OMC reviennent sur cet engagement unanime de l'Europe.
Q - Si la Commission devait présenter à l'OMC un accord que la France ne cautionne pas, a-t-elle les moyens d'y mettre son veto ?
R - A l'OMC, la France et l'Union européenne ont intérêt à un accord. Pour autant, la Commission négocie avec un mandat qui lui a été donné par les Etats membres à l'unanimité ; elle doit le respecter. Le moment venu, le Conseil se prononcera sur l'accord obtenu. La France ne pourra pas accepter un résultat qui remettrait en cause la réforme de la PAC. Mais nous n'en sommes pas là : aujourd'hui, il faut faire jouer les liens de confiance et la force de persuasion du dialogue.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 octobre 2005)
R - Il faut comprendre qu'au cur de ces négociations se joue notre vision du monde. D'abord parce qu'elles devaient concerner le développement, et donc se concentrer sur les intérêts des pays les plus pauvres, mais aussi parce qu'elles devraient permettre à l'Europe d'obtenir de nouveaux marchés, pour nos produits, nos services et donc nos emplois. Enfin, parce que ces négociations devraient valoriser les efforts considérables accomplis par l'Union européenne en matière de Politique agricole commune (PAC). En 2003, la réforme de la PAC a en effet abouti à une réduction sans équivalent - même aux Etats-Unis - des subventions agricoles. La Commission européenne a donc aujourd'hui pour mandat de ne pas accepter de concessions qui iraient au-delà. On ne doit pas sacrifier la PAC !
Q - Estimez-vous que le commissaire européen Peter Mandelson a outrepassé son mandat en offrant de plus vastes concessions dans ce domaine ?
R - Les commissaires européens responsables de la négociation ont déposé sans concertation préalable, et je dis bien sans concertation préalable, des offres sur l'agriculture qui nous ont effectivement semblé aller au-delà de leur mandat. En particulier sur la question de l'accès aux marchés agricoles, c'est-à-dire des droits de douane. Nous avons donc immédiatement demandé et obtenu la réunion d'un conseil des ministres exceptionnel mardi. Il nous a apporté de réelles satisfactions puisque les Etats membres ont rappelé que la réforme de la PAC constitue la contribution finale de l'Europe aux négociations de l'OMC. Le mandat des commissaires est donc clair : toute la réforme de la PAC, mais rien que la réforme de la PAC !
Q - Pourtant, seuls cinq ou six pays soutiendraient désormais la France ?
R - La France n'est pas du tout isolée. Quatorze Etats sur 25 ont signé une lettre de soutien à la réforme de la PAC envoyée à la Commission par Dominique Bussereau et ses homologues. Dans cette affaire, la France ne défend pas l'intérêt particulier mais l'intérêt général. Et des principes. Lorsqu'elle défend la PAC, la France défend une vision européenne. L'actualité ne cesse de nous démontrer qu'être indépendant sur le plan agricole et autosuffisant sur le plan alimentaire, ainsi qu'avoir la sécurité sanitaire la plus complète du monde, aujourd'hui cela n'a pas de prix.
Q - Ce bras de fer avec le Britannique Peter Mandelson n'est-il pas finalement la prolongation de l'affrontement entre Paris et Londres sur le modèle européen ?
R - M. Mandelson est le commissaire de tous les Etats membres et doit se comporter comme tel. Par ailleurs, je veux être persuadé que nous partageons avec les Britanniques la même vision du développement, c'est un volet important des négociations avec l'OMC. Nous n'avons pas le droit aujourd'hui de ne pas aborder l'aide aux pays les plus pauvres, c'est moralement scandaleux et politiquement dangereux. Ce round de négociations doit être celui du développement. Le président Chirac plaide en ce sens depuis longtemps et nous étions d'accord sur ce point avec les Britanniques cet été lors du Sommet du G8 à Gleneagles. Or, désormais, on fait plutôt du surplace. Dans le même ordre d'idées, il est regrettable de ne pas avoir progressé depuis l'accord d'août 2003 sur la propriété intellectuelle des médicaments, alors que l'on se doit de donner aux pays les plus pauvres en zone d'endémie les moyens de lutter contre la maladie. Je le répète, c'est une vision du monde qui se joue dans ces négociations et j'entends la défendre avec détermination en compagnie de Thierry Breton et Christine Lagarde, qui sont mobilisés, tout comme moi, dans ces discussions.
Q - Justement, est-ce qu'une plus grande libéralisation du commerce ne bénéficierait pas aux plus démunis ?
R - Il est faux de dire que le libre-échange est, en soi, une source de développement pour les pays les plus pauvres. L'ouverture de nos marchés agricoles bénéficiera d'abord aux pays émergents, bien plus qu'au Burkina Faso ou au Mali, dont les produits peuvent déjà être exportés vers l'Union à taux zéro. L'Europe est aujourd'hui l'un des espaces les plus ouverts au monde : 80 % des produits agricoles issus des pays les moins avancés sont vendus dans l'Union européenne. Et depuis la réforme de la PAC, l'Europe reçoit dix fois plus de produits agricoles des pays du Sud que les Etats-Unis. C'est pourquoi lorsque nos agriculteurs ont accepté des sacrifices importants en 2003, nous leur avons garanti en échange des règles stables jusqu'en 2013. Nous n'accepterons donc pas que les négociations dans le cadre de l'OMC reviennent sur cet engagement unanime de l'Europe.
Q - Si la Commission devait présenter à l'OMC un accord que la France ne cautionne pas, a-t-elle les moyens d'y mettre son veto ?
R - A l'OMC, la France et l'Union européenne ont intérêt à un accord. Pour autant, la Commission négocie avec un mandat qui lui a été donné par les Etats membres à l'unanimité ; elle doit le respecter. Le moment venu, le Conseil se prononcera sur l'accord obtenu. La France ne pourra pas accepter un résultat qui remettrait en cause la réforme de la PAC. Mais nous n'en sommes pas là : aujourd'hui, il faut faire jouer les liens de confiance et la force de persuasion du dialogue.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 octobre 2005)