Déclaration de M. Dominique de Villepin, Premier ministre, sur la mise en oeuvre des mesures en faveur de l'emploi, notamment le contrat "nouvelles embauches" et le rapprochement des réseaux de l'ANPE et de l'UNEDIC, Paris le 7 juillet 2005.

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Circonstance : Allocution prononcée lors des Rencontres avec les cadres ANPE, à Paris le 7 juillet 2005

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi d'abord de vous dire, à quel point je suis heureux de vous retrouver cet après-midi, avec Jean-Louis Borloo, pour cette rencontre qui est, vous l'imaginez, une rencontre de mobilisation. Je n'imaginais pas ce matin, en préparant cette rencontre, qu'elle serait aussi une journée de deuil. Une journée de deuil, pour nous tous, pour nos amis britanniques, et pour nous aussi, Français, européens. Je sais que vous n'avez pas interrompu vos travaux de la journée, mais j'imagine malgré tout que les informations sont parvenues jusqu'à vous. Plusieurs attentats ont frappé la ville de Londres, faisant de nombreuses victimes, et à cet instant, bien sûr, notre cur et notre esprit vont vers la solidarité, l'émotion, que nous ressentons à l'égard de l'ensemble de nos amis britanniques. Et au même moment, je sais aussi à quel point nous devons rester mobilisés, nous tous. C'est pour cela que, en liaison avec le président de la République, nous avons décidé de passer de Vigipirate orange" à "Vigipirate rouge", pour marquer notre vigilance et notre détermination vis-à-vis de toutes les formes de terrorisme possibles ici, sur notre territoire nationale. Mobilisation, c'est bien sûr aussi, le maître-mot qui nous rassemble aujourd'hui. Et je le dis avec émotion et amitié, devant Jean-Louis Borloo et Christian Charpy, d'autant que j'ai commencé presque ma carrière avec Christian Charpy, nous étions tous les deux, deux jeunes directeurs de cabinets ; lui déjà engagé dans le monde social, dans le monde du travail ; et moi dans le mien à l'époque, qui était celui de la diplomatie. Je suis heureux de le retrouver dans ces éminentes fonctions aujourd'hui à la tête de l'Agence nationale pour l'emploi.
Il l'a dit mais c'est vrai. Aujourd'hui, la priorité du Gouvernement, c'est l'emploi. La mère de toutes les batailles pour nous c'est l'emploi. La première étape de la campagne de France, c'est l'emploi. L'emploi pour nous c'est vous. C'est vous qui êtes au premier plan, porteurs de la première espérance et de la première responsabilité pour ceux qui franchissent les ANPE, pour ceux qui ont besoin de vous, qui attendent de vous une solution.
Et moi, comme Premier ministre de la France, je suis là pour vous dire que, non seulement nous voulons vous donner les moyens de répondre à leur attente, mais je suis convaincu que nous avons aujourd'hui la capacité de faire mieux, de faire plus, et surtout de faire plus vite. C'est dire à quel point il nous faut tirer les leçons. Je sais que chacun et chacun d'entre vous, dans son domaine, a l'expérience, connaît un certain nombre des moyens qui nous permettraient d'être plus efficaces. Il faut donc, dans l'urgence, faire mieux et faire plus, et le dire avec gravité en cette journée de deuil. C'est dire à quel point nous n'avons pas de temps devant nous. Pas de temps pour la sécurité, pas de temps pour l'emploi. Pas de temps, parce que nos compatriotes attendent de nous de véritables réponses.
Le chômage, nous le savons, c'est le principal blocage de notre société. Notre pays dispose, nous le savons tous, d'atouts formidables, d'infrastructures, du savoir-faire, de la qualité de nos produits, de dynamisme de nos entreprises ou encore l'excellence de nos chercheurs. Voilà autant de clés pour l'avenir. Ces atouts, nous pourrons les valoriser si nous parvenons à inverser la tendance du chômage dans notre pays.
La réalité du chômage, vous la connaissez tous : depuis plus de vingt ans le chômage de masse s'est installé dans notre société. Il pèse fortement sur notre pacte social, il mine la confiance de nos concitoyens dans l'avenir. Et il frappe encore plus violemment encore les jeunes et les seniors dans notre pays, c'est-à-dire, ceux qui veulent croire le plus en l'avenir parce qu'ils entrent dans la vie active et ceux qui ont encore beaucoup à dire, beaucoup à faire, et qui peuvent, passé 50 ans, se sentir marginalisés, ne pas trouver toute leur place dans la société.
Vous savez aussi qu'à côté des 2,5 millions de chômeurs, de demandeurs d'emplois que compte notre pays, il y a plusieurs centaines de milliers d'emplois qui ne sont pas pourvus. Il y a un paradoxe français qui montre bien que nous pouvons aller plus loin, que nous pouvons apporter de nouvelles réponses, que nous n'avons peut-être pas tout essayé.
Nous n'avons pas été suffisamment ambitieux dans notre traitement du chômage. Nous n'avons peut-être pas non plus su nous inspirer de ce qui pouvait marcher chez nos voisins, en particulier, bien sûr, ceux qui partagent nos mêmes valeurs sociales. Nous avons trop vite renoncé à intégrer dans nos entreprises les jeunes et les seniors.
Or, nous le savons également, nous ne pouvons plus attendre. J'ai donc proposé au Parlement un plan d'urgence pour l'emploi qui sera mis en place dès le 1er septembre. Alors, on peut avoir le sentiment que le Gouvernement prend son temps. Vous le savez, Jean-Louis Borloo le sait, Christian Charpy le sait, ce temps est un moment intense de préparation, de travail pour être fin prêts le 1er septembre. Nous avons besoin de chacune et de chacun d'entre vous. Pour être véritablement opérationnels, pour que chaque fois qu'un demandeur d'emploi se présentera, pour bénéficier d'une des nouvelles mesures, dans chacune des agences de l'ANPE, on puisse répondre présents.
Les mesures que contient ce plan, sont des mesures pragmatiques : elles permettront de surmonter les blocages et les dysfonctionnements que vous connaissez tous. Ces mesures nous les voulons, nous les croyons équilibrées, car elles prennent en compte l'intérêt de tous : l'intérêt des entreprises, qui aujourd'hui souhaiteraient embaucher et qui malheureusement ne le peuvent pas toujours. L'intérêt aussi des demandeurs d'emploi qui doivent être soutenus et protégés tout au long de leur chemin.
Avec le plan de cohésion sociale, l'ensemble de ces mesures mobilise de façon volontariste tous les leviers disponibles de la politique de l'emploi.
Pour mettre en oeuvre ce plan d'urgence j'ai besoin de vous. Les hommes et les femmes qui travaillent à l'ANPE sont en première ligne dans la lutte contre le chômage. Et je sais ce que cela suppose de mobilisation, de détermination, peut-être aussi, de douleur parfois, devant la souffrance d'hommes et de femmes qui attendent de vous des solutions, alors même que vous avez le sentiment que nous ne disposons pas toujours des moyens d'y répondre. Et c'est bien ce travail-là que nous voulons faire très rapidement pour être en mesure de fournir toujours davantage la solution, la méthode, le chemin qui permettra de les accompagner.
Lors de mon premier déplacement en tant que Premier Ministre je me suis rendu à l'agence pour l'emploi de Serris, en Seine-et-Marne. J'ai pu mesurer, à la fois, le dévouement et le professionnalisme de tous les personnels : ils m'ont parlé des problèmes quotidiens qu'ils rencontraient dans leur mission, mais aussi de leur passion pour un métier fait de générosité et de solidarité. Ils sont à l'écoute permanente des demandeurs d'emploi : ils savent que chaque situation est différente, que chaque cas exige des réponses particulières. Ils sont auprès d'eux, de ces demandeurs d'emploi, dans un moment d'extrême fragilité, à un moment où ces demandeurs d'emploi peuvent avoir le sentiment que c'est difficile ou que tout est perdu. Ils les accompagnent dans leur recherche, les conseillent, les aident à mieux valoriser leurs compétences, les guident vers des métiers nouveaux.
Dans cette tâche difficile et exigeante, vous êtes, chacune et chacun, à leurs côtés, pour organiser et encadrer leur travail, mais aussi pour les motiver, pour les aider véritablement, à savoir comment sortir de la difficulté. Et vous le faites dans un environnement de plus en plus complexe, vous veillez à l'adaptation des structures et bon fonctionnement de l'ANPE.
C'est pourquoi j'ai tenu, sans tarder, à vous rencontrer, afin de donner une nouvelle impulsion à votre mobilisation pour l'emploi, afin de vous dire toute l'attente et toute la confiance que nos concitoyens plaçaient en chacune et chacun d'entre vous.
Grâce à vous, la modernisation du service public de l'emploi est en marche. La mise en place des "maisons de l'emploi" se poursuit à travers tout le territoire. Le nécessaire rapprochement avec les ASSEDIC est en marche également. A travers les conventions de reclassement personnalisé, les demandeurs d'emploi bénéficient d'un meilleur accompagnement vers l'emploi. Le dispositif fonctionne déjà : il accueillera près de 120 000 personnes chaque année.
Vous avez également réussi le pari des "nouveaux contrats aidés". La plupart des conventions pour la mise en place des contrats d'avenir ont été signées avec les départements, ou vont l'être dans les toutes prochaines semaines. Je sais que cela n'a pas été facile, c'est le résultat d'un long travail. Je vous demande de diffuser ces contrats avec la même efficacité dont vous faites preuve pour "les contrats d'accompagnement vers l'emploi", qui rencontrent un succès indiscutable puisque vous en placez près de 1 000 par jour.
Dans les mois qui viennent, nous devrons unir nos efforts, pour mettre en place le plan d'urgence pour l'emploi.
Je compte sur votre réactivité et la mobilisation de vos équipes pour marquer dès maintenant le sursaut. Le mot n'est pas trop fort car c'est bien ce que nous souhaitons, ce que nous attendons, le sursaut dont notre pays a besoin.
La priorité est d'apporter une réponse aux situations les plus douloureuses et les plus urgentes. Vous avez d'ores et déjà reçu 4 000 jeunes sur les 57 000 qui sont au chômage depuis plus d'un an, pour leur proposer un emploi, une formation ou bien encore un contrat aidé.
Je vous invite également à utiliser pleinement le site Internet de l'ANPE qui constitue, avec les 400 000 visites par jour, un formidable outil. Les télécandidatures doivent être généralisées. Vous devez inciter vos collaborateurs à y répondre dans les meilleurs délais. Je souhaite également que l' " espace jeune " sur le site soit opérationnel dès le 15 juillet.
Enfin, je suis favorable à la création par l'ANPE d'une équipe nationale chargée de répondre aux difficultés de recrutement auxquelles il n'est pas possible de répondre dans chacune des agences locales et qui viendra appuyer vos propres efforts. Il faut faire en sorte qu'un grand groupe national, qu'une grande entreprise qui cherche à recruter parfois plusieurs centaines d'employés en même temps, dans toute la France, puisse avoir un interlocuteur capable de répondre rapidement à ses besoins.
La mobilisation pour l'emploi en effet doit être l'affaire de tous :
Je vous encourage donc à travailler en étroite liaison avec les écoles de commerce qui s'engagent dans la recherche de stages en entreprise.
Pour ma part je demande à l'ensemble des chaînes de télévision de consacrer tous les soirs, à des heures de grande écoute, une minute emploi qui permettra de signaler les offres et de valoriser les entreprises qui embauchent. C'est un signal, c'est un signal de mobilisation, c'est un signal fort qui est à la fois la marque de reconnaissance de ce qu'attendent, de ce à quoi aspirent nos compatriotes, et en même temps, de ce qu'est cette question de l'emploi dans notre pays, aujourd'hui. La grande cause nationale, l'affaire de tous, l'affaire de ceux qui ont un emploi, l'affaire de ceux qui n'en ont pas, l'affaire de ceux qui veulent mettre à la fois leur raison et leur cur pour faire en sorte que notre pacte social, que notre pacte républicain soit bien vécu par tous au quotidien.
Au-delà de cette opération ponctuelle, je vous demande de vous approprier les mesures du plan d'urgence afin de pouvoir les expliquer à vos interlocuteurs, en particulier le contrat " nouvelles embauches ". Ce contrat, qui est un contrat à durée indéterminée, un véritable contrat avec une véritable rémunération, prévoit également de réelles garanties pour le salarié et je crois qu'il faut aller au-devant d'un certain nombre de critiques, d'un certains nombre de peurs ou de certains malentendus. Si l'on reprend les caractéristiques de ce contrat :
Le salarié aura droit à un préavis dès le deuxième mois de travail, et ce préavis augmentera - nous y avons beaucoup tenu, avec Jean-Louis Borloo - en fonction de l'ancienneté.
L'indemnité de rupture sera également calculée en fonction de l'ancienneté. A cette indemnité pourra s'ajouter une contribution de reclassement. Par ailleurs, les salariés qui n'auraient pas cotisé suffisamment longtemps pour bénéficier d'une couverture chômage auront droit à une allocation forfaitaire financée par l'Etat.
Enfin, le salarié bénéficiera d'un accompagnement renforcé, pris en charge par le service public de l'emploi. Si les partenaires sociaux le souhaitent, les salariés pourront bénéficier de la convention de reclassement personnalisé. En attendant, le Gouvernement se dotera de moyens pour leur permettre de retrouver plus facilement un emploi.
Vous le voyez donc, souci d'équilibrer ce contrat "nouvelles embauches", souci de consolider l'emploi du côté de l'employeur, souci de consolider les droits du côté des salariés, c'est bien une voie nouvelle, c'est bien un nouveau contrat que nous voulons bâtir pour le bénéfice de tous.
Au cur de mon plan d'urgence pour l'emploi, il y a également le souci de mieux accompagner les demandeurs d'emploi. La coexistence de l'ANPE et de l'Unédic a permis de garantir au cours des 40 dernières années, un niveau d'indemnisation élevé, une responsabilisation des partenaires sociaux et des outils de placement efficaces. Et si nous voulons que les demandeurs d'emplois soient mieux accompagnés, nous devons aller plus loin dans le rapprochement entre tous les acteurs de la politique de l'emploi. C'est en rapprochant les réseaux que nous trouverons des solutions institutionnelles adaptées. Jean-Louis BORLOO et Gérard LARCHER ont d'ores et déjà engagé des discussions avec les partenaires sociaux pour y réfléchir.
Enfin, vous devez exercer pleinement votre rôle dans le domaine de la recherche d'emploi. Nous devons également être attentifs au respect des droits comme des devoirs.
Il n'est pas normal qu'un demandeur d'emploi ne se rende pas régulièrement aux entretiens avec les personnels de l'ANPE.
Il n'est pas normal non plus qu'il puisse refuser des dispositifs d'accompagnement à la recherche d'emploi, des dispositifs de formation qui doivent conduire vers l'emploi, ou plusieurs fois de suite, qu'il puisse refuser une proposition d'emploi raisonnable.
L'accompagnement de la recherche d'emploi suppose un suivi efficace. J'ai donc souhaité que vous disposiez de moyens appropriés et mieux gradués afin de faire respecter les obligations des demandeurs d'emploi. Le décret d'application sur le suivi de la recherche d'emploi sera envoyé à la consultation des partenaires sociaux dans les tout prochains jours. Il permettra de mieux garantir la fiabilité de la liste des demandeurs d'emplois.
Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Par votre travail et votre engagement quotidien, vous démontrez que le chômage n'est pas une fatalité, que même les situations les plus désespérées peuvent trouver une solution.
Il faut aujourd'hui que nous franchissions une nouvelle étape et il faut que les marques de cet engagement, que les résultats de cet engagement puissent être vus rapidement par nos compatriotes. Vous le savez, vous êtes au contact de chacun d'eux.
Beaucoup de nos compatriotes doutent, ressentent de l'inquiétude, éprouvent parfois de la colère. Vous êtes en première ligne, vous savez donc qu'il nous faut trouver des réponses rapidement. Je n'ai pas la science infuse. Je n'ai pas le sentiment de tout savoir dans le domaine qui est celui que vous vivez au quotidien depuis tant d'années. Et c'est pour cela que nous avons besoin de vous. Besoin d'une participation et d'un échange du quotidien. Et pour cela que j'attache beaucoup de prix, comme Jean-Louis Borloo et Christian Charpy, à ce que, jour après jour, vous nous fassiez remonter, que vous nous fassiez partager les leçons que vous allez tirer de la mise en place de ces nouveaux outils.
Nous sommes là pour en permanence améliorer nos dispositifs. Nous sommes là avec beaucoup d'humilité mais en même temps beaucoup d'ambition, parce que nous savons que nous devons agir et que nous devons obtenir des résultats. Nous devons donc tirer les leçons de l'action que nous menons. Et je veux donc au quotidien être informé des blocages, des solutions, des propositions, du sentiment qui est le vôtre dans la gestion de ces différents outils.
Il est important que nous puissions interagir, et je crois que, dans une véritable démocratie, entre vous, qui êtes sur le terrain les premiers combattants, ceux qui, avec tous ceux qui partagent cet effort au sein de l'ANPE, et nous, il faut que cet échange soit un échange de tous les jours. Dans cette entreprise, dans ce combat, nous sommes tous ensemble, nous serons tous jugés ensemble. L'attente de nos compatriotes s'exprime vis-à-vis de chacun d'entre nous, de la même façon, quelles que soient nos positions, et je crois que la légitimité, l'engagement qui est le vôtre, l'expérience qui est la vôtre, sont indispensables à la réussite commune.
En effet, vous êtes au cur de la bataille pour l'emploi. Le Gouvernement a besoin de vous pour relayer son action sur l'ensemble du territoire. Il vous donnera les moyens, tous les moyens nécessaires à votre action. Et c'est pour cela que dans cette phase, je souhaite que nous restions en contact étroit et que je suis heureux, aujourd'hui, de pouvoir initier cette relation que je souhaite personnelle tout au long des prochains mois. Merci.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 8 juillet 2005)