Texte intégral
Mes chers camarades, je suis à la fois heureux pour mon parti et un peu triste pour certains d'entre nous car, si j'écoute bien le déroulé de la matinée, je sens qu'avec ces compagnons qui constituent avec moi ce qu'on appelait improprement l'aile gauche, nous allons finir par nous trouver à l'aile droite !
Je vous mets quand même tous en garde : si vous voulez que le Parti socialiste prenne son envol, il ne pourra pas le faire que s'il n'a qu'une aile gauche. Il lui en faut deux, avec le corps au centre, sinon, ça ne marche pas. Mais alors, trois ailes gauches, Jean-Luc, tu vois ce que cela va donner, il va avancer en vrille !
J'aurais pu prendre l'image de voiliers de la quille*, mais restons-en à l'oiseau.
Mes chers camarades, avec un certain nombre de socialistes, nous avons, depuis un certain nombre d'années, très exactement sur la période de deux congrès, défendu, avec constance, me semble-t-il, l'idée qu'il fallait changer la ligne politique de notre parti. Nous disions très précisément centre de gravité de sa ligne politique. Nous n'avons jamais prôné le grand soir, ni le goss* plan*, comme je l'ai entendu parfois, mais nous pensions simplement qu'il fallait que le Parti socialiste affirme clairement et franchement son opposition franche, résolue au système libéral.
Nous l'avons défendu pendant deux congrès, et nous l'avons défendu jusqu'à rester dans la minorité, en refusant la synthèse parce que nous pensions que c'était nécessaire. Avions-nous tort ? Avions-nous raison ? Chacun apprécie selon ce qu'a été sa trajectoire et son comportement. Mais j'aurais tendance à dire aujourd'hui que nous avions a priori raison, car le discours évolue.
Vous comprenez bien que ce n'est pas le vote du 29 mai qui va nous faire changer d'avis dans ce qui nous concerne. Nous n'avons pas de ce vote une lecture négative, nous ne pensons pas qu'il a constitué un refus indifférencié, une forme exacerbée de désespérance, de morosité, voire de rejet. Nous pensons, au contraire, que par sa sociologie, par sa composition, je vais vous épargner les chiffres que vous connaissez toutes et tous, il a constitué un vote très politique avec, évidemment, aussi, ses zones d'ombre, comme tout vote, il n'y a pas un vote pur à 100 %, sinon, on se demande ce que feraient les politologues, ils n'auraient plus de marge d'interprétation, ce serait grave pour eux et embêtant. Mais dans l'ensemble, ce vote a quand même été très clair.
Que portait-il, ce vote ? Il portait le rejet d'une orientation libérale, il portait le rejet d'une conception de l'Europe que nous avons sous les yeux, et qui risquait d'aggraver dans les années à venir le dumping social, le chômage, la précarité, bref, qui risquait de développer une société de plus en plus inégalitaire, une société qui ne correspond en rien, ou à peu de choses en tout cas, au modèle que nous défendons, les socialistes, depuis longtemps, et qui, même au-delà des socialistes, constitue ce modèle civilisationnel, européen, qu'on appelle modèle humaniste, par opposition au modèle anglo-saxon.
Je crois que ne pas percevoir cela, c'est éventuellement passer à côté d'une lourde réalité. Et nous, nous considérons évidemment que ce vote doit constituer le socle d'une nouvelle orientation politique, qui doit constituer le socle de la reconquête pour notre parti de toutes les forces de gauche du pouvoir dans ce pays.
Mais la conquête, pour quoi faire ? Une alternance, une simple alternance à laquelle l'accent serait mis incessamment sur le poids des contraintes, sur les trois thèses des marges, sur la culture du gouvernement (ah ! le terme détestable !)... En quoi, n'est-ce pas, subir la contrainte peut constituer une culture ? Je voudrais qu'on m'explique un jour.
Si on veut parler de responsabilités, mais mes chers camarades, toutes celles et ceux, ils sont nombreux ici, qui gèrent des collectivités locales, des mairies, des départements, des régions, qui ont été aux responsabilités, savent bien que l'exercice du pouvoir, c'est la contrainte tous les matins, et c'est le compromis bien souvent tous les soirs. Mais cela ne peut pas constituer un horizon politique, ce genre de discours. L'horizon politique, ce sont les objectifs, et il ne peut pas y avoir de dynamique sans une certaine forme d'espérance.
Donc nous sommes pour une alternative, alternative à la mondialisation libérale dont nous pensons qu'il faudrait au minimum avoir une claire appréciation entre nous. Je ne veux pas vous infliger tout le catalogue de ce qu'il y aura dans la contribution que nous déposerons mardi, mais une alternative, oui, à l'Europe libérale, et une alternative à la politique libérale que mène aujourd'hui la droite dans ce pays.
Et bien entendu, François, pour que cela devienne la ligne du Parti, il faudra qu'il y ait une majorité, parce qu'il y a deux hypothèses : ou bien tout le Parti socialiste se regroupe derrière cette ligne-là, ou bien il faudra une majorité, une minorité, ou je ne sais pas quoi. Et rassure-toi, à mon avis, des candidats au premier secrétariat, il y en aura ! Je ne parle pas pour moi, là...
Donc oui, nous allons déposer une contribution, puis nous allons présenter devant, comme d'habitude, les militants une motion, et cet motion a vocation à s'inscrire dans un pacte majoritaire. Nous n'avons pas vocation à nous battre éternellement, n'est-ce pas, pour meubler les bancs de la minorité. Je le dis très tranquillement. Donc, nous allons essayer de convaincre qu'il faut une majorité nouvelle, ou en tout cas une majorité qui aurait changé d'orientation, parce que c'est cela qui compte pour nous : le nom du premier secrétaire ou de la première secrétaire, pourquoi pas, cela fait une novation, ou une rénovation, je ne sais pas. Très bien, mais sur quelle ligne politique ?
J'ai prévenu, en son temps, tu m'en donneras acte, François, devant le bureau national, des difficultés que présentait la mixité de deux logiques : celle de la proportionnelle dans le Parti, et de la logique majoritaire en d'autres occasions. Il y aura des contradictions, il y en a déjà eu, il peut y en avoir d'autres. J'ai essayé d'attirer l'attention là-dessus, mais cela ne va pas faire l'objet d'un congrès, j'en conviens.
Donc, je reviens : alternative politique.
Sur la stratégie, je veux bien qu'on cultive les fausses oppositions ou les faux débats, il y en a déjà eu : réformer une de gauche contre radicaux révolutionnaires ou je ne sais quoi, comme si les socialistes n'étaient pas réformistes depuis le congrès de Tours. Ensuite, aujourd'hui, il y aurait ceux qui penseraient que c'est aux autres à nous dicter notre conduite, alors qu'il y aurait ceux qui défendraient le fait que c'est le Parti socialiste qui doit déterminer lui-même ses objectifs, et c'est la moindre des choses, sinon on l'auto-dissout, franchement, on ne voit pas à quoi il servirait. Donc, les débats ne sont pas là.
Et je tiens à dire très tranquillement que ce n'est pas en cultivant le patriotisme de parti qu'on répondra aux défis politiques du moment.
Oui, moi aussi, je pense que les partis politiques sont indispensables à la démocratie. Mais je l'ai dit, et je le répète au risque de me faire secouer dans cette salle, parti politique, ce n'est pas une fin, c'est un moyen.
Il arrive, cher camarade, puisque tu te crois obligé de m'interpeller, que l'on soit en contradiction, et ce n'est pas la première fois dans l'histoire.
Les règles, c'est d'abord de répondre à mon sens à moi, mais chacun a son interprétation sans doute, répondre aux défis politiques du moment et aux aspirations du peuple de gauche. Le reste a son importance, mais on n'inverse pas les objectifs. Mais non, pas à chacun ses règles. Vous savez bien que c'est l'histoire. Vous savez bien qu'on ne règle pas des questions politiques lourdes simplement par un rappel de règles bureaucratiques à l'intérieur d'un parti politique. Si vous ne l'avez pas compris, moi, je me ferais un peu de souci pour nous. Tu n'as pas à t'en faire car, quand il y a eu des moments décisifs... Tu sais, cher camarade, tu l'as peut-être oublié... Personne n'a interrompu les autres. Mais les camarades qui se croient Ils sont vraiment nerveux !
Donc, nous aurons une contribution, nous aurons une motion, nous demanderons une alternative. S'agissant de la stratégie, nous avons dit clairement, car, sur l'hypothèse du rassemblement de la gauche, tout le monde est d'accord, comment y parvenir ? On nous dit par le contrat, mais personne n'a dit autre chose. Je suis désolé, pour ce qui me concerne, pour ce qui nous concerne, nous avons parlé de contrats de législature sur la base de propositions respectives de chaque formation politique qui souhaiterait participer au rassemblement de la gauche et qui souhaiterait s'engager ensuite pour la durée d'une législative dans la gestion de ce pays.
Donc je ne vois pas très bien où sont les écarts, si ce n'est jouer avec les mots, si ce n'est aussi mettre des arrière-pensées là où il n'y en a pas.
Je voudrais, après avoir dit qu'on présenterait une contribution, ce que tout le monde savait, en revanche, et je terminerai par-là, faire preuve d'une préoccupation. Ce congrès va avoir lieu dans une chronologie assez resserrée. Je ne vais pas rouvrir le débat que nous avons déjà eu sur le fait que nous aurions préféré que la chronologie ne soit pas celle-là. Mais ce que je ne souhaite pas pour ma part, ce que nous ne souhaitons pas, c'est donner le sentiment aux Français que nous ne sommes préoccupés que de nous-mêmes. Nous sommes face à un gouvernement qui multiplie les provocations, qui multiplie les coups bas, et notre pays souffre. Ce gouvernement se comporte comme les restes d'une armée déligitimée politiquement, qui se serait constituée en commando et qui pense qu'elle peut, en tout cas sur le plan législation sociale, non pas passer les choses au karcher, mais les passer au lance-flammes.
C'est à cette réalité-là que nous sommes confrontés aujourd'hui. Je pense que les Français ne comprendraient pas que, tout au long de l'automne, durant l'été, au long de l'automne, nous donnions le sentiment que nous ne sommes pas en situation, faute de cohérence dans le dispositif socialiste, de mener la bataille de l'opposition telle qu'elle doit être menée.
C'est la raison pour laquelle le dire est une chose, mais je te demande de faire un signe concret, Monsieur le Premier secrétaire, mon cher François, c'est de réunir, début septembre, un séminaire de direction pour qu'on réfléchisse tous ensemble aux conditions politiques de la rentrée, et qu'on détermine ensemble les actions à mener, pour que les Français n'aient pas le sentiment que nous sommes uniquement préoccupés du congrès du Parti socialiste et de nous-mêmes, car je considère, pour ma part, que c'est dangereux. Je ne voudrais pas que les Français, à un moment donné, pensent que la seule préoccupation des socialistes, ce sont leurs équilibres internes et les enjeux de pouvoir propres à leur formation.
Je pense, en plus, que c'est ce qu'on attend de nous, et je crois que tout le monde a cet avis. Donc, notre congrès, oui, mais ne pas abandonner pendant ce temps-là le combat politique, et faire un signe concret, de façon à ce que M. de Villepin et quelques autres, dont Monsieur le ministre de l'Intérieur, sachent que nous avons encore quelques capacités et quelques ressources pour nous opposer à l'entreprise de destruction qu'ils mènent systématiquement.
Pour le reste, mes chers camarades, je pense qu'il faut que le congrès se déroule dans les meilleures conditions. Et j'entends parler d'unité, d'unité, tout le monde est pour l'unité, le problème, c'est : sur quelles bases ? Car on peut toujours assembler l'eau et le feu, essayer de mettre cela dans la même marmite, encore qu'à mon humble avis, nous n'en soyons pas là, il y a peut-être des écarts, mais enfin, ils ne justifient pas ce genre de comparaison excessive. En tout cas, unité, oui, mais unité sur une base politique, unité sur une orientation, car je le répète, après ce qui s'est passé le 29 mai, comme ce qui s'était passé précédemment, et cela a été rappelé par une personne qui m'a précédée à la tribune, donc je ne le referai pas, ce n'est pas le premier avis que nous recevons, ce n'est pas le premier, le 29 mai, si nous ne comprenons pas ce que souhaite et ce à quoi aspire le peuple de gauche, nous aurons de nouvelles déconvenues.
Je termine par une autre petite considération. Lorsqu'on dit dans ce pays qu'il faut répondre aux aspirations du peuple de gauche, on s'entend répondre ou on s'entend dire : le Parti n'a pas à suivre le peuple, il doit lui ouvrir de nouveaux horizons, il doit lui tracer un chemin. Mais c'est au peuple à dire si ce chemin lui convient ou si ces horizons lui conviennent, parce que, de l'un à l'autre, on ne sait plus très bien où on va. J'ai entendu parfois des choses un petit peu curieuses, je l'ai lu même en plusieurs endroits, du genre : le suffrage universel, vous savez si François Mitterrand s'en était remis au suffrage universel, on aurait toujours la peine de mort ! Non, mes chers camarades. François Mitterrand a annoncé qu'un jour, avant le premier toujours, qu'il abolirait la peine de mort, et le peuple français a voté, et il a voté l'abolition de la peine de mort.
Donc le peuple de gauche sait ce qu'il veut, et nous sommes là pour répondre à ses espérances, et non pas pour faire son bonheur malgré lui ou à côté de lui. Merci.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 12 juillet 2005)
Je vous mets quand même tous en garde : si vous voulez que le Parti socialiste prenne son envol, il ne pourra pas le faire que s'il n'a qu'une aile gauche. Il lui en faut deux, avec le corps au centre, sinon, ça ne marche pas. Mais alors, trois ailes gauches, Jean-Luc, tu vois ce que cela va donner, il va avancer en vrille !
J'aurais pu prendre l'image de voiliers de la quille*, mais restons-en à l'oiseau.
Mes chers camarades, avec un certain nombre de socialistes, nous avons, depuis un certain nombre d'années, très exactement sur la période de deux congrès, défendu, avec constance, me semble-t-il, l'idée qu'il fallait changer la ligne politique de notre parti. Nous disions très précisément centre de gravité de sa ligne politique. Nous n'avons jamais prôné le grand soir, ni le goss* plan*, comme je l'ai entendu parfois, mais nous pensions simplement qu'il fallait que le Parti socialiste affirme clairement et franchement son opposition franche, résolue au système libéral.
Nous l'avons défendu pendant deux congrès, et nous l'avons défendu jusqu'à rester dans la minorité, en refusant la synthèse parce que nous pensions que c'était nécessaire. Avions-nous tort ? Avions-nous raison ? Chacun apprécie selon ce qu'a été sa trajectoire et son comportement. Mais j'aurais tendance à dire aujourd'hui que nous avions a priori raison, car le discours évolue.
Vous comprenez bien que ce n'est pas le vote du 29 mai qui va nous faire changer d'avis dans ce qui nous concerne. Nous n'avons pas de ce vote une lecture négative, nous ne pensons pas qu'il a constitué un refus indifférencié, une forme exacerbée de désespérance, de morosité, voire de rejet. Nous pensons, au contraire, que par sa sociologie, par sa composition, je vais vous épargner les chiffres que vous connaissez toutes et tous, il a constitué un vote très politique avec, évidemment, aussi, ses zones d'ombre, comme tout vote, il n'y a pas un vote pur à 100 %, sinon, on se demande ce que feraient les politologues, ils n'auraient plus de marge d'interprétation, ce serait grave pour eux et embêtant. Mais dans l'ensemble, ce vote a quand même été très clair.
Que portait-il, ce vote ? Il portait le rejet d'une orientation libérale, il portait le rejet d'une conception de l'Europe que nous avons sous les yeux, et qui risquait d'aggraver dans les années à venir le dumping social, le chômage, la précarité, bref, qui risquait de développer une société de plus en plus inégalitaire, une société qui ne correspond en rien, ou à peu de choses en tout cas, au modèle que nous défendons, les socialistes, depuis longtemps, et qui, même au-delà des socialistes, constitue ce modèle civilisationnel, européen, qu'on appelle modèle humaniste, par opposition au modèle anglo-saxon.
Je crois que ne pas percevoir cela, c'est éventuellement passer à côté d'une lourde réalité. Et nous, nous considérons évidemment que ce vote doit constituer le socle d'une nouvelle orientation politique, qui doit constituer le socle de la reconquête pour notre parti de toutes les forces de gauche du pouvoir dans ce pays.
Mais la conquête, pour quoi faire ? Une alternance, une simple alternance à laquelle l'accent serait mis incessamment sur le poids des contraintes, sur les trois thèses des marges, sur la culture du gouvernement (ah ! le terme détestable !)... En quoi, n'est-ce pas, subir la contrainte peut constituer une culture ? Je voudrais qu'on m'explique un jour.
Si on veut parler de responsabilités, mais mes chers camarades, toutes celles et ceux, ils sont nombreux ici, qui gèrent des collectivités locales, des mairies, des départements, des régions, qui ont été aux responsabilités, savent bien que l'exercice du pouvoir, c'est la contrainte tous les matins, et c'est le compromis bien souvent tous les soirs. Mais cela ne peut pas constituer un horizon politique, ce genre de discours. L'horizon politique, ce sont les objectifs, et il ne peut pas y avoir de dynamique sans une certaine forme d'espérance.
Donc nous sommes pour une alternative, alternative à la mondialisation libérale dont nous pensons qu'il faudrait au minimum avoir une claire appréciation entre nous. Je ne veux pas vous infliger tout le catalogue de ce qu'il y aura dans la contribution que nous déposerons mardi, mais une alternative, oui, à l'Europe libérale, et une alternative à la politique libérale que mène aujourd'hui la droite dans ce pays.
Et bien entendu, François, pour que cela devienne la ligne du Parti, il faudra qu'il y ait une majorité, parce qu'il y a deux hypothèses : ou bien tout le Parti socialiste se regroupe derrière cette ligne-là, ou bien il faudra une majorité, une minorité, ou je ne sais pas quoi. Et rassure-toi, à mon avis, des candidats au premier secrétariat, il y en aura ! Je ne parle pas pour moi, là...
Donc oui, nous allons déposer une contribution, puis nous allons présenter devant, comme d'habitude, les militants une motion, et cet motion a vocation à s'inscrire dans un pacte majoritaire. Nous n'avons pas vocation à nous battre éternellement, n'est-ce pas, pour meubler les bancs de la minorité. Je le dis très tranquillement. Donc, nous allons essayer de convaincre qu'il faut une majorité nouvelle, ou en tout cas une majorité qui aurait changé d'orientation, parce que c'est cela qui compte pour nous : le nom du premier secrétaire ou de la première secrétaire, pourquoi pas, cela fait une novation, ou une rénovation, je ne sais pas. Très bien, mais sur quelle ligne politique ?
J'ai prévenu, en son temps, tu m'en donneras acte, François, devant le bureau national, des difficultés que présentait la mixité de deux logiques : celle de la proportionnelle dans le Parti, et de la logique majoritaire en d'autres occasions. Il y aura des contradictions, il y en a déjà eu, il peut y en avoir d'autres. J'ai essayé d'attirer l'attention là-dessus, mais cela ne va pas faire l'objet d'un congrès, j'en conviens.
Donc, je reviens : alternative politique.
Sur la stratégie, je veux bien qu'on cultive les fausses oppositions ou les faux débats, il y en a déjà eu : réformer une de gauche contre radicaux révolutionnaires ou je ne sais quoi, comme si les socialistes n'étaient pas réformistes depuis le congrès de Tours. Ensuite, aujourd'hui, il y aurait ceux qui penseraient que c'est aux autres à nous dicter notre conduite, alors qu'il y aurait ceux qui défendraient le fait que c'est le Parti socialiste qui doit déterminer lui-même ses objectifs, et c'est la moindre des choses, sinon on l'auto-dissout, franchement, on ne voit pas à quoi il servirait. Donc, les débats ne sont pas là.
Et je tiens à dire très tranquillement que ce n'est pas en cultivant le patriotisme de parti qu'on répondra aux défis politiques du moment.
Oui, moi aussi, je pense que les partis politiques sont indispensables à la démocratie. Mais je l'ai dit, et je le répète au risque de me faire secouer dans cette salle, parti politique, ce n'est pas une fin, c'est un moyen.
Il arrive, cher camarade, puisque tu te crois obligé de m'interpeller, que l'on soit en contradiction, et ce n'est pas la première fois dans l'histoire.
Les règles, c'est d'abord de répondre à mon sens à moi, mais chacun a son interprétation sans doute, répondre aux défis politiques du moment et aux aspirations du peuple de gauche. Le reste a son importance, mais on n'inverse pas les objectifs. Mais non, pas à chacun ses règles. Vous savez bien que c'est l'histoire. Vous savez bien qu'on ne règle pas des questions politiques lourdes simplement par un rappel de règles bureaucratiques à l'intérieur d'un parti politique. Si vous ne l'avez pas compris, moi, je me ferais un peu de souci pour nous. Tu n'as pas à t'en faire car, quand il y a eu des moments décisifs... Tu sais, cher camarade, tu l'as peut-être oublié... Personne n'a interrompu les autres. Mais les camarades qui se croient Ils sont vraiment nerveux !
Donc, nous aurons une contribution, nous aurons une motion, nous demanderons une alternative. S'agissant de la stratégie, nous avons dit clairement, car, sur l'hypothèse du rassemblement de la gauche, tout le monde est d'accord, comment y parvenir ? On nous dit par le contrat, mais personne n'a dit autre chose. Je suis désolé, pour ce qui me concerne, pour ce qui nous concerne, nous avons parlé de contrats de législature sur la base de propositions respectives de chaque formation politique qui souhaiterait participer au rassemblement de la gauche et qui souhaiterait s'engager ensuite pour la durée d'une législative dans la gestion de ce pays.
Donc je ne vois pas très bien où sont les écarts, si ce n'est jouer avec les mots, si ce n'est aussi mettre des arrière-pensées là où il n'y en a pas.
Je voudrais, après avoir dit qu'on présenterait une contribution, ce que tout le monde savait, en revanche, et je terminerai par-là, faire preuve d'une préoccupation. Ce congrès va avoir lieu dans une chronologie assez resserrée. Je ne vais pas rouvrir le débat que nous avons déjà eu sur le fait que nous aurions préféré que la chronologie ne soit pas celle-là. Mais ce que je ne souhaite pas pour ma part, ce que nous ne souhaitons pas, c'est donner le sentiment aux Français que nous ne sommes préoccupés que de nous-mêmes. Nous sommes face à un gouvernement qui multiplie les provocations, qui multiplie les coups bas, et notre pays souffre. Ce gouvernement se comporte comme les restes d'une armée déligitimée politiquement, qui se serait constituée en commando et qui pense qu'elle peut, en tout cas sur le plan législation sociale, non pas passer les choses au karcher, mais les passer au lance-flammes.
C'est à cette réalité-là que nous sommes confrontés aujourd'hui. Je pense que les Français ne comprendraient pas que, tout au long de l'automne, durant l'été, au long de l'automne, nous donnions le sentiment que nous ne sommes pas en situation, faute de cohérence dans le dispositif socialiste, de mener la bataille de l'opposition telle qu'elle doit être menée.
C'est la raison pour laquelle le dire est une chose, mais je te demande de faire un signe concret, Monsieur le Premier secrétaire, mon cher François, c'est de réunir, début septembre, un séminaire de direction pour qu'on réfléchisse tous ensemble aux conditions politiques de la rentrée, et qu'on détermine ensemble les actions à mener, pour que les Français n'aient pas le sentiment que nous sommes uniquement préoccupés du congrès du Parti socialiste et de nous-mêmes, car je considère, pour ma part, que c'est dangereux. Je ne voudrais pas que les Français, à un moment donné, pensent que la seule préoccupation des socialistes, ce sont leurs équilibres internes et les enjeux de pouvoir propres à leur formation.
Je pense, en plus, que c'est ce qu'on attend de nous, et je crois que tout le monde a cet avis. Donc, notre congrès, oui, mais ne pas abandonner pendant ce temps-là le combat politique, et faire un signe concret, de façon à ce que M. de Villepin et quelques autres, dont Monsieur le ministre de l'Intérieur, sachent que nous avons encore quelques capacités et quelques ressources pour nous opposer à l'entreprise de destruction qu'ils mènent systématiquement.
Pour le reste, mes chers camarades, je pense qu'il faut que le congrès se déroule dans les meilleures conditions. Et j'entends parler d'unité, d'unité, tout le monde est pour l'unité, le problème, c'est : sur quelles bases ? Car on peut toujours assembler l'eau et le feu, essayer de mettre cela dans la même marmite, encore qu'à mon humble avis, nous n'en soyons pas là, il y a peut-être des écarts, mais enfin, ils ne justifient pas ce genre de comparaison excessive. En tout cas, unité, oui, mais unité sur une base politique, unité sur une orientation, car je le répète, après ce qui s'est passé le 29 mai, comme ce qui s'était passé précédemment, et cela a été rappelé par une personne qui m'a précédée à la tribune, donc je ne le referai pas, ce n'est pas le premier avis que nous recevons, ce n'est pas le premier, le 29 mai, si nous ne comprenons pas ce que souhaite et ce à quoi aspire le peuple de gauche, nous aurons de nouvelles déconvenues.
Je termine par une autre petite considération. Lorsqu'on dit dans ce pays qu'il faut répondre aux aspirations du peuple de gauche, on s'entend répondre ou on s'entend dire : le Parti n'a pas à suivre le peuple, il doit lui ouvrir de nouveaux horizons, il doit lui tracer un chemin. Mais c'est au peuple à dire si ce chemin lui convient ou si ces horizons lui conviennent, parce que, de l'un à l'autre, on ne sait plus très bien où on va. J'ai entendu parfois des choses un petit peu curieuses, je l'ai lu même en plusieurs endroits, du genre : le suffrage universel, vous savez si François Mitterrand s'en était remis au suffrage universel, on aurait toujours la peine de mort ! Non, mes chers camarades. François Mitterrand a annoncé qu'un jour, avant le premier toujours, qu'il abolirait la peine de mort, et le peuple français a voté, et il a voté l'abolition de la peine de mort.
Donc le peuple de gauche sait ce qu'il veut, et nous sommes là pour répondre à ses espérances, et non pas pour faire son bonheur malgré lui ou à côté de lui. Merci.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 12 juillet 2005)