Texte intégral
S. Paoli : "Sévère avertissement", titre ce matin Les Echos. Nous posions, il y a quelques minutes, la question à F. Hollande, du test national. Le résultat de ce premier tour, le recevez-vous comme un message national ?
R - "Je le ressens surtout comme un très mauvais résultat, un très mauvais résultat qui sanctionne d'abord notre division, peut-être plus qu'une politique qui peut être contestée. Mais notre division, entre l'UMP et l'UDF, a certainement créé beaucoup de désarroi parmi nos électeurs. Ensuite, c'est vrai que ce sont des élections intermédiaires et que c'est l'occasion de se défouler à peu de frais, en général. Enfin, il est vrai que le Gouvernement a le courage de mettre en oeuvre des réformes indispensables à la modernisation de notre pays, mais qui créent du mécontentement, parce qu'elles changent des conservatismes."
P. Le Marc : Vous ne voyez dans ce message aucune demande de modification de la politique, notamment de la politique sociale du Gouvernement, aucune demande de modification des méthodes du Gouvernement, aucune demande de changement d'hommes aussi, parce que ce Gouvernement, finalement, déçoit beaucoup les Français ?
R - "Ce Gouvernement ne déçoit pas plus les Français que tous les gouvernements qui ont le courage de réformer. Peut-il y a-t-il besoin d'expliquer davantage notre politique, je le crois ; elle est souvent mal comprise. Par exemple, c'est vrai que les revendications sociales qui ont convergé dans la période pré-électorale - et de ce point de vue, elles ne sont pas nécessairement très spontanées - ont créé un mauvais climat et peut-être avons-nous un déficit d'explication..."
P. Le Marc : Il s'agit simplement de cela ? Un déficit d'explication ?
R - "Non, justement, je dis que fondamentalement, à l'inverse, la désunion de la majorité est le phénomène qui génère l'ensemble des difficultés. Le déficit d'explication vient derrière cela. Mais d'abord, le fait que nous soyons divisés, le fait que que le débat de la motion de censure, par exemple, entre l'UMP et l'UDF, le climat ait été tout à fait désastreux, de ce point de vue-là, c'est le signe d'un désarroi important pour notre électorat. La première chose que nous devons faire, c'est de reconstruire notre majorité avec des mécanismes institutionnels plus forts."
S. Paoli : Précisément, cette désunion qui a conduit aux résultats du premier tour va-t-elle se transformer dans la semaine qui vient en une bonne union pour le deuxième tour ?
R - "Je le crois. Je l'espère et je le crois, parce que, tant de la part de l'UDF que de la part de l'UMP, nous sommes bien conscients que c'est une raison fondamentale - pas la seule, naturellement - de manque de crédibilité dans notre discours. Dès lors que l'on est désunis, tout ce que l'on peut dire, manque de crédibilité."
S. Paoli : Vous avez eu, les uns et les autres - vous-même, A. Juppé... -, à l'endroit de F. Bayrou, des propos très sévères hier soir. Comment peut-on facilement reconstruire une union quand on est à ce point dans une forme d'affrontement ?
R - "Je ne crois pas avoir eu des propos sévères. Je dis simplement que ce qui a été dit au moment de la motion de censure et, effectivement, les répliques que cela a pu entraîner, ceci a créé un très mauvais climat. Je crois que l'on s'est aussi dit des vérités à cette occasion. Et finalement, c'est sur des vérités que l'on peut construire quelque chose de neuf. Donc, maintenant, il faut tenir compte de cela et il faut, ensemble, construire une majorité nouvelle, en tenant sans doute, de la part de l'UMP, davantage compte de ce qu'est l'UDF, parce que même si l'UDF est arrivée derrière l'UMP dans toutes ces élections, elle a fait un bon score. Ceci doit être reconnu comme tel et je pense que la place de l'UDF, dans la majorité, doit être renforcée."
P. Le Marc : L'UDF souhaite des modifications, une nouvelle orientation de la politique, des changements de méthode : comment cela peut-il se passer ? Est-ce que vous allez accepter cela ou pas ?
R - "Je pense que nous devons avoir un dialogue avec eux, nous devons parler avec eux..."
P. Le Marc : Sur quoi peut se construire cette nouvelle union ? Sur quelle ligne politique ?
R - "Sur un dialogue approfondi. On ne va pas faire ce matin le programme de la majorité, mais ce que je crois, c'est que si nous avons un bon dialogue avec l'UDF, nous trouverons une politique commune."
S. Paoli : S'agissant du chef du Gouvernement, estimez-vous ce matin, que la question de J.-P. Raffarin est posée ? Dans le journal de 8h00, plusieurs analyses étaient présentées, notamment celle qui évoquait la question d'une quadruple défaite pour le Premier ministre. Est-ce que cela entraîne des conséquences ? Y aura-t-il un "effet Edith Cresson" pour J.-P. Raffarin ?
R - "D'abord, je vous fait quand même observer que c'est une élection à deux tours. Donc, laissez-nous la chance de mobiliser notre électorat dans la semaine qui vient ! Et les jugements catégoriques et parfois sommaires que l'on entend, peut-être peut-on attendre le deuxième tour pour les prononcer. Deuxièmement, c'est vrai que les résultats seront probablement, aux régionales, globalement défavorables, parce que nous partions de bas. D'abord, la gauche n'avait que huit régions, elle ne pouvait qu'en gagner. Donc, il est probable qu'à l'arrivée, nous perdrons un certain nombre de régions. En même temps, nous devrions gagner un certain nombre de départements. Ce n'est pas à la mode de parler de parler des élections cantonales, mais sur ce point-là, la majorité est plutôt en progrès : nous allons probablement gagner cinq ou six départements - enfin, là non plus, je ne veux pas vendre la peau de l'ours, les choses sont à faire. A partir de là, on pourra tirer un certain nombre de conclusions. Mais la première conclusion à tirer, c'est une meilleure organisation de notre majorité présidentielle."
P. Le Marc : Mais tout de même, le Premier ministre a été sanctionné par ce vote ; les ministres eux-mêmes ont été sévèrement sanctionnés par ce vote. Est-ce que le Président peut ne pas en tenir compte ?
R - "Pour ce qui est de la sanction, tout de même, jusqu'à un certain point... D'abord, pour les résultats de Poitou-Charentes qui sont imputés au Premier ministre, vous savez qu'il n'était pas candidat, il a soutenu..."
P. Le Marc : Oui, mais il fait campagne, c'était sa région ! Vous ne pouvez pas tenir cet argument, ce n'est pas possible !
R - "Quand même ! Quand il était candidat, il était élu ; quand il n'est pas candidat, il n'est pas élu par définition... Mais celle qui lui succède est en difficulté..."
P. Le Marc : Ce n'était pas sa région ?
R - "C'est sa région, mais justement, comme il n'était pas candidat, ce n'est pas lui qui la défendait. Donc, c'était plutôt une faiblesse pour la majorité, qu'elle ne soit pas représentée, précisément, par le titulaire sortant, et qui, jusque-là..."
P. Le Marc : Donc pas de vote-sanction ?
R - "Je ne dis pas cela... Je vous invite simplement à nuancer les jugements catégoriques prononcés ce matin."
S. Paoli : C'est vrai qu'il y a une valeur de symbole qui est fort là, sur le Poitou-Charentes, s'agissant de J.-P. Raffarin...
R - "Oui, mais bien entendu, le Premier ministre ne peut pas dire que c'est un succès pour lui, c'est évident. Mais de là à dire que c'est une sanction contre quelqu'un qui n'était pas candidat, vous me permettrez de soulever le paradoxe."
P. Le Marc : Oui, une défense paradoxale... Mais les ministres eux-mêmes ont été sanctionnés...
R - "Il y en a qui sont élus..."
P. Le Marc : Monsieur Delevoye, dans le Nord-Pas-de-Calais, devancé par C. Lang, cela ne vous fait rien ?
R - "C'est un très mauvais résultat."
P. Le Marc : Comment l'expliquez-vous ?
R - "D'abord, c'est une région très ancrée à gauche, très difficile. Et nous avons, en Nord-Pas-de-Calais en particulier, subi une division à l'intérieur de la majorité, qui porte, malheureusement, des conséquences néfastes."
S. Paoli : Quelle lecture faites-vous précisément de ce fait politique important, qui est l'implantation, au plan national, solide, du FN ?
R - "Je crois que le FN, malheureusement, reste très stable, que son électorat est très cristallisé autour de la personne de J.-M. Le Pen, et que ce sont les autres forces politiques qui sont mouvantes, alors que celle-ci reste stable..."
S. Paoli : Comment appréhendez-vous la question des alliances, puisqu'elle va se poser ? Il va y avoir beaucoup de triangulaires dans ce deuxième tour. Quelle sera l'attitude de la majorité ?
R - "Les triangulaires, cela profite aussi à la gauche, et ce n'est pas du vote-sanction..."
P. Le Marc : Puisque nous parlons du FN, est-ce que le succès du FN ne marque pas les limites de la politique de N. Sarkozy en matière de sécurité ?
R - "En Ile-de-France, ce n'est pas vrai, au contraire..."
P. Le Marc : L'Ile-de-France n'est pas toute la France...
R - "D'accord, mais les problèmes de sécurité... Vous savez, la politique de N. Sarkozy, il faut lui donner le temps de produire tous ses effets. Elle en produit déjà d'important. Et en Ile-de-France, où, en matière de sécurité, on était les plus exposés, elle commence déjà à être vécue par les électeurs comme un véritable succès. Et si J.-F. Copé à une chance sérieuse pour dimanche prochain, c'est en partie grâce à la politique de N. Sarkozy."
S. Paoli : La bataille va être très serrée en Ile-de-France. Comment l'envisagez-vous ? Quelle sera la stratégie ?
R - "Ailleurs, vous nous dites qu'elle est perdue ! Elle est serrée, c'est donc mieux, non ?!"
S. Paoli : On ne dit rien, on regarde comme vous les résultats, ce matin ! Votre stratégie pour le deuxième tour ?
R - "L'union. D'abord l'union. Oui, parce que c'est la désunion qui nous fait perdre, c'est l'union qui fait gagner."
P. Le Marc : Est-ce que cette élection ne marque pas la fin de la conception du parti unique de la droite, et donc, de la fonction et de l'identité même de l'UMP ?
R - "En tout les cas, ce que je crois, s'il y a une faute que nous avons commise dans la gestion de l'UMP, c'est sans doute de ne pas avoir laissé s'exprimer davantage la diversité des sensibilités. Ce n'était pas la peine de rassembler, à l'intérieur d'une même formation, des sensibilités assez différentes - le RPR, DL et l'UDF - pour finalement donner le sentiment d'un tout complètement homogène et sans distinction. Je crois que dans l'avenir, il faudra permettre à l'UMP d'exprimer davantage de diversité des sensibilités."
S. Paoli : Avez-vous l'impression que cet environnement international grave, dans lequel nous nous trouvons - je ne fais pas simplement référence à l'Espagne ; on pourrait aussi évoquer ce qui vient de se passer cette nuit au Proche-Orient - est de nature à encourager un comportement différent des citoyens, et peut-être, justement, un recours différent à son implication politique ?
R - "Je ne sais pas justement si les Français prennent suffisamment compte de la gravité de la situation internationale. On a parfois le sentiment que - c'est valable pour la droite comme pour la gauche - nous sommes enlisés dans nos querelles parfois un peu subalternes, par rapport à la gravité des enjeux qui ont lieu dans le monde. C'est vrai que, par exemple, la France est, pour le moment, miraculeusement à l'abri du terrorisme. Mais c'est une situation extrêmement précaire et nous sommes dans un monde extrêmement instable, on le voit bien. Souvent, on a le sentiment - encore une fois, je le dis pour la droite comme pour la gauche - de danser sur un volcan."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 mars 2004)
R - "Je le ressens surtout comme un très mauvais résultat, un très mauvais résultat qui sanctionne d'abord notre division, peut-être plus qu'une politique qui peut être contestée. Mais notre division, entre l'UMP et l'UDF, a certainement créé beaucoup de désarroi parmi nos électeurs. Ensuite, c'est vrai que ce sont des élections intermédiaires et que c'est l'occasion de se défouler à peu de frais, en général. Enfin, il est vrai que le Gouvernement a le courage de mettre en oeuvre des réformes indispensables à la modernisation de notre pays, mais qui créent du mécontentement, parce qu'elles changent des conservatismes."
P. Le Marc : Vous ne voyez dans ce message aucune demande de modification de la politique, notamment de la politique sociale du Gouvernement, aucune demande de modification des méthodes du Gouvernement, aucune demande de changement d'hommes aussi, parce que ce Gouvernement, finalement, déçoit beaucoup les Français ?
R - "Ce Gouvernement ne déçoit pas plus les Français que tous les gouvernements qui ont le courage de réformer. Peut-il y a-t-il besoin d'expliquer davantage notre politique, je le crois ; elle est souvent mal comprise. Par exemple, c'est vrai que les revendications sociales qui ont convergé dans la période pré-électorale - et de ce point de vue, elles ne sont pas nécessairement très spontanées - ont créé un mauvais climat et peut-être avons-nous un déficit d'explication..."
P. Le Marc : Il s'agit simplement de cela ? Un déficit d'explication ?
R - "Non, justement, je dis que fondamentalement, à l'inverse, la désunion de la majorité est le phénomène qui génère l'ensemble des difficultés. Le déficit d'explication vient derrière cela. Mais d'abord, le fait que nous soyons divisés, le fait que que le débat de la motion de censure, par exemple, entre l'UMP et l'UDF, le climat ait été tout à fait désastreux, de ce point de vue-là, c'est le signe d'un désarroi important pour notre électorat. La première chose que nous devons faire, c'est de reconstruire notre majorité avec des mécanismes institutionnels plus forts."
S. Paoli : Précisément, cette désunion qui a conduit aux résultats du premier tour va-t-elle se transformer dans la semaine qui vient en une bonne union pour le deuxième tour ?
R - "Je le crois. Je l'espère et je le crois, parce que, tant de la part de l'UDF que de la part de l'UMP, nous sommes bien conscients que c'est une raison fondamentale - pas la seule, naturellement - de manque de crédibilité dans notre discours. Dès lors que l'on est désunis, tout ce que l'on peut dire, manque de crédibilité."
S. Paoli : Vous avez eu, les uns et les autres - vous-même, A. Juppé... -, à l'endroit de F. Bayrou, des propos très sévères hier soir. Comment peut-on facilement reconstruire une union quand on est à ce point dans une forme d'affrontement ?
R - "Je ne crois pas avoir eu des propos sévères. Je dis simplement que ce qui a été dit au moment de la motion de censure et, effectivement, les répliques que cela a pu entraîner, ceci a créé un très mauvais climat. Je crois que l'on s'est aussi dit des vérités à cette occasion. Et finalement, c'est sur des vérités que l'on peut construire quelque chose de neuf. Donc, maintenant, il faut tenir compte de cela et il faut, ensemble, construire une majorité nouvelle, en tenant sans doute, de la part de l'UMP, davantage compte de ce qu'est l'UDF, parce que même si l'UDF est arrivée derrière l'UMP dans toutes ces élections, elle a fait un bon score. Ceci doit être reconnu comme tel et je pense que la place de l'UDF, dans la majorité, doit être renforcée."
P. Le Marc : L'UDF souhaite des modifications, une nouvelle orientation de la politique, des changements de méthode : comment cela peut-il se passer ? Est-ce que vous allez accepter cela ou pas ?
R - "Je pense que nous devons avoir un dialogue avec eux, nous devons parler avec eux..."
P. Le Marc : Sur quoi peut se construire cette nouvelle union ? Sur quelle ligne politique ?
R - "Sur un dialogue approfondi. On ne va pas faire ce matin le programme de la majorité, mais ce que je crois, c'est que si nous avons un bon dialogue avec l'UDF, nous trouverons une politique commune."
S. Paoli : S'agissant du chef du Gouvernement, estimez-vous ce matin, que la question de J.-P. Raffarin est posée ? Dans le journal de 8h00, plusieurs analyses étaient présentées, notamment celle qui évoquait la question d'une quadruple défaite pour le Premier ministre. Est-ce que cela entraîne des conséquences ? Y aura-t-il un "effet Edith Cresson" pour J.-P. Raffarin ?
R - "D'abord, je vous fait quand même observer que c'est une élection à deux tours. Donc, laissez-nous la chance de mobiliser notre électorat dans la semaine qui vient ! Et les jugements catégoriques et parfois sommaires que l'on entend, peut-être peut-on attendre le deuxième tour pour les prononcer. Deuxièmement, c'est vrai que les résultats seront probablement, aux régionales, globalement défavorables, parce que nous partions de bas. D'abord, la gauche n'avait que huit régions, elle ne pouvait qu'en gagner. Donc, il est probable qu'à l'arrivée, nous perdrons un certain nombre de régions. En même temps, nous devrions gagner un certain nombre de départements. Ce n'est pas à la mode de parler de parler des élections cantonales, mais sur ce point-là, la majorité est plutôt en progrès : nous allons probablement gagner cinq ou six départements - enfin, là non plus, je ne veux pas vendre la peau de l'ours, les choses sont à faire. A partir de là, on pourra tirer un certain nombre de conclusions. Mais la première conclusion à tirer, c'est une meilleure organisation de notre majorité présidentielle."
P. Le Marc : Mais tout de même, le Premier ministre a été sanctionné par ce vote ; les ministres eux-mêmes ont été sévèrement sanctionnés par ce vote. Est-ce que le Président peut ne pas en tenir compte ?
R - "Pour ce qui est de la sanction, tout de même, jusqu'à un certain point... D'abord, pour les résultats de Poitou-Charentes qui sont imputés au Premier ministre, vous savez qu'il n'était pas candidat, il a soutenu..."
P. Le Marc : Oui, mais il fait campagne, c'était sa région ! Vous ne pouvez pas tenir cet argument, ce n'est pas possible !
R - "Quand même ! Quand il était candidat, il était élu ; quand il n'est pas candidat, il n'est pas élu par définition... Mais celle qui lui succède est en difficulté..."
P. Le Marc : Ce n'était pas sa région ?
R - "C'est sa région, mais justement, comme il n'était pas candidat, ce n'est pas lui qui la défendait. Donc, c'était plutôt une faiblesse pour la majorité, qu'elle ne soit pas représentée, précisément, par le titulaire sortant, et qui, jusque-là..."
P. Le Marc : Donc pas de vote-sanction ?
R - "Je ne dis pas cela... Je vous invite simplement à nuancer les jugements catégoriques prononcés ce matin."
S. Paoli : C'est vrai qu'il y a une valeur de symbole qui est fort là, sur le Poitou-Charentes, s'agissant de J.-P. Raffarin...
R - "Oui, mais bien entendu, le Premier ministre ne peut pas dire que c'est un succès pour lui, c'est évident. Mais de là à dire que c'est une sanction contre quelqu'un qui n'était pas candidat, vous me permettrez de soulever le paradoxe."
P. Le Marc : Oui, une défense paradoxale... Mais les ministres eux-mêmes ont été sanctionnés...
R - "Il y en a qui sont élus..."
P. Le Marc : Monsieur Delevoye, dans le Nord-Pas-de-Calais, devancé par C. Lang, cela ne vous fait rien ?
R - "C'est un très mauvais résultat."
P. Le Marc : Comment l'expliquez-vous ?
R - "D'abord, c'est une région très ancrée à gauche, très difficile. Et nous avons, en Nord-Pas-de-Calais en particulier, subi une division à l'intérieur de la majorité, qui porte, malheureusement, des conséquences néfastes."
S. Paoli : Quelle lecture faites-vous précisément de ce fait politique important, qui est l'implantation, au plan national, solide, du FN ?
R - "Je crois que le FN, malheureusement, reste très stable, que son électorat est très cristallisé autour de la personne de J.-M. Le Pen, et que ce sont les autres forces politiques qui sont mouvantes, alors que celle-ci reste stable..."
S. Paoli : Comment appréhendez-vous la question des alliances, puisqu'elle va se poser ? Il va y avoir beaucoup de triangulaires dans ce deuxième tour. Quelle sera l'attitude de la majorité ?
R - "Les triangulaires, cela profite aussi à la gauche, et ce n'est pas du vote-sanction..."
P. Le Marc : Puisque nous parlons du FN, est-ce que le succès du FN ne marque pas les limites de la politique de N. Sarkozy en matière de sécurité ?
R - "En Ile-de-France, ce n'est pas vrai, au contraire..."
P. Le Marc : L'Ile-de-France n'est pas toute la France...
R - "D'accord, mais les problèmes de sécurité... Vous savez, la politique de N. Sarkozy, il faut lui donner le temps de produire tous ses effets. Elle en produit déjà d'important. Et en Ile-de-France, où, en matière de sécurité, on était les plus exposés, elle commence déjà à être vécue par les électeurs comme un véritable succès. Et si J.-F. Copé à une chance sérieuse pour dimanche prochain, c'est en partie grâce à la politique de N. Sarkozy."
S. Paoli : La bataille va être très serrée en Ile-de-France. Comment l'envisagez-vous ? Quelle sera la stratégie ?
R - "Ailleurs, vous nous dites qu'elle est perdue ! Elle est serrée, c'est donc mieux, non ?!"
S. Paoli : On ne dit rien, on regarde comme vous les résultats, ce matin ! Votre stratégie pour le deuxième tour ?
R - "L'union. D'abord l'union. Oui, parce que c'est la désunion qui nous fait perdre, c'est l'union qui fait gagner."
P. Le Marc : Est-ce que cette élection ne marque pas la fin de la conception du parti unique de la droite, et donc, de la fonction et de l'identité même de l'UMP ?
R - "En tout les cas, ce que je crois, s'il y a une faute que nous avons commise dans la gestion de l'UMP, c'est sans doute de ne pas avoir laissé s'exprimer davantage la diversité des sensibilités. Ce n'était pas la peine de rassembler, à l'intérieur d'une même formation, des sensibilités assez différentes - le RPR, DL et l'UDF - pour finalement donner le sentiment d'un tout complètement homogène et sans distinction. Je crois que dans l'avenir, il faudra permettre à l'UMP d'exprimer davantage de diversité des sensibilités."
S. Paoli : Avez-vous l'impression que cet environnement international grave, dans lequel nous nous trouvons - je ne fais pas simplement référence à l'Espagne ; on pourrait aussi évoquer ce qui vient de se passer cette nuit au Proche-Orient - est de nature à encourager un comportement différent des citoyens, et peut-être, justement, un recours différent à son implication politique ?
R - "Je ne sais pas justement si les Français prennent suffisamment compte de la gravité de la situation internationale. On a parfois le sentiment que - c'est valable pour la droite comme pour la gauche - nous sommes enlisés dans nos querelles parfois un peu subalternes, par rapport à la gravité des enjeux qui ont lieu dans le monde. C'est vrai que, par exemple, la France est, pour le moment, miraculeusement à l'abri du terrorisme. Mais c'est une situation extrêmement précaire et nous sommes dans un monde extrêmement instable, on le voit bien. Souvent, on a le sentiment - encore une fois, je le dis pour la droite comme pour la gauche - de danser sur un volcan."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 mars 2004)