Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, sur le droit du travail, l'évolution des missions de l'organisation de l'inspection du travail et la réforme des formations et de l'action administrative et la mission de service public des agents inspecteurs du travail, Lyon le 1er juillet 2005.

Prononcé le 1er juillet 2005

Intervenant(s) : 

Circonstance : Promotion sortante des inspecteurs élèves du travail à l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (INTEFP) à Lyon le 1er juillet 2005

Texte intégral


Monsieur le Député de la circonscription,
Monsieur le Préfet de la Région,
Monsieur le Directeur de l'INTEFP,
Monsieur le Secrétaire Général des ministères chargés des affaires sociales,
Monsieur le Directeur de l'administration générale et de la modernisation des services,
Messieurs les représentants du Ministre de l'agriculture et des transports,
Mesdames et Messieurs les membres du jury, de l'encadrement et du personnel de l'INTEFP,
Mesdames et Messieurs les inspecteur élèves du travail,
J'ai tenu, malgré un calendrier parlementaire chargé, à faire ce déplacement à Lyon afin de procéder, comme l'an passé, à la remise de vos cartes de service. Je suis attaché à ce que cette manifestation revête une certaine symbolique pour matérialiser l'engagement de chacun d'entre vous au service de l'Etat et pour moi, cela a un vrai sens.
La mission de service public que vous avez choisi d'exercer est une fonction régalienne et exigeante.
Au cur du monde du travail et de l'entreprise, il vous appartient de veiller au respect de la législation du travail et des conventions collectives. Au-delà de cette mission de contrôle, qui est une mission régalienne et essentielle, vous exercez aussi une mission de conseil, auprès des salariés, des organisations syndicales et professionnelles ou des chefs d'entreprise. Vous encouragez le développement du dialogue social, créateur de normes au sein de l'entreprise. Vous intervenez, en cas de restructurations, pour veiller au bon déroulement de la consultation des instances représentatives et au reclassement effectif des salariés licenciés.
Vous êtes saisis en cas de conflits internes à l'entreprise.
Vos missions sont variées, parfois délicates, toujours passionnantes.
Institution plus que centenaire, l'inspection du travail a su accompagner en s'adaptant, les évolutions successives de notre société. Chargée au départ de faire respecter les premières lois sociales portant sur les conditions de travail des femmes et des enfants, elle a vu ses missions progressivement élargies à la prévention des risques professionnels. Elle a ensuite investi, entre les deux guerres, de nouveaux champs d'intervention touchant à l'application des conventions collectives, les salaires et le dialogue social.
Dans les années soixante, elle s'est tournée vers l'emploi, puis la formation professionnelle et la lutte contre le travail illégal, l'intégration professionnelle des handicapés, la lutte contre les discriminations.
Mieux que tout autre, l'évolution des missions de l'inspection du travail reflète l'évolution de nos structures économiques et de notre système productif.
Si les missions ont évolué et se sont enrichies, l'organisation de l'inspection du travail ne s'est pas modifiée au même rythme. L'inspection reste organisée, au sein des directions départementales, en sections territoriales confiées à un inspecteur et deux contrôleurs, qui ont chacun leur " portefeuille " d'entreprises avec l'appui d'un ou deux agents administratifs.
Or, cette uniformité rencontre aussi ses limites dans un monde économique qui se caractérise par une mobilité et une technicité croissantes. Comment contrôler par exemple, à l'échelle d'une section et sans appui extérieur, la situation de salariés détachés en provenance d'autres pays de l'Union européenne ? C'est évidemment difficile. Pourtant ce sujet revêt une importance croissante, comme l'ont montré quelques affaires médiatisées au cours des derniers mois.
Comment réunir l'expertise suffisante pour s'assurer, sur des sites de production parfois très sophistiqués, que les règles de sécurité sont bien respectées et la sécurité des salariés garantie ?
Comment faire face, seul, aux situations de tension, et parfois, le drame de Saussignac, et je ne l'oublie pas, l'a montré de façon tragique aux situations de violence qui peuvent se révéler lors d'un contrôle sur le terrain ?
Je suis convaincu, je l'ai dit l'an passé, et les tragiques évènements de septembre m'ont conforté dans cette idée, qu'une évolution des modes de travail et d'organisation de l'inspection du travail est nécessaire pour permettre à ses agents de remplir au mieux leur mission, dans un univers plus complexe et parfois plus incertain.
C'est dans cette perspective que j'ai demandé à Jean Bessière un rapport sur les évolutions possibles de l'inspection du travail et de son environnement administratif et opérationnel. J'entends que les missions fondatrices de l'inspection dans le domaine du travail soient confortées et je partage ce que Jean Bessière m'a écrit le 3 juin dernier
Ce rapport m'a été remis au mois de janvier dernier. Les conclusions ont fait l'objet d'une large concertation qui a permis à Jean Bessière d'enrichir ses préconisations à l'issue de ces nombreuses semaines d'échanges, avec les agents, les organisations syndicales et professionnelles ou les usagers. Je voudrais saluer la qualité des travaux de Jean Bessière ; écoute, synthèse, pragmatismes, exigences profondes pour la mission. Le rapport de l'IGAS a lui aussi contribué à l'éclairage et je l'associe dans ma gratitude.
Sur cette base et en accord avec Jean-Louis Borloo, j'ai décidé de lancer un plan de modernisation et de développement de l'inspection du travail.
Ce plan se fonde sur les points de consensus qui se sont dégagés au fil des semaines. Il s'ordonne autour de 4 priorités :
1- promouvoir le travail en équipe, valeur forte de l'inspection du travail, en facilitant l'élargissement du champ du possible en matière de modes d'organisation ;
2- développer la politique du travail favorisant l'intervention des services de contrôle sur les enjeux nationaux et locaux ;
3- assister les inspecteurs du travail généralistes par des compétences spécialisées, notamment dans les domaines médicaux et techniques ;
4- accompagner la modernisation des moyens de toute nature nécessaires à son succès.
Il m'apparaît d'abord essentiel de conforter le caractère généraliste de l'inspection du travail et son ancrage territorial qui permet aux agents d'avoir une vision globale de l'entreprise et de ses enjeux. Ceci passe par le développement du travail en équipe.
Cela implique une adaptation des méthodes de travail et d'organisation aux exigences et à la diversité du terrain, Pour cela, comme le préconise Jean Bessière des équipes pluridisciplinaires d'appui à l'intervention des services d'inspection du travail doivent être mises en place, à titre expérimental, le niveau pertinent étant le niveau régional. Le déploiement de ces équipes a commencé dans 7 régions dans le cadre du plan santé au travail. Je souhaite que cette expérience se poursuive et s'amplifie. Peut-être faudra-t-il l'étendre aussi à d'autres domaines comme la lutte contre le travail illégal.
Parallèlement, la diversité et la complexité des missions conduit parallèlement à s'interroger sur la constitution de sections d'inspection plus étoffées, dotées d'équipes d'inspecteurs à même d'agir collégialement et de partager leurs expériences.
Là encore, de tels modes d'organisation pourront utilement être expérimentés dans les départements ou les régions volontaires.
Je compte par ailleurs examiner les conditions d'un rapprochement des trois services d'inspection (travail, agriculture, transport). Ce mode de fonctionnement permettrait aux agents d'unir leurs efforts pour une plus grande efficacité des contrôles sur le terrain et dans une logique de progrès partagé.
Pour accompagner cette réorganisation, j'entends poursuivre le redéploiement et le renforcement des effectifs présents sur le terrain, au sein ou aux côtés des services de l'inspection. L'an passé, dans un contexte budgétaire pourtant contraint, j'ai obtenu l'ouverture de 30 emplois supplémentaires. Je pense d'ores et déjà vous assurer que cet effort sera poursuivi dans les mêmes proportions.
Au-delà des synergies nécessaires sur le terrain, le rapport de Jean Bessière met aussi en évidence la nécessité de renforcer l'animation de l'inspection à l'échelon régional. Le contrôle sur le terrain est d'autant plus efficace qu'il s'inscrit dans une politique définie de façon claire et en adéquation avec les enjeux économiques et sociaux locaux. L'action des agents est d'autant plus légitime et comprise, tant à l'intérieur des services de l'Etat que par les usagers, salariés, entreprises, syndicats, organisations professionnelles, qu'elle peut être évaluée à l'aune de critères connus et définis à l'avance.
Cette obligation d'évaluation découle d'ailleurs directement de la loi organique sur les lois de finances.
Dans ce domaine, je sais que de nombreuses avancées ont déjà été réalisées sur le terrain ; je souhaite que ces efforts soient poursuivis et amplifiés et les bonnes pratiques diffusées.
L'animation régionale doit s'appuyer sur une administration centrale forte en soutien. C'est le troisième axe de la réforme que j'entends mener.
C'est d'ailleurs la logique d'organisation préconisée par l'OIT. Je le rappelle, celle-ci recommande, dans le respect de l'indépendance garantie aux agents dans l'exercice de leurs missions sur le terrain au sens de la convention 81 de l'OIT, la mise en place d'un service central permettant de structurer l'action de l'inspection du travail au sein d'une véritable politique du travail au service de la qualité de l'emploi et du respect des normes.
Ce service devra, me semble-t-il être positionné auprès de la Direction des relations du travail. Ceci implique évidemment une réforme d'ensemble de cette direction. La MICAPCOR, qui assure aujourd'hui des fonctions d'appui, de veille et de déontologie devra trouver sa place dans ce nouvel ensemble.
Ces pistes de réforme, j'en ai conscience, sont ambitieuses. Elles nécessitent d'être mûrement réfléchies et, pour certaines, expérimentées dans une première phase.
C'est pour cela que j'ai décidé de confier à Jacques Rapoport, Secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales, la mission de conduire ces changements. Il devra préciser le contenu des réformes à mettre en oeuvre, en concertation avec les agents et leurs organisations syndicales, en veillant à la cohésion de l'action administrative dans ses composantes travail, emploi et formation professionnelle. Il s'appuiera pour ce faire sur l'ensemble des directions concernées et sur l'IGAS ; J'attache une importance particulière à la concertation. Une réforme réussie est une réforme qui entraîne l'adhésion de ceux qui sont chargés de la mettre en uvre. Je suivrai personnellement la bonne marche du processus de réforme en liaison avec le secrétaire général.
Il me rendra compte régulièrement de l'avancement de ses travaux, qui devraient connaître leurs premières concrétisations d'ici le début 2006.
Ces changements ne porteront leurs fruits que s'ils s'accompagnent d'une modernisation de la formation initiale et continue et d'une amélioration des conditions de travail au quotidien.
L'INTEFP a évidemment un rôle majeur à jouer. Il doit être l'instrument d'une formation tout au long de la vie professionnelle et accompagner les projets de services qui se mettent en place. Dans un esprit d'ouverture, je souhaite que soient développées les sessions et les rencontres permettant de développer les relations avec d'autres acteurs publics et de comparer les pratiques sociales des différents partenaires de l'Union européenne.
La transformation en cours de l'INTEFP en établissement public administratif facilitera cette démarche d'ouverture. Elle lui conférera l'autonomie, la souplesse et la réactivité nécessaires pour lui permettre de mieux remplir ses missions.
Par ailleurs, pour favoriser l'intégration de personnes ayant exercé, à un haut niveau, des responsabilités professionnelles ou syndicales, et ouvrir ce métier aux filières scientifiques et technologiques, j'envisage de revoir les modalités de recrutement pour diversifier les origines professionnelles des inspecteurs du travail.
Enfin, je m'engage à ce que, sur le terrain, les agents disposent de moyens en adéquation avec les tâches à mener.
Moyens matériels, leur permettant d'agir en sécurité.
Moyens intellectuels, avec le développement de bases de données et de système d'information. La nouvelle base SITERE devrait être déployée d'ici la fin de l'année.
Moyens juridiques, enfin. Je crois que nous devons réfléchir à une évolution des leviers d'action et envisager de compléter la voie pénale par celle de la sanction administrative.
J'ajoute enfin, que je serai, comme je l'ai été jusqu'ici, intraitable sur la sécurité et le respect dû aux agents dans l'exercice de leurs missions.
Les atteintes à l'autorité de l'Etat ne doivent pas rester impunies et l'ordre public social doit être respecté. J'ai demandé au Garde des Sceaux de sensibiliser les Parquets afin d'engager des poursuites, dès que des violences seront exercées à l'encontre des agents exerçant une mission relevant de cette autorité. Celui-ci m'a confirmé dans une lettre du 24 mai 2005 qu'il avait donné instruction aux Parquets et Parquets généraux de faire une rigoureuse application de la loi en invoquant systématiquement la circonstance aggravante dès lors que les agents de contrôle du travail étaient concernés.
Mesdames et Messieurs,
Le métier que vous avez choisi est un beau métier. Vous allez exercer une mission de service public essentielle à la cohésion sociale du pays.
La collectivité de travail que rejoignez aujourd'hui, celle des services du ministère du travail et de l'agriculture, est attachante.
Je souhaite que dans les affectations que vous allez rejoindre dès la semaine prochaine, vous puissiez être les acteurs de la réforme, afin de confirmer la place du corps de l'inspection du travail comme acteur du changement au sein d'un ministère qui fêtera son centenaire l'année prochaine.
Je vais maintenant procéder individuellement à la remise des cartes de services.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 4 juillet 2005)