Texte intégral
Q - La vraie rentrée sociale aura lieu le 4 octobre avec la manifestation syndicale unitaire pour l'emploi, le pouvoir d'achat, et contre le contrat de nouvelles embauches. Faut-il y voir la première réponse des syndicats aux cent jours de Dominique de Villepin ?
Jean-Claude Mailly : Symboliquement, nous avons annoncé la date du 4 octobre à la fin des cent jours, mais c'est le Premier ministre lui-même qui a fixé cette échéance. Au-delà du symbole, cette action est motivée par des problèmes de fond. Pour FO, faire savoir, comme l'a dit le gouvernement, que les déficits publics seront ramenés à 3 % du PIB en 2005 équivaut à mettre en oeuvre une politique économique restrictive et à réduire les dépenses publiques de 4 milliards d'euros, avec toutes les conséquences sociales que l'on devine. Cela signifie que nous n'aurons pas de réponses positives à nos revendications.
Nous voulons qu'après cette manifestation le gouvernement soit obligé de prendre en compte les problèmes réels des salariés. Nous réclamons, en particulier, des augmentations de salaires, ce qui ne serait que justice au regard de la hausse des loyers et des carburants. Pour cela, nous demandons que la prime de transport soit élargie à tous les salariés, y compris ceux qui doivent utiliser leur véhicule pour aller au travail. Nous regrettons également que le gouvernement ait présenté un plan pour l'emploi sans concertation préalable. La démocratie, c'est aussi le dialogue social.
Q - Pensez-vous en particulier au contrat nouvelles embauches ?
R - Bien sûr. FO n'accepte pas ce contrat. Le gouvernement nous explique que les patrons de petites entreprises concentrent leurs activités sur la gestion et la recherche de marchés, et qu'ils ne connaissent pas le Code du travail ou les conventions collectives, ce qui les expose régulièrement à être poursuivis par des salariés qui gagnent aux prud'hommes. Nous pouvons partager ce constat, mais la solution trouvée ne nous convient pas. Les organisations professionnelles patronales doivent jouer leur rôle de conseil auprès des PME et des artisans.
Il est inacceptable que, sous prétexte de lever les freins à l'embauche, les chefs d'entreprise puissent licencier sans motif et au moment choisi par eux. FO estime que l'on ne remédiera pas au chômage et à la précarité par davantage de précarité. Le salarié qui signera ce type de contrat subira une pression psychologique forte pendant une période très longue, pouvant aller jusqu'à deux ans. Certes, le CDD n'est aucunement la panacée, mais au moins donne-t-il au salarié une garantie contre le licenciement pendant plusieurs mois. Nous ne connaissons pas encore le nombre de contrats qui auraient été signés, mais, quels qu'ils soient, on ne saura jamais si l'employeur n'aurait pas proposé un CDI à la place de ce nouveau CNE. Le risque est que le gouvernement affiche triomphalement, demain, un chiffre qui incite à remplacer partout le CDI par ce contrat nouvelles embauches.
Q - Vous avez souhaité plus de dialogue social. C'est apparemment aussi ce que propose la nouvelle présidente du Medef. Qu'en attendez-vous ?
R - Laurence Parisot a un contact direct, ce qui, sur la forme, est positif. Reste à savoir comment la nouvelle direction du Medef va aborder les dossiers sociaux, notamment ceux de l'emploi des seniors, de la pénibilité et de l'assurance-chômage. Nous attendons qu'elle redonne à la négociation interprofessionnelle un rôle normatif de manière que les accords s'imposent aux branches et aux entreprises afin de garantir un minimum d'égalité des droits entre les salariés. Si, au contraire, elle continue de privilégier les négociations au niveau de l'entreprise, c'est que rien n'a changé.
Q - Nicolas Sarkozy a proposé dans son projet économique le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux qui partira à la retraite, assorti d'une revalorisation substantielle des rémunérations de la fonction publique. Etes-vous prêts à discuter ?
R - Nous ne nous prononçons jamais sur des programmes de parti. Nos interlocuteurs sont le gouvernement et le patronat. Mais, sur le principe de cette proposition, nous ne pouvons évidemment qu'être en désaccord. Tout simplement parce qu'un fonctionnaire en moins, c'est un jeune de plus au chômage.
Q - Notre modèle social est-il encore, sinon le meilleur, du moins défendable et performant ?
R - Je n'aime pas parler de modèle social français. S'il y a un modèle dans notre pays, c'est le modèle républicain. Lequel a façonné la société française, y compris la structure des relations sociales. L'assurance-chômage, par exemple, a été créée avec une conception universelle. Ce modèle républicain va-t-il être préservé ou pas ? Je constate qu'il a déjà été remis en cause par les gouvernements successifs. Et, maintenant qu'il ne fonctionne plus, certains veulent le chambouler complètement. Ce n'est pas tolérable. Tous les responsables politiques se disent attachés à la République : qu'ils le prouvent donc. Et pas seulement dans la protection des services publics, mais aussi dans la promotion du dialogue social en général, puisque l'égalité est la valeur républicaine par excellence.
Propos recueillis par Frank De Bondt
(Source http://www.force-ouvriere.fr, le 13 septembre 2005)
Jean-Claude Mailly : Symboliquement, nous avons annoncé la date du 4 octobre à la fin des cent jours, mais c'est le Premier ministre lui-même qui a fixé cette échéance. Au-delà du symbole, cette action est motivée par des problèmes de fond. Pour FO, faire savoir, comme l'a dit le gouvernement, que les déficits publics seront ramenés à 3 % du PIB en 2005 équivaut à mettre en oeuvre une politique économique restrictive et à réduire les dépenses publiques de 4 milliards d'euros, avec toutes les conséquences sociales que l'on devine. Cela signifie que nous n'aurons pas de réponses positives à nos revendications.
Nous voulons qu'après cette manifestation le gouvernement soit obligé de prendre en compte les problèmes réels des salariés. Nous réclamons, en particulier, des augmentations de salaires, ce qui ne serait que justice au regard de la hausse des loyers et des carburants. Pour cela, nous demandons que la prime de transport soit élargie à tous les salariés, y compris ceux qui doivent utiliser leur véhicule pour aller au travail. Nous regrettons également que le gouvernement ait présenté un plan pour l'emploi sans concertation préalable. La démocratie, c'est aussi le dialogue social.
Q - Pensez-vous en particulier au contrat nouvelles embauches ?
R - Bien sûr. FO n'accepte pas ce contrat. Le gouvernement nous explique que les patrons de petites entreprises concentrent leurs activités sur la gestion et la recherche de marchés, et qu'ils ne connaissent pas le Code du travail ou les conventions collectives, ce qui les expose régulièrement à être poursuivis par des salariés qui gagnent aux prud'hommes. Nous pouvons partager ce constat, mais la solution trouvée ne nous convient pas. Les organisations professionnelles patronales doivent jouer leur rôle de conseil auprès des PME et des artisans.
Il est inacceptable que, sous prétexte de lever les freins à l'embauche, les chefs d'entreprise puissent licencier sans motif et au moment choisi par eux. FO estime que l'on ne remédiera pas au chômage et à la précarité par davantage de précarité. Le salarié qui signera ce type de contrat subira une pression psychologique forte pendant une période très longue, pouvant aller jusqu'à deux ans. Certes, le CDD n'est aucunement la panacée, mais au moins donne-t-il au salarié une garantie contre le licenciement pendant plusieurs mois. Nous ne connaissons pas encore le nombre de contrats qui auraient été signés, mais, quels qu'ils soient, on ne saura jamais si l'employeur n'aurait pas proposé un CDI à la place de ce nouveau CNE. Le risque est que le gouvernement affiche triomphalement, demain, un chiffre qui incite à remplacer partout le CDI par ce contrat nouvelles embauches.
Q - Vous avez souhaité plus de dialogue social. C'est apparemment aussi ce que propose la nouvelle présidente du Medef. Qu'en attendez-vous ?
R - Laurence Parisot a un contact direct, ce qui, sur la forme, est positif. Reste à savoir comment la nouvelle direction du Medef va aborder les dossiers sociaux, notamment ceux de l'emploi des seniors, de la pénibilité et de l'assurance-chômage. Nous attendons qu'elle redonne à la négociation interprofessionnelle un rôle normatif de manière que les accords s'imposent aux branches et aux entreprises afin de garantir un minimum d'égalité des droits entre les salariés. Si, au contraire, elle continue de privilégier les négociations au niveau de l'entreprise, c'est que rien n'a changé.
Q - Nicolas Sarkozy a proposé dans son projet économique le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux qui partira à la retraite, assorti d'une revalorisation substantielle des rémunérations de la fonction publique. Etes-vous prêts à discuter ?
R - Nous ne nous prononçons jamais sur des programmes de parti. Nos interlocuteurs sont le gouvernement et le patronat. Mais, sur le principe de cette proposition, nous ne pouvons évidemment qu'être en désaccord. Tout simplement parce qu'un fonctionnaire en moins, c'est un jeune de plus au chômage.
Q - Notre modèle social est-il encore, sinon le meilleur, du moins défendable et performant ?
R - Je n'aime pas parler de modèle social français. S'il y a un modèle dans notre pays, c'est le modèle républicain. Lequel a façonné la société française, y compris la structure des relations sociales. L'assurance-chômage, par exemple, a été créée avec une conception universelle. Ce modèle républicain va-t-il être préservé ou pas ? Je constate qu'il a déjà été remis en cause par les gouvernements successifs. Et, maintenant qu'il ne fonctionne plus, certains veulent le chambouler complètement. Ce n'est pas tolérable. Tous les responsables politiques se disent attachés à la République : qu'ils le prouvent donc. Et pas seulement dans la protection des services publics, mais aussi dans la promotion du dialogue social en général, puisque l'égalité est la valeur républicaine par excellence.
Propos recueillis par Frank De Bondt
(Source http://www.force-ouvriere.fr, le 13 septembre 2005)