Texte intégral
Mes Chers Compagnons,
Nous voici donc, au terme de ces journées parlementaires, prêts à entamer une nouvelle session avec confiance et résolution.
- Confiance dans notre capacité à faire entendre, à l'Assemblée Nationale comme au Sénat, la voix de l'opposition.
- Résolution, parce que nous sommes déterminés à préparer, à l'occasion des débats à venir, le programme de l'alternance.
Nous avons certes, au cours de l'année écoulée, commencé à poser quelques jalons. Au travers des propositions de loi examinées dans les " niches " parlementaires qui nous étaient accordées, au travers des ateliers parlementaires sur la justice et sur l'emploi, les formations de l'opposition ont pu montrer qu'elles n'étaient pas si atones et si dépourvues d'idées qu'il paraissait à certains commentateurs.
En vérité, depuis 1997, députés des sénateurs R.P.R. souvent ensemble, ont beaucoup réfléchi, travaillé, et élaboré de nombreuses propositions intéressantes.
Mais cela ne s'est pas toujours su, cela n'a que rarement été écouté.
Sans doute parce que toutes sortes de problèmes politiques, voire politiciens ont pollué les démarches courageusement entreprises de rénovation et d'actualisation de notre pensée.
Peut être parce que l'habileté supposée de Lionel Jospin, conjuguée au retour de la croissance sont parvenues à mystifier l'opinion.
Mais j'allais dire surtout parce que l'opposition ne s'est pas donnée les moyens d'articuler la somme de ses réflexions autour de quelques idées simples, immédiatement compréhensibles par nos compatriotes, autour de quelques mesures-phares reflétant une vision, une politique, une volonté.
Vient aujourd'hui le temps où nous devons accélérer le pas. Non évidemment au motif qu'il faudrait précipiter ou brusquer les échéances.
Tout simplement parce que pour être prêt à l'heure dite, il faut un travail d'explication, de mise en forme, qui nécessite, dès maintenant, le concours de tous.
A bien des égards, nous sommes au milieu du gué. Nous avons conscience que la situation est incertaine, instable : les Français ne croient plus vraiment dans le gouvernement, ils ne croient pas encore dans l'opposition. L'opinion peut donc, dans les deux ans qui viennent, évoluer dans un sens ou dans l'autre : se tourner vers nous si nous savons la convaincre, ou reconduire M. Jospin par défaut d'alternative.
C'est dire combien notre responsabilité est grande et combien nous devons mesurer, - tous autant que nous sommes - la portée de nos propos, de nos initiatives, de nos actes. Que la diversité de nos familles, de nos sensibilités, soit enfin une richesse, cela ne dépend pas des structures - qui ont bon dos ! -, cela dépend de notre état d'esprit.
Alors, concentrons-nous sur l'essentiel : il s'agit maintenant de répondre à l'attente du pays.
Le Premier Ministre et son équipe ne sont manifestement pas en mesure de répondre à cette attente de nos concitoyens. Depuis plus de trois ans maintenant, que d'occasions perdues pour la France de se moderniser, de s'adapter au monde qui change ! Que de chances gâchées pour maîtriser la mondialisation, pour renouer le pacte républicain, pour tirer le meilleur parti de la croissance retrouvée.
Ce gouvernement, qui prétendait au volontarisme, se sera épanoui dans la passivité.
Ce gouvernement, qui affichait son humilité, sa modestie, se sera complu dans l'auto-satisfaction.
Ce gouvernement, qui voulait endosser les habits de la République, aura abîmé ses valeurs.
Depuis 1997, nous n'avons cessé de tirer la sonnette d'alarme, de lancer des avertissements ; on nous accusait de jouer les Cassandre, d'être mauvais joueur ; aujourd'hui les faits commencent à nous donner raison : l'opinion prend progressivement conscience qu'aucun des grands problèmes de la société française n'a été traité au fond, en trois années et demi de ministère de la gauche plurielle.
M. Jospin a - méthodiquement et systématiquement - posé des mines sur les chemins de l'avenir, pour mieux avancer jusqu'à 2002. Il n'a pas fait les réformes qui s'imposaient. Il les a ajournées, il les a différées.
Il n'a pas entamé les réformes indispensables parce qu'il est obsédé par la recherche des compromis. Des compromis entre les différentes nébuleuses de sa majorité. Il a d'abord voulu satisfaire des clientèles. Des clientèles évidemment nécessaires à la réalisation de son dessein présidentiel.
Exit la réforme de l'Education,
Exit la réforme de l'Etat,
Exit la réforme fiscale,
Exit la réforme de la sécurité publique.
Exit la réforme de la décentralisation
Exit la réforme des retraites.
Trop dangereux On verra plus tard.
L'immobilisme de M. Jospin, ce n'est pas un slogan pour l'opposition, c'est la réalité même de son action. Une action planifiée, inscrite, programmée dans la perspective de l'élection présidentielle. Ce bilan dont il est si fier, et qu'il oppose comme un bouclier aux critiques, il ne résiste pas à l'appréciation des faits, à l'examen des dossiers.
Ainsi, s'agissant de la politique économique, on ne dira jamais assez que la baisse du chômage provient essentiellement, d'une part de l'excellente conjoncture internationale, notamment américaine, d'autre part des efforts considérables d'assainissement des finances publiques dont il n'est pas l'initiateur. Ces efforts ont permis la baisse des taux d'intérêt et donc le redémarrage de l'investissement et de consommation au moins jusqu'à présent.
Bref, la décrue du chômage ne vient donc pas des orientations imprimées par M. Jospin. Celles-ci ne sont pas la cause de l'amélioration constatée. Mieux, elles hypothèquent sérieusement l'avenir.
L'absence d'une véritable et volontaire la politique des finances publiques posera dans l'avenir bien des problèmes à ceux qui succèderont à Lionel Jospin.
Depuis 3 ans, l'effort de réduction du déficit budgétaire est resté nettement insuffisant, compte tenu des recettes fiscales supplémentaires encaissées par l'Etat. Les dépenses n'ont pas été maîtrisées, augmentant à un rythme beaucoup plus soutenu que celui initialement prévu. Et surtout, les programmes engagées, qu'il s'agisse des 35 heures ou des emplois-jeunes, n'ont pas significativement contribué à la décrue du chômage.
L' " affaire " des 35 heures n'en a pas fini de produire des remous. La réduction autoritaire du temps de travail, dont les entreprises ont limité les répercussions négatives en accroissant la flexibilité de leur organisation, a fait une victime et une seule : le salarié.
Le salarié dont le pouvoir d'achat stagne alors qu'il devrait bénéficier de la croissance forte. Nous le voyons bien aujourd'hui : les 35 heures obligatoires sont l'ennemi de la feuille de paie. C'est bien pourquoi, si demain nous revenions aux affaires, il conviendrait de laisser aux salariés le libre choix entre gagner autant en travaillant moins ou, gagner davantage en travaillant plus. Nous respecterons les accords signés. Mais nous donnerons au dispositif la souplesse et la faculté d'adaptation aux besoins de chacun qui lui manque à l'heure actuelle.
Pas plus que la politique budgétaire, la politique fiscale n'échappe à la critique. Là encore, le gouvernement a fait du pilotage à vue, s'efforçant de trouver le plus petit dénominateur commun aux tendances contradictoires émanant de sa majorité, au lieu d'esquisser un plan d'ensemble.
M. Fabius nous a annoncé une baisse des impôts. Très bien ! Mais le ministre des Finances est-il quitte pour autant, et l'opposition est-elle condamnée à se taire ? Evidemment non !
Non parce qu'il ne suffit pas d'alléger exceptionnellement la fiscalité pour cause d'argent dans les caisses. Cela, c'est une solution de facilité. C'est une solution -osons le mot - socialiste. Ce qu'il faut, c'est enclencher une mécanique durable de baisse d'impôts, qui produise des effets sur plusieurs années. Or pour y parvenir, il est indispensable que la réforme fiscale soit liée à la réforme de l'Etat, soit accompagnée par elle. Et point n'est besoin d'insister pour prouver que la réforme de l'Etat, elle, est en panne.
Mes chers compagnons,
Pendant la discussion budgétaire, je souhaite qu'au lieu de tomber dans le piège grossier qui nous sera tendu par le P.S, et qui consistera à nous dire que nous nous opposons aux baisses d'impôts, nous ayons un langage explicite et pédagogique.
Que nous indiquions, combien pour nous, la question fiscale doit être appréhendée globalement. Ne faut-il pas réfléchir à une simplification générale de notre système d'imposition ? à la retenue à la source ? à l'articulation entre l'impôt sur le revenu et la C.S.G. puisque M. Jospin a voulu que nous ayons désormais deux impôts progressifs empilés l'un sur l'autre ? à la spécialisation des impôts locaux par collectivités ? Voilà des questions que le gouvernement ne pose pas Alors qu'il a, aujourd'hui, les marges de manuvre nécessaires à l'action.6
Oui, je souhaite que nous soulignions, combien pour nous, la réforme fiscale n'est pas un gadget pré-électoral, mais un des pans d'une réforme de l'Etat que M. Jospin n'aura eu ni le courage, ni la volonté d'engager vraiment. Quelques exemples suffisent à le démontrer.
- L'éducation nationale : au delà des slogans à l'emporte pièces du précédent Ministre, de l'habileté de l'actuel ministre pour éteindre les incendies allumés par son prédécesseur rue de Grenelle que nous dit le gouvernement sur le rôle de l'Ecole dans la Nation ? Sur ses missions et ses objectifs ? Sur son organisation ? A peu près rien Il nous revient donc d'être sur ce sujet clairs et offensifs. Nous sommes pour la récompense du mérite et de l'effort, pour l'autorité des professeurs dans les classes, pour l'autonomie des établissements dans le cadre d'une déconcentration accrue ; pour des programmes nationaux et cela va sans dire - mais encore mieux en le disant - pour l'enseignement obligatoire du Français et facultatif des langues régionales.
La sécurité : au delà des vocalises sur la police de proximité, qu'a fait le gouvernement pour améliorer la sécurité de nos compatriotes ? Tiraillé entre les objectifs de son ancien ministre de l'Intérieur et les idées de son Ministre de la Justice, M. Jospin a choisi de ne pas choisir. Résultat : l'insécurité progresse ainsi que le montre de façon inquiétante les statistiques, la sécurité se privatise, se municipalise Et les " sauvageons " ont de beaux jours devant eux. Je ne crois pas que nous devions accepter cette logique. Mais plutôt proposer que l'Etat se donne les moyens de mener une politique globale, qui soit autant, si ce n'est plus, judiciaire que sécuritaire, une politique qui prenne les mesures nécessaires pour responsabiliser les parents d'enfants mineurs délinquants et s'attaquer enfin sereinement au traitement de la délinquance des mineurs. Les ordonnances de 1945 sur les mineurs doivent être sérieusement adaptées aux caractéristiques de la société actuelle. La réforme de l'Etat, c'est aussi une vraie réforme de la justice !
Economie et emploi, Education nationale, sécurité et justice, mais encore intégration et immigration, autant de sujets sur lesquels le gouvernement a mené une politique de gribouille.
Sur ce dernier point, le Premier Ministre a fait preuve d'une fausse générosité pour masquer un authentique cynisme.
On a d'abord rendu inextricable le problème des sans-papiers, provoquant l'illisibilité de la politique de lutte contre l'immigration irrégulière ; on a ensuite brouillé les repères et les références des jeunes issus de l'immigration en supprimant le rendez-vous citoyen et l'acquisition volontaire de la nationalité ; on a enfin agité - à l'occasion d'un débat dérisoire au Parlement - la question du droit de vote des étrangers. Beau travail en vérité, qui a ruiné quatre ans d'efforts pour tenter de maîtriser les flux migratoires et pour favoriser l'intégration.. Et bien notre programme en la matière, il tient en un mot, la République. La République, c'est à dire l'adhésion volontaire à une nationalité qui comporte des droits et des devoirs ; la République, c'est à dire la naturalisation largement ouverte et non l'encouragement au communautarisme ; la République, c'est à dire le respect de la loi et son application générale, qu'elle régularise les situations ou qu'elle les refuse.
Mes chers compagnons,
je m'en voudrais de ne pas aborder en conclusion de ce tour d'horizon, deux domaines où nous ne devons ni oublier, ni craindre de marquer notre différence. Il s'agit de la politique étrangère et de Défense et le problème corse.
Nous n'avons évidemment rien à redire aux objectifs de la politique extérieure et de Défense de la France. Ils sont définis par le Président de la République. Ni à l'action diplomatique telle qu'elle est mise en uvre par le Ministre des Affaires Etrangères. Mais il n'en demeure pas moins qu'une politique, ce sont aussi des moyens déployés pour faire vivre des orientations. Or, tant en ce qui concerne les crédits du Quai d'Orsay que ceux du Ministère de la Défense, nous nourrissons la plus vive inquiétude. La côte d'alerte est atteinte. Les répercussions de cette disette sont grandes pour le rayonnement et la crédibilité de la France, quand bien même elles sont largement ignorées. Voilà un thème sur lequel les " souverainistes " pourraient utilement s'exprimer
Je sais, d'expérience, que le " problème corse " est difficile à résoudre. Je ne jette pas la pierre à ceux qui tentent, de le faire avancer par la voie du dialogue. Pas plus que je ne reproche au gouvernement d'avoir voulu pousser, sur l'île, les feux de la décentralisation.
Mais, en revanche, je lui reproche d'avoir totalement débordé du cadre de la décentralisation d'envisager de déléguer le pouvoir législatif à une collectivité territoriale Cela, ce n'est pas de la décentralisation, c'est du démantèlement. C'est la porte ouverte à toutes les aventures. Nous ne pouvons y souscrire. Pour nous, l'égalité devant la loi n'est pas négociable.
Mes chers compagnons,
A l'heure où débute une importante session parlementaire, alors que s'annoncent des échéances politiques majeures, je nous invite à nous mobiliser, à l'Assemblée Nationale, au Sénat et dans nos circonscriptions ou départements, afin de convaincre nos compatriotes que nous avons reçu leur message, que l'opposition a entendu leur message. Ne nous laissons pas entraîner dans des débats qui n'intéressent que quelques spécialistes de la politique.
Si Lionel Jospin est sur un toboggan, nous ne sommes pas pour autant encore dans l'ascenseur de la victoire.
Il nous faut travailler, travailler encore pour faire connaître nos propositions pour l'alternance. La session nous y aidera.
A condition que ce qui soit fait au Parlement ne soit pas défait par certains dont l'ambition les poussent à croire qu'ils doivent jouer en solo. Notre responsabilité est engagée. A nous parlementaires R.P.R. d'uvrer afin que ce patient travail de reconquête ne soit pas compromis, à l'occasion des municipales, par des comportements archaïques, irresponsables, suicidaires.
De notre attitude, dépend dans bien des cas, l'issue de ce scrutin. Sachons en faire une étape marquante sur la voie du renouveau.
Imaginons, mes chers compagnons, que la session qui s'ouvre nous permette, avec une pugnacité retrouvée, de faire valoir nos arguments, nos propositions.
Entreprendre, une bonne fois pour toutes la reconquête, c'est rechercher une victoire par adhésion et non espérer un succès par rejet de l'adversaire.
Puissent toutes nos forces converger vers cet objectif.
(source http://www.rpr.org, le 1 octobre 2000)
Nous voici donc, au terme de ces journées parlementaires, prêts à entamer une nouvelle session avec confiance et résolution.
- Confiance dans notre capacité à faire entendre, à l'Assemblée Nationale comme au Sénat, la voix de l'opposition.
- Résolution, parce que nous sommes déterminés à préparer, à l'occasion des débats à venir, le programme de l'alternance.
Nous avons certes, au cours de l'année écoulée, commencé à poser quelques jalons. Au travers des propositions de loi examinées dans les " niches " parlementaires qui nous étaient accordées, au travers des ateliers parlementaires sur la justice et sur l'emploi, les formations de l'opposition ont pu montrer qu'elles n'étaient pas si atones et si dépourvues d'idées qu'il paraissait à certains commentateurs.
En vérité, depuis 1997, députés des sénateurs R.P.R. souvent ensemble, ont beaucoup réfléchi, travaillé, et élaboré de nombreuses propositions intéressantes.
Mais cela ne s'est pas toujours su, cela n'a que rarement été écouté.
Sans doute parce que toutes sortes de problèmes politiques, voire politiciens ont pollué les démarches courageusement entreprises de rénovation et d'actualisation de notre pensée.
Peut être parce que l'habileté supposée de Lionel Jospin, conjuguée au retour de la croissance sont parvenues à mystifier l'opinion.
Mais j'allais dire surtout parce que l'opposition ne s'est pas donnée les moyens d'articuler la somme de ses réflexions autour de quelques idées simples, immédiatement compréhensibles par nos compatriotes, autour de quelques mesures-phares reflétant une vision, une politique, une volonté.
Vient aujourd'hui le temps où nous devons accélérer le pas. Non évidemment au motif qu'il faudrait précipiter ou brusquer les échéances.
Tout simplement parce que pour être prêt à l'heure dite, il faut un travail d'explication, de mise en forme, qui nécessite, dès maintenant, le concours de tous.
A bien des égards, nous sommes au milieu du gué. Nous avons conscience que la situation est incertaine, instable : les Français ne croient plus vraiment dans le gouvernement, ils ne croient pas encore dans l'opposition. L'opinion peut donc, dans les deux ans qui viennent, évoluer dans un sens ou dans l'autre : se tourner vers nous si nous savons la convaincre, ou reconduire M. Jospin par défaut d'alternative.
C'est dire combien notre responsabilité est grande et combien nous devons mesurer, - tous autant que nous sommes - la portée de nos propos, de nos initiatives, de nos actes. Que la diversité de nos familles, de nos sensibilités, soit enfin une richesse, cela ne dépend pas des structures - qui ont bon dos ! -, cela dépend de notre état d'esprit.
Alors, concentrons-nous sur l'essentiel : il s'agit maintenant de répondre à l'attente du pays.
Le Premier Ministre et son équipe ne sont manifestement pas en mesure de répondre à cette attente de nos concitoyens. Depuis plus de trois ans maintenant, que d'occasions perdues pour la France de se moderniser, de s'adapter au monde qui change ! Que de chances gâchées pour maîtriser la mondialisation, pour renouer le pacte républicain, pour tirer le meilleur parti de la croissance retrouvée.
Ce gouvernement, qui prétendait au volontarisme, se sera épanoui dans la passivité.
Ce gouvernement, qui affichait son humilité, sa modestie, se sera complu dans l'auto-satisfaction.
Ce gouvernement, qui voulait endosser les habits de la République, aura abîmé ses valeurs.
Depuis 1997, nous n'avons cessé de tirer la sonnette d'alarme, de lancer des avertissements ; on nous accusait de jouer les Cassandre, d'être mauvais joueur ; aujourd'hui les faits commencent à nous donner raison : l'opinion prend progressivement conscience qu'aucun des grands problèmes de la société française n'a été traité au fond, en trois années et demi de ministère de la gauche plurielle.
M. Jospin a - méthodiquement et systématiquement - posé des mines sur les chemins de l'avenir, pour mieux avancer jusqu'à 2002. Il n'a pas fait les réformes qui s'imposaient. Il les a ajournées, il les a différées.
Il n'a pas entamé les réformes indispensables parce qu'il est obsédé par la recherche des compromis. Des compromis entre les différentes nébuleuses de sa majorité. Il a d'abord voulu satisfaire des clientèles. Des clientèles évidemment nécessaires à la réalisation de son dessein présidentiel.
Exit la réforme de l'Education,
Exit la réforme de l'Etat,
Exit la réforme fiscale,
Exit la réforme de la sécurité publique.
Exit la réforme de la décentralisation
Exit la réforme des retraites.
Trop dangereux On verra plus tard.
L'immobilisme de M. Jospin, ce n'est pas un slogan pour l'opposition, c'est la réalité même de son action. Une action planifiée, inscrite, programmée dans la perspective de l'élection présidentielle. Ce bilan dont il est si fier, et qu'il oppose comme un bouclier aux critiques, il ne résiste pas à l'appréciation des faits, à l'examen des dossiers.
Ainsi, s'agissant de la politique économique, on ne dira jamais assez que la baisse du chômage provient essentiellement, d'une part de l'excellente conjoncture internationale, notamment américaine, d'autre part des efforts considérables d'assainissement des finances publiques dont il n'est pas l'initiateur. Ces efforts ont permis la baisse des taux d'intérêt et donc le redémarrage de l'investissement et de consommation au moins jusqu'à présent.
Bref, la décrue du chômage ne vient donc pas des orientations imprimées par M. Jospin. Celles-ci ne sont pas la cause de l'amélioration constatée. Mieux, elles hypothèquent sérieusement l'avenir.
L'absence d'une véritable et volontaire la politique des finances publiques posera dans l'avenir bien des problèmes à ceux qui succèderont à Lionel Jospin.
Depuis 3 ans, l'effort de réduction du déficit budgétaire est resté nettement insuffisant, compte tenu des recettes fiscales supplémentaires encaissées par l'Etat. Les dépenses n'ont pas été maîtrisées, augmentant à un rythme beaucoup plus soutenu que celui initialement prévu. Et surtout, les programmes engagées, qu'il s'agisse des 35 heures ou des emplois-jeunes, n'ont pas significativement contribué à la décrue du chômage.
L' " affaire " des 35 heures n'en a pas fini de produire des remous. La réduction autoritaire du temps de travail, dont les entreprises ont limité les répercussions négatives en accroissant la flexibilité de leur organisation, a fait une victime et une seule : le salarié.
Le salarié dont le pouvoir d'achat stagne alors qu'il devrait bénéficier de la croissance forte. Nous le voyons bien aujourd'hui : les 35 heures obligatoires sont l'ennemi de la feuille de paie. C'est bien pourquoi, si demain nous revenions aux affaires, il conviendrait de laisser aux salariés le libre choix entre gagner autant en travaillant moins ou, gagner davantage en travaillant plus. Nous respecterons les accords signés. Mais nous donnerons au dispositif la souplesse et la faculté d'adaptation aux besoins de chacun qui lui manque à l'heure actuelle.
Pas plus que la politique budgétaire, la politique fiscale n'échappe à la critique. Là encore, le gouvernement a fait du pilotage à vue, s'efforçant de trouver le plus petit dénominateur commun aux tendances contradictoires émanant de sa majorité, au lieu d'esquisser un plan d'ensemble.
M. Fabius nous a annoncé une baisse des impôts. Très bien ! Mais le ministre des Finances est-il quitte pour autant, et l'opposition est-elle condamnée à se taire ? Evidemment non !
Non parce qu'il ne suffit pas d'alléger exceptionnellement la fiscalité pour cause d'argent dans les caisses. Cela, c'est une solution de facilité. C'est une solution -osons le mot - socialiste. Ce qu'il faut, c'est enclencher une mécanique durable de baisse d'impôts, qui produise des effets sur plusieurs années. Or pour y parvenir, il est indispensable que la réforme fiscale soit liée à la réforme de l'Etat, soit accompagnée par elle. Et point n'est besoin d'insister pour prouver que la réforme de l'Etat, elle, est en panne.
Mes chers compagnons,
Pendant la discussion budgétaire, je souhaite qu'au lieu de tomber dans le piège grossier qui nous sera tendu par le P.S, et qui consistera à nous dire que nous nous opposons aux baisses d'impôts, nous ayons un langage explicite et pédagogique.
Que nous indiquions, combien pour nous, la question fiscale doit être appréhendée globalement. Ne faut-il pas réfléchir à une simplification générale de notre système d'imposition ? à la retenue à la source ? à l'articulation entre l'impôt sur le revenu et la C.S.G. puisque M. Jospin a voulu que nous ayons désormais deux impôts progressifs empilés l'un sur l'autre ? à la spécialisation des impôts locaux par collectivités ? Voilà des questions que le gouvernement ne pose pas Alors qu'il a, aujourd'hui, les marges de manuvre nécessaires à l'action.6
Oui, je souhaite que nous soulignions, combien pour nous, la réforme fiscale n'est pas un gadget pré-électoral, mais un des pans d'une réforme de l'Etat que M. Jospin n'aura eu ni le courage, ni la volonté d'engager vraiment. Quelques exemples suffisent à le démontrer.
- L'éducation nationale : au delà des slogans à l'emporte pièces du précédent Ministre, de l'habileté de l'actuel ministre pour éteindre les incendies allumés par son prédécesseur rue de Grenelle que nous dit le gouvernement sur le rôle de l'Ecole dans la Nation ? Sur ses missions et ses objectifs ? Sur son organisation ? A peu près rien Il nous revient donc d'être sur ce sujet clairs et offensifs. Nous sommes pour la récompense du mérite et de l'effort, pour l'autorité des professeurs dans les classes, pour l'autonomie des établissements dans le cadre d'une déconcentration accrue ; pour des programmes nationaux et cela va sans dire - mais encore mieux en le disant - pour l'enseignement obligatoire du Français et facultatif des langues régionales.
La sécurité : au delà des vocalises sur la police de proximité, qu'a fait le gouvernement pour améliorer la sécurité de nos compatriotes ? Tiraillé entre les objectifs de son ancien ministre de l'Intérieur et les idées de son Ministre de la Justice, M. Jospin a choisi de ne pas choisir. Résultat : l'insécurité progresse ainsi que le montre de façon inquiétante les statistiques, la sécurité se privatise, se municipalise Et les " sauvageons " ont de beaux jours devant eux. Je ne crois pas que nous devions accepter cette logique. Mais plutôt proposer que l'Etat se donne les moyens de mener une politique globale, qui soit autant, si ce n'est plus, judiciaire que sécuritaire, une politique qui prenne les mesures nécessaires pour responsabiliser les parents d'enfants mineurs délinquants et s'attaquer enfin sereinement au traitement de la délinquance des mineurs. Les ordonnances de 1945 sur les mineurs doivent être sérieusement adaptées aux caractéristiques de la société actuelle. La réforme de l'Etat, c'est aussi une vraie réforme de la justice !
Economie et emploi, Education nationale, sécurité et justice, mais encore intégration et immigration, autant de sujets sur lesquels le gouvernement a mené une politique de gribouille.
Sur ce dernier point, le Premier Ministre a fait preuve d'une fausse générosité pour masquer un authentique cynisme.
On a d'abord rendu inextricable le problème des sans-papiers, provoquant l'illisibilité de la politique de lutte contre l'immigration irrégulière ; on a ensuite brouillé les repères et les références des jeunes issus de l'immigration en supprimant le rendez-vous citoyen et l'acquisition volontaire de la nationalité ; on a enfin agité - à l'occasion d'un débat dérisoire au Parlement - la question du droit de vote des étrangers. Beau travail en vérité, qui a ruiné quatre ans d'efforts pour tenter de maîtriser les flux migratoires et pour favoriser l'intégration.. Et bien notre programme en la matière, il tient en un mot, la République. La République, c'est à dire l'adhésion volontaire à une nationalité qui comporte des droits et des devoirs ; la République, c'est à dire la naturalisation largement ouverte et non l'encouragement au communautarisme ; la République, c'est à dire le respect de la loi et son application générale, qu'elle régularise les situations ou qu'elle les refuse.
Mes chers compagnons,
je m'en voudrais de ne pas aborder en conclusion de ce tour d'horizon, deux domaines où nous ne devons ni oublier, ni craindre de marquer notre différence. Il s'agit de la politique étrangère et de Défense et le problème corse.
Nous n'avons évidemment rien à redire aux objectifs de la politique extérieure et de Défense de la France. Ils sont définis par le Président de la République. Ni à l'action diplomatique telle qu'elle est mise en uvre par le Ministre des Affaires Etrangères. Mais il n'en demeure pas moins qu'une politique, ce sont aussi des moyens déployés pour faire vivre des orientations. Or, tant en ce qui concerne les crédits du Quai d'Orsay que ceux du Ministère de la Défense, nous nourrissons la plus vive inquiétude. La côte d'alerte est atteinte. Les répercussions de cette disette sont grandes pour le rayonnement et la crédibilité de la France, quand bien même elles sont largement ignorées. Voilà un thème sur lequel les " souverainistes " pourraient utilement s'exprimer
Je sais, d'expérience, que le " problème corse " est difficile à résoudre. Je ne jette pas la pierre à ceux qui tentent, de le faire avancer par la voie du dialogue. Pas plus que je ne reproche au gouvernement d'avoir voulu pousser, sur l'île, les feux de la décentralisation.
Mais, en revanche, je lui reproche d'avoir totalement débordé du cadre de la décentralisation d'envisager de déléguer le pouvoir législatif à une collectivité territoriale Cela, ce n'est pas de la décentralisation, c'est du démantèlement. C'est la porte ouverte à toutes les aventures. Nous ne pouvons y souscrire. Pour nous, l'égalité devant la loi n'est pas négociable.
Mes chers compagnons,
A l'heure où débute une importante session parlementaire, alors que s'annoncent des échéances politiques majeures, je nous invite à nous mobiliser, à l'Assemblée Nationale, au Sénat et dans nos circonscriptions ou départements, afin de convaincre nos compatriotes que nous avons reçu leur message, que l'opposition a entendu leur message. Ne nous laissons pas entraîner dans des débats qui n'intéressent que quelques spécialistes de la politique.
Si Lionel Jospin est sur un toboggan, nous ne sommes pas pour autant encore dans l'ascenseur de la victoire.
Il nous faut travailler, travailler encore pour faire connaître nos propositions pour l'alternance. La session nous y aidera.
A condition que ce qui soit fait au Parlement ne soit pas défait par certains dont l'ambition les poussent à croire qu'ils doivent jouer en solo. Notre responsabilité est engagée. A nous parlementaires R.P.R. d'uvrer afin que ce patient travail de reconquête ne soit pas compromis, à l'occasion des municipales, par des comportements archaïques, irresponsables, suicidaires.
De notre attitude, dépend dans bien des cas, l'issue de ce scrutin. Sachons en faire une étape marquante sur la voie du renouveau.
Imaginons, mes chers compagnons, que la session qui s'ouvre nous permette, avec une pugnacité retrouvée, de faire valoir nos arguments, nos propositions.
Entreprendre, une bonne fois pour toutes la reconquête, c'est rechercher une victoire par adhésion et non espérer un succès par rejet de l'adversaire.
Puissent toutes nos forces converger vers cet objectif.
(source http://www.rpr.org, le 1 octobre 2000)