Interview de Mme Marine Le Pen, vice-présidente du Front national, à "LCI" le 22 mars 2004, sur les résultats du Front national au premier tour des élections régionales en Ile-de-France et sur ses consignes de vote au second tour.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

Marine LE PEN
A. Hausser - Bonjour M. Le Pen.
R - "Bonjour. "
A. Hausser - Vous avez dirigé la liste du Front national en Ile-de-France et obtenue 12,26 % des voix, c'est moins bien que la dernière fois pour le Front où la liste du FN avait totalisé presque 17 % des voix. Cette fois, le Front national obtient à peu près 15 % des voix. Cette diminution, cette fonte vous l'attribuez à quoi ?
R - "D'abord, je voudrais dire qu'au niveau national, il n'y a pas de fonte, puisque je vous rappelle que nous avons fait aux législatives 11 %, au niveau national. C'est-à-dire que nous refaisons un très bon score et nous nous repositionnons comme étant la troisième force politique du pays avec 3,5 millions de voix, ce qui n'est pas rien, c'est le moins que l'on puisse dire. Quant à l'Ile-de-France, nous savons que c'est une région difficile pour le Front national, pour deux explications majeures : l'une tenant à une modification de la sociologie de l'Ile-de-France, notre électorat fuit l'Ile de France à raison de tous les problèmes qui demeurent et qui s'y aggravent d'ailleurs comme l'immigration, comme le coût de la vie, comme le chômage qui augmente. Il n'y a qu'à voir, d'ailleurs, l'augmentation importante des régions limitrophes de l'Ile-de-France où le Front national réalise de très bons scores. Et puis il y a un événement..."
A. Hausser - Vous voulez dire que votre électorat devient rural ?
R - "Oui, régulièrement. On s'aperçoit que l'Ile-de-France voit partir, si vous voulez, des classes modestes, des classes moyennes..."
A. Hausser - Le Front national n'a jamais réussi à s'implanter à Paris ?
R - "Alors oui, c'est difficile, mais parce que Paris aussi, en général nous sommes un peu écrasés, pris en tenaille par la bipolarisation de la vie politique parisienne. Donc c'est difficile et puis il faut dire que Paris se " boboise " de plus en plus et il reste, là, des classes supérieures qui sont les clients en quelque sorte, souvent, du Parti socialiste, il faut l'admettre. Et puis, il y a un événement qui tient, si vous voulez, à la situation particulièrement de ces régionales : c'est, je crois, cette primaire à droite qui a attiré à elle - en tout cas sur le nom de M. Santini - une opposition, une contestation au Gouvernement à mon avis de manière, d'ailleurs malhonnête de la part de M. Santini. "
A. Hausser - Vous voulez dire que l'UDF et F. Bayrou ont rendu service à J.-P. Raffarin ?
R - "Tout à fait. Mais je crois qu'ils l'ont toujours fait. "
A. Hausser - Ça, on pourra peut-être le dire après le deuxième tour si le report des voix s'effectue bien.
R - "Mais quoi qu'il en soit, dès aujourd'hui, on peut dire que F. Bayrou est le meilleur soutien du Gouvernement comme il l'a toujours été. Il faut quand même se rappeler..."
A. Hausser - On est un peu surpris de vous entendre dire ça.
R - "Oui, bien sûr, mais il peut toujours dire mais moi, ce qui m'importe ce sont les faits et les actes. Or, M. Bayrou a eu des ministres dans tous les gouvernements à l'époque RPR, puis UMP, et il a toujours rapporté au deuxième tour ses voix à ce Gouvernement dont, systématiquement, il critique l'action. Alors je crois que ceci est une manoeuvre. Il me semble qu'un certain nombre d'électeurs se sont laissés avoir par cette manoeuvre. Et j'en appelle à ces électeurs, au second tour, pour qu'ils se reportent sur la seule force d'opposition à l'UMP/PS dans la région qui sera le Front national. "
A. Hausser - En fait, vous voudriez que les électeurs d'A. Santini votent pour vous ?
R - "Mais pas qu'eux. Pas qu'eux, parce que je prends de la hauteur par rapport à ces élections et je dis à tous les Français, quel qu'ait été leur choix du premier tour, qu'ils ne sont pas forcés de choisir entre la gauche et la droite. Ils ont une autre alternative, Dieu merci. Et grâce au Front national, ils ont un autre choix que celui-là. "
A. Hausser - Ils ont un autre choix, mais ce sont des voix gelées. Parce qu'aujourd'hui, avec le nouveau mode de scrutin, encore plus qu'auparavant, le Front national ne participant à aucune majorité, à quoi servent les conseillers, à quoi serviront les conseillers Front national ?
R - "Vous êtes en train de me dire que l'opposition ne sert à rien, en quelque sorte. Allons directement vers le totalitarisme. L'opposition sert à quelque chose. "
A. Hausser - Je n'ai pas dit que l'opposition ne servait à rien, mais les Conseils régionaux seront maintenant, dotés de majorité, ce qui n'était pas le cas auparavant ?
R - "Oui, mais croyez-moi, le Front national qui s'est trouvé dans région où il y avait des majorités, a eu beaucoup de travail dans l'opposition. Qui va dénoncer les petites manoeuvres et les grandes magouilles qui se déroulent dans les Conseils régionaux ? Qui va informer les électeurs de ce qui s'y passe si nous ne sommes pas là ? Qui d'ailleurs, lors de la dernière mandature, a dénoncé l'affaire de corruption qui a sali le Conseil régional et dans lequel l'intégralité des partis qui se présentent aujourd'hui, sauf le Front national, étaient mouillés. C'est à ça que sert l'opposition. "
A. Hausser - Vous voulez parler du Conseil régional d'Ile-de-France ?
R - "Oui. Notamment, c'est à ça que sert l'opposition. C'est à informer les électeurs, à les défendre et je vous signale tout de même que le score que j'ai réalisé en Ile-de-France, ça représente 450 000 électeurs. Alors il y aurait donc 450 000 électeurs qui n'auraient pas de droit de regard sur les lycées où vont leurs enfants, qui n'auraient pas la possibilité de choisir la formation qu'ils veulent, qu'ils n'auraient pas la possibilité de donner leur avis sur la manière dont sont attribués les logements sociaux. Moi je leur dis, à ces 450 000 électeurs, et aux autres, qu'il faut absolument et à tout prix aller à nouveau voter dimanche. "
A. Hausser - M. Le Pen, entre J.-P. Huchon et J.-F. Copé, vous choisissez qui ?
R - "Je ne choisis pas. Les Français choisissent régulièrement ou l'un ou l'autre, de moins en moins Dieu merci. Mais ils s'aperçoivent avec un peu de temps, il faut dire, ils sont patients. Je trouve que c'est strictement la même politique, que rien, fondamentalement, ne change, ni au niveau national, ni au niveau régional. "
A. Hausser - D'accord, mais alors lequel serait le pire alors, si vous préférez ?
R - "Mais je n'ai pas à dire qui serait le pire. Je pense qu'ils font strictement la même politique. Ce que j'ai souvent dit, c'est que la gauche fasse une politique de gauche, je trouve ça méprisable, parce que la politique de gauche, je la trouve méprisable et dérisoire. "
A. Hausser - Vous la combattez.
R - "Je la combats. "
A. Hausser - Apparemment, tout le monde n'est pas de votre avis.
R - "Mais je la combats de manière très dynamique. Mais la gauche fait une politique de gauche, que la droite fasse une politique de gauche, je trouve que ça relève souvent de la trahison. "
A. Hausser - En 1997, le Front national avait appelé à faire battre un certain nombre de candidat de droite aux législatives. Est-ce que vous allez faire la même chose pour ces régionales ?
R - "Non. En 1998, le Front national a proposé - excusez-moi, je saute une année - je prends 1998, le Front national avait proposé de faire élire dans toute une série de régions, y compris en Ile-de-France puisque c'était possible, un président de droite, ils ont refusé nos voix. "
A. Hausser - C'est cela.
R - "C'est-à-dire qu'ils ont installé les socialo-communistes à la présidence de la région. Alors, aujourd'hui, lorsqu'ils viennent nous parler du vote utile, j'avoue que j'en sourirais si je n'avais pas envie d'en pleurer, parce que ce sont eux qui sont responsables de l'installation de la gauche, ce n'est pas le Front national..."
A. Hausser - Eux, c'est l'UMP et l'UDF ?
R - "Oui. [Ce n'est pas le FN] qui a tendu la main à de multiples reprises et qui, à chaque fois, s'est fait claquer la porte sur les doigts. Et bien, le Front national décide aujourd'hui de défendre ceux qui, encore une fois, n'ont pas envie de faire le choix entre cette fausse droite et cette gauche. "
A. Hausser - Encore une fois, vous n'appellerez pas à faire battre ou le Front national n'appellera pas à faire battre les candidats...
R - "Nous appellerons à avoir le maximum de représentants dans les Conseils régionaux, étant entendu que, de manière scandaleuse, 3 millions et demi d'électeurs français sont privés de représentation à l'Assemblée nationale. "
A. Hausser - Parce qu'on vous refuse absolument la participation à des majorités dans les conseils régionaux. Encore une fois, comment est-ce que vous entendez faire pour ne pas geler ces voix et les sièges ?
R - "Mais encore une fois, nous allons faire ce que nous avons fait, pendant la dernière mandature et durant même les 18 dernières années, où nous avons été présents dans les conseils régionaux. Nous allons défendre la France, les Français d'abord, nous allons défendre nos propositions, nous allons défendre notre programme à la différence des autres..."
A. Hausser - Et y compris voter pour des projets qui vous paraissent intéressants ?
R - "Bien sûr, mais nous l'avons fait. Nous avons même fait reprendre un certain nombre de propositions, notamment en Ile-de-France, qui ont été votées parce que c'était des bonnes propositions. "
A. Hausser - Lesquelles ?
R - "Ecoutez, il y a eu la carte grise gratuite pour les familles nombreuses, il y a eu une ligne budgétaire d'ouverte pour les jeunes mères en détresse. Une ligne budgétaire d'ouverte pour les services d'urgence dans les hôpitaux, il y a eu beaucoup de choses de faites et hélas, les Franciliens ne le savent pas assez. "
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 mars 2004)