Texte intégral
Monsieur le Commissaire,
Cher Jacques Fansten, Cher Jacques Perrin,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureuse d'être parmi vous aujourd'hui, à un moment doublement symbolique : les 10 ans des Rencontres, qui coïncident avec la Présidence française de l'Union européenne. Cela n'est sans doute pas étranger au choix du thème de cette table ronde, à l'intitulé stimulant. C'est l'occasion pour moi de faire le point sur les thèmes de l'actualité européenne, et de vous livrer l'état de mes réflexions sur cette liaison difficile que j'espère non dangereuse entre l'Europe et le cinéma.
Comme vous le savez, la France a défini pour sa Présidence deux priorités au cinéma : MEDIA+ et les aides nationales.
En ce qui concerne le programme MEDIA, je rappelle qu'il a été instauré en 1992. Son bilan est jugé positif par tous. MEDIA II a quasiment conduit à doubler la proportion de films européens distribués en Europe hors de leur pays d'origine. Ceci illustre la véritable plus-value communautaire du programme : favoriser la circulation de la production européenne. MEDIA+ devrait s'inscrire dans la continuité, et reprendre les domaines d'intervention et la plupart des mécanismes d'aide de MEDIA II, en y ajoutant des mesures spécifiques aux nouvelles technologies.
De tels objectifs justifieraient, dans l'absolu, un budget ambitieux. Il est à l'évidence clair que les 310 millions d'euros dont était doté MEDIA II pour 15 pays sont insuffisants, en regard des investissements dans ce secteur, ou des sommes allouées à d'autres programmes communautaires. Pour fixer les idées, ce montant correspond à seulement deux jours du budget annuel de l'Union. Mais ce budget doit tenir compte des plafonds qui ont été définis par les Etats pour chaque secteur d'activité jusqu'en 2006. La Présidence considère donc que les 400 millions d'euros proposés par la Commission constituent une somme en-deça de laquelle le programme ne serait vraiment pas à la hauteur des ambitions affichées, compte-tenu de ce j'ai dit précédemment, même si elle traduirait une hausse de 23 % par rapport à MEDIA II.
Pourtant, à ce jour, ce chiffre ne fait toujours pas l'objet d'un consensus au sein des 15 : bien que la majorité des Etats membres juge cette somme nécessaire, voire insuffisante, trois d'entre eux la trouvent excessive. Nous tentons actuellement de convaincre ceux-là de rallier la position proposée par la Commission. J'ajoute qu'en l'absence d'un accord dans un mois à Bruxelles, l'entrée en vigueur du programme serait repoussée de plusieurs six mois. Si tel était le cas - hypothèse que je ne veux pas envisager à ce jour -, j'y verrai le signe alarmant de l'incapacité des 15 de continuer à mener des politiques communes ambitieuses en faveur du cinéma.
Les aides nationales au cinéma constituent l'autre dossier très important. L'examen de ces mécanismes par la Commission européenne, au titre des dispositions relatives aux aides d'Etat, suscite l'inquiétude de l'ensemble des Etats membres. A la suite de l'examen en 1998 de notre système français - examen qui a d'ailleurs été rouvert depuis -, la Commission s'est dotée d'une doctrine. Elle a précisé les conditions que doit, selon elle, satisfaire tout un dispositif national de soutien pour être réputé compatible avec l'interprétation du Traité. A partir de cette interprétation, elle estime par exemple que le montant des aides ne doit jamais excéder 50 % du coût total d'une uvre. Cela se discute, notamment pour les très petits pays producteurs.
L'exemple que Jacques Fansten vient de citer, illustre bien la difficulté que nous avons à admettre qu'une telle règle puisse constituer une règle commune intangible.
Un consensus très fort se dessine entre les Etats membres qui tous, jugent ces mécanismes indispensables au soutien de leurs cinématographies nationales, et craignent une remise en cause de l'existence même des dispositifs de soutien à la faveur de ces examens et réexamens périodiques. Plus fondamentalement, les Etats membres estiment que ce soutien ne peut pas être dénoncé comme nuisant à la concurrence sur les marchés des films, comme en atteste la très large ouverture de ces marchés aux productions des autres Etats membres, et aussi aux films américains. Autrement dit brandir les règles de la juste concurrence sur des marchés qui objectivement sont considérablement ouverts, ne nous paraît pas aller dans le sens de ce qui nous unis notamment dans la défense de la diversité culturelle dans l'espace européen. Je sais d'ailleurs que ce constat est partagé par les professionnels européens, qui ont adopté une résolution à Lyon en septembre dernier, à l'occasion d'un colloque que j'ai organisé en tant que Présidente. Son point 3 dit clairement leur attachement aux dispositifs nationaux de soutien aux industries culturelles.
Il va de soi que nous resterons, pour notre part, très mobilisés sur ce dossier, même après la fin de notre Présidence. La Suède, qui nous succédera, a d'ores et déjà annoncé son intention de continuer à travailler sur ce dossier au maintien des mécanismes nationaux de soutien au cinéma.
Après ce point sur l'état des travaux communautaires, je voudrais proposer à votre débat quelques pistes de réflexion qui sont les miennes aujourd'hui en tant que Présidente de l'Union européenne et aussi dans ma responsabilité au sein du Gouvernement.
En premier lieu, voit-on clair dans l'articulation entre politiques communautaires et nationales ? Et quelle est la juste place des politiques de la concurrence au regard de l'enjeu culturel ? Notez bien que je ne dis pas " la juste place de l'enjeu culturel au regard des politiques de la concurrence " mais bien l'inverse, car l'enjeu culturel est au cur de l'enjeu européen.
Rappelons-nous que la construction européenne s'est d'abord faite par l'économie. Les préoccupations culturelles ne sont apparues dans le Traité qu'en 1992 dans l'article 151, qui fait référence à l'objectif de diversité culturelle. 92, c'est relativement récent.
Cet article limite l'action communautaire dans ce secteur : d'ailleurs, aussi bien la directive Télévision Sans Frontière que le programme MEDIA ont d'autres bases juridiques. La réalité de l'Europe culturelle et audiovisuelle est donc à la fois une communautarisation limitée, assez faible et une forte subsidiarité. Pour ma part, ce partage de compétences me paraît cohérent, satisfaisant, car l'expression de l'identité culturelle est avant tout une responsabilité nationale. Mais, dans le même temps, la construction de l'espace culturel européen nécessite une action communautaire. Je crois donc que nous devons chercher à " communautariser " uniquement ce qui gagne à l'être, c'est-à-dire essentiellement ce qui concourt à une meilleure circulation des oeuvres, des images, des idées et des artistes entre les Etats européens. MEDIA+ en est un parfait exemple.
Pour ces raisons, la règle de l'unanimité appliquée pour l'article 133.5 du Traité, qui fixe les pouvoirs de négociation de la Commission à l'OMC, offre selon moi la meilleure garantie du maintien de nos marges de manoeuvre nationales dans ce domaine. Il serait en effet assez paradoxal de confier à la Commission, par un vote à la majorité qualifiée, un mandat de négociations sur des sujets relevant avant tout de la compétence nationale. Mais je le sais, il y a là un sujet de vif débat.
Pourtant, en dépit de ce partage apparemment clair entre les compétences nationales et communautaires, les difficultés vont croissant :
- au plan communautaire, les négociations avancent avec peine : on le voit pour MEDIA+ sur un chiffre objectivement modeste par rapport aux ambitions d'une action communautaire dans le domaine du cinéma et de l'audiovisuel : on ne parvient pas à l'accord. Ce sera aussi une vraie difficulté demain sans doute pour la renégociation de la directive Télévision Sans Frontières ;
- pour ce qui relève de notre compétence nationale - aides au cinéma, financement de l'audiovisuel public, prix du livre -, nos politiques nationales sont remises en cause - en tout cas mises à la question - par les règles de concurrence communautaires. Je ne conteste pas l'importance de ces règles, y compris dans nos secteurs, à l'heure des méga-fusions qui ont bien besoin d'être régulées. Mais je crois qu'il est de la responsabilité des Etats de réfléchir aux moyens de garantir une meilleure prise en compte de l'objectif de diversité culturelle inscrit dans le Traité.
D'ailleurs, je perçois des évolutions encourageantes. Je suis frappée par la très forte mobilisation de bon nombre d'Etats membres en faveur des aides au cinéma. C'est nouveau, de la part de certains Etats qui avaient pour habitude de tenir des positions plus libérales que la nôtre.
De même, autre signe positif, le Parlement européen cherche à exercer un rôle toujours plus actif. Or, il exprime régulièrement son attachement aux questions culturelles, et récemment encore en plaidant avec vigueur pour un budget de 550 millions d'euros pour MEDIA +.
Enfin, je prends acte que la Commission, qui n'y est pas obligée par le Traité, a accepté les diverses invitations de la Présidence à discuter informellement avec les Etats membres sur des dossiers où elle a pourtant compétence exclusive. Cela s'est fait notamment à l'occasion des colloques que la présidence française a impulsé concernant les industries culturelles, concernant le livre, concernant l'audiovisuel public. Mais cela n'emporte pas, pour autant, son adhésion, ni celle de ses services, à nos objectifs.
Sans méconnaître les difficultés, j'ai voulu esquisser devant vous ce que je crois être un bilan réaliste du chemin parcouru par l'Europe dans sa relation avec le cinéma. Je compte beaucoup sur vous - artistes, professionnels - pour se mobiliser aussi au niveau européen. L'approche française apparaît souvent comme la figure de proue dans ce débat sur l'expression de l'identité culturelle, sur la légitimité des aides publiques aux industries culturelles. Mais cette position ne peut pas rester une action solitaire. Et c'est pourquoi, il me paraît nécessaire aujourd'hui encore plus qu'hier qu'entre professionnels européens, un dialogue, une action se noue notamment dans la perspective de la renégociation prochaine de la directive Télévision Sans Frontières.
Mais le cinéma européen ne se résume heureusement pas à des normes et des négociations. Grâce à la variété de nos réalisateurs, au talent de nos acteurs en Europe, à la richesse de nos genres, nos cinématographies sont une formidable expression de la diversité européenne, face au cinéma américain. Théo Angelopoulos, Roberto Begnini, Pedro Amoldovar, Lars von Trier ou encore les Frères Dardenne ... : tous ces Européens ont été primés ces dernières années à Cannes et connaissent une notoriété mondiale. C'est une preuve de la vitalité de notre cinéma. Enfin, l'Académie européenne du cinéma, présidée par Wim Wenders, se réunira dans un mois à Paris pour la cérémonie de remise des prix du cinéma européen. J'ai tenu à ce que cette manifestation reçoive le label officiel de la Présidence française : je suis en effet convaincue que de tels événements contribuent, eux aussi, au rayonnement du cinéma européen. Ce cinéma européen peut très légitimement être sûr de lui, sûr de son existence, de sa parole forte et de sa contribution à l'expression de cette identité culturelle que les uns et les autres nous défendons dans les discours. Nous ne devons en aucunes occasions donner le sentiment d'en faire un drapeau que nous ne serions pas sûr de pouvoir porter jusqu'au bout. Voilà pourquoi, j'attache une très grande importance aux débats qui se déroulent ici et aux initiatives professionnelles de même qu'aux propositions qui pourraient être formulées en direction des pouvoirs publics.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 31 octobre 2000)
Cher Jacques Fansten, Cher Jacques Perrin,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureuse d'être parmi vous aujourd'hui, à un moment doublement symbolique : les 10 ans des Rencontres, qui coïncident avec la Présidence française de l'Union européenne. Cela n'est sans doute pas étranger au choix du thème de cette table ronde, à l'intitulé stimulant. C'est l'occasion pour moi de faire le point sur les thèmes de l'actualité européenne, et de vous livrer l'état de mes réflexions sur cette liaison difficile que j'espère non dangereuse entre l'Europe et le cinéma.
Comme vous le savez, la France a défini pour sa Présidence deux priorités au cinéma : MEDIA+ et les aides nationales.
En ce qui concerne le programme MEDIA, je rappelle qu'il a été instauré en 1992. Son bilan est jugé positif par tous. MEDIA II a quasiment conduit à doubler la proportion de films européens distribués en Europe hors de leur pays d'origine. Ceci illustre la véritable plus-value communautaire du programme : favoriser la circulation de la production européenne. MEDIA+ devrait s'inscrire dans la continuité, et reprendre les domaines d'intervention et la plupart des mécanismes d'aide de MEDIA II, en y ajoutant des mesures spécifiques aux nouvelles technologies.
De tels objectifs justifieraient, dans l'absolu, un budget ambitieux. Il est à l'évidence clair que les 310 millions d'euros dont était doté MEDIA II pour 15 pays sont insuffisants, en regard des investissements dans ce secteur, ou des sommes allouées à d'autres programmes communautaires. Pour fixer les idées, ce montant correspond à seulement deux jours du budget annuel de l'Union. Mais ce budget doit tenir compte des plafonds qui ont été définis par les Etats pour chaque secteur d'activité jusqu'en 2006. La Présidence considère donc que les 400 millions d'euros proposés par la Commission constituent une somme en-deça de laquelle le programme ne serait vraiment pas à la hauteur des ambitions affichées, compte-tenu de ce j'ai dit précédemment, même si elle traduirait une hausse de 23 % par rapport à MEDIA II.
Pourtant, à ce jour, ce chiffre ne fait toujours pas l'objet d'un consensus au sein des 15 : bien que la majorité des Etats membres juge cette somme nécessaire, voire insuffisante, trois d'entre eux la trouvent excessive. Nous tentons actuellement de convaincre ceux-là de rallier la position proposée par la Commission. J'ajoute qu'en l'absence d'un accord dans un mois à Bruxelles, l'entrée en vigueur du programme serait repoussée de plusieurs six mois. Si tel était le cas - hypothèse que je ne veux pas envisager à ce jour -, j'y verrai le signe alarmant de l'incapacité des 15 de continuer à mener des politiques communes ambitieuses en faveur du cinéma.
Les aides nationales au cinéma constituent l'autre dossier très important. L'examen de ces mécanismes par la Commission européenne, au titre des dispositions relatives aux aides d'Etat, suscite l'inquiétude de l'ensemble des Etats membres. A la suite de l'examen en 1998 de notre système français - examen qui a d'ailleurs été rouvert depuis -, la Commission s'est dotée d'une doctrine. Elle a précisé les conditions que doit, selon elle, satisfaire tout un dispositif national de soutien pour être réputé compatible avec l'interprétation du Traité. A partir de cette interprétation, elle estime par exemple que le montant des aides ne doit jamais excéder 50 % du coût total d'une uvre. Cela se discute, notamment pour les très petits pays producteurs.
L'exemple que Jacques Fansten vient de citer, illustre bien la difficulté que nous avons à admettre qu'une telle règle puisse constituer une règle commune intangible.
Un consensus très fort se dessine entre les Etats membres qui tous, jugent ces mécanismes indispensables au soutien de leurs cinématographies nationales, et craignent une remise en cause de l'existence même des dispositifs de soutien à la faveur de ces examens et réexamens périodiques. Plus fondamentalement, les Etats membres estiment que ce soutien ne peut pas être dénoncé comme nuisant à la concurrence sur les marchés des films, comme en atteste la très large ouverture de ces marchés aux productions des autres Etats membres, et aussi aux films américains. Autrement dit brandir les règles de la juste concurrence sur des marchés qui objectivement sont considérablement ouverts, ne nous paraît pas aller dans le sens de ce qui nous unis notamment dans la défense de la diversité culturelle dans l'espace européen. Je sais d'ailleurs que ce constat est partagé par les professionnels européens, qui ont adopté une résolution à Lyon en septembre dernier, à l'occasion d'un colloque que j'ai organisé en tant que Présidente. Son point 3 dit clairement leur attachement aux dispositifs nationaux de soutien aux industries culturelles.
Il va de soi que nous resterons, pour notre part, très mobilisés sur ce dossier, même après la fin de notre Présidence. La Suède, qui nous succédera, a d'ores et déjà annoncé son intention de continuer à travailler sur ce dossier au maintien des mécanismes nationaux de soutien au cinéma.
Après ce point sur l'état des travaux communautaires, je voudrais proposer à votre débat quelques pistes de réflexion qui sont les miennes aujourd'hui en tant que Présidente de l'Union européenne et aussi dans ma responsabilité au sein du Gouvernement.
En premier lieu, voit-on clair dans l'articulation entre politiques communautaires et nationales ? Et quelle est la juste place des politiques de la concurrence au regard de l'enjeu culturel ? Notez bien que je ne dis pas " la juste place de l'enjeu culturel au regard des politiques de la concurrence " mais bien l'inverse, car l'enjeu culturel est au cur de l'enjeu européen.
Rappelons-nous que la construction européenne s'est d'abord faite par l'économie. Les préoccupations culturelles ne sont apparues dans le Traité qu'en 1992 dans l'article 151, qui fait référence à l'objectif de diversité culturelle. 92, c'est relativement récent.
Cet article limite l'action communautaire dans ce secteur : d'ailleurs, aussi bien la directive Télévision Sans Frontière que le programme MEDIA ont d'autres bases juridiques. La réalité de l'Europe culturelle et audiovisuelle est donc à la fois une communautarisation limitée, assez faible et une forte subsidiarité. Pour ma part, ce partage de compétences me paraît cohérent, satisfaisant, car l'expression de l'identité culturelle est avant tout une responsabilité nationale. Mais, dans le même temps, la construction de l'espace culturel européen nécessite une action communautaire. Je crois donc que nous devons chercher à " communautariser " uniquement ce qui gagne à l'être, c'est-à-dire essentiellement ce qui concourt à une meilleure circulation des oeuvres, des images, des idées et des artistes entre les Etats européens. MEDIA+ en est un parfait exemple.
Pour ces raisons, la règle de l'unanimité appliquée pour l'article 133.5 du Traité, qui fixe les pouvoirs de négociation de la Commission à l'OMC, offre selon moi la meilleure garantie du maintien de nos marges de manoeuvre nationales dans ce domaine. Il serait en effet assez paradoxal de confier à la Commission, par un vote à la majorité qualifiée, un mandat de négociations sur des sujets relevant avant tout de la compétence nationale. Mais je le sais, il y a là un sujet de vif débat.
Pourtant, en dépit de ce partage apparemment clair entre les compétences nationales et communautaires, les difficultés vont croissant :
- au plan communautaire, les négociations avancent avec peine : on le voit pour MEDIA+ sur un chiffre objectivement modeste par rapport aux ambitions d'une action communautaire dans le domaine du cinéma et de l'audiovisuel : on ne parvient pas à l'accord. Ce sera aussi une vraie difficulté demain sans doute pour la renégociation de la directive Télévision Sans Frontières ;
- pour ce qui relève de notre compétence nationale - aides au cinéma, financement de l'audiovisuel public, prix du livre -, nos politiques nationales sont remises en cause - en tout cas mises à la question - par les règles de concurrence communautaires. Je ne conteste pas l'importance de ces règles, y compris dans nos secteurs, à l'heure des méga-fusions qui ont bien besoin d'être régulées. Mais je crois qu'il est de la responsabilité des Etats de réfléchir aux moyens de garantir une meilleure prise en compte de l'objectif de diversité culturelle inscrit dans le Traité.
D'ailleurs, je perçois des évolutions encourageantes. Je suis frappée par la très forte mobilisation de bon nombre d'Etats membres en faveur des aides au cinéma. C'est nouveau, de la part de certains Etats qui avaient pour habitude de tenir des positions plus libérales que la nôtre.
De même, autre signe positif, le Parlement européen cherche à exercer un rôle toujours plus actif. Or, il exprime régulièrement son attachement aux questions culturelles, et récemment encore en plaidant avec vigueur pour un budget de 550 millions d'euros pour MEDIA +.
Enfin, je prends acte que la Commission, qui n'y est pas obligée par le Traité, a accepté les diverses invitations de la Présidence à discuter informellement avec les Etats membres sur des dossiers où elle a pourtant compétence exclusive. Cela s'est fait notamment à l'occasion des colloques que la présidence française a impulsé concernant les industries culturelles, concernant le livre, concernant l'audiovisuel public. Mais cela n'emporte pas, pour autant, son adhésion, ni celle de ses services, à nos objectifs.
Sans méconnaître les difficultés, j'ai voulu esquisser devant vous ce que je crois être un bilan réaliste du chemin parcouru par l'Europe dans sa relation avec le cinéma. Je compte beaucoup sur vous - artistes, professionnels - pour se mobiliser aussi au niveau européen. L'approche française apparaît souvent comme la figure de proue dans ce débat sur l'expression de l'identité culturelle, sur la légitimité des aides publiques aux industries culturelles. Mais cette position ne peut pas rester une action solitaire. Et c'est pourquoi, il me paraît nécessaire aujourd'hui encore plus qu'hier qu'entre professionnels européens, un dialogue, une action se noue notamment dans la perspective de la renégociation prochaine de la directive Télévision Sans Frontières.
Mais le cinéma européen ne se résume heureusement pas à des normes et des négociations. Grâce à la variété de nos réalisateurs, au talent de nos acteurs en Europe, à la richesse de nos genres, nos cinématographies sont une formidable expression de la diversité européenne, face au cinéma américain. Théo Angelopoulos, Roberto Begnini, Pedro Amoldovar, Lars von Trier ou encore les Frères Dardenne ... : tous ces Européens ont été primés ces dernières années à Cannes et connaissent une notoriété mondiale. C'est une preuve de la vitalité de notre cinéma. Enfin, l'Académie européenne du cinéma, présidée par Wim Wenders, se réunira dans un mois à Paris pour la cérémonie de remise des prix du cinéma européen. J'ai tenu à ce que cette manifestation reçoive le label officiel de la Présidence française : je suis en effet convaincue que de tels événements contribuent, eux aussi, au rayonnement du cinéma européen. Ce cinéma européen peut très légitimement être sûr de lui, sûr de son existence, de sa parole forte et de sa contribution à l'expression de cette identité culturelle que les uns et les autres nous défendons dans les discours. Nous ne devons en aucunes occasions donner le sentiment d'en faire un drapeau que nous ne serions pas sûr de pouvoir porter jusqu'au bout. Voilà pourquoi, j'attache une très grande importance aux débats qui se déroulent ici et aux initiatives professionnelles de même qu'aux propositions qui pourraient être formulées en direction des pouvoirs publics.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 31 octobre 2000)