Conférence de presse de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur la politique en faveur de la danse, Paris le 13 octobre 2005.

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Texte intégral

Mesdemoiselles,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Je suis très heureux de vous accueillir aussi nombreux rue de Valois, au salon des Maréchaux, aujourd'hui.
Parce que la danse est à mes yeux l'une des expressions artistiques les plus accomplies et que je m'y suis toujours passionnément intéressé.
Parce que la danse, art vivant par excellence, art du mouvement, art majeur, art fragile aussi, est au coeur de ma politique en faveur du spectacle vivant. Parce que c'est l'art des fureurs, des violences, mais aussi parce que c'est l'expression du beau, de l'harmonie, liberté du corps, mais aussi celle de l'évasion de l'esprit, Magie de la danse.
Parce que le soutien que l'Etat apporte à la danse dans notre pays est unique au monde. Notre particularité est d'intervenir à tous les niveaux : autant par le soutien aux grands établissements de formation, de production et de diffusion qu'à un grand nombre de démarches individuelles et artistiques, à travers l'aide aux compagnies, à la recherche, aux écritures chorégraphiques. Le Ministère de la Culture et de la Communication n'est pas seul pour conduire cette politique. A ses côtés, les collectivités territoriales, sont les interlocutrices permanentes des Directeurs régionaux des affaires culturelles afin de conjuguer les préoccupations d'ordre national et les besoins de chaque territoire.
Le paysage chorégraphique, pourtant, n'est pas encore complètement construit et nous devons encore oeuvrer afin de conforter durablement la place de la danse à travers ses multiples pratiques sur tout le territoire, et au sein de notre puissant réseau d'équipements culturels. C'est bien là l'objet du plan d'action que je vous propose pour les années à venir, qui est orienté par trois grands objectifs :
- mieux accompagner la carrière des interprètes et des créateurs ;
- partager les outils afin de renforcer les moyens dévolus à la danse et élargir son audience ;
- enfin, veiller à la préservation et à l'enrichissement du répertoire de la danse en nous souvenant que nous sommes responsables de la mémoire de la danse.

1) Mieux accompagner la carrière des interprètes et des créateurs
Il a beaucoup attendu, beaucoup trop attendu, le premier chantier que je souhaite ouvrir, celui du déroulement de la carrière des danseurs.
L'une des caractéristiques du métier de danseur est qu'il doit s'interrompre à un âge qui permet encore de réelles perspectives professionnelles. Or la question de l'accompagnement des danseurs vers cette seconde carrière n'a pas été abordée jusqu'ici avec une détermination suffisante, à mon avis.
Anne Chiffert, inspectrice générale de l'administration des affaires culturelles et Maurice Michel, inspecteur général des affaires sociales m'ont remis une étude sur ce sujet délicat. Je tiens maintenant à ce que la responsabilité et l'engagement du Ministère de la Culture et de la Communication se traduise concrètement, dès 2006, pour favoriser l'accès des danseurs à des formations les préparant à un second métier.
En 2006, je souhaite que le Ministère de la Culture et de la Communication étudie, en lien avec le Ministère de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, les modalités de sa participation à un fonds nouveau d'aide à la seconde carrière des danseurs constitué à l'AFDAS. Mon Ministère affectera, dès l'an prochain, 300.000 à cette action, et dans les années suivantes il confirmera son engagement.
En 2006 encore, le ministère de la culture, en concertation avec le ministère du travail et de l'emploi, en lien avec la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, s'appliquera faire reconnaître la pénibilité du métier de danseur.
Je souhaite par ailleurs ouvrir, avec le Centre national de la fonction publique territoriale et la Réunion des opéras de France, une réflexion sur la mise en oeuvre de dispositifs visant à encadrer la reconversion des danseurs des ballets. Parmi les opéras de région, les opéras nationaux de Lyon, de Bordeaux, du Rhin ont ouvert la voie en créant des dispositifs originaux. L'Opéra national de Paris s'est également engagé dans une action volontaire d'incitation et de préparation systématique de ses danseurs aux fonctions de professeur de danse.
Afin d'optimiser les possibilités de reconversion des interprètes, il convient avant tout de sensibiliser les jeunes danseurs, dès leurs années de formation, à préparer un parcours professionnel au-delà de leur carrière de danseur. C'est pourquoi des espaces de découverte des autres métiers des arts et de la culture seront progressivement aménagés dans les cursus d'études dispensés par les écoles supérieures de danse, à commencer par les deux conservatoires supérieurs de musique et de danse de Paris et de Lyon. Les écoles supérieures devront renforcer leur vigilance, afin que les élèves soient en mesure d'obtenir le baccalauréat simultanément à leurs études chorégraphiques, et elles devront leur faciliter l'accès à des formations post-baccalauréat. Je n'ignore pas que ces priorités appellent des moyens nouveaux, en termes de soutien financier et de personnel d'encadrement ; je mesure le remarquable travail accompli par les six écoles supérieures qui ouvrent l'une des principales portes d'entrée au métier de danseur. Mais j'affirme ici notre responsabilité commune pour que la préparation de la seconde carrière soit prise en compte dès le moment où un jeune danseur s'engage dans un cursus de formation supérieure et professionnelle.
Enfin, un diplôme national d'interprète sera créé en 2006. Ce diplôme assurera aux professionnels une reconnaissance sociale plus forte, facilitera leur mobilité professionnelle en Europe, et optimisera leurs chances de reconversion ; il leur permettra en particulier, à terme, de bénéficier d'équivalences et d'intégrer un cycle universitaire. Bien entendu, les écoles supérieures ne sont pas la seule voie vers la professionnalisation et l'existence de ce diplôme ne fermera pas la porte à des parcours plus atypiques. Les chorégraphes engagent les interprètes sur audition, pour la force de leur interprétation, pour les techniques qu'ils maîtrisent et non sur la base du cursus qu'ils ont suivi. Ensemble nous pouvons nous en féliciter, mais nous savons tous que la question de la mobilité professionnelle, de la réorientation se pose à tous les danseurs et que, le moment venu, ce diplôme sera un atout.
Réussir la sensibilisation des élèves danseurs à leur seconde carrière dès leur passage dans les écoles supérieures suppose de renforcer la formation des formateurs à cette problématique complexe. J'ai donc demandé à la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, d'engager différentes actions, en lien notamment avec le Centre national de la danse, afin d'améliorer cet aspect de la formation des professeurs de danse.
Dans la vie d'un danseur, la préparation d'une seconde carrière se construit tout au long de sa vie d'artiste et le Centre national de la danse, à travers son département des métiers, est l'interlocuteur privilégié des artistes. En 2006, ses moyens seront renforcés, et je souhaite en particulier le charger de concevoir et de mettre en oeuvre dès que possible, en lien avec les employeurs, l'AFDAS et l'ANPE, des dispositifs adaptés permettant aux danseurs de faire le point à mi-carrière sur leur évolution professionnelle et leur projet de vie. J'ai enfin chargé la DMDTS, d'étudier en lien avec la Direction des relations du travail du ministère du travail et de l'emploi, les modalités de mise en place d'un lieu ressource dédié à la recherche médicale en danse, afin de mieux appréhender les risques physiques liés à l'exercice de ce métier si spécifique, qui met le corps des artistes à l'épreuve.
Dès l'aube de la carrière, l'insertion est un enjeu crucial. Les directeurs de centres chorégraphiques et de ballets, ceux de certains Centres de développement chorégraphiques ont pris des initiatives efficaces dans le domaine de l'insertion qui viennent compléter l'action des jeunes ballets attachés aux écoles supérieures et à certains conservatoires de région. J'ai tenu à ce que le soutien financier que leur apporte le Ministère de la Culture et de la Communication soit significativement renforcé en 2005. J'ai demandé au Ministère de conforter ces actions par un appui technique, et en particulier d'aider les responsables de ces projets à utiliser au mieux les dispositifs de droit commun.
2) Partager les outils afin de renforcer les moyens de la danse et d'élargir son audience
Les compagnies indépendantes sont le terrain sur lequel, chaque jour, la danse se renouvelle. Evoquer en ces termes, et tout d'abord leur mission, c'est reconnaître leur fragilité et leur audace créatrice. Ce n'est d'aucune manière - j'y reviendrai dans un instant - méconnaître la part que chaque lieu prend à la création et à l'ouverture.
En 2005, le nombre de compagnies chorégraphiques aidées par le ministère de la culture et de la communication est de 224. Ces équipes, aidées ponctuellement ou régulièrement, ne sont pourtant qu'une partie de toutes celles qui aspirent à recevoir un soutien du Ministère de la Culture et de la Communication et mes visites, partout en France, me le montrent toute l'année.
Plusieurs innovations ou réorientations de l'action de l'Etat vont intervenir en 2006. Elles doivent permettre d'accompagner les premiers pas d'un artiste isolé, de mieux prendre en compte la réalité du travail des compagnies non conventionnées et de resserrer les liens entre les compagnies de danse et les théâtres.
1°) Je souhaite tout d'abord que le soutien de l'Etat aux compagnies continue d'augmenter, comme il n'a cessé de le faire au cours des dernières années. Cette progression se prolongera en 2006 afin notamment que soit mieux pris en compte le temps de travail consacré à la création, et que l'effort de consolidation des équipes, engagé cette année, se poursuive.
2°) Par ailleurs, l'aide à la reprise, proposée aux compagnies depuis 2004, sera encouragée, afin d'offrir aux équipes artistiques un cadre budgétaire qui leur permette d'organiser des tournées pour une deuxième exploitation de leurs spectacles.
3°) en troisième lieu, je souhaite valoriser les projets individuels : lorsqu'il n'est pas indispensable pour un artiste de se doter immédiatement d'une compagnie, il pourra placer son projet à l'abri d'une structure déjà constituée. J'engage les Centres chorégraphiques nationaux à épauler, comme certains le font d'ailleurs déjà, les danseurs qui en sont aux prémices de leur démarche de créateur. Ces jeunes artistes pourront désormais obtenir une aide à la création apportée aux structures intervenant en appui du projet. Cette mesure pourra progressivement être étendue aux compagnies conventionnées. Mon objectif est que, pour un artiste, la création d'une compagnie résulte d'un vrai choix artistique et pas simplement d'une obligation juridique. Il s'agit de créer un véritable compagnonnage.
4°) En quatrième lieu, j'ai décidé d'élargir le champ et les bénéficiaires de l'accueil-studio. Je félicite les centres chorégraphiques nationaux (CCN) qui, depuis 1998, parient sur l'ouverture et le partage de leur outil de travail avec des compagnies émergentes. Dans ce domaine également, on peut aller plus loin, j'en suis convaincu. Je souhaite en effet permettre aux CCN d'accueillir des spectacles en partenariat avec des théâtres proches. Là encore, certains centres chorégraphiques ont ouvert la voie. Permettez-moi de citer ici le projet des " Choré-graphiqes ", porté par le CCN de Tours qui m'est cher, vous le savez. L'enveloppe " accueil-studio " consacrée aux Centres Chorégraphiques nationaux pourra donc être, dès 2006, renégociée à la hausse en fonction des projets élaborés par chaque centre chorégraphique. Je ne crée pas ici une nouvelle obligation. Seuls les CCN qui le souhaiteront seront concernés. Et puisque j'aborde la question des missions des centres chorégraphiques nationaux, je vous confirme que le texte réglementaire élaboré en concertation par mes services et les membres de l'Association des Centres chorégraphiques nationaux, afin de clarifier leurs missions et certains aspects de leur fonctionnement sera prochainement publié.
J'ai souhaité que le bénéfice de l'accueil-studio soit élargi aux Centres de développement chorégraphique. En bénéficiant dès 2006 du dispositif de l'accueil-studio, les centres de développement chorégraphique pourront mieux articuler leurs actions de diffusion et de production.
5°) en cinquième lieu, je tiens à valoriser les résidences d'artistes ou de compagnies : toutes les démarches favorisant la résidence d'une compagnie ou d'un artiste dans un lieu font l'objet d'une circulaire que j'adresserai prochainement aux Directeurs régionaux des affaires culturelles. Sans détailler les mesures qui y figurent, je veux redire dire ici mon attachement à tout ce qui contribue au partage de l'outil qu'est un théâtre. Les théâtres doivent être plus souvent et mieux investis par les artistes, car il demeure encore à mes yeux trop de distorsions entre la production et ses lieux d'exploitation. C'est un des multiples exemples du décloisonnement que j'appelle de mes voeux.
6°) Enfin, je souhaite également que l'Etat ouvre à la danse l'ensemble de son patrimoine monumental. Des expériences réussies ont prouvé que la danse pouvait investir des musées, des monuments historiques, des sites urbains emblématiques. L'ouverture de tous les lieux du patrimoine à la danse et au spectacle vivant est pour moi plus qu'une ambition. C'est une décision. Je souhaite que, désormais, chaque monument bénéficiant à un titre ou à un autre d'une aide de l'Etat, accueille des artistes de tous horizons, des ensembles musicaux, des compagnies de danse, de théâtre, de cirque. J'ai donné des instructions précises en ce sens au Président du Centre des monuments nationaux, au Directeur de l'architecture et du patrimoine et à la Directrice des musées de France. C'est dans cet esprit que j'ai tenu à associer une création musicale à la mise en lumière du Grand Palais à Paris, pour sa réouverture, et c'est encore pour cela que je souhaite qu'un spectacle chorégraphique, adapté à ce site exceptionnel, y soit créé.
Parce que la danse manque de lieux, je souhaite que soient créés de nouveau lieux qui lui soient spécifiquement dévolus.
Plusieurs équipements sortent de terre et seront inaugurés en 2006 : tout d'abord le Centre chorégraphique national d'Aix-en-Provence, le premier du réseau à être pourvu d'un salle de représentation autonome; suivra celui de Rilleux-la-Pape. Et vous le savez, la saison 2007-2008 verra l'ouverture du " Quai ", à Angers, qui offrira au Centre national de danse contemporaine de nouveaux studios et facilitera son accès au plateau.
Sur les centres chorégraphiques nationaux, je souhaite faire deux observations. Tout d'abord, le réseau n'est pas clos : 19 n'est pas un nombre d'or ! L'Etat lancera donc, en 2006, un appel à projet auprès des collectivités territoriales, afin de leur proposer la création de nouveaux CCN dans les régions qui n'en sont pas pourvues, ou dans celle dont l'étendue et le développement démographique justifieraient la création d'un second centre.
Les Centres chorégraphiques se trouvent dans des situations très inégales en termes d'équipement et beaucoup ont encore besoin, pour accomplir leurs missions d'au moins un second studio. Je demande donc à mes services de lancer, avant la fin de l'année en cours, un état des lieux, au sens propre du terme, et de définir un plan de bataille pour que cette question mobilise les moyens de l'Etat et des collectivités partenaires, et trouve enfin sa solution. En vous disant cela, je reste réaliste : nous ne réglerons pas toutes les situations difficiles d'un seul coup, sur un seul exercice budgétaire ! Mais il est de ma responsabilité de lancer le mouvement, et de prendre l'initiative d'une concertation avec les collectivités locales.
Deux Centres de développement chorégraphique (CDC) bénéficieront prochainement d'infrastructures pensées pour la danse, celui du Val de Marne et celui d'Uzès. Un second studio et des hébergements ouvriront fin 2006 au CDC de Toulouse, dans l'attente du projet d'aménagement de la Prison Saint Michel envisagé par la Ville de Toulouse.
Certaines compagnies sont déjà attributaires de studios de danse et l'Etat contribue activement à leur aménagement et à leur fonctionnement dans le cadre du dispositif d'aide aux studios.
Je me félicite de l'accueil que réservent la ville de Bron et les collectivités territoriales de Rhône-Alpes à Mourad Merzouki. Grâce à un partenariat fructueux entre l'Etat et les collectivités territoriales, ce chorégraphe bénéficiera dès l'année prochaine d'un lieu dévolu à la danse Hip-Hop qu'il souhaite ouvrir largement à toutes les danses urbaines.
Nous le savons, la danse ne consolidera sa position dans le paysage du spectacle vivant qu'en s'appuyant sur une diffusion plus large. La situation de la danse est particulière, car hormis la Maison de la Danse à Lyon, aucun plateau ne lui est réservé en propre.
La danse trouve aujourd'hui principalement sa place dans les saisons des lieux généralistes. Je sais que vous êtes inquiets et malgré l'augmentation globale du nombre de représentations de spectacles chorégraphiques sur le territoire, ces spectacles ne rencontrent pas encore suffisamment leurs publics.
Le ministère de la culture et de la communication doit donc accorder la plus grande attention à la diffusion de la danse en aidant les lieux qui le souhaitent à structurer de véritables " pôles de diffusion ", composés de personnels formés, dotés d'outils techniques de recensement et de connaissance des réseaux, aptes à se déplacer pour trouver et sensibiliser des lieux à la coproduction, au préachat ou à l'accueil de leurs spectacles.
La constitution de ces pôles de diffusion pourra être proposée à l'occasion de la signature ou de la prolongation du contrat liant un théâtre, quel qu'il soit, à l'Etat. Une évaluation des besoins du lieu sera réalisée, en partenariat avec l'Office national de diffusion artistique à qui je souhaite confier, en plus de son travail d'accompagnateur de projets, une véritable mission " d'expert de la diffusion " au service des théâtres, menée en liaison avec les DRAC.
La question de la diffusion est complexe et pour agir plusieurs leviers sont à notre disposition :
Tout d'abord l'Office National de Diffusion Artistique. Depuis 2005, l'ONDA propose des modes d'intervention dont l'objectif est de favoriser les tournées " territoriales " afin de rompre avec l'éclatement des tournées et de favoriser l'exploitation en séries des spectacles.
Concernant les scènes nationales, la place de la danse a progressé. A chaque nomination, une analyse de l'environnement culturel de la scène permet au ministère de la culture et de la communication de proposer l'orientation qui sera donnée à la scène nationale : c'est ainsi que l'on a procédé pour celles de Dieppe, de Reims et de Marseille qui ont clairement fait le pari de la danse.
Le ministère est également attentif au profil des directeurs, lors du renouvellement des mandats. Je souhaite pouvoir nommer plus de directeurs ayant une forte sensibilité et un réel intérêt pour la danse.
Parmi les théâtres généralistes, les théâtres de ville sont un important relais de la diffusion de la danse. Je souhaite que le programme des scènes conventionnées continue à se développer. Actuellement 30 théâtres sur 76, soit près de 40%, sont conventionnés pour leur action en faveur de la danse. Des conventions avec le théâtre Rive Gauche à Saint Etienne du Rouvray dans l'agglomération rouennaise et le théâtre de la Cigalière à Sérignan en Languedoc-Roussillon viennent d'être signées. Suivra celle avec le théâtre de Chartres.
A Paris, afin de mieux articuler soutien aux compagnies, production et diffusion, le ministère de la culture et de la communication a lancé une étude sur l'édification d'une salle de spectacle attenante au Centre National de la Danse. A Paris toujours, l'Etat apporte son soutien à des théâtres qui font une place importante à la danse : bien sûr, l'Opéra national de Paris qui allie création et répertoire en présentant près de 160 représentations chorégraphiques par saison, le Théâtre national de Chaillot, dont l'ouverture à la danse est aujourd'hui perçue par tous comme un enrichissement, le Centre Georges Pompidou ou au théâtre de la Bastille qui soutiennent fermement la création contemporaine. En 2005, les moyens alloués par le ministère au théâtre de la Cité Internationale, doté d'un nouvel équipement parfaitement adapté à la danse, ont été confortés, de même ceux de la Ménagerie de Verre, un lieu qui a tant contribué depuis vingt ans à la formation des danseurs et à accompagner l'émergence de nouveaux talents.
Enfin, je veux m'adresser aux directeurs des festivals pour les assurer du soutien de l'Etat. Ces manifestations jouent un rôle décisif pour la création et la diffusion de la danse française ou étrangère.
Si les compagnies françaises tournent déjà beaucoup à l'étranger, je sais que la danse française peut trouver un écho encore plus large en dehors de nos frontières. L'association française d'action artistique est un partenaire naturel du ministère de la culture dans ce domaine. J'ai d'ailleurs engagé, avec le ministre des affaires étrangères, une réflexion pour optimiser la concertation entre nos deux ministères et vous ne serez pas surpris que, dans le prolongement des débats que j'ai organisés lors des Rencontres pour l'Europe de la culture, en mai dernier, je confirme ici mon soutien à tous ceux qui créent des réseaux visant à faciliter la circulation internationale des oeuvres, des artistes et des idées.
La rencontre du public et de la danse ne se limite pas à l'expérience de la représentation.
La première rencontre doit avoir lieu à l'école et peut se prolonger par la pratique de la danse en amateur, qui ouvre d'abord à une prise de conscience du corps et du mouvement, avant de conduire parfois à la participation à des spectacles.
Je fais de la relance de l'éducation artistique et culturelle un axe majeur de la reconnaissance du rôle de la culture dans notre pays. C'est vrai pour les arts plastiques, pour la musique, pour le théâtre et aussi, bien sûr, pour la danse. Je tiens à saluer l'engagement du monde de la danse, des chorégraphes et des danseurs, qui s'investissent avec conviction dans ce secteur et portent largement les nouvelles classes préparant au baccalauréat option danse, qui sont plus de trente cette année.
Le développement de l'éducation artistique et culturelle est une priorité nationale. Il s'agit bien, dans son sens le plus large, d'éducation à la citoyenneté, à la liberté et à l'intelligence.
J'installerai le 19 octobre prochain le Haut conseil pour l'éducation artistique et culturelle. Instance consultative et prospective, le Haut conseil aura pour mission d'évaluer, chaque année, la politique nationale d'éducation artistique, et de proposer aux deux ministres de l'éducation nationale et de la culture et de la communication, des actions susceptibles d'en renforcer l'efficacité.
La danse, comme les autres arts, participe à la formation de la personnalité ; elle permet aux enfants et aux adolescents en recherche de langage et de relations, de construire des expériences fortes d'expression, d'intégration et d'échanges. Le travail pionnier réalisé par l'association " Danse au coeur " est, à cet égard, exemplaire de toutes les possibilités offertes par la rencontre de l'enfant et de la danse dans le cadre scolaire. Je me félicite qu'à travers le partenariat institué entre " Danse au coeur " et le Centre national de la danse, plusieurs pôles de ressources en danse aient été créés dans les régions.
L'action de promotion de la danse à l'école, fortement soutenue par le ministère de la culture et de la communication, est relayée par le réseau des établissements d'enseignement spécialisés. Je ne doute pas que la mise en place prochaine des schémas départementaux d'orientation pédagogique favorisera leur plus grande ouverture à la danse et aux artistes qui la pratiquent en amateurs.
Améliorer les conditions d'exercice des pratiques amateurs est pour moi une autre priorité, qui repose sur une plus grande ouverture des établissements d'enseignement spécialisés à ces pratiques, mais également sur un renforcement de la collaboration entre artistes amateurs et professionnels. Le cadre juridique de ces collaborations doit être clarifié ; une loi, qui a fait l'objet d'une large concertation, est en dernière phase de préparation.
Plus concrètement, le ministère engagera en 2006 deux actions principales pour soutenir la pratique de la danse en amateur :
Tout d'abord un dispositif de tutorats par des chorégraphes professionnels pour encadrer les pratiques de danse à finalité scénique ; j'ai ensuite souhaité que mes services lancent une étude, qui sera publiée au début de l'année 2006. Cette étude sera prolongée par une consultation nationale sur le thème de la transmission des danses traditionnelles.
En contrepoint de la pratique, professionnelle ou amateur, mais au coeur de la sensibilisation du grand public, le renforcement de la présence de la danse sur les écrans de télévision est, à mes yeux, un enjeu majeur.
La place réservée à la danse en particulier et au spectacle vivant en général est en effet un point crucial du prochain contrat d'objectifs et de moyens de France-Télévisions en cours de discussion.
Relais de l'action de ministère, le Centre national de la cinématographie, à travers notamment sa commission d'aides sélectives, a aidé, en 2004, 433 heures de spectacle vivant pour un montant de 16 M d'euros.
J'ai par ailleurs souhaité qu'un nouveau dispositif soit créé, le fonds spécifique d'aide à l'innovation, ouvert aux créations chorégraphiques dans le domaine de la fiction et du documentaire. Ce fonds, en cours de constitution sera opérationnel dès le début de l'année 2006. Et je fonde plus que des espoirs sur le développement de la Télévision Numérique Terrestre, qui avec France 4 et la diffusion toute la journée de Arte et France 5, ouvre de nouveaux espaces de programmation pour la danse sous forme de captations, recréations de spectacles comme de documentaires.
Je souhaite enfin que le Ministère de la Culture et de la Communication poursuive, à travers une collaboration accrue avec l'Institut national de l'audiovisuel, son action de soutien à des projets aux formats atypiques, à usage patrimonial ou pédagogique. Je pense en particulier à la captation d'entretiens avec des figures centrales de la danse.
3) Préserver le répertoire de la danse
Plus que jamais, je souhaite, et c'est le troisième pilier de mon action, que le ministère soit attentif à la question de la mémoire de la danse, à l'enrichissement et à la transmission des répertoires. La danse, comme tout art, a besoin de se réfléchir et de connaître ses racines pour aborder l'avenir en toute liberté.
Grâce notamment à la permanence de leurs équipes, les ballets des maisons d'opéra, à Paris comme en régions, exploitent un répertoire constitutif du patrimoine chorégraphique. Tous ont su engager des démarches d'enrichissement de ce répertoire, en s'ouvrant très largement aux esthétiques contemporaines. Les ballets implantés en région sont souvent confrontés à l'insuffisance de leurs effectifs pour monter certaines oeuvres lourdes, notamment les ballets du XIXe siècle et les grandes pièces néoclassiques du XXe siècle. Certaines expériences récentes de coproduction entre plusieurs ballets appartenant à des maisons d'opéra, notamment les Opéras d'Avignon et de Toulon, ont démontré la possibilité et l'intérêt d'une mise en commun des moyens de plusieurs structures, pour monter une oeuvre majeure du répertoire. J'ai donc souhaité que le ministère de la culture et de la communication soutienne ces démarches de mutualisation des moyens artistiques, techniques et logistiques et que, dès 2006, une unité de production, dotée de moyens propres, soit préfigurée afin de faciliter la naissance de projets communs entre les ballets.
La question du répertoire et de sa transmission n'intéresse pas les seuls ballets d'opéras. Elle est au coeur des préoccupations de nombreux centres chorégraphiques nationaux et tout particulièrement de ceux qui, tels le Ballet national de Marseille, le Ballet du Nord, le Ballet de Lorraine et le Ballet du Rhin, le Ballet Preljocaj et le Ballet de Biarritz, sont dotés d'effectifs importants.
La seule énumération de ces compagnies, engagées dans des démarches artistiques et des esthétiques différentes, montre assez que la question du répertoire ne se limite pas à celle de la transmission des oeuvres classiques et néoclassiques, si importantes soient-elles.
La danse contemporaine, dont les créations viennent enrichir le patrimoine chorégraphique, doit également mieux se préoccuper de son inscription dans la mémoire de la danse.
L'une des voies de la constitution de cette mémoire pour demain est la transcription, sur des partitions chorégraphiques, des oeuvres d'aujourd'hui. En 2006, le ministère de la culture et de la communication mettra en place, à titre expérimental dans un premier temps, des bourses afin que soient notées les oeuvres de création. Ces bourses seront également ouvertes aux expérimentations d'informaticiens afin de faciliter l'usage des logiciels de notations.
Je souhaite enfin, puisque nous parlons de mémoire, rendre hommage à Francine Lancelot qui nous a quittés. Grâce à ses travaux de recherches historiques et à ses activités de créatrice, elle a révélé au public tout un pan de l'histoire de la danse. Je souhaite que ce patrimoine, et les démarches créatrices qui en sont issues, soit mieux soutenu. Aujourd'hui, le soutien à la danse baroque repose essentiellement sur le conventionnement de deux compagnies " L'Eventail ", et " Les Fêtes Galantes ". En 2005, j'ai souhaité lancer un nouveau volet d'action en soutenant l'ouverture, par " Les Fêtes Galantes " des " Ateliers baroques ", dont les moyens seront renforcés en 2006. Les conditions d'une ouverture plus large du Centre de musique baroque de Versailles à la danse baroque seront également étudiées, notamment pour les activités de recherche.
La recherche est une composante essentielle de l'activité chorégraphique, et elle réunit tous les acteurs du monde de la danse, toutes les pratiques, toutes les esthétiques. C'est pourquoi je suis très attaché à l'existence de lieux où les chercheurs puissent échanger, développer ou confronter leurs travaux. Ce sont là les missions d'un lieu singulier, que beaucoup d'entre nous connaissent, le " Mas de la danse " créé et animé depuis de nombreuses années par Françoise et Dominique Dupuy. Afin de permettre à ce lieu de continuer d'exister et, si possible d'exister mieux, j'ai souhaité que des moyens nouveaux lui soient attribués en 2006, ce qui lui permettra en particulier d'initier une collaboration avec la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, et d'engager de nouvelles expérimentations au croisement de la recherche corporelle et théorique.
La lisibilité de l'action du Ministère de la Culture et de la Communication dans le domaine du spectacle vivant passe aussi par un regard critique sur sa propre organisation et ses propres procédures.
Ainsi que je l'ai indiqué à Strasbourg, lors de ma conférence de presse consacrée à la musique, puis ici même, lors de la présentation du budget de la culture et de la communication et lors de la conférence de presse sur le théâtre, j'ai décidé de lancer une réforme de la Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles.
J'ai confié à l'inspection générale de l'administration de la culture, en plein accord avec Jérôme Bouët qui participe activement à la réflexion, une mission d'analyse du fonctionnement de la DMDTS conduite par Mme Anne Chiffert et Monsieur Dominique Chavigny. J'attends leur rapport et leurs propositions avant la fin de l'année. Les professionnels du spectacle, dans toutes les disciplines, seront largement associés à cette réflexion afin qu'elle aboutisse à une réforme que je souhaite mettre en oeuvre avant la fin du premier semestre 2006.
Enfin, je tiens à vous indiquer, au moment de conclure, que trois millions d'euros de mesures nouvelles seront spécifiquement affectée à la danse en 2006. Les moyens financiers alloués à la danse par le ministère de la culture et de la communication auront ainsi augmenté 12 millions d'euros par rapport à 2003, soit près de 13 %. Pour 2006, Jérôme Bouët me rendra à la mi-novembre ses propositions d'arbitrage sur la part des crédits qui seront gérés en centrale et ceux qui seront déconcentrés dans les DRAC. Et je veillerai personnellement à ce que les initiatives annoncées trouvent leur traduction budgétaire et contribuent ainsi à ouvrir de nouvelles perspectives pour la danse.
Comme vous pouvez le constater de grandes " manoeuvres " nous attendent. C'est ensemble que nous parviendrons à consolider l'acquis, mais aussi à faire bouger les lignes. Pour ma part, je suis complètement engagé dans cette action. Je crois profondément au rôle social de l'art de la danse, à sa nécessaire inscription dans notre quotidien, celui des créateurs et des interprètes, celui du public qui est composé par chacun et chacune de nos concitoyens.
Comme le disait Léopold Sédar Senghor : " danser, c'est découvrir et recréer () c'est le meilleur mode de connaissance ".
Je vous remercie.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 14 octobre 2005)