Interview de M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, dans "Les dernières nouvelles d'Alsace" du 28 septembre 2005, sur la situation sociale, le dialogue social et le patriotisme économique.

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Média : Les Dernières Nouvelles d'Alsace

Texte intégral

Les dernières nouvelles d'Alsace. Comment " sentez "-vous cette rentrée ?
François Chérèque. Très, très morose... On sent bien la profonde inquiétude des salariés sur l'emploi et sur le pouvoir d'achat, un peu plus érodé encore par le hausse du prix du pétrole. Notre souci c'est que les Français, avec les militants CFDT, expriment ouvertement cette inquiétude le 4 octobre prochain pour que le gouvernement et le patronat en prennent toute la mesure.
Avec sa nouvelle présidente, Laurence Parisot, le Medef offre un changement de visage mais aussi un changement de style. Vous êtes de cet avis ?
-Tout le monde a fait le constat d'un changement de ton... et de style de communication. Mais pour qu'il ait une réelle signification, la CFDT attend du Medef un changement sur le fond...
Sur quels dossiers en particulier demandez vous des gages au patronat ?
Sur l'emploi des seniors, où nous réclamons de vrais engagement pour combattre la discrimination de fait qui frappe les + de 50 ans : nous souhaitons une véritable dynamique de maintien des salariés dans l'entreprise avec des garanties jusqu'à la retraite. Sur la pénibilité, pour qu'au delà des conditions de travail, on trouve des solutions pour les salariés proches de la retraite qui ont passé toute leur vie professionnelle dans des métiers pénibles. Sur l'Unedic, où nous sommes opposés au principe de dégressivité des allocations en fonction de l'ancienneté. Sur les salaires, pour reconstruire de véritables grilles qui offrent aux salariés des perspectives de progression tout au long de leur carrière. Il y a de quoi faire, vous le voyez...
Le dialogue social, dont tous les gouvernements veulent se faire les rénovateurs, est toujours aussi pauvre dans ce pays. Faut-il désespérer ?
Non, mais le pouvoir politique doit changer de culture ! Laissez les partenaires sociaux négocier avant d'élaborer les lois plutôt que discuter après pour les aménager... Ce n'est pas hors de portée. On a bien réussi à le faire pour le droit individuel à la formation, le télétravail ou la convention pour le reclassement personnalisé ! Faisons en sorte que ces trois exemples ne restent pas isolés : tous ensemble, nous devons faire la démonstration aux salariés que nous pouvons leur apporter des résultats concrets par le dialogue social plutôt que par la confrontation. Mais dans la pratique, le gouvernement tourne le dos à cette méthode. Le choix du premier ministre de recourir aux ordonnances pour imposer le contrat nouvelle embauche contredit ouvertement la démarche préconisée dans la loi "Fillon": soumettre à la négociation tous les sujets concernant de près ou de loin le contrat de travail.
Toujours aussi sceptique sur le contrat nouvelle embauche en dépit des premiers chiffres plutôt positifs sur cette innovation ?
Oui. Nous continuons de penser que ce contrat est un outil de précarisation de l'emploi et nous demandons au gouvernement qu'il revienne dessus. Mais nous sommes ouverts pour rechercher des solutions, et le meilleur accord possible (...) pour les PME de moins de vingt salariés qui rencontrent des difficultés économiques.
Vous vous étiez prononcé en faveur du oui, comme la plupart des grands syndicats européens. Le 29 mai a-t-il été une occasion manquée ?
Je le pense. C'est dommage que le débat, en France, se soit fait sur la situation sociale dans notre pays plutôt que sur le texte qui nous était proposé, et le personnel politique français a trop fait porter à l'Europe des responsabilités qui lui incombait... Aujourd'hui la France demande à l'Europe de l'aider sur le dossier de Hewlett-Packard, mais nous lui avons refusé les moyens de pouvoir le faire ! Il est temps d'avoir le courage de dire que beaucoup de dossiers traités à l'échelon européen peuvent ou pourraient constituer de vrais avancées ou de vrais protection pour les salariés.
Le patriotisme économique vous y croyez ? L'État en a-t-il encore les moyens au delà des proclamations d'intention de Dominique de Villepin ?
Cela fait des années que la CFDT réclame que toutes les aides aux entreprises soient conditionnées à des engagements de l'entreprise sur l'emploi ! Il faut entrer dans une démarche de contrat. Prévoir avant et pas après...
Après de sérieuses turbulences comment va la CFDT ? Sans langue de bois...
Sans langue de bois, les turbulences me semblent loin... et les adhésions ont repris. Sur le fond, nous avons engagé de nombreux débats dans toutes les régions et fédérations, créé une véritable dynamique sur leurs revendications et c'est très sereinement que nous préparons le congrès de Grenoble.
(Source http://www.cfdt.fr, le 30 septembre 2005)